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Pourquoi que Indésirable c'est bien.
01 novembre 2017

Hi'.

Il y a eu ce petit puzzle qui a désormais quitté la page d'accueil et que donc à part pour les réfractaires jusqu'en-boutistes il est fini (mais viendez quand même). À un moment j'avais dit espérer que cette énigme nous obligerait à mettre le museau dans les fanfictions du site et je n'ai pas été déçu.

Et pourquoi j'espérais ça ? Parce que ça valorise les textes et ça permet de découvrir des perles qu'on aurait loupées.

Du genre Indésirable.

Alors dire que j'ai lu ce one-shot serait de la mauvaise foi. Au départ j'étais juste là pour voir son adéquation à une charade et pour être honnête le synopsis donne pas confiance. C'est triste triste mort mort mort triste bon okay, la promesse du "moi spécial" laisse juste penser à une survie et donc ouais, j'ai rushé. Je n'ai pas lu les deux premiers paragraphes. J'ai survolé les phrases à partir du troisième et c'est là où la magie a commencé à opérer. Bon j'ai continué à survoler, j'ai raté la moitié des paragraphes (toutes mes excuses) mais ce que j'ai lu m'a tenu jusqu'au bout.

Indésirable donc ce n'est pas l'histoire de Will Smith qui survit à des zombis, c'est l'histoire d'un mort qui essaie d'être vivant. Et ce qui fait que je me sens le besoin prétentieux de faire tout un article au lieu d'un simple commentaire c'est son originalité, à savoir que ce récit de zombis est meugnon.

Voilà c'était le tl;dr, ce texte est bien parce qu'il fait du meugnon avec des zombis, vous savez tout.

On s'en fiche, honnêtement, que le héros soit un zombi, que ce soit révélé dès le départ et qu'il ait encore des émotions de poney. D'autres textes l'ont fait avec eeeeeh, plus ou moins de succès. Mais ils le faisaient pour choquer, pour accentuer l'horreur et souligner à quel point tout il est aaargh regarde je mange ta keupine. Le zombi ne peut pas s'empêcher de mordre, le zombi se regarde faire sans pouvoir rien empêcher, le zombi cède à ses instincts, bla, bla, bla... c'est vu et revu et si le texte avait choisi ce chemin-là, j'aurais lâché l'affaire rapidement.

Mais non.

Le filtre meugnon

Ce n'est pas encore la partie où on spoil, parce que je n'ai pas encore besoin de spoil pour expliquer ce côté meugnon. Dès le départ, le style est meugnon. Les mécanismes utilisés sont ceux d'un texte qui cherche à attendrir, pas à effrayer.

Le premier paragraphe est littéralement le synopsis (soupir) et comme dit il ne présage rien de ce qui suit. Je n'ai pas d'autre mot pour la première phrase du second paragraphe que "maladresse" : "J'ai eu 27 ans ce matin." Cela. N'a. Aucun. Intérêt. Mais alors, aucun. Arrêtez de faire ça. Siouplait. Mais ensuite tu as ça :

Mes amis, ceux qui sont comme moi, sont allé à la chasse ce matin avant que le soleil ne montre le bout de son museau.

Trois choses. La première, évidente, le mot "amis". Sur le fond notre zombi n'est pas seul, sur la forme c'est pas des "survivants" ou "les autres" c'est des potes. La seconde, moins évidente, le long complément "avant que... museau". Sur le fond c'est une précision inutile, on vient de dire que c'est le matin et le paragraphe précédent aussi, mais sur la forme le "bout de son museau" est meugnon. C'est une partie du corps mignonne décrite de façon mignonne qu'on n'utiliserait, normalement, dans un texte d'horreur que pour décrire le bambin avant l'abattoir. Là c'est le jour, le jour il risque rien, le jour c'est le monde, le monde il est joli les petits oiseaux. Apocalypse zombi t'as vu. Troisième élément, corollaire implicite du second : la phrase est longue. Sur le fond la chasse c'est brutal, meuchant pas bô, donc sur la forme tu voudrais couper abruptement pour en amplifier le choc. Mais ici la phrase continue tranquillement et la chasse devient juste un détail, on s'intéresse plus à la température qu'il fait.

Et ça là, cette phrase, c'est tout l'esprit du texte. On va nous décrire un apocalypse zombi à travers un filtre meugnon. C'est ça, l'originalité. Cette phrase comme synopsis n'aurait pas été idéale mais elle aurait fait le café mais noir serré.

Essayons un passage un peu plus choquant, et voyons comment l'horreur est gérée. J'en prendrai deux, aux troisième et quatrième paragraphes :

À ma droite se trouve une vieille amie. Sa robe bleue est percée de trous causées par les gardes licornes, ils s’étaient acharnés sur elle, sans penser que pour la tuer, ce n'était pas le corps qui fallait viser. Elle semble me sourire.

Alors déjà, première remarque, le héros (ou l'héroïne je sais pas lâchez-moi) s'intéresse aux autres. Mais bon, ce pourrait juste être là pour faire "wah regardez celle-là comme qu'elle a souffert qu'elle est méchante maintenant..." donc non, c'est juste une remarque. Deuxième remarque, la description choquante est bornée d'un côté par "amie" et de l'autre par "sourire". Limite si le texte ne te met pas des ballons et confettis. Enfin, la phrase elle-même qui fait mal. Côté fond on a une zombi qui s'est fait taillader et qui a tué des gardes, c'est pas meugnon, mais côté forme le sort des gardes est sous-entendu, on n'a que des trous dans la robe donc pas de gore et au final même si le texte, donc le personnage, plaint son amie, à aucun moment il n'accuse les gardes.

Alors ponctuation de la phrase à part, ce qu'on a là formellement a plus sa place dans un texte au tag "triste". L'événement est arrivé, c'est terrible mais voilà, c'est la faute à pas de chance, Rarity est passée sous une charrette qu'est-ce qu'on y peut. Quand est-ce qu'on visite Applejack à l'hôpital.

Le second passage je ne le citerai que partiellement :

Ouvrant ma mâchoire, je plante mes crocs dans la chair, (...). Je commence à mâcher, lentement pour savourer la chair.

Ce sont les deux premières phrases du quatrième paragraphe. La première phrase compte quatre propositions, j'en ai éliminé deux donnant des détails graphiques (parce que je suis prude) mais essentiellement les quatre sont courtes et directes : mâchoire, chair, détail, détail. Ici il n'y a pas d'atténuation, pas de meugnon, ce passage pourrait être dans n'importe quel texte d'horreur lambda. Le côté cru et cruel, quel que soit sa raison d'être, contraste fortement avec tout le reste du texte : c'est là où je voulais en venir, ce passage est le passage le plus gore de toute la fic'. Ouaip. Enfin dans la mesure où j'ai survolé, hein, mais ouaip.

Bref.

Ici commence le spoil

Je pourrais m'arrêter là parce que fondamentalement j'ai décrit tout l'intérêt du texte, mais il y a encore quelques choses remarquables qui permettront (devraient permettre) de confirmer ce que j'essaie de montrer, et pour ça j'ai besoin d'avancer dans l'histoire. Donc spoil. Mass spoil.

Je vais continuer par un point trivial : les descriptions. Parce que ouais, il peut y avoir telle ou telle petite faute mais soyons honnête, sur la forme ça se tient, c'est solide. Pas de description-fleuve, pas d'inventaire, on nous donne les détails qui comptent et ces détails comptent beaucoup. Tout comme la keupine qui se fritte avec les gardes, on nous décrit avec soin la forteresse pour que le lecteur reconstruise les événements, sans jamais rien en dire. Mais si une partie de ces détails sont là pour reconstruire le sort de la forteresse, les détails qui m'intéressent moi sont ceux qui parlent de la routine.

Alors je pourrais mettre en avant qu'on nous décrit coup sur coup les restes de fête, un poulain et sa peluche et des berceaux, tout cela avec tout juste une mention de lutte une fois, et un peu de sang évoqué une autre. Dans un film d'horreur ce serait la ferme en plein soleil toute neuve avec l'eau courante et les clés sur la porte.

Mais le détail que je mettrai en avant est le bâtiment contenant les berceaux (je crois) :

Serait-ce le premier bâtiment, au moment où la forteresse avait été bâtie ? Les ouvriers auraient fait comme ils faisaient pour une maison. Mais l'épidémie se propageait bien trop rapidement, ils auraient donc abandonné les couleurs et les décorations, laissant place aux simples et ternes maisons qui m’entourent.

Le texte, maintenant que je suis forcé, pour en discuter, de repasser dessus, s’appesantit beaucoup sur le passé, ce qui s'est passé en essayant de ne rien rater et du coup ça perd un peu de sa beauté irréelle. Mais les événements sont quand même bien pensés, et normalement sans que le héros n'ait à se mettre au coin du feu pour nous expliquer quoi que ce soit, on peut reconstruire les faits.

Autrement dit, quand je suis arrivé là j'avais sauté deux-trois paragraphes expliquant la genèse de la forteresse et tout le blablabla sur Twilight et j'insiste : tout cela était inutile. Ce simple passage cité a suffi à donner toute sa légitimité à la forteresse, de "deus ex" improvisé pour le scénario à construction logique et équine faisant écho à d'autres passages. Pas besoin d'exagération, pas besoin de drame, on a dans ce simple détail toute la panique de l'époque.

Mais plus encore que cette évocation indirecte, on retrouve ici le côté meugnon. Pas juste dans l'atténuation, l'évocation de biais les mots choisis gentils, mais aussi sur le fond : même au milieu de la tourmente, les poneys auraient voulu mettre des fioritures. C'est très équin. Le texte réalise la même chose en disant que les vivants font la fête pour oublier, c'est tout à fait équin. Et ça donne vie à ce qui serait autrement juste un gros vivier à pleurs.

D'où ma sorte de mi-conclusion.

Si on refait le même texte en enlevant le meugnon, tout ce qu'on obtient est une excuse pour voir combien le monde il est snif. Et ça d'autres textes l'ont tenté, et ouais je sais que Pinkie Pie a la toux et que Big Mac est étalé sur tout le mur de la grange mais voilà quoi. Si on regarde les événements, c'est du classique : le zombi erre, approche d'une zone de vivants, rien ne l'empêche d'avancer donc il y va, découvre que tout le monde est mort de mort et c'est tout. Exception du twist final que je vais spoiler aussi mais enfin, plus classique que ça c'est difficile.

Mais si on rajoute le meugnon, alors les choses changent. Le zombi n'y va pas pour rien, il y va parce qu'il s'inquiète. Il a besoin de croire que les pégases là-haut sont vivants. Il a besoin de croire que la forteresse est vivante. Il a besoin de croire que quelque part la vie continue. C'est en quelque sorte son identité d'indésirable qui est en jeu, ce qui le sépare encore des déviants. Les enjeux sont complètement différents et la tension change également. Quand il rencontre le poulain, nous on "sait" que le poulain il est mort, l'horreur tomberait à plat, mais on ne sait pas si le zombi va s'en rendre compte, on ne sait pas ce qu'il va faire ni ce que le poulain va faire parce que désormais leurs actions comptent. On ne sait pas si le poulain est un déviant ou un indésirable.

Le twist final n'est donc pas que soudain il y a des poneys, et les princesses, et toussa. La fin est même un peu tronquée, puisque les indésirables ont toujours besoin de manger, donc ouais la population elle est pas stable. Mais enfin bon.

Le twist final est de rendre explicite le thème du texte. De justifier les indésirables. Et de justifier de continuer. C'est le meugnon qui perdure dans l'horreur. Les poneys font un compromis, en mode "bon on est morts mais c'est pas grave" et ils décident qu'ils sont encore des poneys. Encourageant, tragique, effrayant, tout dépend du point de vue, mais c'est une récompense massive pour tout le voyage. Et en un sens, les princesses ont effectivement apporté le réconfort promis.

Ici c'est Equestria

Sur la forme l'histoire utilise les conventions du "triste" (si je puis dire) plutôt que du "sombre", et c'est ce qui lui donne sa force. Sur le fond l'approche est assez unique, en ce que la fin n'est ni bonne ni mauvaise, juste... équine. Et c'est ce qui me fait dire que ce texte est parfaitement adapté au monde d'Equestria.

Alors oui, une fois encore, je l'ai survolé, il y a des paragraphes que j'ai lus lettre par lettre et d'autres que j'ai allègrement sautés et sans doute qu'avec trop de détails, et trop de longueurs potentielles, je ne serais pas si enthousiaste. Mais je voulais finir sur cette note.

Equestria est meugnon. FiM est meugnon. Ce cadre est généralement jeté à la poubelle au moment de faire de l'horreur, à part pour garder les ponettes bien décérébrées, mais ça c'est une convention que les héros sont pas doués. Dans d'autres univers, conclure sur "bon ben on est tous morts mais on fait comme si de rien ?" ben ce serait un brin difficile. Justifier les zombis spéciaux serait arbitraire et à la fin c'est comme si toute l'humanité était des vampires, ouais bon ben pas très positif. Mais ici, ben c'est Equestria. L'amour est une magie puissante, donc okay, okay. Et si la toute fin est macabre, parce que pas grand remord à mordre, ben elle reste enfantine et amicale, et ça donne effectivement des zomponies, des vrais. Des qui ont faim mais qu'ils te font les yeux larmoyants et que même ils se sont lavés les sabots avant.

L'histoire n'est pas poignante parce que tout le monde est mort. L'histoire est poignante parce que jusque dans la mort les poneys luttent pour être des poneys. De l'espoir dans le désespoir et tout ça.

Mais bref, je me suis assez répété, j'avais juste plus eu cette envie de discuter les mécanismes d'un texte depuis longtemps et même si ça sonne un peu creux de ma part ces temps-ci je vais quand même vous inviter, fanficers,
à vos plumes !

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Parlons de la S7.
30 avril 2017

Hi'.

Ai-je besoin de dire que ça va spoiler un brin ?

J'étais parti pour faire un article sur les théories dans les dessins animés -- pourquoi tout le monde s'intéressait à ce qu'il y avait d'écrit sur la main de la gamine d'Infinity Train et pas au train lui-même... -- mais c'était trop hors-sujet pour le site et je suis arrivé au constat que j'avais surtout envie de parler de la S7.

Jusqu'à présent je n'ai vraiment que des retours, très limités, d'anglophones cyniques et si je partage leur sentiment, du "quelle importance désormais" concernant la série au point que j'oublie sans arrêt la sortie du nouvel épisode, mon impression de la saison jusqu'à présent est beaucoup plus nuancée.

En bref.

Lorsque Twily' a choppé ses ailes, un abruti a décrété qu'elle devait se princessifier et on a donc eu droit durant toute la S4 à un porte-manteau royal. Puis, dans une sorte de course à la surenchère, je ne sais pas, ils ont décidé de réformer tout le monde à la volée et maintenant, après un génocide, on a un monde qui ferait pâlie de jalousie la G3 en perfectitude. D'où l'envie de se débarrasser du mane6 et de le remplacer par un nouveau groupe.

C'était censé être le boulot de Shimmer, mais EqG a été une sorte de gros "nope" et donc ils ont remplacé ça par son clone Glimmer, et... et ça marche.

Ouais. Ça marche. L'épisode 2 de la saison est tout bête mais c'est typiquement du S2. Voire S1. Sérieux. Épisode de la S2, "A wing too far", Rainbow Dash emprunte et perd l'unique exemplaire du journal généalogique royal offert par Celestia à Twilight. Le jour où Twi' doit le rendre à Canterlot. Mais en début d'épisode Spike a dit à Twilight qu'elle s'énerve trop alors Twilight contient sa colère et Dash la tanne durant tout l'épisode, pas foutue de retrouver le bouquin parce qu'elle a fait son service météo toute la journée avec. À un moment Twilight doit lancer un sort, Dash la tanne encore, le sort tourne à l'orage et Twilight explique que c'est parce qu'elle était à bout de nerfs. Dash balaie la tempête, retrouve le bouquin dans la foulée -- elle l'avait mis en sécurité depuis le début justement pour ne pas le perdre, avant de ne plus y penser -- puis leçon sur l'amitié et on remballe.

Bon okay c'est tiré par les cheveux mais essentiellement, c'est un épisode S2. C'est difficile d'en suivre plus le standard. Et de fait la série essaie vraiment de "retourner" entre guillemets "aux fondamentaux" avec des petites morales à chaque fois, à l'aide des nouveaux personnages qui n'ont pas encore transcendé à un autre plan de l'existence. Et autant j'ai moi-même ma pile de critiques pour les quatre épisodes qu'on a eus jusqu'à présent (j'en ai spammé le groupe cinéma), autant... je suis frappé des reproches qu'on peut leur faire. Parce que certains reviennent à critiquer la S1-2.

Bon et comme dit mes sources sont limitées, je n'ai qu'un son de cloche.

Il y a la plainte que Celestia ait été dépeinte, à l'épisode 1, comme une idiote, loin de la vision glorieuse du fandom où elle était une déesse omnisciente à la Kira, capable de prévoir tout ce qui allait arriver avec quatorze coups d'avance. Mais... cette vision était fausse depuis le départ. Dès le pilote pour peu qu'on additionne deux plus deux on pouvait voir que Celestia racontait nawak, qu'elle était à côté de ses sabots. La Celestia dont je vois certains faire le deuil, c'est la fanfic-Celestia dans l'épisode du Crystal Empire, qui donne une consigne débile à Twilight pour saboter ses efforts et manquer de détruire le Crystal Empire, tout ça dans le but de... on saura jamais quoi. Alors oui, cette interprétation de Celestia s'est fait démolir, un millier de fanfics sont mortes, mais c'est le jeu. Et la série n'a rien trahi du tout.

Il y a la plainte que Celestia est une Wonderbolt maintenant et que donc elle est nulle. Non. Déjà en S2 on se demandait pourquoi elle n'était pas capitaine des Wonderbolts, après que ceux-ci se soient ridiculisés face à Spike pendant que Dash était occupée à faire des rainbooms et sauver l'univers. Twilight n'a rien à faire maintenant qu'elle est une princesse ? Elle n'avait déjà rien à faire avant. Oui elles ont accompli leurs buts, mais c'étaient des buts débiles de base.

Alors ouais, j'exagère et je vois la différence, mais ça m'amène au dernier point.

La série est parfaitement consciente d'avoir les deux pattes profonds dans la boue. On leur a dit de faire le Twilicorn et ça a été la débâcle. On leur a dit de faire les Rainbow Ponies et ils ne les ont ressorties qu'une seule fois en rêve pour bien les enfoncer. On leur a dit de faire Flurry Heart et ils se sont défoulés visuellement dessus (les ailes). On leur a dit de zapper les changelins et je suis persuadé que là aussi ils se sont fait plaisir avec leur look. Et maintenant ils ont pour contrat de foutre du mane6 partout, des quotas à remplir et l'épisode quatre semble carrément le parodier.

Parce que quand on enlève ce crépis de trois saisons, ben on retrouve la bonne vieille série d'antan, avec des poneys mesquins qui se taclent de bonne humeur et des leçons bien foireuses sur l'amitié comme qu'on les aime.

tl;dr

J'aimerais savoir ici comment vous avez perçu le début de cette nouvelle saison, et quels échos vous en avez eu autour de vous jusqu'à présent (pour les anglophones donc). Est-ce que d'autres ont remarqué cette sorte de... retour aux sources potentiel, ou est-ce que je suis le seul ? Sous-entendu que je me tromperais ? Et essentiellement, dans les grandes lignes, quels sont les reproches qu'on fait à la saison sept, à part d'être, ben, la saison sept ?

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Les jours heureux.
30 décembre 2016

Hi'.

Le 26 décembre, j'ai commencé à planifier "les jours heureux". Le 27 décembre, j'avais l'ébauche d'un plan prévu sur 26 chapitres.

Ils devaient faire 8 pages mais, constatant que ça ne permettrait pas d'exposer la matière que j'avais en tête, je choisissais de les étendre sur 30 pages, en 5 parties séquencées 3-8-8-8-3. Cela représentait 780 pages : totalement impossible. Je me décidai quand même à tenter un brouillon de 2-3 pages pour voir le style que j'adopterais.

Ce que j'ai publié au 30 décembre est le chapitre un.

Comme le chapitre 26 n'arrivera pas avant 2-3 ans, j'aimerais parler ici de ce texte pour ne plus jamais avoir la tentation de le refaire plus tard -- et pour conclure quatre jours intenses.

 

**** **** ****

 

1. L'enjeu des jours heureux

Mes textes sont en général en réaction à ce que quelqu'un a dit ou fait, dans les journaux, sur un forum obscur ou dans les commentaires d'MLPFictions. Ici, en l'occurrence, quelqu'un a suggéré que je n'aimais pas la saison 6.

J'aime la saison 6. J'en suis un défenseur. À mes yeux elle a la qualité des saison 1-2 et après le carnage de la S4 et l'amélioration de la S5, même si la moitié des épisodes m'ont fait grincer les crocs, je suis confiant pour la saison 7. N'en déplaise.

Mais ce n'est plus pareil.

Et j'énonce ici une évidence acceptée par tous. La série a changé d'orientation, c'est juste différent, tant mieux mais ce n'est plus pareil. Et pour moi, même si je considère toujours le Crystal Empire comme le pire épisode de la série, je place arbitrairement le tournant au Twilicorn.

Et non, la série n'avait pas à rester la même. Probablement qu'elle ne le pouvait pas. Probablement que, même si Faust était restée, elle aurait changé quand même. De toute manière, on y voyait quelque chose qui n'y était pas. Ce qui s'est perdu -- à côté de ce qu'on a gagné -- est presque indescriptible.

Alors, plutôt que de perdre mon temps à tenter d'écrire sur le "nouveau" FiM, et incapable de juste faire une croix sur trois à quatre années de poney, décidé à ne pas laisser la paralysie durer j'ai inversé le problème. J'allais écrire une fanfiction mettant en scène, justement, cette différence entre l'ancien et le nouveau FiM.

 

2. L'univers des jours heureux

Ma première idée était de prendre Twilight Sparkle, avant qu'elle devienne une princesse, et de la jeter dans la série actuelle. Si vous connaissez Twilight, elle sera forcément soufflée au départ, mais ne verra aucun problème à ce développement, au contraire.

Alors, pour bien illustrer mon propos, j'ai supprimé les poneys. Je ne vais évidemment pas spoiler quoi ni comment, mais c'est l'idée. Twilight devait découvrir un univers devenu étranger. Et pour que ça marche, il fallait que cet univers suive toujours les mêmes règles : pas de violence explicite, pas de sang. L'univers ne doit pas être hostile. Ce qui, évidemment, n'aide pas pour créer de la tension mais tomber dans la facilité tuerait l'intérêt même du texte. L'univers des jours heureux est un compromis entre ce dont l'intrigue a besoin pour tourner et ce que le thème nécessite pour s'exprimer.

Le but était de redécouvrir Equestria : tout devait être nouveau, surprenant, exotique. Mais, en même temps, il fallait que ce soit "la saison 6", familier, ordinaire, dans la continuité. Là encore, le résultat (toujours en élaboration) est un compromis. Je ne peux pas être aussi inventif qu'avec un univers alternatif.

Je me suis aussi rendu compte qu'avec la disparition des kaillou magik (tm) Equestria n'avait quasiment plus d'artefacts. Ce problème s'est surtout posé le dernier jour, mais j'en avais conscience dès le départ, et là encore je ne pouvais pas soudain balancer des tas de bidules qu'on n'a jamais vus dans la série.

 

3. La narration

Un peu comme pour Silence, la narration est un truquage. Contrairement à Silence, par contre, ce n'est pas une première personne déguisée. Le narrateur est capable de lire les pensées de Twilight, et n'hésite pas à les exposer. De fait, la narration est du point de vue de Twilight, et les rares sorties de ce cadre devraient être sensibles, et perçues comme des maladresses.

Mais il s'agit bien d'un autre personnage.

Le personnage de Twilight Sparkle a le même défaut que dans Silence : il est OOC. Je m'en suis rendu compte en l'écrivant, et je dois sans cesse me corriger pour tenter de la garder un tant soit peu vraisemblable. Mais seule la Twilight du pilote de la saison 1 ("Twilight Zero") serait aussi rationnelle et détachée. La "Twilight One" que j'utilise serait beaucoup plus sensible et crédule, et malgré toutes les excuses que je jette pêle-mêle au long du texte, on sent qu'elle ne sert qu'à exprimer cette voix critique de l'auteur. Sans être un self-insert, ce n'est pas Twilight.

Le personnage du changelin n'a quasiment pas été ébauché au départ, au point que je n'ai choisi son apparence de poney qu'au tout dernier moment. Twilight devait avoir la vision de la S2, lui de la S6. Elle devait lui servir de "conscience".

Mais en planifiant d'autres personnages je me suis rendu compte que juste dire "qui ils sont" ne suffisait pas. J'avais besoin par avance de me faire une idée de leur fonction dans le texte, du type "meurt pour le drama". Aussi pour savoir qui je devais développer et qui je pouvais juste peindre à gros traits.

Le changelin a alors eu pour but de vouloir exactement le contraire de tout ce que voudrait jamais Twilight.

 

4. L'écriture

Le premier jour, j'ai écrit vingt pages. Puis il m'a fallu en réécrire presque la moitié le lendemain, à cause de dialogues tirant en longueur -- dû à la fatigue, surtout -- et de difficultés à arriver où je voulais, mais aussi pour des problèmes d'incohérences, etc...

J'ai aligné 15 autres pages le 28, puis environ 10 pages le 29 décembre. Et 20 pages ce matin. 

Ce rythme est intenable. J'y ai passé mes journées et mes nuits. Et pour y parvenir, forcément, j'ai fait appel à l'écriture kilométrique.

L'écriture kilométrique, pour rappel, est d'utiliser le même style peu importe ce qui arrive. Oublie l'art, aligne les pages. Une exception est pour le tout premier paragraphe, où je devais m'élancer et donc "donner le la", donner le ton. Une autre exception, plus ou moins, est les moments où un personnage chante, et où j'ai improvisé des rimes et de la métrique à mesure. C'est maladroit mais quand on sait ce que signifient vraiment chaque mot, en fait, ça va. Ça va. Je devais faire une séparation toutes les huit pages, mais de fait j'aurais pu ne pas faire de séparation du tout. L'écriture kilométrique permet d'enchaîner tout et n'importe quoi.

 

À partir de là je vais rentrer plus dans le détail.

- Twilight qui s'endort au tout départ ne devait faire qu'une demi-page. Twilight qui rencontre la changeline ne devait en faire que trois. C'est à ce moment-là vraiment que j'ai réalisé que j'allais déborder massivement -- et que, finalement, ce texte avait peut-être une chance. La poursuite, le garde qui bouscule, la téléportation dans la chambre, tout cela était planifié. Mais ensuite je n'avais pas prévu de fuite, et j'ai donc improvisé. Ce qui m'a obligé aussi à définir un peu plus ce que chacun pouvait ou ne pouvait pas faire.

- C'est aussi à partir de l'arrivée à Ponyville que j'ai commencé à réécrire, notamment pour permettre à Twilight de voir le plus tôt possible.

- Mon plus gros problème était qu'il n'y avait aucune raison pour que Twilight ne fasse pas juste : "bon, explique-moi", puis qu'une ellipse la mette au courant d'absolument tout. Un autre problème récurrent sera qu'elle pourrait aller auprès de certains personnages, leur dire "salut, j'existe" et l'histoire finirait plus ou moins là. Je me débats sans cesse, à partir de là, pour justifier que Twilight soit contre-productive à l'infini.

- Je n'avais pas prévu, au départ, de faire le moindre commentaire en-dehors de la différence S2-S6, en fait je me l'étais explicitement interdit (pour ne pas tuer le texte). Mais les thématiques se sont imposées d'elles-mêmes. Aussi, c'est à ce stade que j'ai décidé qu'il y aurait enlèvement, et il y avait une scène où Twilight entendrait les gardes dans la nuit.

- Lorsque Buzzy&Twi doivent fuir par le passage secret, j'ai réalisé que celui-ci serait à la cuisine, que tout le monde les verrait passer, que monsieur Cake n'était pas au courant et, un peu plus tard, qu'il y avait une porte de service donnant sur l'extérieur ! Grand moment d'improvisation.

- On sent dans les galeries le problème que j'ai : impossible de vraiment créer une tension, de développer comme une aventure normale pourrait se le permettre. D'où l'impression que je "meuble", mais en général j'avais plutôt envie de couper court et "d'en finir". Ce remplissage est pertinent. Ah oui et le moulin n'était pas du tout prévu, mais m'a donné l'occasion de suggérer un instant l'envers du décor.

- Le passage de la rivière est aussi amusant que celui du passage secret. J'ai imaginé cette péripétie, j'ai fait "non, c'est trop stupide". Et c'était tellement stupide que j'ai décidé de le faire. Pour parodier l'aventure. Une sorte de "voilà ce qui ne doit plus jamais arriver dans ce texte."

- La fête était prévue, mais pas son déroulement. Je voulais que le lecteur prenne Buzzy en sympathie, mais surtout que Buzzy soit active. Elle n'avait pas eu l'occasion, au Sugarcube Corner, de montrer son côté "je profite". Donc Coloratura (Petiole de son vrai nom). Je ne reviens pas sur les chansons, sinon que c'est certainement ce qui m'a pris le plus de temps.

- À partir de là mon plan disait juste "elles prennent le train". Je savais que Twilight voudrait aller au Golden Oak, au Carousel et au cottage de Fluttershy. Je savais aussi que je refusais de retourner au château de cristal (ce fichu texte est assez long comme ça). Le Golden Oak était plus ou moins prévu, et au milieu de la scène j'ai réalisé que je pouvais créer un lien pour le Carousel. Au départ Palp devait tester Buzzy, "toi, intéressée ? Ah ! Je parie que tu ne sais même pas..." puis Twilight souffle la réponse. C'est aussi là où je me suis dit que tous les changelins sonnaient vraiment pareil, et que j'avais la flemme de décrire vraiment qui que ce soit. Marre. Pas mon problème. Pas pertinent.

- Le Carousel a été imaginé au départ par besoin de trouver comment elles allaient monter dans le train. Le premier plan était qu'elles dénoncent madame Cake, blablabla... mais soyons sérieux, Arista aurait voulu les interroger et fin de l'histoire. Le second plan était donc un personnage qui leur donnerait l'autorisation, d'où Palp et le Carousel.

- Le bidule qu'elle leur donne n'était pas du tout planifié et je suis allé dormir deux heures pour trouver ce que ce pourrait être. C'est là où j'ai décidé que c'était une aventure, Buzzy&Twi devaient impérativement pouvoir collecter des trucs.

- Tout au long du texte, comme dit, j'étais dérangé par le fait que Twilight soit OOC. Je voulais la "remettre sur les rails", lui rendre sa... candeur. La toute fin du chapitre était déjà prévue et j'avais donc, au fur et à mesure, voulu montrer Twilight cédant de plus en plus à ses penchants naturels. Et bien sûr je joue avec ça. Twilight n'a ni raison ni tort. Même si elle avait été gentille dès le départ, Buzzy l'aurait quand même piégée. Mais ça aide qu'elle lui ait tendu le bâton pour la battre.

Et oui, j'avais envisagé que Buzzy&Twi se rendent au cottage, mais sans la moindre idée de ce qu'elles y trouveraient. C'était le lieu où devait se dérouler la fête au départ (d'où le "elle a changé de lieu" dans le texte). Faute de pertinence, et parce que j'avais vraiment envie d'en finir, j'ai fait sauter ce passage.

 

5. Et maintenant

Je dois faire une pause, j'ai une vie qui m'attend, du sommeil à rattraper et le simple fait que je parle du texte risque de le tuer. Si je le continue, 780 pages risquent de ne pas suffire et ça m'aurait déjà pris deux ans. Je ne crois pas pouvoir finir ce texte.

Mais bon sang que ça fait du bien.

Je n'écris que si j'ai quelque chose à dire, et même si les gens ne verront pas le véritable enjeu du texte -- et même en le connaissant ils risquent de ne pas voir en quoi il est mis en scène -- c'est quelque chose qui me démangeait depuis longtemps. Déjà visible à la fin du Griffonic, quand Sunset dit "c'était son Equestria". Un véritable coup de gueule de vieux grognard fan de poneys qui n'a pas envie de laisser mourir sa passion d'antan. Si j'en viens à bout, ce sera le râlage le plus long et élaboré qui me sera jamais venu.

Vous n'y trouverez ni un récit d'aventure, ni une nostalgie de la S2, ni une critique de la S6.

Vous n'y trouverez que la poursuite éperdue de ce que n'a jamais été FiM.

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L'intention.
29 mars 2016

Hi'.

La saison 6 a démarré, le râlage aussi et je vous rassure, on ne parlera pas de l'épisode ici. Par contre, le râlage repose sur une question que j'avais esquissée dans "Parler au lecteur" et dans "Le narrateur", et j'aimerais y revenir ici.

Donc parlons de l'intention.

 

0. L'intention

Vous connaissez tous la règle de politesse qui veut qu'on parle "chacun son tour". On attend que l'autre ait fini de parler, tout ça. De fait, les scientifiques ont observé que les gens appliquaient cette règle avec une précision au dixième de seconde. Cela signifie que lorsqu'une personne finit de parler, une autre peut enchaîner quasi-instantanément. Et c'est la norme. Dans 90% des cas le "tour de parole" passe d'une personne à l'autre sans interruption.

D'où deux questions :
1) Comment les gens savent que l'autre va arrêter de parler ?
2) Comment les gens le savent au dixième de seconde ?

Les gens n'ont pas accès aux pensées de l'autre. On n'est pas télépathes. Donc pas moyen de savoir ce que l'autre "l'intention" de faire. Ce qui reste, donc, c'est le discours, c'est ce que la personne dit. Et ce discours est truffé d'indices sur ses intentions : pauses, hésitations, intonation, débit, mots du type "voilà, bref"... Ce sont ces "indices", ces signaux, ces indications qui permettent aux autres de deviner ce que la personne a l'intention de faire. Et la personne qui parle place ces signaux, inconsciemment, par habitude, pour dire aux gens ce qu'elle a l'intention de faire. C'est ce qui permet aux gens de se coordonner, d'organiser la conversation.

Et pour l'anecdote, même lorsque les gens se disputent ils s'entendent encore sur la manière de se disputer.

Mais cela signifie -- interactionnisme -- que oui, votre discours de tous les jours est truffé de signaux sur vos intentions, et cela vaut pour les textes, cela vaut pour cet article... enfin bref voilà.

 

1. Les personnages

En littérature, l'intention devient calculée. Le littéraire y voit un panneau "veuillez rire" qu'on affiche devant une foule pour qu'elle rie, ou pleure, ou s'émeuve sur commande. L'intention, en littérature, c'est ce que l'auteur a voulu faire, l'effet qu'il a voulu produire.

Comment on la repère ?

Le jour où un débutant se pose la question, sa première réponse est en général les personnages. En tout cas pour moi ça a été le cas. Je vais même citer le texte qui m'a fait expliciter ça (Le cauchemar) :

Alors qu’elle se dirigeait vers la porte de la maison de son amie, un hurlement de désespoir déchira l’air, suivi de pleurs continus. La pégase à crinière rose entra dans la bâtisse cotonneuse, grimpa les escaliers et s’arrêta dans la chambre de son amie arc-en-ciel.
« Dashie… Dashie… Réveille-toi ! C’est pas drôle ! Me laisse pas… Ne m’abandonne pas… Tu vas… pas laisser ta fan… numéro un… toute seule… ? Et… Et l’avenir d’Equestria ? On a besoin de ta Loyauté… Tu vas pas… nous abandonner… »
Une alicorne violette à la crinière blanche et à la queue arc-en-ciel se tenait à côté du lit, effondrée dans ses larmes, hoquetant et suppliant Rainbow Dash de se lever.

Donc là si vous avez pas compris, c'est censé être triste. C'est l'intention du texte. Comment on le sait ? Eh bien, entre autres choses, il suffit de regarder comment les personnages réagissent. Ici, en l'occurrence, Fluttershy ne réagit pas (la pégase à la crinière rose, hein). Idem pour Dash, elle est out. Il reste l'OC qui fait au moins deux choses : sa longue tirade sur le "Dashie snif ton poisson rouge a besoin de toi" (en italiques) et, d'autre part, ses hoquets et suppliques alors qu'elle est "effondrée dans ses larmes" (en gras). Tout ça, ce sont les réactions du personnage.

Et c'est le meilleur indice possible de comment le texte veut que vous réagissiez à une situation.

Si les personnages sont sérieux, la situation est sérieuse. Si les personnages sont déprimés, la situation est déprimante. Si les personnages sont horrifiés, ben c'est horrifiant. Et c'est d'autant plus notable dans les séries animées pour enfants.

Je prendrais l'exemple de... Paw patrol, ce truc pourri qui te fait détester les services publics. Dans le seul épisode que j'ai regardé, les héros de la Paw patrol doivent retrouver un zoziau dans leur jardin. Et ils vont passer deux minutes pour déployer leurs véhicules. Je répète, ils passent deux minutes à déployer des véhicules pour chercher un zoziau dans leur jardin. C'est débile, mais les personnages font comme si c'était normal et sont tout sérieux : l'épisode a l'intention que le public (cible) prenne ça comme étant normal et sérieux. Et autant pour les petiots ça passe parce qu'ils n'ont aucun repère pour juger la situation, autant pour nous autres les adultes c'est comment dire... insultant. Et les personnages nous paraissent décérébrés.

Mais ça pour dire que la manière la plus simple de savoir ce que veut faire un texte (indépendamment de ce qu'il fait vraiment) est de regarder les réactions des personnages.

Et pour l'anecdote les scientifiques font de même pour étudier l'intention dans le discours.

 

2. tl;dr

Ouais j'en viens déjà au tl;dr, j'ai un peu honte et je vais étirer encore un peu.

Les personnages ne sont pas le seul moyen de connaître l'intention d'un texte. Il y a la longueur des phrases, le choix des mots, il y a un peu tout l'attirail de la littérature pour jouer à ça. Par exemple, je parle d'attirail et je dis "jouer à ça" au lieu de dire "il y a tout un continuum du stade phono-morphologique au stade macro-syntaxique et même pragmatique" pas seulement parce que pour vous cette seconde phrase c'est du charabia mais aussi pour signaler que je n'ai pas l'intention d'être précis. Que j'y vais au pif. C'est l'ambiance conviviale, café du commerce.

Et soyons honnête, s'il faut faire l'inventaire de tous les indices possibles ben on n'est pas couchés.

L'important est que :
1) les gens sont capables de deviner les intentions d'une personne à travers son discours,
2) que le discours est fait pour ça en se truffant d'indices et
3) que l'indice le plus évident est les réactions des personnages.

Et les textes peuvent jouer là-dessus. Pensez au héros indifférent de Ponycell, une passivité qui contrevient à la règle fondamentale d'un bon personnage (il agit) mais qui, dans le texte, participe au contraire au côté malsain en forçant le lecteur à cette attitude. Pensez aux réactions de la professeure et de la classe dans Le cours du siècle, et notamment qu'on a accès aux pensées de tout le monde dans ce texte-là, sauf celles de Celestia. Les personnages vous permettent de dire au lecteur comment il doit réagir, et vous pouvez très bien décider que ces réactions soient contraires à vos intentions réelles.

Mais le principal intérêt n'est pas pour l'écriture. Il repose surtout dans la critique, pour comprendre un texte ou, mettons, un épisode. Alors avec tout ce qu'on a dit en tête, je vais vous laisser sur un simple exercice.

Comparez les réactions dans l'épisode des parasprites (saison 1) et l'épisode d'ouverture de la saison 6.

I rest my case, et je m'en remets, fanficers,
à vos plumes !

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À propos de Silence.
13 mars 2016

Hi'.

Maintenant que Silence est fini, je peux enfin revenir sur ce texte.

Deux choses avant de commencer. L'une, j'ai fait un blackout complet sur cette fic'. Je n'en ai parlé à personne, je ne l'ai évoquée nulle part et je l'avais même déclarée en pause. C'est ce qui m'a permis de la mener à terme. Et avouez que vu le titre, c'était approprié. L'autre, je trouve précieux d'avoir l'avis de l'auteur, et comme sur les Chroniques j'aimerais qu'ici plus de gens ayant fini ou sur le point de finir leur saga prennent le temps de faire un article pour nous en parler, leur donner leur point de vue d'auteur. Y compris les plus jeunes.

 

1. Le self-insert

Silence est un self-insert. À l'origine, j'avais vu Silent Scream en page d'accueil et j'ai voulu essayer. Le synopsis me parlait d'un personnage froid et associal, et j'ai donc lu les premières phrases du chapitre six. Non. Non. Ce n'est pas ça, froid et associal. En tout cas ce n'est pas mon expérience.

Au départ, donc, j'avais juste voulu faire un one-shot en reprenant mes souvenirs du lycée-collège. Les deux premiers chapitres sont du pur self-insert. Jusqu'aux chapitres 6-8, le texte se concentre encore majoritairement sur le personnage. Ce n'est que vers ces chapitres qu'on dérive et que l'intrigue elle-même prend le pas.

Silence parle d'un manque de communication.

On n'est pas dans la tête des autres, on n'arrive pas à les comprendre. Ça crée des malentendus, de la méfiance, des disputes. Je passe sur les détails techniques. Le texte propose, face à ce problème, deux solutions. La première, celle de Pinkie : une approche humaine, faite d'émotion, de cercles communautaires et où prime l'intuition (en littérature il y a aussi la notion de "non-savoir", mais passons). La seconde, celle de Twilight : une approche humaniste, faite de raisonnements logiques, de tests empiriques, d'observation froide et où l'esprit critique est une obsession.

Le texte tout entier est à la troisième personne, mais vous pouvez essayer de remplacer tous les "elle" ou les "Twilight" par des "je" et vous verrez que c'est une focalisation interne déguisée. Les premiers chapitres n'hésitaient pas à donner les pensées de Twilight directement. Le style est conçu pour masquer les émotions : présenter un visage insensible derrière lequel fourmillent les émotions. On les nie ou on tente de les ignorer, un peu des deux franchement. C'est ce style, entre autres, qui m'a convaincu de passer du one-shot à la saga.

 

2. L'ellipse

La réplique du "maelström" du chapitre un était gratuite, sans rien derrière, mais je savais déjà pouvoir m'appuyer dessus pour inventer une intrigue. J'imaginais déjà pourquoi elle avait pu dire ça. J'ai continué à tâtonner jusqu'au chapitre trois : typiquement, au chapitre deux, le numéro de téléphone était toujours gratuit et je ne l'ai jamais pleinement justifié derrière.

Le chapitre deux ne m'engageait toujours à rien, mais au chapitre trois je devais me décider : ou m'arrêter à quatre chapitres, ou passer à 12-16 chapitres. Pas question d'en faire plus, je me serais essoufflé. Si je voulais faire plus de quatre chapitres alors il fallait impérativement lancer l'intrigue au chapitre trois (honnêtement c'était déjà un peu tard).

J'ai donc établi mon plan, en douze chapitres (quitte à en faire plus), avec, au chapitre 3, le déclencheur et au chapitre 8 le retournement.

Les chapitres devaient faire huit pages, en quatre parties de deux pages. Vous pouvez vérifier, c'est plus ou moins constant. Le plan général était assez vague et, pour chaque chapitre, j'ai dû passer du temps à le planifier juste avant de l'écrire. Notamment, développer assez de matière pour pouvoir remplir deux pages par partie. Par exemple, au chapitre quatre ce devait juste être le week-end de Twilight avec son frère. Pas assez de matière : Pinkie passe. C'est du remplissage. Même chose pour Brad au magasin. J'ai motivé ça comme j'ai pu mais voilà, quoi, bricolage.

Et bien sûr, tout repose sur l'ellipse.

On change de temps et de lieu à chaque partie, et souvent même d'action également. Parfois il ne s'écoule que quelques heures, parfois un ou deux jours. J'avais, dès le chapitre deux, un plan d'études pour Twilight, et j'ai fait en sorte qu'il y ait une continuité visible, même si au final je n'ai aucune idée du temps écoulé.

L'ellipse est aussi sensible à l'intérieur des parties. On peut s'arrêter sur des détails, mais tout aussi brutalement, en une phrase, expédier le reste du cours. Mais l'ellipse est surtout sensible au niveau de l'intrigue, du discours. Énormément d'informations sont cachées au lecteur. Par exemple, au chapitre dix Pinkie et Twilight passent un accord : Pinkie arrête de lui courir après et Twilight la tient informée sur les expériences. Le lecteur n'a que des bribes et ne peut pas toujours reconstruire le tout : on est en situation de manque de communication, de sous-information. Oui c'est volontaire.

 

3. Icorne

Lorsque j'ai évoqué le maelström, je savais déjà plusieurs choses. Ce serait un prequel. Twilight devrait recevoir Spike. Twilight devrait désirer des amies. Twilight devrait disposer d'un détecteur à deus e- à magie. J'avais tout cela à exploiter et, derrière, le cycle d'Icorne (autrement dit mon fanon d'Equestria).

J'ai donc repris le principe du monstre du Tartare, type Tirek ou les sirènes, piégé dans ce monde sans magie. Pour échapper au piège, ce monstre enferme son pouvoir dans des perles puis va dormir en attendant son heure. Une de ces billes est retrouvée à l'école de Pinkie et une nuit, boom. Pinkie en a vu assez pour le savoir et découvre qu'il y a d'autres billes. Elle part donc en chasse, triche pour intégrer l'école de Twilight, se fait prendre par Airglow et doit passer un contrat avec elle : elle trouve la bille pour Airglow et en échange, elle peut rester.

Le plan dès le départ prévoyait que Pinkie découvre la bille de Twilight, finisse par la dénoncer à Airglow et que cette dernière décide de recruter Twilight. Le retournement devait être Spike. Le plan des chapitres 9-11 se résumait à : "?" et il était déjà prévu une fin abrupte au chapitre douze.

Et maintenant, tout un tas d'anecdotes inutiles :

  • La fin prévue était que Twilight réveille le monstre et le batte, avec ou sans l'aide de Pinkie. Ouais ça a été vite abandonné.
  • Airglow était censée avoir sa propre bille, mais épuisée. Dans une scène, elle allait vouloir la montrer à Twilight, seulement pour découvrir que Pinkie la lui avait volée en douce. À la fin, Twilight était censée utiliser la ville vide pour neutraliser celle active. J'ai décidé à mi-chemin que ça cassait un peu le mythe et le MLP n'est plus qu'une tradition de recherches sur ces phénomènes inexpliqués.
  • Oui, c'est Brad au chapitre 7. Twilight devait acheter un téléphone, j'ai fait du remplissage. Puis j'ai découvert que mes personnages devaient avoir environ 15-16 ans et que j'avais peut-être écrit quelque chose d'illégal. Donc quand, vers le chapitre 10, j'ai eu l'occasion de le faire revenir, j'ai sagement oublié son existence.
  • Le monstre était censé exister. Attiré par l'activation de ses billes, il devait tourner autour des deux filles, parler dans le téléphone, ce genre de choses. À partir du chapitre 6, cette idée a définitivement été abandonnée.
  • Airglow n'avait pas de nom jusqu'à l'instant où j'ai été forcé de lui en trouver un. J'ai même wiki pour le trouver, si ça c'est pas du boulot...
  • Parlant de wiki, j'ai passé des heures sur l'histoire du Canada, des jours sur la physique quantique et ainsi de suite, en plus de récupérer des souvenirs d'école pour les cours de biologie et d'économie. J'ai passé la fic' à m'amuser à ponifier les noms, mais aussi à donner des indices pour théoriser le fonctionnement de la magie. Et bien sûr, la mention à Port-Royal...
  • L'ellipse c'est pratique. Par exemple, ça m'évite d'avoir à avouer que je n'ai, mais alors, absolument aucune idée de ce que Shining fiche chez les militaires, ce qu'il y a fichu et pourquoi il a envoyé Spike. Ce mec est pas net.
  • Lorsque Pinkie est à l'arrêt de bus, au chapitre quatre, elle suivait son pendule.
  • Le monstre n'avait pas d'identité jusque vers le chapitre huit où j'ai imaginé Pinkie donnant le livre à Twilight ("non-savoir", à nouveau). Or Icorne a un monstre pour ça : Mute. En gros une ombre de rats avide de savoir, qui dévore la connaissance et susurre des vérités à l'oreille des gens. Avec les conséquences que Twilight a pu vivre. La mention de Victoire est une référence à la "Victory's tale", un texte en anglais qui fait quelque chose comme 13 chapitres de 30 pages. Et qui devait en faire 26.
  • Oui, l'accident du chapitre 11 est un mini-blitz pareil à Bronify.

Tout cela pour souligner d'une part le côté freestyle du texte, d'autre part le travail de réécriture pour changer des parties, modifier sans cesse le plan et essayer de ne pas trop dériver de ce qui fait le coeur de l'histoire. Une fille froide et associale.

Mais bon, allez, juste pour la fin : au départ l'intrigue devait juste être une excuse pour justifier que Twilight soit OOC. L'influence de Mute qui aurait détraqué le monde. Mais l'autre explication était que Moondancer avait dû quitter l'école de Twilight (pour finir dans celle de Pinkie... ouais).

 

4. Bon mais alors ?

Faire ce texte a été particulièrement excitant parce qu'en l'écrivant j'avais l'impression d'être replongé dans la masse. De n'être plus personne. J'ai regardé les vues, estimé que je devais avoir 10-20 lecteurs et constaté que passé les premiers chapitres j'étais devenu invisible. Et j'ai enfin pu être dans mon élément. Dans l'ombre.

Bien sûr j'avais oublié le système des abonnements, et cela m'inquiète un peu pour les nouveaux qui n'auraient pas ce soutien-là, mais inversement on est assez peu nombreux pour qu'ils soient visibles (ça a ses avantages) et les aventures / romances / comédies sont faites pour avoir du succès.

Silence n'est pas un texte très ambitieux.

Il est court, il est simple, il ne s'y passe pas grand-chose. Mais c'est ce qui m'a permis de le finir. Face au monstre de Bronify, qui n'est qu'un nain face au projet d'Icorne, c'est mieux que rien. Outre ces deux pavés j'ai encore un tas d'idées mais pour le moment j'aimerais surtout retourner lire les autres, et briser le silence.

Autrement dit, fanficers,
à vos plumes.

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L'objectivité.
05 mars 2016

Hi'.

Ceux qui étaient là pour le stream d'hier ont pu m'entendre déblatérer sur quelque chose qui pour moi va de soi et qui touche directement à la manière dont on commente les textes. La question fondamentale est de savoir "si" on peut être objectif sur un texte, ce que ça veut dire, et si oui alors "comment".

Alors allons-y.

 

C'est quoi, être objectif ?

Si je dis "j'aime les poneys", je suis subjectif. C'est une opinion personnelle. D'autres peuvent ne pas aimer les poneys.

Si je dis "Spike est un dragon", c'est objectif.

Ce n'est pas un fait. Ce n'est pas la vérité. La vérité on ne la connait pas, la vérité n'a aucune importance. "Spike est un dragon" est également une opinion, mais c'est une opinion imposée à tout le monde. Vous vous devez d'avoir cette opinion. Vous pouvez avoir une autre opinion, genre "non Spike est une machine à laver" mais vous êtes juste là pour faire 'èch le monde, vous êtes subjectif.

Dans tous les cas, on parle d'opinions. Certaines opinions sont subjectives (= personnelles), d'autres sont objectives (= communes).

C'est important parce que certains vous diront que telle chose est objective alors que pour vous elle ne va clairement pas de soi. Genre "mais ce texte est génial ta gueule t'es trop con" où la personne en face de vous est vraiment, sincèrement persuadée qu'elle est objective. Que ce n'est pas juste son avis personnel. Essayer d'être objectif, c'est avoir la prétention que l'opinion qu'on donne va s'imposer à tous. C'est extrêmement fort. Et risqué.

Testons :

1. Dans It's about time, Twilight voyage dans le temps.
2. Le double-épisode du Crystal Empire était pourri.
3. Les deux étoiles filantes que voit Applejack symbolisent ses parents (morts)

Qu'est-ce qui est objectif ? Qu'est-ce qui est subjectif ? La plupart d'entre vous devraient répondre (1) et (3), parce que le (1) c'est un peu dans le synopsis et le (3) c'est confirmé par le studio. Et là vous venez de répondre à la seconde question.

 

Comment on est objectif ?

En se donnant des règles.

Par exemple, dans le fandom on a la règle du "canon" : séparer ce qui est officiel de ce qui ne l'est pas. C'est pour ça que les gens se déchirent pour savoir si le comic IDW est canon ou pas. Le canon définit ce qui est objectivement le cas dans FiM, et tout le reste est réduit à de la subjectivité : les gens sont libres d'accepter ou de rejeter l'opinion.

Mais que se passe-t-il si quelqu'un utilise une règle différente ?

Eh bien, prenons "It's about time". Est-ce que Twilight a voyagé dans le temps ? D'après la théorie des mondes possibles, non. J'introduis une nouvelle règle (les mondes possibles) et d'après cette règle ce n'est pas du voyage temporel, donc je peux sans autres dire non. Et pourrir la vie aux gens.

Les gens vont me répondre que je suis subjectif parce que j'introduis une règle de nulle part et c'est justement ça l'intérêt de l'objectivité : une communauté se met d'accord sur un ensemble de règles, et va juger les opinions à l'aide de ces règles. C'est ce que fait la science : on utilise la méthode scientifique, un ensemble de règles, pour (in)valider nos connaissances. Si quelqu'un décide d'utiliser des règles différentes, il peut obtenir des résultats complètement différents.

Ce sont les règles qu'on adopte qui décident de ce qui est subjectif ou objectif, de si une opinion est personnelle ou commune.

Et comment on décide des règles ? En général on n'est même pas conscient qu'elles existent. Votre oeil filtre les couleurs, donc pour vous tel objet est vert et point barre. Votre corps a fixé des règles pour vous, alors que la science va vous dire "non mais c'est des fréquences d'ondes... y a pas vraiment de couleurs..." De même, tout le monde a peur du noir. C'est instinctif, un vieux mécanisme de survie. Donc objectivement pour nous, parce qu'on suit cette règle, l'obscurité fait peur. Et la nuit c'est pas bien. Alors que d'après les règles de la science, c'est complètement subjectif !

C'est aussi pour ça que la logique est si importante. La logique est pour ainsi dire la science des règles. Et autant on peut s'inventer toutes les règles qu'on veut, autant notre cerveau est programmé d'une certaine manière, à travers l'évolution : l'humanité partage une logique propre à elle, des règles "universelles" qu'on n'a toujours pas cernées.

Donc il y a des règles qu'on ne connait pas qui nous font préférer certaines règles plutôt que d'autres et ces règles-là, dont on est conscient ou non, nous font décider si telle opinion est objective ou non. Facile.

Ce qui nous amène aux textes.

 

Les règles d'un texte

Tout le monde se forme une opinion sur un texte. Et on dira que ces opinions sont subjectives. Mais alors comment se former des opinions objectives d'un texte ? Avec un ensemble de règles. Quelles règles choisir ?

La littérature est la science des textes. C'est son boulot de trouver de telles règles.

Alors entendons-nous. Il y a des tas d'autres manières, des tas d'autres paquets de règles qui doivent exister pour évaluer un texte. Par exemple l'ad populum : "Les gens aiment le texte donc il est bon." Paf. C'est une règle, si vous la suivez vous pouvez objectivement dire quel texte est bon, quel texte est mauvais et même comparer les textes entre eux avec la facilité d'un statisticien.

Mais moi je suis un littéraire. Donc on va parler des règles de la littérature.

Et c'est là que ça va devenir (encore plus) technique.

Quand on parle de "texte", pour la littérature ce mot désigne purement et uniquement de l'encre sur du papier, ou à notre époque des octets dans un fichier d'ordinateur, des pixels sur votre écran. N'importe quel support pour y aligner des mots, pour y former des phrases, mais un support uniquement. Ce n'est que dans un second temps que le texte va raconter une histoire, dire quelque chose : il faut pour cela l'intervention de l'esprit humain.

texte + lecteur = histoire

D'autre part ces mots ne viennent pas de nulle part, quelqu'un a dû les y disposer. Ce quelqu'un est celui qui a écrit l'histoire, d'où d'intéressantes questions philosophiques mais surtout :

auteur + histoire = texte

Ce que la littérature essaie de dire par là est qu'on ne peut pas observer l'histoire, l'histoire n'existe pas. L'histoire est fondamentalement subjective. Ce qui est objectif, c'est le texte. Ce qui est objectif, c'est le lecteur. Ce qui est objectif, c'est l'auteur. Ces trois choses-là, oui, on peut les observer, et c'est une condition nécessaire pour la science afin de déclarer une chose objective : qu'elle soit observable.

La littérature se sépare donc en trois écoles, chaque école se dévouant à étudier la littérature sous l'angle de l'auteur, du texte ou du lecteur. Ceux qui s'intéressent à l'auteur vont étudier ses journaux, ses notes, ses brouillons, les entrevues qu'il a données, tout ça : afin de comprendre comment à partir de l'histoire qu'il voulait écrire il a obtenu son texte. Ceux qui s'intéressent au lecteur, en retour, vont étudier les réactions, commentaires, la diffusion, le type de public... afin de comprendre comment, à partir du texte, le lecteur y a vu telle ou telle histoire.

Et ces deux histoires, celle imaginée par l'auteur et celle qu'y voit le lecteur, peuvent être radicalement différentes. Ils n'y lisent simplement pas la même chose, ce qui vaut aussi d'un lecteur à l'autre.

Et enfin il y a mon école, celle qui a décidé qu'il y a le texte et rien que le texte.

Étant de cette école, je me moque éperdument de ce que l'auteur me dira sur son texte. Enfin non, ça me permet d'évaluer mes règles mais fondamentalement c'est au texte, et uniquement au texte, de me dire ce que l'auteur avait en tête. Et de même, je me bats les steaks mais d'une force de ce que pensent les lecteurs. Une fois encore, ça me permet d'évaluer mes règles mais fondamentalement c'est au texte, et uniquement au texte, de me dire ce que le lecteur est censé y voir.

Et là je sais que je viens de vous balancer pas mal de pavés alors faisons une pause.

 

L'analyse de texte

Quand vous êtes à l'école, en cours de français, on vous barbe avec l'histoire de l'auteur, les dates tout ça, qu'y avait les guerres de religion et qu'est-ce qu'on en a à cirer. Puis, durant l'examen oral, on vous demande de remettre le passage dans son contexte. Pourquoi ? Pour avoir une idée de l'auteur et du lecteur.

Mais maintenant disons que vous avez complètement oublié d'étudier et on vous donne tel passage :

... Celestia retomba durement sur les rochers. Sombra se posa derrière elle avec un sourire féroce. L'alicorne tenta de se relever mais ses pattes la trahirent et elle retomba sans forces.

Elle regarda autour d'elle ses pauvres gardes qui se battaient encore. Rainbow Dash se débattait face à trois ombres qui la lacéraient de toutes parts. La crinière arc-en-ciel était déchirée. Plus loin, Fluttershy reposait sur le sol, gémissante, et une Rarity épuisée la protégeait avec l'énergie du désespoir. Un dôme de magie bleu clair les recouvrait toutes deux. Le dôme diminuait sous les coups des ombres maléfiques.

Le regard de la princesse s'arrêta un instant sur son ancienne élève, la princesse de l'amitié, Twilight Sparkle dont elle avait été si fière. La jeune jument était en train d'achever un garde solaire à terre. Le sourire de la jument était atroce.

Celestia sentit l'ombre de Sombra sur sa nuque...

Voilà. Vous avez votre texte. Vous ne savez absolument pas qui l'a écrit. Vous savez que ce n'est pas Vuld parce que Vuld n'écrit pas comme ça -- et vous pouvez objectivement le prouver -- mais ça pourrait même être une traduction anglaise de Parfetin_Konu8821 pour ce que vous en savez. Et idem, à part que ce sont des bronies vous ne pouvez pas prédire qui va lire ce texte.

Donc. Qu'est-ce que vous pouvez dire sur ce texte ?

Le premier réflexe est de paraphraser. Et là pour résumer ben les gentils sont en train de perdre. Ce qu'on vient de faire, là, c'est d'exprimer une opinion personnelle : en tant que lecteur, on vient de créer l'histoire. Ça, c'est notre histoire. Et on va se demander ce qui dans le texte nous a fait la créer. Par exemple, c'est la guerre. Comment vous le savez ? Ben... ben regardez le texte :

"gardes" - "battaient" - "débattait" - "lacéraient" - "déchirée" - "protégeait" - "dôme de magie" - "coups" - "achever" - ...

Ou encore, ça va mal. Comment on le sait ? Idem, regardez le texte : "durement", "trahirent", "pauvres", "gémissante"... ce qu'on fait là s'appelle des "champs sémantiques", c'est un outil de la littérature pour analyser le texte. Relever tous les mots qui ont une même idée en commun (la guerre, le fait-que-ça-va-mal, etc...). Des outils comme ça on en a un tas d'autres qui vont vous permettre de comprendre pourquoi vous avez lu telle histoire dans ce texte.

Mais.

En même temps que vous faites ça, vous pouvez appliquer ces mêmes outils pour voir s'il n'y a rien dans ce texte qui nuit à l'histoire que vous avez vue. S'il n'y a rien qui va à l'encontre de cette histoire. Comme, je ne sais pas moi, tous les lieux communs :

"retomber durement" - "sourire féroce" - "retomber sans forces" - "avec l'énergie du désespoir" - "achever un X à terre" - "sentir X sur sa nuque"...

Mais enfin là ce passage de texte est en train d'empiler tous les poncifs éculés qu'il peut trouver et nous les rabâche pêle-mêle n'importe comment. On répète "retomber" deux fois, on a une énergie du désespoir pour pas de raison, "dôme" également répété deux fois et on nous précise la couleur du dôme parce que c'est clairement ce qui est essentiel là tout de suite... et puis bordel, "sentir une ombre sur sa nuque" ?! T'avais à ce point plus d'imagination ?

Comprenons-nous. Si le texte était comique, tout ça serait positif. Parce que là en fait cette scène essaie tellement de faire snif qu'elle en fait rire. Mais d'après l'histoire qu'on en a tirée nous, le but du texte est d'être très sérieux au contraire, on veut vraiment y croire au drama. Et donc ce qu'on vient de relever est contre-productif.

On pourrait s'arrêter là, mais on n'a fait que la moitié du travail.

Et si le texte était véritablement comique ?

Peut-être que nous sommes un "mauvais" lecteur, peut-être que l'auteur voulait faire une comédie. Donc on refait la même chose. On applique les mêmes outils d'analyse, cette fois dans l'optique de voir ce qui dans le texte produit une histoire comique, inversement ce qui l'empêcherait.

Dans ce qui l'empêcherait, par exemple, il y a le fait que tout est du point de vue de Celestia. Or -- et limité à ce seul passage -- Celestia a été fière de Twilight. Et on voit Twilight faire des trucs qui clairement ne doivent pas lui plaire. Présenté ainsi, l'effet est celui de la trahison, et le lecteur étant mis à la place de Celestia va le ressentir aussi comme une trahison. Pas vraiment de quoi rire.

Donc non, on peut dire objectivement, d'après nos outils d'analyse, que le passage veut faire du drama entre défaite et trahison. Et ces mêmes outils d'analyse nous permettent alors de dire ce qui, dans ce passage, va à l'encontre de cet objectif. Mais tout ça, d'après nos outils, se trouve dans le texte et uniquement dans le texte.

 

tl;dr

Donc oui. On peut être objectif.

Mais cela ne signifie pas qu'on énonce une vérité vraie. Seulement que, d'après un ensemble de règles précis, on obtient tel résultat. Et pour refuser ce résultat il faut soit pouvoir l'invalider avec ces mêmes règles (non mais "sentir l'ombre sur sa nuque" c'est une métaphore), soit rejeter les règles elles-mêmes (de toute manière j'ai 93% de gens qui aiment).

Est-ce que ces outils sont fiables ? Eh, ils valent ce qu'ils valent. Et il est très facile de mal les appliquer. Notamment en s'arrêtant en milieu d'analyse parce qu'on est un planqué.

Mais surtout, ces outils n'ont pas pour but de dire si les gens doivent ou non aimer un texte. Ça, c'est une demande de la société à laquelle fondamentalement la littérature ne peut pas vraiment répondre. La littérature, mon école en tout cas, peut seulement déduire du texte l'histoire que le texte veut raconter, et de là déterminer si le texte y arrive.

Et donc pour ceux qui n'ont pas tl;dr l'article, (2) est objectif.

Pour ceux qui ont tl;dr je rappelle que les avis subjectifs ont tout autant sinon plus d'intérêt, l'important c'est de commenter ou d'écrire, donc fanficers,
à vos plumes !

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Le narrateur.
23 janvier 2016

Hi'.

Ça fait depuis Nihil verum que j'ai ce sujet en tête, et les discussions récentes m'y ramènent. Donc si vous le voulez bien et que vous avez un peu de temps, parlons du narrateur.

Et pour parler du narrateur, commençons par parler des dialogues. Promis y a un lien.

 

0. Les dialogues

À l'école, on vous apprend qu'un texte se divise en deux parties : la narration et les dialogues. Les dialogues, c'est tout ce qui est après un tiret, ou entre parenthèses suivant le système adopté. Les dialogues, c'est surtout le moment où les personnages parlent, où "on les entend". Et question de rester scolaire, un dialogue est formé de "répliques" :

Dialogue :
"Salut Twilight !" Dit Rarity (réplique 1)
"Salut Rarity !" Dit Twilight (réplique 2)
"Comment ça va ?" (réplique 3)
"Bien et toi ?" (réplique 4)

La narration c'est tout ce qu'il y a autour. Bon. Allez restons sur les bancs jusqu'au bout et mentionnons rapidement la notion de discours "direct / indirect / rapporté". Discours direct : le personnage parle directement. Indirect : un autre personnage rapporte ce qu'il dit. Rapporté : la narration rapporte ce qui a été dit.

"Tu pourrais nous aider un peu !" (direct)
"Twilight a dit que je servais à rien !" (indirect)
Spike se plaignit à Donuts Joe du manque de considération équine à son égard. (rapporté)

Fin des cours, et maintenant la question d'examen : qu'est-ce qui fait un bon dialogue ?
J'en sais rien.
Mais dans la catégorie des poncifs éculés, on a quelques règles du pouce. Par exemple :

1) Les répliques devraient correspondre aux personnages.
Deux personnages n'ont pas la même manière de s'exprimer. Rarity dira "Twilight, très chère !" tandis que Twilight dira "bonjour Rarity !" avec ce petit brin de politesse qu'on n'attend pas de Dash : "Eh salut !" Alors bien sûr ce n'est pas toujours possible mais l'idée est que si on n'a pas besoin de préciser qui parle pour que le lecteur le devine, alors le dialogue est réussi.

"Je ne m'abaisserai pas à gratter la terre avec des rustres !"
"T'es vraiment bornée quand tu veux, tu le sais ça ?"
"Les filles, s'il vous plaît, on est en mission."

L'idée est que le dialogue va exprimer la personnalité de tel ou tel poney, et tant pis si en général on exagère au point que ça en devient caricatural et ridicule -- voire on copie-colle carrément des répliques de la série, question d'enfoncer le clou.

2) Les personnages ont un but
La pire erreur dans un dialogue est de commencer par "salut - salut - ça va ? - ça va". C'est ce que fait le débutant parce que c'est comme ça que commence une vraie conversation, mais la taille du texte et l'attention du lecteur ne le permettent pas.
On dit alors de se concentrer sur ce qui est pertinent, et la tentation est alors de ne retenir que ce qui est lié à l'intrigue, à l'enjeu du texte. Par exemple, tel dialogue pour révéler que c'était Blueblood qui avait volé sa propre broche, ou alors tel autre dialogue pour apprendre où est le camp des griffons. On a alors des dialogues instrumentalisés, complètement impersonnels et dont on dit en général que "la narration aurait très bien pu le faire seule".
Bref, du gâchis.
C'est pour ça qu'en général je dis plutôt aux gens de se concentrer sur les buts du personnage lui-même. Quand il parle, il a une idée derrière la tête, et l'intérêt du dialogue est de faire jouer cette idée. Dash n'a pas vraiment envie d'aller taper sur les griffons. Spike aimerait qu'on cause logistique. Twilight veut qu'ils s'accordent sur le meilleur chemin. Ce sont autant d'objectifs contradictoires qui vont s'entrechoquer durant le dialogue.

"On pourrait passer par le col vert, vous en dites quoi ?"
"Je sais pas... c'est pas idéal ? Tactiquement parlant ?"
"Pas le col vert, d'accord. On pourrait tenter la passe Roe ?"
"Ouais... ça semble pas super. Au niveau stratégique."

Bon là c'est surtout pour la blague mais c'est le principe. Mon professeur d'anglais, il y a longtemps, parlait d'une partie de ping-pong où chacun se renvoyait la balle, et c'est l'impression qu'on aimerait obtenir. Des buts différents en conflit plus ou moins ouvert à travers chaque réplique.

 

1. La narration

Maintenant qu'on a rapidement récapitulé comment les dialogues fonctionnent, plus ou moins, venons-en à ce qui nous intéresse. Le narrateur.

En communication, on a une question à appliquer partout : "qui parle à qui ?" Tel personnage parle à tel personnage, très bien. Mais dans le cas du texte ? Ce n'est pas l'auteur qui, à travers le texte, parle au lecteur, en tout cas pas directement. L'auteur il est loin, il fait autre chose voire, il est mort. Et il y a souvent des choses que le texte dit mais que l'auteur ne pense pas. Bref, le lecteur a besoin d'un autre interlocuteur.

C'est le rôle du narrateur.

Le narrateur est un personnage qui raconte l'histoire. Là à nouveau on retourne à l'école et on parle de focalisation, que je décris personnellement comme les connaissances dont dispose le narrateur. Si le narrateur est omniscient (il voit tout sait tout comprend tout), on parle de focalisation zéro. Si le narrateur n'a qu'une connaissance limitée, tel un observateur sur le bord de la route, on parle de focalisation externe. Si le narrateur, outre ces connaissances limitées, a accès aux pensées d'un personnage, on parle de focalisation interne : le narrateur est ce personnage.

C'est important parce qu'on a tendance à décrire la focalisation à travers l'alternance première / troisième personne. Texte à la première personne ? En "je" ? Le narrateur est un personnage. Texte à la troisième personne ? En "ils/elles" Plus de narrateur.

Foutage de gueule. Le narrateur a mille autres manières d'intervenir. Chez le débutant on remarque surtout les "commentaires" que le narrateur peut faire assez souvent :

1) Applejack acheta la pomme et mordit dedans. Elle en tomba raide morte. C'était quand même pas de bol.

Ici la dernière phrase est un commentaire du narrateur, il est en train de donner son avis, il intervient assez directement. Et ces commentaires peuvent être subtils, déguisés :

1a) Applejack acheta la pomme et mordit dedans. L'instant d'après elle s'effondrait. Un simple accident.

Une fois encore, la dernière phrase est un commentaire du narrateur, mais cette fois déguisé comme un "fait" appartenant bien à l'histoire elle-même. Dans les faits, chaque phrase de la narration transpire des commentaires du narrateur. Prenez simplement la seconde phrase : "tomba raide morte" / "s'effondrait", le registre n'est pas le même. Le premier se moque, le second essaie d'être dramatique, mais bref. Ce n'est pas le même ton, pas le même point de vue.

Et c'est là où ça devient intéressant.

 

2. Comme un dialogue

Parce que quand je dis que le narrateur est un personnage, je veux vraiment dire que c'est un personnage. Comme n'importe quel autre personnage de l'histoire. Et cela signifie qu'il fonctionne exactement comme n'importe quel autre personnage de l'histoire.

Et cela signifie que toute la narration fonctionne comme un seul gigantesque dialogue.

Donc, tout ce qu'on a dit sur le dialogue s'applique à la narration.

Or qu'est-ce qu'on a dit sur le dialogue ? Bon, vous rien mais moi là, j'ai mis en avant deux points : le dialogue exprime la personnalité du personnage et le personnage a un but. C'est tout aussi vrai pour le narrateur : sa personnalité donne le "ton" du texte et son but donne la direction. Le narrateur ne vous raconte pas cette histoire pour des prunes, il a une arrière-pensée, une idée derrière la tête. Et tout comme pour le dialogue, ces deux règles du pouce permettent d'évaluer votre narration.

2) Twilight entra dans la chambre. Il n'y avait rien. Elle ressortit et croisa Spike. Elle demanda à Spike s'il avait vu Rarity. Spike répondit que non. Twilight alla à la cuisine et chercha encore. Pendant ce temps-là, à Canterlot, Rarity explorait la ruelle sombre.

Essaie de te représenter le narrateur. Là, maintenant. C'est quoi son but ? À part s'ennuyer à mort. C'est quoi sa personnalité ? On dirait un distributeur de billets. Pitié ! Ce n'est pas un humain c'est un meuble !

Donnons-lui de la personnalité, mais aucun but :

2a) Twilight ramena son museau dans la chambre. C'était le vide sidéral. Elle fronça sa frimousse et alla dare-dare coller Spike, question de lui arracher où se terrait Rara'. Spike en savait que dalle...

Voilà, là on a un narrateur haut en couleur, le genre accoudé au bar ou désespéré d'avoir l'air kweul parce qu'il utilise des mots populaires tavu ? Mais niveau but, bah il lit son texte. Pis c'est tout.

Donnons-lui maintenant un but, mais pas de personnalité :

2b) Twilight entra dans la chambre. Elle doutait. Elle en riait. Elle ne trouva rien. Elle ressortit et croisa Spike. Elle demanda à Spike s'il avait vu Rarity. Spike répondit que non. Elle avait peur à présent. Twilight alla à la cuisine et chercha encore...

On a rajouté deux-trois phrases qui sont, voir plus haut, des commentaires du narrateur, question de nous dire comment voir les choses. Là, en l'occurrence, ce qui l'intéresse c'est la manière dont Twilight réagit. Son but ? Nous faire partager le stress de la princesse en herbe. Son but ? Un compte à rebours pour Rarity. Son but ? Rarity a menti. Son but ? Dénoncer les conséquences d'une vie de mensonges.

Alors ouais il s'y prend super mal mais là le narrateur essaie de dire quelque chose. Il aurait pu se concentrer sur un tout autre sujet, au travers de la même histoire :

2c) Twilight entra dans la chambre. Il n'y avait rien. Elle ne pensa pas à ouvrir les tiroirs. Elle ressortit et croisa Spike. Elle demanda à Spike s'il avait vu Rarity. Spike répondit que non. Elle ne pensa pas à lui poser d'autres questions. Twilight alla à la cuisine et chercha encore...

Même histoire, intérêts complètement différents, cette fois sur l'incompétence de Twi' -- ou le mélange de confusion et de confiance qui entravent ses recherches. Une fois encore c'est fait à la truelle, notre narrateur a les émotions d'une pierre tombale mais il impose son point de vue à l'histoire, quelque chose retient son attention et donc quelque chose va retenir l'attention du lecteur.

Maintenant, essayons le combo, personnalité et but :

2d) Twilight entra dans la chambre, fit quelques pas, fouilla du regard les meubles proprets et désaffectés, comme alanguis par l'absence. Le lit avait été refait avec soin, et plus loin, sur le petit bureau chargé de bibelots et de fleurs, il y avait encore la correspondance datée d'avant-hier. Le reliquat de parfum dans l'air, persistant, feignait la présence de la licorne. Sur les enveloppes, trop d'adresses de trop de gentlecolts de Canterlot.

Alors oui blablabla description dynamique toussa, on suit Twilight qui découvre la pièce et remarque ceci ou cela et tout cela nous amène à constater l'absence de Rarity, avec en filigrane ses intentions. Le lecteur le sait déjà mais on devine peu à peu que Twilight à son tour le comprend.

Donc du point de vue du narrateur, on a un but : Twilight réalise que Rara' s'est payée sa tête. Mais il a un autre but : en décrivant la chambre, il veut décrire Rarity, le caractère de Rarity. "Propret", "alanguis", "soins", "bibelots", "parfum", "feindre"... il y a énormément de termes qui, en associant la chambre à Rarity, tendent à la décrire également. Donc non, le narrateur ne veut pas juste faire avancer l'intrigue. Il est en train d'approfondir un personnage. Il vous en partage l'intimité. C'est ça qui l'intéresse -- même si en écrivant ce paragraphe c'était pas du tout ce que j'avais en tête. J'y suis allé yolo.

Point de vue personnalité ? Bon là c'est ma voix générique, mon écriture par défaut. Mais oublions. Le narrateur se veut posé, tranquille, détaché. Il attache les phrases ("... fit quelques pas, fouilla..."), il s'attarde sur les détails, il les donne en feignant l'air de rien. C'te pourriture. Mais ce qui le trahit, c'est la dernière phrase : "trop de... de trop de..." qui montre qu'il se retient. Il feint le calme alors qu'il y a urgence, que tout hurle de s'affoler.

Bref, niveau personnalité c'est pas incroyable mais ça a le mérite d'exister.

Et maintenant, on renverse la logique.

 

3. L'identification

En communication, on a une question à appliquer partout : "Qui parle à qui ?" Et on a dit qu'on définissait la "focalisation" du narrateur selon ses connaissances, selon ce qu'il sait. Notamment que c'est une focalisation interne du moment que le personnage a accès aux pensées de tel personnage (et est limité par ailleurs), cela même si le texte est à la troisième personne.

Pourquoi ça importe ?

Parce que reprenez (2d). On a dit qu'on suivait Twilight à travers la pièce, à mesure qu'elle réalise que son amie lui a menti. Et on a dit que le narrateur en profitait pour nous approfondir le personnage de Rarity. Si vous additionnez les deux, qu'est-ce que vous obtenez ?

Vous obtenez qu'on n'a pas une description objective de Rarity. C'est la vision qu'en a le narrateur. Et surtout, c'est très probablement la vision qu'en a Twilight. Elle redécouvre son amie et par ce biais elle réalise le mensonge. Mais psychologie à part, ce qui nous intéresse est que durant ce paragraphe, le narrateur fait comme s'il était Twilight. Il la suit de si près qu'il a quasiment accès à ses pensées, comme une caméra collée sur son épaule.

Pour simplifier, durant ce paragraphe, l'histoire est narrée (essentiellement) du point de vue de Twilight.

 

C'est relativement normal. Il existe un mécanisme assez fondamental, l'identification, qui dit que le lecteur va "se mettre à la place" d'un personnage. "Et si j'étais lui ? Dans cette situation ?" C'est ce mécanisme qui permet de s'immerger, de plonger dans l'histoire, de s'investir. Et l'identification est d'autant plus facile que le lecteur se sent proche, dès le départ, du personnage en question.

Donc, quand le narrateur fait semblant de ne pas être là et qu'il y a juste Twilight dans une pièce vide, naturellement le lecteur tendra à s'identifier à Twilight. Plus le narrateur voudra s'en distancer, plus le lecteur aura l'impression d'être un observateur limite omniscient, ou quelqu'un qui guigne par la porte. Mais le narrateur peut décider de placer le lecteur au plus près, de faciliter voire de forcer l'identification. Il peut, à tout moment, décider de changer de rôle, il peut jouer là-dessus autant qu'il veut.

Et la question "qui parle à qui" devient alors essentielle. Il faudrait plutôt demander "qui joue le rôle du narrateur". Quel est le point de vue adopté à tel moment du texte.

 

4. Nihil verum, ou tl;dr

Ce qui nous ramène à Nihil verum. Brocco a un style parfaitement adapté à l'horreur-fantastique, mais ce style repose sur un narrateur en général scientifique, qui veut décortiquer des phénomènes pour réaliser que ceux-ci le dépassent. Ce narrateur est généralement mis en scène, en train d'écrire une lettre ou acteur direct qui explore les mystères d'une cave secrète de l'ancien culte de Screugneugneu.

La narration est tout à fait adaptée, et elle fonctionne tant qu'on l'identifie à un tel narrateur. Mais que se passe-t-il si on nous met face à un tout autre personnage, par exemple Bonbon, et qu'on nous donne, au moins en partie, accès à ses pensées ?

Identification.

Et soudainement la narration devient absurde parce que Bonbon n'est pas une scientifique qui décortique le monde et s'effraie. C'est une jument en colère puis désemparée. Le lecteur, inconsciemment, associe la narration à ce personnage et le contraste fait dérailler tout le texte.

Selon cette théorie, si le même texte avait commencé par le docteur exposant son cas, et promettant de le décrire d'après les témoignages et sa propre spéculation, en oubliant quelque peu le ridicule des réactions -- tout est justifiable, vraiment -- on aurait eu un narrateur salaud parce que lâche qui n'arrive pas à comprendre la véritable horreur -- pas le monstre -- de ce qu'il décrit. Selon cette théorie du narrateur, ce serait passé comme une lettre à la poste, et on aurait appris à haïr ce narrateur.

 

Avoir en tête le narrateur, quand on écrit, est important pour garder en tête que le texte ne doit pas être objectif : il doit donner un point de vue, biaisé, le point de vue d'un personnage avec ses propres idées et ses propres envies, ses propres buts. Le but est, comme pour un dialogue, de retransmettre cette personnalité et ces buts à travers toute la narration, jusqu'à ce que le lecteur adopte ou rejette ce point de vue, mais n'y reste surtout pas indifférent.

Ah parce que oui, c'est un dialogue, vous voulez que le lecteur réagisse.

 

Personnellement j'espère simplement que ces idées vont convenir, fanficers,
à vos plumes !

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