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Meta's back!
12 octobre 2014

Hi'.

Nous sommes dimanche, il est deux heures de l'après-midi de mon côté de l'Atlantique et environ six heures du mat' dans le coin de l'Amérique qui nous intéresse aujourd'hui. Je viens de me rendre compte que c'est désormais une routine : ça commence vers 14-15h et ça dure plus de douze heures d'affilée, un véritable marathon chaque semaine et je me suis dit que punaise c'était l'occasion de jouer mon fanboy.

Donc FLEX pour Metasigma !

(J'ai dessiné un truc durant son live.)

Pour ceux qui se rappellent de mon râlage sur Fallout: Equestria, j'avais déjà parlé de ce speedrunner américain de l'extrême, notamment pour souligner qu'il était désormais l'âme de la traduction. Il streame ? Je traduis. Et d'ailleurs vu qu'il est en train de streamer je devrais être en train de... traduire... au lieu de faire un article...

...

Pour être honnête cet article a uniquement pour but de retomber dans mes quatorze ans et partager mon enthousiasme comme tout excité qui se respecte. Ouais c'est de la pub'.

Quand j'ai enfin réalisé que j'aurai douze heures de Meta' chaque dimanche... Eh bien je me suis rendu compte que mon objectif, à savoir achever la traduction de FO:E d'ici à Noël, était faisable. Eeeyup, il reste 202 pages, j'ai calculé ça fait 20 pages par semaine (18.3 périodique d'après Leeroy) et à raison de 4 pages par heure c'est faisable. Je crois.

Deux cents pages. Ah ah ah c'est rien.

Donc...

En bon fanboy, j'invite tout le monde à tenter le coup. Venez voir Metasigma en live, c'est en anglais mais on est un paquet de francophones là-bas et j'aimerais y voir plus d'entre vous.

Dans la foulée je vais faire quelque chose de parfaitement inutile, mais eh, je suis dans la dernière ligne droite (deux cents pages ah ah ah c'est rien) donc tout ce qui peut me pousser à traduire est bon à prendre. À l'époque j'avais déjà enregistré une heure de moi en train de traduire FO:E (chapitre 26, de mémoire) et je voulais le commenter, question de montrer comment je traduisais. C'est heureusement resté sur mon disque dur mais la volonté est toujours là.

Alors je suis bien placé pour savoir que regarder quelqu'un traduire est ennuyeux comme la pluie, mais si ça vous amuse pour ces derniers chapitres j'ai décidé de passer le lien du GoogleDoc en cours de traduction, avec les commentaires activés. Aucun spectacle, aucune véritable interaction, le seul intérêt pour moi est de me motiver. Donc si vous voulez voir comment je traduis, voir comment je flemme et profiter de mes râlages en live, rien ne vous empêche de passer.

En somme, pour ceux qui veulent de l'awesome et du spectacle, il y a Meta', et pour ceux qui veulent voir avancer la traduction, mais littéralement, eh bien il y a le GoogleDoc. Et oui, je ferai un article chaque dimanche tant qu'il y a du Meta' et tant que je trad', avec le lien du document et tout. Il veut son record du monde et moi je veux achever ma trad' !

 

tl;dr ?

Va là -> Metasigma (live stream en anglais)

Ou là -> FO:E - Chapitre 42 (en cours de traduction)

Et ça chaque dimanche dès 2-3h de l'après-midi au moins jusqu'à Noël ! Cette semaine, l'objectif c'est de finir le chapitre 42 et passé minuit, Meta' fera un run de plus de quatre heures en costume cravate sur Megaman Command Mission ! Alors je veux voir de l'excitation et du flex ! Ou à défaut si vraiment vous ne voulez pas, alors vous pouvez toujours retourner, fanficers,
à vos plumes !

 

EDIT: Petit compte-rendu de la soirée. Côté Evermore, aucun run n'a survécu jusqu'au flex, donc deux lessive strat' plus tard, le temps d'un massage Meta' a enchaîné sur un run de Megaman: Command Mission, le tout en costard cravate parce que.
Comme je savais que ce run allait durer près de cinq heures, j'avais réservé le gros de la traduction pour ce moment-là. J'avais donc traduit, quoi, cinq pages, avant de me mettre à dessiner (voir plus haut). Arrive le run, je traduis jusqu'à la vingtième page (woohoo) et j'aurais eu le temps d'en faire douze de plus si le jeu n'avait pas planté.
Grmf.
Il est quatre heures du matin, je suis fatigué et il n'y a plus de Meta' pour tenir le coup, la fin du chapitre 42 attendra la semaine prochaine. 'Nuit à tous.

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La logique.
27 septembre 2014

Hi'.

Un jour, j'ai parlé d'inférence. C'est-à-dire, face à un texte, rajouter ce qu'on sait nous, lecteurs, pour obtenir une interprétation. Mécanisme automatique et fondamental de la communication.

Ce mécanisme n'est pas juste essentiel au fonctionnement de vos textes ; il explique aussi pourquoi l'humanisme est impossible.

Si vous avez lu l'article sur l'inférence, vous savez qu'on trie l'information pour ne retenir que ce qui est pertinent. C'est assez compliqué à décrire mais on le résume en général par : "obtenir le maximum d'effet pour le minimum d'effort" (ou loi de l'optimalité). En d'autres termes, si traiter l'information demande trop d'efforts, on ne la traitera pas. Et maintenant vous savez quoi ? Une information qui va contre vos idées et valeurs est très, très, très coûteuse à traiter. Cela signifie que le filtre ne retient en général que les informations en accord avec ce que vous pensez déjà. Bref, je ne suis pas cognitiviste mais ouais, vous ne retenez que ce qui vous arrange.

C'est humain.

Bien sûr, le problème, c'est que l'humanisme vous demande de faire le contraire. Faire des efforts démesurés pour accepter les informations qui vous contredisent. Ça s'appelle l'esprit "critique".

Le rapport avec la logique ?

Aucun.

J'avais juste besoin d'en parler.

Ça et le fait que, si l'inférence est le premier pilier de ma théorie littéraire, la logique en est le second. Cela fait donc depuis mon article sur l'inférence que je rêvais de vous parler de logique, mais c'est tellement difficile que le résultat n'a jamais justifié l'effort. Ouais je suis pragmatique. C'est humain. Et puis, bien sûr, les... circonstances... m'ont poussé à reprendre le sujet.

****

On va commencer par parler du "raisonnement logique", ou "rigoureux", que je simplifierai ici par la capacité d'abstraction. Et on va pour cela voir deux niveaux d'abstraction.

Donc posons un problème :

1) "Une voiture bon marché est rare. Ce qui est rare est cher. Donc une voiture bon marché est chère."

Ceci est une contradiction, ce qui est bon marché n'est pas censé être cher. On vous demande de résoudre la contradiction. Ma réaction, et celle de pas mal d'autres, est de prouver par A + B que si, les voitures bon marché sont chères, et blablabla... c'est normal, on ne pense pas rigoureusement.

Rigoureusement parlant, il faut abstraire :

1a) "Un machin truc est bidule. Ce qui est bidule est non-truc. Donc un machin truc est non-truc."

Plus de voiture, plus de prix, on n'a plus que des machins et des trucs. On a vidé le "contenu", le contenu on s'en fiche. C'est comme lorsqu'on commente un texte : vous n'avez pas à juger du contenu. Comment je te carre de la littérature de nulle part... Mais bref. Ici l'abstraction nous montre qu'on a un objet "machin truc" qui est composé de deux objets, et ça c'est pas cool. Donc on va corriger ça :

2) "Un truc est bidule. Ce qui est bidule est non-truc. Donc un truc est non-truc."
2a) ~([p][ ~( [q][ e{ p q } ] ) ]) ; [pqr][ >( e{ r q } e{r ~(p)} ) ] ; ~([p][ ~( e{ p ~(p) } ) ])

Okay d'accord, le langage qu'utilisent les logiciens pour "abstraire" le problème est un... brin... plus compliqué que des trucs et des bidules, mais pourtant je vous jure que (2a) dit la même chose. C'est juste qu'en logique on est des maniaques, on crée des langages "formels", artificiels, qui évitent toute inférence. Mais si, l'inférence, rappelez-vous, le truc qui provoque des interprétations différentes selon qui lit le texte. Avec un langage artificiel, pas d'inférence possible, il n'y a qu'une et une seule interprétation.

C'est pour ça qu'on abstrait.

Je dois insister : on a abstrait le problème pour ne plus s'intéresser au contenu, seulement à la structure autour. Cela signifie que la structure peut s'appliquer à n'importe quoi :

2b) "Un poney est mignon. Ce qui est mignon n'est pas poney. Donc ce qui est poney n'est pas poney."
2c) "Un carré est troglodyte. Ce qui est troglodyte est rond. Donc ce qui est carré est rond."
2d) etc...

L'abstraction a réduit le problème a des "variables". Ce sont les lettres "p", "q" et "r" dans le truc barbare de l'exemple (2a), et nos "trucs" et "bidules" en (2). Une variable peut être remplacée par n'importe quoi, sous conditions mais on n'a pas le temps pour ça donc je répète, une variable est un objet abstrait qu'on peut remplacer par n'importe quel objet concret.

C'est le premier degré d'abstraction.

On appelle cette logique la logique "des prédicats" ou, si vous préférez, des objets. Et chez les psychopathes comme moi, on appelle ça "l'ontologie". La bonne nouvelle c'est que ce n'est pas le degré d'abstraction dont je veux vous parler.

Nous, on va abstraire encore plus.

Yup.

Vous avez dû remarquer qu'on a à chaque fois trois "phrases". C'est normal, c'est un syllogisme (fais chauffer ta recherche Google). On pourrait obtenir la même chose en une phrase :

2e) "Un truc et bidule, et un bidule est non-truc, donc..."

Alors on va arrêter de parler de phrase et parler à la place de "proposition". Qu'est-ce qu'une "proposition" ? C'est l'unité minimale à partir de laquelle on peut dire si c'est vrai ou faux. Ou, pour dire la même chose avec d'autres mots : si tu peux dire si c'est vrai ou faux, c'est une proposition.

3a) "Un chat."
3b) "C'était quoi ?" - "Un chat."
3c) "Un chat est mignon."

L'exemple (3a) n'est pas une proposition. On nous a juste posé un objet, et l'objet lui-même bah... qu'est-ce que tu veux en dire ? Par contre, si tu mets du contexte comme en (3b), là on peut estimer si c'est vrai ou faux. C'est simple, si c'était bien un chat qui a, je sais pas, fait grincer la porte, alors "un chat" est vrai. Et bien sûr, (3c) est un cas typique de proposition. Soit le chat est mignon, soit il ne l'est pas, c'est... vrai ou faux.

Faites semblant d'être d'accord, s'il vous plait, sinon on y est encore dans deux semaines.

Il y a donc le niveau de l'objet (logique des prédicats) et le niveau de la proposition (logique des... propositions). Et nous on va travailler au niveau de la proposition. Donc au niveau des propositions, le problème qu'on se posait en (2) s'écrit ainsi :

2e) "P1 ; >( P1 P2 ) ; P2"

Ouf ! C'est toujours incompréhensible pour vous mais eh, avouez que c'est beaucoup plus lisible qu'avant ! Non je déconne je triche, j'ai simplifié le langage. En vérité c'est :

2f) [p1p2][ >( ^( p1 >( p1 p2) ) p2 ) ]

Mais eh, c'est toujours plus court que (2a) alors avouez qu'on y gagne. Ce n'est pas pour rien que je veux travailler au niveau des propositions : c'est beaucoup plus simple. Et pour ceux qui n'ont toujours pas compris ce qu'est une "proposition", dites-vous que c'est l'équivalent d'une phrase et continuez de hocher la tête bien gentiment. Pour les autres, on continue.

C'était le second niveau d'abstraction.

****

On va donc travailler avec un langage formel. Celui-ci est composé de :
- variables
- connecteurs
Les "variables" on a déjà vu ce que c'était. C'est un terme abstrait qu'on peut remplacer par n'importe quoi. Les "connecteurs" sont des manières d'agir sur nos variables. Un peu comme en maths' on a "+", "%" et autres exposants. En logique on a nos propres symboles pour agir sur les nombr- les variables.

Commençons par les variables.

4) p

En logique classique, l'exemple (4) nous donne une variable "p". Le problème de la logique classique est qu'elle introduit des variables libres ou liées en plus des constantes à côté et c'est un véritable sac de noeuds. C'est pour ça qu'on va adopter un autre langage logique qui, lui, exige de toujours déclarer une variable :

4a) [p][ p ]
4b) "Pour tout p, p."

Je vous ai mis en (4b) comment (4a) se lit. Les crochets "[ ]" sont appelés des "quantificateurs". C'est le "pour tout". On note dans les crochets de gauche toutes nos variables et, dans les crochets de droite, on écrit la formule logique elle-même.

Pourquoi est-ce que je vais nous obliger à mettre des crochets partout ? Parce que je suis un sadique très méchant. Mais aussi parce que lesdits crochets transforment "p", qui comme dit n'est qu'un objet, donc sans valeur de vérité, en proposition. "P" n'est pas une proposition, mais "[p][ p ]" en est une. Un quantificateur dit que s'il y a la moindre chance, même infime, que la formule à l'intérieur soit fausse, alors la proposition est fausse.

En l'occurrence, [p][ p ] est faux.

On a dit qu'on pouvait remplacer une variable par n'importe quoi. Donc je pourrais remplacer "p" par une proposition fausse. Cela signifie que le contenu de [p][ p ] peut être faux, donc l'ensemble est toujours faux. On vient de définir le "faux". Yup.

Vous voulez qu'on définisse le vrai ?

5) [p][ ≡( p p ) ]
5a) "Pour tout p, p équivaut à p."

Ceci est une vérité absolue. Vous pouvez remplacer "p" par ce que bon vous chante, ce sera toujours vrai. Et ça c'est possible parce qu'on a un connecteur, en l'occurrence "≡( - - )".

Donc continuons par les connecteurs.

Si on n'avait que des variables, on serait bloqué pour toujours à [p][ p ]. Heureusement, on peut agir sur nos variables. On va se donner une série d'outils pour ça :
- ~(-)
- ^( - - )
- >( - - )
Eeeeeet je pense que ça suffira pour le moment.

"~(-)" représente la "négation". Je fais un abus de langage en l'appelant un "connecteur" vu qu'il ne porte que sur une seule variable, mais on ne va pas commencer avec la manière dont on appelle les choses. La négation dit exactement ça : "il est faux que..." Donc si j'écris :

6) ~([p][ p ])

Cette proposition (6) sera toujours vraie. Facile. On a dit que [p][ p ] était toujours faux, si c'est faux que c'est faux alors c'est vrai... la négation inverse la valeur de la proposition qu'elle contient. À noter que :

7) [p][ ~(p) ]

Est toujours toujours faux. Bah oui, "p" pourrait être une proposition vraie. Du coup le quantificateur contiendrait toujours une proposition fausse, etc... Je sais que là vous lisez tout ça et c'est du chinois pour vous, et vous vous dites que je complique inutilement mais en fait cette histoire de quantificateurs simplifie tellement, mais tellement les choses... vous avez pas idée.

"^( - - )" représente la "conjonction", ou le "et" si vous préférez. Il n'est vrai que si les deux propositions à l'intérieur sont vraies. Je veux écrire "Paul est là et Pierre est parti" ? Facile :

8) [pq][ ^( p q ) ]
8a) "Pour tout p q, p et q."

Vous remplacez "p" par "Paul est là" et "q" par "Paul est parti" et voilà ! Notez aussi que la proposition (8) est fausse, pour les mêmes raisons qu'en (4) ou (7).

Bien sûr, si on a un "et", on a un "ou". On en a deux en fait, "v( - - )" et "w( - - )". Le premier dit que l'une des deux propositions est vraie, et l'autre fausse. Le second dit qu'au moins une des deux propositions est vraie, mais les deux peuvent l'être en même temps. Personnellement je n'utilise jamais ces connecteurs et on ne les verra plus ici, mais ils existent. En fait, il y a des tonnes de connecteurs qui existent et dont on ne parlera pas, vous avez pas idée là non plus. Bref.

">( - - )" est le dieu sacré ô divinité toute-puissante de la création des connecteurs logiques.

Il s'agit de "l'implication", le "si... alors..." ou comme moi je préfère l'appeler, "l'hypothèse". Elle dit en gros que si la proposition à gauche est vraie, alors la proposition de droite l'est aussi. Dans ">( p q )" (merci de rajouter les quantificateurs), "p" implique "q", donc si "p" est vrai alors "q" l'est aussi. Ce connecteur nous permet de déduire, donc, de raisonner. Quand je vous disais que ce truc fait le café.

Il y a ENCORE plus puissant que l'implication, c'est "l'équivalence", ou "≡( - - )", mais là c'est juste trop puissant pour nous. Ce symbole, qui dit que chaque proposition implique l'autre, permet... de définir nos propres connecteurs.

Juste... juste.

Juste.

Non, juste, laissez parler le fanboy en moi, ce truc est génial ! Vous vous rappelez en (4), on disait que [p][ p ] équivalait au "faux" ? Buck that, on va le définir !

4c) ≡( F [p][ p ])

Je viens de créer le connecteur "F", qui ne porte sur aucune variable/proposition, donc oui c'est une constante. Et à qui équivaut ce connecteur ? Au faux ! La même chose pour le vrai ? Reprenez (5), créez la constante T, et paf. L'équivalence ça fait le café.

L'implication, à côté, c'est une petite joueuse. Elle vous permet juste de raisonner. Pfff...

****

Reprenons. Parce que je sais que vous êtes cooooomplètement perdus.

Un logicien abstrait le texte à l'aide d'un langage "formel" composé de variables et de propositions. Les variables sont des termes abstraits à l'intérieur de quantificateurs kifonpeur et les connecteurs sont des moyens d'agir sur les variables. Notamment on va utiliser la négation, la conjonction et l'implication.

Okay ?

Okay.

En logique classique, un raisonnement est une suite de propositions les unes après les autres, chacune découlant des précédentes. On commence par poser des "prémisses", c'est-à-dire nos propositions de départ, qu'on suppose vraies, et à partir de là on applique des règles pour obtenir les propositions qu'on veut.

1  | p             Prémisse
2  | >( p q )    Prémisse
3  |----------
4  | q             1,2, >e

C'est là où on va voir si l'éditeur de texte d'MLP Fictions conserve la mise en page, sinon mes excuses par avance.

Ce que vous voyez est un raisonnement logique, en 4 lignes. Les lignes 1 et 2 vous donnent les prémisses. C'est pour ça qu'il y a écrit "prémisse" à droite. Et qu'à gauche il y a le numéro de la ligne. Ça aide à s'y retrouver. Vous aurez reconnu bien sûr nos propositions (sans quantificateur) au centre... et... et y a... cette bizarre de ligne, là... c'est quoi ce truc ?

En logique classique, le raisonnement prend place dans un "espace de raisonnement", représenté ici par cette bizarre de ligne verticale. La ligne 3 est esthétique, elle sépare les prémisses du raisonnement lui-même, genre la ligne 4 qui nous dit que : "des lignes 1 et 2, on peut appliquer la règle d'élimination de l'implication". Cette règle dit, justement que si on a "p" et ">( p q )", on peut écrire "q". C'est... exactement ce qu'on a fait.

Woohoo pour nous.

Mais revenons à l'espace de raisonnement. C'est quoi ce truc ? Eh bien... c'est une hypothèse. Pour preuve :

1 | | p                       HYP
2 | |---
3 | | | >( p q )            HYP
4 | | |----------
5 | | | p                     1, rep>
6 | | | q                     3,5, >e
7 | | >( >( p q ) q )     3-6, >i

En ligne 1 on a créé une hypothèse (c'est le gros "HYP" à droite), et pour ça on a rajouté une bizarre de ligne. Idem en ligne 3, ça en fait des bizarres de lignes. C'est normal, à chaque fois on a dit "à droite de cette ligne, telle proposition est considérée vraie". Ce sont des espaces de raisonnement dans lesquelles ladite proposition est considérée... vraie. L'hypothèse nous permet ainsi d'introduire nos propres propositions au sein d'un raisonnement (inférence, quelqu'un ?) sans causer de contradiction : si notre proposition est fausse, elle ne causera des problèmes qu'au sein de son espace de raisonnement.

Nous, on va se passer des bizarres de lignes. Tout simplement parce qu'elles sont équivalentes à l'implication :

1 [p][ >( p p ) ]
...
3 [pq][ >( p >( >( p q ) >( p q ) ) ) ]
...
5 [pq][ >( p >( >( p q ) p ) ) ]
6 [pq][ >( p >( >( p q ) q ) ) ]
7 [pq][ >( p >( >( p q ) q ) ) ]

Eeeeyup. Vous pouvez vérifier (non vous ne pouvez pas, sauf si vous êtes logicien) mais chaque ligne de ce raisonnement est vraie. Rappelez-vous (5) : [p][ ≡( p p ) ]. On a dit que ça, c'était la définition du vrai (c'est toujours vrai). Eh bien si l'un implique l'autre, alors (5) équivaut à deux [p][ >( p p ) ]. Ce qui signifie que notre ligne 1 est toujours vraie. Et à la ligne 3, qu'est-ce qu'on a fait ? Exactement la même chose, sauf qu'à la place de "p" on a mis ">( p q )".

Voilà comment on raisonne en "protothétique", ou logique des propositions.

Mais bref.

****

Question.

À quoi tout ça a servi ?

Je viens de vous résumer, en un article plutôt long, les bases de la "protothétique", ou logique des propositions. Je vous ai donné des variables, quelques connecteurs et... je ne vous ai même pas dit comment la moitié fonctionnaient. Je ne vous ai pas donné les règle et je ne vous ai pas dit comment calculer les valeurs de vérité (car si, il existe un moyen de le faire précisément). Je ne vous ai même pas dit comment passer d'un quantificateur universel à un quantificateur particulier... parce qu'on s'en fout.

Ça, là, ce langage barbare et toutes ces règles : c'est la logique. Formelle. Ce n'est qu'un seul système logique parmi tous ceux qui existent mais c'est ça, la logique.

La logique consiste à abstraire un problème, à le réduire à des termes abstraits pour en observer le raisonnement. Vous pouvez réduire un texte entier à ses propositions -- et si vous êtes un gros malade, à ses prédicats -- et vous obtiendrez alors la logique du texte, c'est-à-dire la manière dont le texte "raisonne".

9) "Twilight se rendit chez la princesse Luna. Elle frappa à la porte mais personne ne lui répondit. Un bruit vers la fenêtre attira son attention. La princesse de la nuit s'introduisit en silence et lui fit signe de ne pas faire de bruit."

On abstrait, ça doit donner quelque chose comme :

9a) [pqrstu][ >( p >( MAIS( q r ) > ( s >( ^( t u ) ) ) ) ]

J'ai inventé le connecteur ad hoc "MAIS", qui peut être défini (si si), et on a désormais ici la structure du texte. Vous voyez maintenant pourquoi je parlais de causalité ? Alors bien sûr, c'est une représentation plutôt simpliste et franchement imprécise du texte. La "vraie" représentation serait illisible mais tout ça pour dire que oui, le texte a une logique. Celle-là.

On va donc enfin pouvoir parler de cohérence.

Un texte incohérent n'est pas un texte qui défie notre conception du monde, genre :

10) "Twilight chuta de mille mètres. Elle frappa durement le sol puis se releva, un peu secouée."

ELLE VIENT DE TOMBER DE MILLE M- punaise... Okay ici le texte est invraisemblable mais il est cohérent. Il n'a dit nulle part qu'une chute de mille mètres était mortelle. Il a juste dit que Twilight a chuté de mille mètres. [p][ >( p >( q q ) ) ], si on a "p" on a "q", le texte vous dit que si le personnage tombe de mille mètres il est secoué. C'est la logique du texte, ta gueule.

Un texte incohérent est un texte qui contredit sa propre logique :

11) "Twilight se rendit chez la princesse Luna. La princesse n'était pas là. Luna l'accueillit et la fit entrer poliment."

Mais... mais on vient de dire que la princesse n'était pas là ! Elle tombe d'où ?! Tu peux faire comme tu veux, le texte ici se contredit, il est donc incohérent. Alors bien sûr ici c'est assez évident (et encore, il y en aura pour me trouver une explication... il y a toujours moyen de...) mais les incohérences peuvent être bien plus subtiles. Elles peuvent notamment porter sur les attentes du texte, sur le comportement des personnages, sur la manière de résoudre une difficulté... il y a un contrat de lecture entre le lecteur et l'auteur, une série de règles là aussi que le texte ne doit pas contredire.

Cela dit, ces cas plus "subtils" portent sur l'interprétation du texte. Les attentes, la perception des personnages, le contrat de lecture... tout ça dépend aussi du lecteur, des inférences qu'il fait. Pour être vraiment rigoureux, il faut s'en tenir au texte -- et, si vraiment, démontrer que le texte cherche à produire ces interprétations.

Parce que si on dit qu'un texte est incohérent à cause d'une inférence que nous, lecteurs, on a faites, malgré le texte, alors on n'est plus en train de parler de la logique du texte : on est en train de parler de notre logique à nous.

C'est la différence entre une critique "subjective" et une critique "objective". Dire comment on a perçu le texte, ou tenter de dire ce que le texte a voulu nous faire percevoir -- et s'il a réussi.

Donc quand vous commentez...

S'il vous plait...

Faites preuve d'esprit critique.

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L'ambiance.
25 septembre 2014

Hi'.

Un matin d'insomnie, j'ai voulu vous parler de l'humanisme. Le problème, c'est que c'est déprimant. Vraiment déprimant. Pesant. Lourd. Un sujet triste, pareil à des phrases courtes. À de la monotonie... à des tournures compliquées... abstraites... difficiles... à des termes négatifs comme noir, sombre, corbeau, cimetière... brosse à dents...

...

Et puis ensuite je me suis rappelé que je m'adressais à des bronies ! Alors je me suis bâfré deux pilules sec et un gros verre de coca, j'ai sacrifié une peluche Pinkie pie sur l'autel du fun et j'ai balancé la 'zik ! Okay j'en fais trop là mais t'as compris le principe ! Phrases surchargées d'énergies comme des p'tites filles droguées au sucre, des points d'exclamation partout, des termes complètement à côté de la plaques que ranafiche ça sonne fun, ça c'est de la bonne humeur !

C'est ce qu'on appelle mettre l'ambiance.

La différence entre le professeur qui rend la journée pluvieuse encore plus pluvieuse et le professeur qui vous donne envie d'étudier les sept niveaux de lecture de Proust parce que eh ! dans Proust y a un verre de jus d'orange ! C'est la bonne humeur, c'est l'entrain, la passion -- et de savoir de quoi il parle, aussi... ça aide -- c'est la différence entre le joueur qui râle parce qu'il a raté un clic de souris et celui qui est tellement dans son délire qu'il a décidé que Starcraft c'était le nouveau Sim City.

Si on accroche au prof', au youtubeur et à plus forte raison à des ponettes psychédéliques c'est parce que ça transpire la bonne humeur qui vous remet la pêche après avoir dû expliquer à la laborantine que si elle voit le noyau de cellule c'est qu'elle voit aussi la cellule bordel !

On a donc envie de faire à peu près la même chose dans nos textes, à savoir mettre de la bonne humeur quand qu'on veut que le lecteur y se sente tout doux sur son nuage -- au lieu de juste "bien" -- et faire grincer les violons quand notre alicorne préférée meurt pour la quatrième fois depuis son réveil. De toute manière on n'y coupe pas, à mesure qu'on s'améliore le lecteur devient exigeant et l'ambiance, l'atmosphère, le "ton" du texte fait partie des incontournables à maîtriser.

Mais l'ambiance est aussi un des trucs les plus difficiles à comprendre, et comme d'habitude je ne maîtrise pas du tout le sujet.

Au sens où oui, comme tous les auteurs ici j'ai déjà créé des ambiances, drôle, triste, malsain, furieux, fou, peu importe : je ne sais juste pas comment je le fais. C'est un mélange d'un tas d'outils et de techniques et du coup c'est très difficile d'expliquer à l'auteur pourquoi son texte est "mou" alors que Celestia vient de kamehameha la fille de Chrysalis.

1) "Chrysalis junior se retourna. Celestia s'était remise debout. La princesse du soleil étira ses deux pattes en arrière et une lumière vive se forma sous ses sabots. Elle cria : "Kaaaaa... meeeeeh..." Son adversaire voulut s'enfuir mais n'en eut pas le temps. "... ameHAAAAAAAAA !!!!" Hurla Celestia en lançant le rayon d'énergie pure."

Je. M'ennuie. Non vraiment j'ai plus qu'une envie, c'est fermer l'onglet, fermer le navigateur, éteindre l'ordinateur et m'étaler sur mon lit pour regarder la peinture blanche du plafond.

Mais comment c'est possible ? On a littéralement l'une des attaques les plus bourrines inventées par le média animé, on a même mis des majuscules et quatre points d'exclamation ! Et c'est d'ailleurs pour ça que je râle autant sur les majuscules et la ponctuation à outrance -- comme sur le drama en général. Ce sont des solutions de facilité, des béquilles qui vous évitent de chercher d'autres techniques, et donc ralentissent votre progression. Parce que bon, les majuscules dans le roman 1984, je vous jure qu'elles sont bien employées, là rien à dire.

Le problème est qu'on a quasiment toujours la même structure "sujet - verbe - complément" : machine fait ça. Chrysalis se retourne. Celestia se met debout. Le lecteur s'ennuie. Où est l'ambiance ?

Déjà, on a appliqué la référenciation. J'ai même mis "la princesse du soleil" pour rappeler d'où elle pompe son pouvoir, donc le problème ne vient pas de là. Ce qu'on n'a pas appliqué, par contre, c'est le "défi de la nuit", à savoir les détails. Bêtement : elle s'enfuit, okay comment ? J'ai bien une vision générique dans ma tête mais justement c'est générique. Donc appliquons du détail :

2) "Chrysalis junior se retourna. Celestia s'était remise debout, dans le cratère plein de débris. La princesse du soleil étira ses deux pattes sanglants en arrière et une lumière vive se forma sous ses sabots. Elle cria : "Kaaaa... meeeeh..." Son adversaire ébahi voulut s'enfuir en déployant ses ailes mais n'en eut pas le temps. "... ameHAAAAAAAA !!!!" Hurla Celestia en lançant le rayon d'énergie pure."

Je. Me tape. La tête. Sur mon clavier. Bon okay pas vraiment là c'est juste façon de parler mais quand quelqu'un suit mes conseils et me fait ça je vous jure que je soupire très fort.

C'est toujours aussi plat et morne !

C'est mieux, mais toujours morne. Et je l'avais déjà dit à l'occasion de... est-ce que j'en ai déjà parlé ? Bref, que l'ambiance ne tient pas qu'aux mots employés. Il y a aussi la formulation.

On l'a vu au départ : je veux être triste ? Je dois privilégier l'abstraction, la lenteur... colérique ? Au contraire direct et choquant, j'assène mes phrases ! Joyeux ? Mais y a pas de problèmes les p'tits oiseaux ! La façon dont vous formulez le texte dit au lecteur comment vivre la scène. Ou, à défaut, comment les personnages vivent la scène.

Alors vu que j'avais déjà parlé de la reformulation, reformulons :

3) "Chrysalis junior se retourna. Dans le cratère plein de débris s'élevait Celestia, la princesse du soleil, qui braqua ses deux pattes en arrière et, alors même que le sang coulait de ses sabots, qui y forma une sphère vive de lumière."

Je peux couper ici, le reste c'est le même principe.

Premier principe de la reformulation : connecter les phrases.

Non, vraiment, j'insiste, j'en ai marre d'être coupé par des points. "... du soleil, qui braqua..." bam on enchaîne tout de suite avec la... la suite... j'ai foiré ma phrase pas grave. On aurait pu faire de même avant : "Chrysalis junior se retourna face à Celestia alors que cette dernière se relevait..." mais c'était un peu long et on veut créer un mini-suspense (ah punaise que je suis content d'avoir écrit des articles pour vous expliquer tout ça) donc je conserve les deux phrases séparées.

Second principe de la reformulation : on travaille le rythme.

C'est quoi le rythme ? Il faudrait un article entier à ce sujet, moi-même j'en sais rien et j'utilise ce mot pour tout et n'importe quoi, mais dans l'idée : ici, on est dans une scène où Celestia prépare un mégasort à balancer sur son adversaire. Il y a donc énormément de tension, mais c'est de l'attente. Moi, j'exprimerais ça par des termes violents mais des phrases assez longues, question de bien faire durer la préparation et de faire sentir la puissance qui s'accumule. Principe de la forme adaptée au fond.

Donc, pour nous, le rythme sera la vitesse à laquelle se déroule l'action. Si c'est rapide, il faut faire des phrases rapides, des mots courts, il faut que ça s'enchaîne. Si c'est lent, il faut des phrases longues, etc... On n'écrit pas la scène où Twilight regarde fixement l'horloge de la même manière que Celestia et son mégasort. Enfin si dans certains cas si mais arrêtez de digresser.

Bête exemple à ce sujet : j'ai écrit "la princesse du soleil". Mouais, quatre mots pour désigner Celestia c'est un peu long, et pas très agressif. On peut au moins faire un effort : "la princesse solaire" est plus agressif, et ne prend que trois mots. Ce genre de détail compte.

Troisième principe de la reformulation : vérifier le son.

Okay dit comme ça ça a l'air stupide, c'est du texte, mais les phrases ont une "courbe mélodique". Par exemple la "princesse solaire" répète le son /s/ sans interruption, c'est un son assez agressif... la "princesse lunaire" n'a pas le même effet, malgré le /r/ qui a plutôt un effet de chiasme, demandez à votre prof' de français ce qu'est un chiasme, nous on est déjà passés à la suite.

L'idée, quand on reformule, est donc de vérifier que ça sonne "bien". C'est le moment où on efface les répétitions genre "tout de suite la suite" mais aussi où on évite les sons malheureux, genre "elle abattit la toiture sur sa tête" okay que vient foutre ce /t/ dans l'action, c'est un texte comique ? Et notez que je n'ai pas pu m'empêcher de faire une chaîne mélodique avec encore un chiasme en /e/ et deux pics, /i/ et /u/ (dans l'idée) avec du /a/ à chaque fois pour la transition. Avec l'habitude ça va tout seul, au départ on galère parce que, vraiment, à moins d'être poète on n'a pas la moindre foutue idée des règles qui s'appliquent.

Non, vraiment, je n'ai jamais théorisé la courbe mélodique d'une phrase. Je l'ai toujours fait au feeling. Et pourtant, pour créer l'ambiance, les sons sont essentiels (paf, /s/), c'est une autre manière de donner du "rythme", peu importe ce que ça peut signifier.

Par exemple, dans (3), j'ai écrit "sphère vive de lumière". Pourquoi ? Parce que je veux une structure /e/ - /i/ - /i/ - /e/, les poètes vous diront que c'est une structure ABBA. Qu'est-ce que ça fait ? Ça fait que vous retenez bien le /i/, chargé de mimer la lumière. Mais oubliez tout ça et notez simplement : "sphère / lumière". Yup c'est une rime. Pas besoin d'avoir douze syllabes, les deux mots finissent pareil, la structure porte l'attention dessus, vous associez le mot "sphère" au mot "lumière" et ça tombe bien c'est ce qu'on veut. Si là vous la voyez pas la sphère alors je sais pas ce qu'il vous faut.

Mais !

C'est toujours morne.

Ouais, pour moi c'est toujours des phrases mises l'une après l'autre avec autant d'ambiance qu'à une fête d'école où tu n'as toujours pas le droit de courir dans les couloirs. Rappelez-vous, on veut accumuler la puissance. Ce qu'on veut, c'est une progression (ou pour faire littéraire, une "gradation"). On veut montrer que Celestia est furax et que quand elle va tirer son laser ça va peler les Badlands jusqu'à Baltimare. pourquoi Baltimare ? Parce que riiiiiiiiime ! C'est génial vous suivez.

4) "Chrysalis junior se retourna, prête à frapper mais se figea. Face à elle le cratère chargé de roches ardentes n'était plus qu'un immense brasier, charnier des rêves de Celestia. La princesse sanglante s'était relevée, échevelée, les patte pendantes, le visage poisseux de haine. Ses yeux s'étaient réduits à ceux d'une bête."

Tu le sens comment Chrychry' junior va morfler ?! Je sais pas ce que l'insecte en herbes lui a fait mais là 'Tia est en mode berzerk, on va faire remuer les plaques tectoniques !

Mais aussi, notez que je n'ai pas fait "Tous ses rêves avaient été brisés." Non, ça c'est mou. C'est même pas triste, c'est plat. Si on veut être triste on peut faire "elle laissa son coeur et ses rêves se briser." C'est bof mais c'est mieux que rien. Non, ce que j'ai fait c'est 1) enchaîner cette phrase avec la précédente, 2) accéléré ça en virant le verbe et 3) fait une "rime" avec charnier / brasier, et j'ai donné en trois mots les raisons pour lesquelles l'alicorne allait tellement l'y péter sa mouille à l'autre grognasse... Court et violent, mais ça permet de former une phrase plutôt longue et qui passe du cratère aux flammes, et des flammes à la rage. Donc... gradation ? Ouais pas vraiment mais quand même un peu, allez. Donnez-moi ma gommette.

On joue sur la longueur des phrases, sur leur imbrication (les mettre ensemble), sur les termes employés et toute la batterie d'effets de style fournis par la littérature et qui sèchent dans vos cahiers.

Et comme jusqu'à présent on a voulu faire une ambiance "colère", on va conclure en changeant :

5) "L'heure du goûter était passée. Assise à table, sans assiette, le regard tourné vers la porte entrouverte, Twilight eut un bref sursaut. C'était la cloche du village qui sonnait, là-bas, doucement, le compte du temps. Elle posa un sabot sur la table, puis un second, puis y glissa son museau larmoyant."

Non mais Spike va revenir, ça va s'arr- ah. Y a le tag sombre. Bon bah bonne chance Twilight !

Même principe, on a tout reformulé pour exprimer l'attente vaine ("sans assiette", "bref"...) et j'aimerais porter l'attention sur le fait que presque aucune phrase ne se ressemble. La première est classique. Dans la seconde, le verbe n'arrive qu'à la fin. Dans la troisième, on a deux "adverbes" qui coupent au centre. Dans la dernière, on a trois actions à la suite, j'allais dire trois verbes mais le second est sous-entendu -- et comme d'habitude avec moi, la seule action qui compte est mise en retrait, aka le "larmoyant".

Tout cela on s'en fiche. Ce que j'attends de vous, c'est que vous déconstruisiez tout ça. Prenez l'exemple (5) et essayez de le réécrire comme l'aurait fait le premier venu, sans la moindre ambiance.

Vous voulez ma version ?

6) "L'heure du goûter était passée. Twilight n'avait rien mangé. Elle regardait la porte entrouverte. Elle eut un bref sursaut. C'était juste la cloche du village qui sonnait. Elle s'effondra sur la table et se mit à pleurer."

C'est... pas pareil. Appréciable, oui, le fond reste le même donc du moment que l'histoire est bien moi je me plains pas mais bon voilà... l'ambiance c'est ça, reformuler et reformuler encore pour que le texte exprime ce qui se passe, et...

... et je me rends compte que ça ne vous aide pas du tout. Punaise.

Okay je vais aller déprimer dans mon coin sur l'inutilité de l'inconséquence et faire des phrases genre la pluie les cernes et les pouliches aux allumettes. Et pendant mon absence, fanficers,
à vos plumes !

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L'ellipse.
21 septembre 2014

Hi'.

Je n'ai strictement rien à dire sur l'ellipse. Je n'ai... aucune raison d'en parler non plus, en y pensant. J'en avais traité dans le cadre du plan, en disant que c'était la transition par défaut : on veut passer du point A au point B ? Pourquoi mettre quelque chose entre deux ! On s'arrête à A, on laisse tout vide et on recommence direct à B.

L'ellipse, d'après Wikipedia, consisterait à omettre des éléments "nécessaires" au récit. Non. C'est le contraire. On fait une ellipse justement parce que le passage tout le monde s'en fiche : les héroïnes sont à Ponyville, on veut qu'elles se rendent à Canterlot, on ne va pas passer deux heures avec elles dans le train !

L'ellipse consiste à sauter un passage pour l'épargner au lecteur.

Bon. Ça c'est la théorie.

Dans la pratique, l'ellipse est aussi utilisée pour provoquer la curiosité. Là Twilight dit aux keupines de se réunir pour qu'elle leur partage son plan et- soudain on est face à Sombra, avec Twilight enchaînée à ses pattes. Okay c'était définitivement une ellipse, et à cause d'elle on n'a pas pu entendre le plan. Le texte nous le cache, on veut le trouver ! Et en plus on nous a épargné la mise en place laborieuse du plan, c'est tout bénéf'.

Et bien sûr, l'ellipse peut aussi provoquer le suspense. C'est le principe du "cliffhanger", on finit le chapitre sur une révélation à renverser ta table très très fort. Applejack emmène Twilight dans une salle sombre, soudain Sombra apparaît dans les ténèbres et là le chapitre s'arrête. On est en droit de se demander ce qui va se passer. L'ellipse fait la même chose mais en plein chapitre : au lieu que le chapitre s'arrête, on passe à autre chose, genre Spike et les keupines au palais, il se passe des trucs puis nouvelle "ellipse" et on se retrouve à nouveau dans la pièce sombre avec Sombra pour la suite.

Okay d'accord ça ce n'était pas une ellipse mais une "transition", un passage d'une scène à une autre. Sauf que bon, de mon point de vue, une ellipse est un type de transition.

Comment on fait une transition ? En général on termine la phrase, retour à la ligne, on crée une séparation de type "****" ou autre, j'ai même vu des-

-- PENDANT CE TEMPS, AILLEURS --

Comment ça mon style se dirige peu à peu vers l'ellipse ? Mais qu'est-ce qu- ça n'a pas de sens !

Non non je ne plaisante pas, quelqu'un vient de me dire que j'étais de plus en plus enclin à user de l'ellipse. Pas au sens où je sauterais des événements dans le récit, mais au sens où je les résumerais brutalement. Par exemple, au lieu de raconter comment Daring Do a récupéré la septième balle du dragon (sic), je dis juste "Elle récupéra la baballe".

Autre exemple ? Si je veux envoyer Twilight&Co à Canterlot, au lieu d'utiliser un séparateur de type "****", je me contente d'écrire : "Elles se rendirent à Canterlot." C'est déjà un tout petit peu moins flemmard, un peu plus propre mais toujours aussi bâclé.

Au final, un texte est une suite d'événements. Si je dis "Elles se rendirent à Canterlot", c'est un événement. Mais qui se décompose en tout une série d'événements : "elles vont à la gare -- elles attendent le train -- le train arrive -- elles grimpent à bord..." et chacun de ses événements, à son tour : "Twilight s'étonne que le train n'est pas encore là -- Dash va se renseigner -- Applejack dit à Twi' de se détendre..." et ces événements à leur tour... okay vous avez compris.

On a donc toute une série d'événements détaillés, puis soudain un événement général, "elles se rendirent à Canterlot", puis de nouveau une foule d'événements détaillés. Un style ellipsé fait le contraire : on a toute une série d'événements généraux et, de temps à autres, quelques événements détaillés, avant de repartir dans le général. C'est comme ça que j'écris Bronify.

Est-ce que ça a encore un sens de parler d'ellipse ? À chacun d'en juger.

Cela dit, ça fait donc déjà deux manières de réaliser une ellipse. La première, un gros démarcateur graphique. La seconde, une phrase qui résume toute une série d'événements. Est-ce qu'il y a d'autres manières de faire une transition ? Attends... je viens de répondre à ma question, là.

Une ellipse est une transition, on l'a dit. Donc pourquoi ne pas faire une... transition ?

Notre but est d'envoyer les keupines à Canterlot sans avoir à raconter le voyage. Alors... "Twilight tourna la tête vers Canterlot. La cité paraissait lointaine, mais si elles se pressaient, elles arriveraient à temps." Notez le temps verbal au conditionnel, puis saut de paragraphe. "Le temps manquait. Le soleil défilait dans le ciel à toute vitesse..." vous vous croyez encore à Ponyville ? Non, là on est déjà en train de faire le trajet, on est "dans le ciel" et le temps défile "à toute vitesse" "... et, après les avoir effacées, reformait des ombres étirées paresseusement sur la cité de marbre blanc." Et voilà, on est à Canterlot. Vous ne me croyez pas ? "Le soir n'était pas encore arrivé. À la gare, les poneys attendaient le dernier train venant de Ponyville." Voilà les keupines qui arrivent.

Et si vous êtes un peu flemmards, vous pouvez toujours faire : "Le soir n'était pas encore arrivé quand le train venant de Ponyville siffla en gare, la cheminée bouffie de fumée, et ouvraient ses portes sur les quais."

Mais bien sûr, ce serait mieux si la transition était motivée, et pas juste... mais j'y reviens.

Là, j'aimerais quand même expliquer ce qui s'est passé. On a fait la même chose que "Elles allèrent à Canterlot". Mais on va mettre un paragraphe à le dire. Pourquoi ? Pour maintenir l'immersion, le détail. Donner la fausse impression au lecteur que, justement, il n'y a pas eu d'ellipse. C'est pour ça qu'on répète "le temps", ça donne l'impression de continuité. Nos phrases pourraient aussi bien se dérouler depuis Ponyville, aux côtés de Twilight qui regarde Canterlot, qu'à Canterlot même, le soir. Cette ambiguïté permet la transition. Alors oui, c'est "compliqué", ça demande des efforts (et au lecteur également) mais si ça réussit, le lecteur est tout surpris de se retrouver à Canterlot sans même s'en être rendu compte.

Une transition brute "elles allèrent à Canterlot" est claire et sans ambiguïté, mais artificielle et capable de briser l'immersion. Une transition un peu travaillée demande plus de boulot mais, si elle réussit (j'insiste), le lecteur ne saura même pas que c'était une ellipse.

Okay maintenant je vais parler de "quand faire une ellipse".

Vous voyez ?! C'est pas agréable du tout ! Mes articles sont truffés de transition pour que vous ne remarquiez pas quand on passe du point (1a) au point (1b). On te coupe en plein récit pour te dire "changement de scène" puis on reprend, pas cool ! Ce qu'on veut, c'est faire une ellipse discrètement, dans le dos du lecteur, et on veut la faire au bon moment.

Comme dit plus tôt, les meilleurs moments pour une ellipse (ceci était une transition) sont après une grosse révélation ou, au contraire, juste avant, question de frustrer le lecteur qui "veut savoir". Typiquement :

"Twilight, je suis ta mère !" Dit Applejack.
"Non, c'est impossible !" S'exclama Twilight, avant de sourciller. "Attends, tu as quel âge ?"
"Non, c'est moi !" Reprit la fermière désemparée. "C'est moi, Twilight Velvet !"

Paf, révélation faite, on ellipse la réaction et tout ce qui suit parce que c'est trop inteeeeeense ! J'ai fait la même chose dans le Griffonic, quand Shimmer se rend compte d'où elle se trouve. Et j'utilise une démarcation "****", comme quoi... À noter d'ailleurs que si un lecteur vous dit "tu coupes toujours au pire moment !" Cela ne veut pas dire que vous placez mal vos ellipses, au contraire : il veut dire que "tu coupes toujours quand je voudrais savoir la suite !" Et c'est le but.

Alors quand couper ?

Quand c'est motivé.

Oui je sais, c'est une fausse réponse, mais faire une ellipse juste pour avoir à éviter le voyage à Canterlot, peu importe les formes que vous y mettez, ce sera toujours du bâclage. Une transition se motive, se justifie. Quand j'ai fait ma transition pour Canterlot, la motivation c'était le temps : on manque de temps, et le texte le met littéralement en scène en nous volant plusieurs heures -- et il vous le dit, "le temps manquait". Le texte vous dit carrément "je t'ai piqué quelques heures, bonne chance". Forme adaptée au fond.

Alors oui, on peut faire des ellipses pour le drama, personne ne vous en voudra mais vous vous contentez de copier-coller un schéma. Ça fonctionne... et c'est tout.

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Puis la princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi. Sombra."

Paf, ellipse. Bon. Même pas besoin d'ajouter le "Sombra", il n'y a pas beaucoup de rois dans cette histoire de toute manière. Là on a mis les points sur les "i". D'ailleurs, pourquoi donner le détail de la cuirasse ? On veut vraiment que le lecteur sache que c'est Sombra ? Les deux questions qu'on pose au moment de placer l'ellipse, c'est "quelles informations le lecteur doit savoir (ou savoir qu'il ne sait pas)" et "quelle est la dernière information qu'on lui donne ?"

La première question, c'est par exemple savoir si on lui dit clairement que c'est Sombra, ou au contraire qu'on le lui cache. Si on le lui cache, il partira du principe que c'est lui mais aura toujours ce doute dans la tête, et l'ellipse va nourrir ce doute. Mais si on le lui dit, alors il va pouvoir se concentrer sur la panique. Parce que là Twilight elle est foutue. Clairement.

La seconde question est un indice pour dire au lecteur sur quoi se concentrer. Ici, on termine en disant "Sombra", c'est ce qu'il va donc retenir en priorité et il va se dire "qu'est-ce qu'il fait là" ou "qu'est-ce qu'il va faire" ou tout ça. Mais changeons les choses :

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. La princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi. Sombra. Elle tourna un regard affolé sur Applejack, mais cette dernière affichait un sourire perfide."

Alors oui, le contexte fait qu'on se préoccupe toujours de Sombra. Mais moins. L'ellipse arrive alors qu'on parle d'Applejack, et du coup on se dit "il doit y avoir un truc avec Applejack", sinon pourquoi on aurait fini avec elle ? Et si... si Applejack n'était pas contrôlée ? Si c'était elle, la vraie menace ? Ou bien si Twilight pouvait encore convaincre Applejack de l'aider ? Ou bien...

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Puis la princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi, et qui se rapprochait, écrasante, qui se rapprochait, se rapprochait..."

Ellipse.

Qu'est-ce qui vient de se passer ? Nous sommes dans la tête de Twilight, nous voyons le monde à travers elle. Sombra s'approche, il est écrasant et soudain... on perd le contact. Oui, l'ellipse vient de vous dire que Twilight s'est évanouie. L'ellipse ne vous dit pas ce qui s'est passé, il se peut qu'elle ait résisté, crié, qu'elle ait tenté de fuir, tout cela est toujours le cas. Mais l'ellipse vous dit en plus ce qui s'est passé au final. Sombra a eu le dessus.

On réessaie ?

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Les filets de magie noire serpentèrent jusqu'aux pattes de la jeune princesse, la saisirent. Sombra se détacha des ombres, souriant, carnassier, face à sa proie prise au piège. Il s'avança, elle s'effondrait, gémissante. Il s'avança, puis soudain, tout devint noir."

Que s'est-il passé ?

Nous ne sommes plus du point de vue de Twilight. Nous sommes dans la tête de Sombra. Alors qu'est-ce que ça veut dire, "tout devint noir" ? Il a pu engloutir la salle dans les ténèbres. On a fermé la portes. Ou alors le narrateur a mis un cagoule sur votre tête, je ne sais pas... mais en général, "tout devint noir" c'est l'indication que le narrateur s'est pris un méchant coup sur la tête. Yup, Sombra est tombé dans un piège. Ici l'ellipse vous "assomme" en même temps que Sombra, ou du moins vous aveugle. J'aurais pu écrire "tout devint blanc" mais ça vous aurait semblé plus étrange, genre Twilight est morte ? Ou bien Celestia vient d'apparaître ?

L'ellipse, au moment où elle finit, vous dit ce qui se passe. Elle vous dit, ou vous laisse deviner, ce qui s'est passé. Ce n'est pas juste un saut dans le temps, l'ellipse exprime quelque chose.

Dans le cas du Griffonic, c'est la révélation qui "sonne" Shimmer. Elle n'arrive même plus à entendre ce qu'on lui dit et, donc, le lecteur non plus. Et c'est comme ça, à mes yeux, qu'on utilise une ellipse. Quand elle permet d'exprimer ce qui se passe vraiment. Comme un indice supplémentaire, un outil au service de l'histoire. Et pas quand "ouais la flemme c'est pas intéressant je passe à la suite" ou pour du drama "facile". Non que ces deux cas de figure ne soient pas légitimes, moi aussi certains passages me barbent et le drama c'est le bien. Mais on peut faire tellement plus !

Tiens : Asylum. Twilight reçoit la preuve qu'elle est une patiente de l'hôpital, ellipse. Et quand le texte reprend, plus tard, on apprend que Twilight a fait une crise. On a "vécu" la crise de Twilight Sparkle ! Le texte nous a fait vivre ce qu'elle a vécu ! Cette fic' est GÉNI- okay j'arrête.

Alors.

Résumons.

1) L'ellipse est un type de transition. Il faut donc la travailler comme une transition.
1a) On peut pour ça utiliser un démarcateur graphique, type "****" ; ou bien une phrase-résumé, type "elles allèrent à Canterlot" ; ou bien faire... une transition ?
2) L'ellipse crée la curiosité ou le suspense. On la place donc juste avant ou juste après une révélation.
2a) On se demandera "quelles informations donner au lecteur" avant de lui faire vivre l'ellipse.
2b) On se demander "quelle sera la dernière information", celle qui lui indiquera sur quoi s'inquiéter.
3) L'ellipse permet d'exprimer ce qui se passe, de le faire vivre au lecteur.

Je ne sais pas si ça répond à la question mais c'est en tout cas ma vision des choses. Je n'ai sans doute pas fait le tour mais si je dois parler de l'ellipse, c'est probablement ce que je voudrais en dire. Et si vous y avez compris quelque chose, tant mieux, sinon vous pourrez toujours poser la question directement, fanficers,
à vos plumes !

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Structure de phrase.
11 septembre 2014

Hi'.

J'ai lu le premier chapitre d'Une plume jaune et, en voulant la commenter, je me suis rendu compte que mon avis allait rejoindre celui des autres, mais sans le préciser. Je ne parle pas des fautes d'orthographe, ça on s'en fiche, je parle de l'écriture "maladroite".

Et j'ai d'autant plus besoin de généraliser le sujet que cela fait un bon moment que j'aimerais lire Le Village, notamment parce qu'il me rappelle le style de Ramuz, mais je suis bloqué au chapitre deux à cause de la formulation des phrases.

C'est plutôt paradoxal. Qu'est-ce qu'on entend par une écriture "maladroite" ? Que la personne ne sait pas écrire ? Au contraire. Dans les deux fics' que je cite, il y a tout ce que je cherche : de la passion et de l'effort. Et c'est justement pour le style du Village, plus que pour son histoire, que j'ai envie de la lire. À mes yeux l'auteur expérimente et c'est le résultat de cette expérimentation qui provoque la "maladresse". Un manque de maîtrise...

Bon, admettons.

Mais alors dans ce cas, quels conseils donner ?

On ne parlera pas ici du "mot juste". Bon okay brièvement. La "maladresse" peut être d'utiliser le mauvais terme dans le mauvais contexte. On m'avait reproché, voilà longtemps, d'avoir utilisé "cime" pour désigner le haut des arbres. Dans la Plume jaune, on qualifie "d'étrange" le fait que la pièce tout autour de nous est en train de voler en éclats. C'est tout une problématique dont je n'ai pas la moindre idée de comment l'aborder.

À la place, on parlera de la structure de phrase.

Je vous préviens, on entre d'emblée dans des considérations linguistiques, la courbe de difficulté va faire un pic pareil aux tours de Canterlot donc merci d'attacher vos ceintures et d'essayer de résoudre ce problème :

1) "Tous ses cheveux se relevèrent violemment, elle dut fermer les plis de ses paupières..."

2) "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity..."

Pourquoi l'exemple (1), tiré de la Plume jaune, peut être vu comme une maladresse, alors que l'exemple (2), inventé pour les besoins de la cause, peut être vu comme du style tavusamère ? Ou dit autrement, les gens considèrent que (1) est maladroit. Pourquoi ? Et comment régler la maladresse ? La solution de facilité serait de rajouter un "et" : "Tous ses cheveux se relevèrent violemment et elle dut fermer les plis de ses paupières..." Mais pourquoi ? Et est-ce vraiment la meilleure solution ?

Vous allez voir que pour répondre à ces questions on va devoir faire un détour de tous les Tartares.

La véritable question est : "qu'est-ce qui se passe quand je mets deux phrases ensemble ?" Ça semble bête mais il se passe bien plus de choses que ne vous en dit la grammaire scolaire. Par exemple reprenez (2) et comparez :

2a) "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity, chacune s'étonna de ne pas trouver l'autre chez elle."
2b) "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity, bientôt elles passèrent tout leur temps ensemble."

Le début est exactement le même, et pourtant ce qui s'est passé derrière est complètement différent. En effet, en (2a) vous pouvez déduire du contexte qu'elles sont allées l'une chez l'autre, attention majuscules, EN MÊME TEMPS ! Révélation ! Joie ! C'est pour cela qu'elles ne sont pas à domicile, elles sont chacune chez l'autre. Humour, drôle. Tandis qu'en (2b) on comprend qu'elles se rendent visite successivement, l'une après l'autre, et qu'on a une romance sur le feu. Sérieux, pourquoi une romance ? Elles pourraient être en train de fabriquer un nid d'oiseau pour Fluttershy ! Grmf...

Avec exactement le même départ on a signifié deux choses différentes. Comment c'est possible ? On va faire l'hypothèse que, par défaut (retenez bien le "par défaut") :
- La seconde phrase se produit après la première.
Autrement dit, le temps s'écoule dans le texte de la même manière qu'à la lecture. Ce qui est écrit avant se déroule avant dans le temps, ce qui est écrit après se déroule après. PAR DÉFAUT ! Cela signifie "si rien ne vient le contredire". Il s'agit juste d'une supposition, d'une hypothèse qu'on fait à la lecture, et le texte peut nous détromper. En (2a), en l'occurrence, la situation nous a fait déduire que les phrases ne se déroulent pas l'une après l'autre mais en même temps.

Reprenez (1) et demandez-vous : est-ce que ça se déroule en même temps ? Bon là sans contexte vous ne savez pas mais la réponse est oui, les cheveux se redressent en même temps que la petite ferme les yeux. Notez que le temps verbal n'y change rien, en (2) aussi on a un passé simple...

Bon, on a fait l'hypothèse de la "temporalité", que la phrase d'avant se déroule avant la phrase d'après. Ça n'a pas résolu notre problème. Qu'est-ce qu'on va faire ? Une seconde hypothèse ! Cette fois :
- La seconde phrase est causée par la première.
Toujours par défaut, hein.

Si nous reprenons l'exemple (2), (2b) notamment parce qu'il m'arrange, on supposera que la visite de Rarity CAUSE la visite de Twilight, qui à son tour CAUSE qu'elles passent leur temps ensemble. Plus précisément, et là c'est le contexte qui nous le fait déduire, on comprend que les deux premières "phrases" causent la troisième.

Notez également qu'à ce stade on n'en a plus ranafiche de la ponctuation :

2c) "Rarity alla chez Twilight. Twilight alla chez Rarity. Bientôt elles passèrent tout leur temps ensemble."

À part que la pause est plus longue entre chaque phrase (avec effet de style, je suppose), la signification est exactement la même. Tout au plus ces pauses peuvent suggérer que la romance prend son temps, ou bien que le narrateur désapprouve... qui sait ? Dans tous les cas la structure est, elle, strictement la même.

Appliquez ce lien de causalité à (1) : les cheveux se relèvent... et ça cause... qu'elle ferme ses paupières ?

Hein ?

Félicitations ! \ o / La boîte noire du langage dans la cervelle du lecteur vient de renvoyer une erreur système tonitruante, vous venez d'expliquer la maladresse ! Eh oui, on l'a dit, par défaut on suppose que la première phrase cause la seconde. Ici la seconde phrase n'est clairement pas causée par la première (ou alors Flutty' a des réactions bizarres), hypothèse contredite, et le lecteur... n'a pas d'autre hypothèse.

Pour le comprendre, on va compléter l'exemple (1) :

1a) "... soudainement, le souffle du vent se renforça et se durcit. Tous ses cheveux se relevèrent violemment, elle dut fermer les plis de ses paupières..."

C'est "maladroit" mais on comprend parfaitement ce que l'auteur a voulu faire : énumérer les effets du vent sur la petite pégase toute trognon. On a dit à l'école qu'on énumérait avec une liste "ça, virgule, ça, virgule, ça et ça" donc l'auteur a mis une virgule et on comprend. Mais, dans la structure, le texte dit que le souffle du vent CAUSE les cheveux qui se relèvent et que ces cheveux, à leur tour, CAUSEnt la fermeture des paupières. Ce n'est pas ce qu'on veut. Nous on veut :

1b) "... soudainement, le souffle du vent se renforça et se durcit. Tous ses cheveux se relevèrent violemment et elle dut fermer les plis de ses paupières..."

Le "et" sert ici à contredire l'hypothèse, à dire au lecteur "nope ! La phrase d'avant ne cause pas celle qui va suivre". C'est plus compliqué que ça mais faites semblant, hochez la tête et tout ira bien.

Détour terminé, on a expliqué pourquoi mettre un "et", on a réglé un problème sur un bazillion et qu'est-ce qu'on a vraiment appris ?

Eh bien, que le texte est structuré par deux hypothèses fondamentales :
- La phrase d'avant se déroule avant la phrase d'après
- La phrase d'avant cause la phrase d'après
Et que ces deux hypothèses pouvaient être niées par le texte, soit par des indices textuels (genre le "et") soit par le contexte, la situation elle-même.

ATTENTION ! /!\

T'as vu j'ai même mis du gras alors si c'est pas pour dire... je vous préviens juste que ça c'était la partie facile de l'article. Si vous avez compris que, par défaut, il y a toujours un lien de cause à effet entre deux phrases, vous pouvez vous arrêter là. Mais moi j'ai envie d'aller plus loin et pour ça je vais utiliser... horreur... un langage logique !

En gros j'en ai marre d'écrire la phrase complète à chaque fois, alors à la place je vais utiliser des lettres majuscules :

3) "Elle ne comprenait rien à ce qui se passait, tout allait trop vite, tout était trop violent pour comprendre quoi que ce soit..."

Cet exemple (3), moi, je vais l'écrire comme ça : "A, B, C pour D". Dans ce cas, "B" correspond à "tout allait trop vite", etc...

Pourquoi je fais ça ? Pour pouvoir mettre en avant les rapports entre les phrases. "A parce que B et C donc D". Vous voulez la version longue ? D'accord. "Elle ne comprenait rien à ce qui se passait PARCE QUE tout allait trop vite ET tout était trop violent DONC pour comprendre quoi que ce soit." Je me contente d'abréger avec des lettres, merci de votre compréhension.

Mais je fais ça aussi pour pouvoir mettre des parenthèses :

3a) (A parce que (B et (C donc D) ) )

P-p-pourquoi j'ai fait ça ?! Aaaah des parenthèses, des maths', pas les maths', pas les maaaths' ! Blague à part, les parenthèses sont nécessaires. Et quitte à faire des maths', rappelez-vous : 2 + 3 x 4 = ? Suivant où vous mettez les parenthèses, ça fait 14 ou 20. Eh bien en écriture c'est pareil. Si j'écris :

3b) "Elle ne comprenait rien à ce qui se passait tant tout allait vite, tout était trop violent pour comprendre quoi que ce soit..."

Vous ne voyez pas la différence mais en termes logiques :

3c) (A parce que B) et (C donc D)

Je n'ai changé que deux mots et les parenthèses ne sont plus du tout les mêmes. Pourquoi ? C'est quoi ces parenthèses et en quoi ça importe ? Eh bien, ces parenthèses sont la structure de la phrase. Ah bah oui, la phrase au sens scolaire c'est "depuis la majuscule jusqu'au point", donc on a quatre phrases (A, B, C et D) qui n'en forment qu'une, merci la nomenclature pourrie de l'école ! On parle de phrase "complexe". Et cette phrase complexe, composée de phrases "simples", a donc une structure.

Cette structure dit quelle phrase est subordonnée, dépendante, soumise... ce-que-vous-voulez à quelle phrase. En termes de causalité, l'effet est subordonné à la cause : sans cause pas, d'effet, pas de fumée sans feu. En d'autres termes, théoriquement, une phrase soumise à une autre ne peut pas exister sans cette autre phrase.

Si vous reprenez (3a), les parenthèses nous disent que le bloc (C donc D) est l'une des causes de A. Si tout n'était pas "trop violent" (C) ou "trop rapide" (B), elle comprendrait (non-A). Logique.

L'enjeu de la structure de phrase est donc de permettre au lecteur de retrouver cette structure, en lui donnant tous les indices nécessaires pour savoir quelle "phrase" est subordonnée à quelle autre.

À ce petit jeu, deux règles :
- Il n'y jamais qu'une et UNE SEULE phrase principale au-dessus de toutes les autres
- TOUTES les phrases ont une relation

Qu'est-ce que ça signifie ? Eh bien, rappelez vous (2) : "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity", en disant que cela forme une phrase complète... quelle phrase est subordonnée à l'autre ? On aurait tendance à dire que les deux sont au même niveau, par flemme, mais rappelez-vous notre hypothèse : la seconde est causée par la première. Elle lui est donc... subordonnée. Un autre exemple ?

4) "Luna frappa le document de son sceau, le rendant éternel."

Cause, Luna appose son sceau. Effet, le document est désormais éternel. Conclusion, la seconde phrase est subordonnée à la première. Preuve ? On a utilisé un participe présent. Eeeyup, le participe est un indice textuel pour dire au lecteur "eh. Eh ! Cette phrase est soumise à l'autre." On teste ?

4a) "Rendant le document éternel, Luna le frappa de son sceau."
4b) "Luna rendit le document éternel, le frappant de son sceau."
4c) "Luna frappant le document de son sceau le rendit éternel."

En (4a) on inverse l'ordre des phrases. Par défaut la première devrait causer la seconde, mais le participe présent nous prévient que c'est la subordonnée. En (4b) la chaîne causale n'a pas changé, mais le participe présent fait "buck you" et impose la première phrase comme principale. Cela signifie qu'on s'intéresse à l'effet, la cause devient secondaire. On inverse en (4c) ? Même résultat.

C'est cela, un "indice textuel". Le participe présent soumet la phrase à une autre.

Et cela signifie -- je te regarde très fort, le Village -- qu'il ne devrait jamais y avoir de phrase principale avec un participe présent. Grmf.

Mais on n'a pas fini :

4d) "Luna frappa de son sceau le document devenu éternel."
4e) "Le document frappé du sceau de Luna devint éternel."
4f) "Luna frappa de son sceau le document qui devint éternel."
4g) "Le document qui devint éternel fut frappé du sceau de Luna."
4h) "Luna apposa son sceau et le document devint éternel."
4i) "Le document devint éternel et... Luna... apposa son sceau... au doc- what ?"
4j) "Le document devint éternel lorsque Luna y apposa son sceau."

Il y a énormément de manières d'exprimer la "causalité" (au sens très large, calmez-vous les philosophes) et, donc, la dépendance d'une phrase à une autre.

On a déjà vu ce qui se passait si on mettait simplement deux phrases l'une après l'autres. Pas d'indice textuel, par défaut la première cause la seconde et seul le contexte peut nous détromper.

On a aussi vu ce qui se passait si on utilisait un participe présent : celui-ci subordonne la "phrase" où il se trouve. Mais avec (4d-4j) on voit que le participe présent n'est qu'une option parmi d'autres : participe passé, subordination (le "qui"), coordination (le "et" mais aussi le "lorsque")... Ce sont tous les indices textuels -- il doit y en avoir d'autres -- qui permettent de dire au lecteur "bon arrête ton délire, c'est cette phrase qui domine les autres ta gueule". Notez d'ailleurs qu'en (4h) on a un "et", mais que la seconde phrase est quand même subordonnée, vu qu'en (4i) si on tente d'inverse ça déraille complètement... eh oui, première hypothèse, il y a aussi le déroulement du temps.

Okay donc je résume.

Par défaut (sans contexte ni indice textuel) :
- La première phrase se déroule avant la seconde.
- La première phrase cause la seconde.
La relation de causalité crée des dépendances, et donc subordonne les phrases entre elles, et le texte fournit des indices textuels (en plus du contexte) pour nous dire qui domine qui :
- La coordination (mais ou et donc or ni car)
- La subordination (qui, lequel, etc...)
- Le participe (présent et passé)
À quoi il faut ajouter le temps verbal, etc...

Tout cela nous donne déjà une batterie d'outils assez formidables pour composer des phrases dignes de Proust et qui donneront mal à la tête à des générations d'écoliers. Ce n'est pas notre but, notre but est d'expérimenter, de tester ces outils pour voir ce que nous, chacun de notre côté, on veut en faire pour exprimer au mieux notre histoire.

Demandez-vous quelle information vous devez mettre en avant, et en gardant en tête qu'il n'y en aura qu'une seule, faites en sorte de subordonner toutes les autres à celle-ci. Tant qu'une seule information domine, votre phrase sera juste.

Je sais que c'est encore pas mal abstrait, et quitte à rester vague je vous inviterai surtout, peu importe les maladresses, à continuer d'expérimenter, fanficers,
à vos plumes !

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La tension ?
30 août 2014

Hi'.

Quand j'ai écrit mon article sur le plan -- qui doit être pénible, même moi à la relecture j'ai arrêté au premier tiers -- j'ai tout de suite voulu enchaîner avec la question de la "tension".

J'avais parlé de la structure "problème-solution", qui disait en gros qu'en tout point du texte le lecteur devait avoir un problème à résoudre. Par exemple, savoir qui est ce mystérieux poney qui vient de saluer notre héroïne dans la rue, ou si la police arrivera à temps pour arrêter les casseurs, ou comment finit la première guerr- non attendez je vais carrément sortir l'artillerie lourde : Dinky Doo n'a plus de doudou. Mec, 'faut lui trouver un doudou, l'avenir de l'univers en dépend !

Il y a un problème à résoudre ? Le texte a une tension.

La tension est en gros l'intérêt, l'intensité du texte. C'est ce qui pousse le lecteur à vouloir tourner la page pour lire la suite, et cela pour les romances, les comédies, les aventures, les grimdarks...

Classiquement, on a trois types de tension : "suspense", "curiosité" et "surprise". Le suspense consiste à se demander "qu'est-ce qui va se passer ensuite". La curiosité consiste à se demander "mais qu'est-ce qui s'est passé avant ?" Et la surprise consiste... à surprendre le lecteur. Le truc imprévu.

Dans les commentaires sur le plan, Toro' parlait d'une variation entre les moments "normaux" et les moments "sombres". C'est le principe du contraste et il faut aussi en tenir compte quand on parle de tension.

Là, je reprendrai l'exemple du hamburger de FiMFlamFilosophy oui ce mec est cool mangez-en. L'exemple va comme suit : vous avez faim. En supposant que vous aimez les hamburgers, on vous donne un hamburger. Vous avez moins faim. Génial ! Deux hamburgers. Encore mieux ! Cinq, dix, vingt hamburgers... euuuuuh... cent, mille, dix mille, un million, un milliard de hamburgers... y a un moment où trop c'est trop. Et la tension fonctionne de la même manière : tenter de maintenir la tension à son maximum est impossible, l'endurance humaine a ses limites. C'est pour ça qu'on aménage des "pauses", des moments plus calmes dans le texte où souffler avant de reprendre l'autoroute.

Et maintenant, la question qui démolit tout.

...

Comment on calcule la tension d'un texte ?

Non non arrêtez de rire, je pose la question sérieusement. La littérature a pour ambition de pouvoir juger un texte "objectivement", c'est-à-dire indépendamment de notre petit avis personnel. Et il faut d'autant plus se méfier qu'on a ce préjugé du "le texte n'est pas 'tendu' s'il ne s'y passe rien". Dans l'ouvrage 1984 au final il ne se passe pas grand-chose... ouais. Ouais.

Donc, indépendamment de si on a aimé ou pas, peut-on dire si un texte a ou non une "tension" ?

Honnêtement je ne sais pas.

Normalement, la structure "problème-solution" serait une réponse assez simple. Si le lecteur doit résoudre un problème alors forcément qu'il y aura une tension. Cela fonctionne d'autant mieux si on l'applique à très court terme -- et si on le lie à l'enjeu du texte. Je m'explique.

Imaginons un groupe d'aventuriers qui doit aller tuer un dragon. Déjà, évaluons la tension : on a un problème, il y a donc une tension. Après chacun pense ce qu'il veut : depuis "ouaaais, encore un dragon, woohoo c't'originalité" jusqu'à "ils vont teeeellement se faire meuler ça va être un truc de fous". Moi, en tant que critique, je dirais que le problème est trop général, que du coup il manque de potentiel, qu'il faudrait le personnaliser, lui donner des particularités... mais si c'est votre premier texte d'aventure et que vous n'avez pas l'habitude de voir les dragons tomber comme des mouches, alors sûr, ça promet d'envoyer du pâté.

Maintenant, imaginons que durant plus de six pages on traîne dans la ville de départ. On évalue la tension : je... ne vois pas le problème, donc pas de tension. Le lecteur va juste se demander en boucle "qu'est-ce qu'on fout encore là, on devrait déjà être parti !" Et du coup il a surtout envie de sauter des paragraphes.

Cela signifie que le problème à long terme est le seul qu'il doit résoudre : tuer le dragon. Et comme il n'a pas de problème à plus court terme à régler, bah il veut aller tuer le dragon. Là, tout de suite.

Mais bien sûr, l'auteur a un plan.

Par exemple, le paladin va tomber amoureux de la boulangère. Le texte va alors poser deux problèmes au lecteur : le premier, au niveau de la curiosité, "qu'est-ce qui se passe avec le paladin ?" On va mettre en scène qu'il y a un problème avec lui, jusqu'à la solution qui est l'amour (ch'est meugnon) ; le second, au niveau du suspense, "est-ce qu'il va rester ou partir ?" On va mettre en scène son dilemme, entre rester en ville ou suivre le groupe jusqu'au dragon.

Ne le cachons pas, moi personnellement la romance me passe par-dessus la tête, je serai toujours en mode "quand est-ce qu'on paaaaaaart..." mais objectivement le texte a posé plusieurs problèmes à court terme que le lecteur se retrouve à devoir résoudre. Et pour peu que le lecteur accepte de s'y intéresser, il va pouvoir accepter de piétiner en ville encore quelques pages.

Il l'acceptera d'autant plus que c'est lié au problème à long terme, aka "tuer le dragon". Eh oui, sans paladin le groupe est affaibli d'autant, et leur quête mise en péril.

La logique est la suivante : le texte m'a promis qu'on allait tuer un dragon. Si j'ai décidé de lire le texte, c'est donc que j'ai envie d'aller tuer un dragon. Le texte me dit qu'il y a un obstacle à surmonter pour aller le tuer. C'est le problème "à court terme". Je suis intéressé à aller le tuer, je vais donc être intéressé à surmonter cet obstacle. Du moment que je vois le lien entre les deux, je vais donc me concentrer sur ce problème "à court terme".

Parce que si le problème est sans rapport avec l'intrigue... comment dire... soudain on apprend que le chef du groupe a deux maisons en ville qu'il loue mais que l'un des occupants n'a pas payé son loyer, et... on passe deux pages à l'écouter en discuter à la taverne... non mais je suis sûr que ça nous présente bien le personnage mais on n'était pas censé aller je sais pas tuer un dragon ou quelque chose ?!

Une fois encore, même si c'est sans rapport ce peut être très intéressant. Je veux dire, les chefs de groupe qui font aussi de l'immobilier c'est plutôt rare et notable.

Mais là on veut des mesures "objectives" de la tension d'un texte, et quelque part, si on y réfléchit, on s'intéresse à l'immobilier parce que ça nous dit qui est le chef du groupe, et donc comment il peut réagir au moment d'affronter le dragon. En fait (rappelez-vous la pertinence) on peut partir du principe que le lecteur cherchera de lui-même à établir un lien entre le problème "à court terme" et celui "à long terme" de l'histoire. On peut même dire que s'il n'y a pas de problème, le lecteur cherchera d'instinct à en créer un.

Donc si je devais donner deux mesures :
1) Plus le problème est "à court terme", plus la tension est forte.
2) Plus le problème est lié à "l'intrigue" (le problème à long terme), plus la tension est forte.

Il est ainsi possible d'accumuler les niveaux de "problèmes" : 1) On doit aller tuer un dragon, 2) Y a un camp de gobelins sur le chemin, 3) Y a un guetteur dans l'arbre, 4) Le vent porte du mauvais côté. On en est donc au paragraphe où le personnage à deux doigts d'être repéré doit éliminer le guetteur gobelin sans donner l'alerte, et même quand il l'aura fait ils auront encore tout un camp à traverser (et le rapport avec le dragon je le vois toujours pas mais tant pis).

Et jusqu'ici on a parlé de la partie "problème" mais pas de la solution.

Déjà, "à court terme" signifie que la solution est censée arriver très vite. Parfois d'ici une à deux phrases. Ce n'est pas pour autant que c'est très intense : "Soudain deux gardes surgirent par la porte ; machine frappa du sabot le premier puis culbuta le second." Vala', en une phrase c'est réglé, mais c'était un problème à super-très-court terme, et c'est justement pour ça que je dois insister sur la solution.

La tension d'un texte se mesure au problème qu'il pose, et plus le problème est ardu, plus le surmonter sera satisfaisant. C'est le bon vieux "à vaincre sans périls on triomphe sans gloire" du Cid. Si le lecteur ne voit pas la solution, il va beaucoup plus accrocher que s'il fait "nan mais deux coups d'épée c'est réglé".

Mais si la solution est décevante ?

Il y a un camp de gobelins, du coup on ne peut pas passer. On fait des pieds et des mains et... on passe quand même. Les gobelins n'ont même pas été alertés de notre présence ou s'ils l'ont été, on les a tous tués... les mecs. Ça a servi à quoi ?! Et vous savez, il existe une école de pensée qui consiste à dire qu'on est là pour être distraits, donc qu'est-ce qu'on s'en fiche d'avoir un but, on a massacré du gobelin, toutes les excuses sont bonnes ! Je veux bien. Mettons.

Mais maintenant, imaginons qu'en traversant le camp de gobelins on découvre qu'ils ont été chassés par le dragon loin de la montagne / qu'ils sont en route eux aussi pour tuer le dragon / qu'ils ont capturé un bébé dragon et qu'ils s'amusent avec...

Ou même sans ça, le groupe est forcé d'abandonner ses montures / a son mage blessé ou rendu fou par une lutte avec le shaman d'en face / pactise avec les gobelins pour aller tuer le dragon (en échange de son trésor). Ah ouais tout de suite la quête secondaire là elle n'a pas servi à rien !

Et je dois encore insister sur la facilité, même si ce râlage n'est pas très utile... mais si vous donnez une solution plus simple que celle du lecteur, il va être déçu. Le problème lui promettait une solution à la hauteur, et vous n'avez pas tenu l'engagement. J'en avais parlé, non ? Les histoires de bombes. Eh bien on y revient. Vous avez pu créer un problème pas possible, la tension est à son comble... et la solution est toute moisie. Le problème est alors qu'au prochain problème que vous poserez, le lecteur risque de s'attendre à ce que, cette fois, la solution ne soit pas à la hauteur... du coup c'est plus facile de remplir votre engagement, mais ça signifie aussi que pour lui la tension est bien moindre.

Là s'il vous faut un exemple je n'aurai qu'à citer mon râlage sur FO:E...

On peut donc créer de la tension sur le moment, c'est la partie "problème", et plus c'est à court terme, et lié à l'intrigue, plus c'est intense. Mais cette tension doit être résolue est la solution doit être :
1) À la hauteur.
2) Liée à l'intrigue.
Si la solution n'est pas à la hauteur des attentes/promesses, la réaction du lecteur devrait être "tout ça pour ça ?" Et une fois encore, on peut être partisan du "ce n'est pas la destination qui compte, c'est le voyage" mais quand même, on aimerait bien arriver quelque part.

Voilà pourquoi, en parlant du plan, j'ai fait tous ces détours et surtout, j'ai parlé de cette structure "problème-solution". C'était une autre manière de parler de tension, et le plan est un outil formidable pour savoir quand poser un problème et quand le résoudre.

Et bien sûr, je suis forcé d'avertir encore une fois.

Le lecteur n'a pas du tout la même vision que l'auteur.

Là où on est persuadé d'avoir posé un problème, il est fort possible qu'il n'en voie aucun et qu'il se demande pourquoi on passe deux ou trois paragraphes à décrire ce salon de palais. Le lecteur lit le texte avec ses propres attentes et du coup tout votre dispositif peut s'effondrer bien malgré vous.

Et je n'ai pas abordé un élément important dans cette histoire de tension, un élément que je ne maîtrise pas du tout : le personnage.

Alors que je ne m'y intéresse pas du tout, le personnage est en fait presque un clé de la tension. Une situation en elle-même, peu importe sa joie ou son horreur, n'a aucune tension si les personnages n'y réagissent pas. Plus le personnage réagit aux différentes situations, plus le lecteur aura de chances de réagir lui-même. Je déteste ça parce que le personnage sert alors d'énorme panneau "veuillez rire/pleurer maintenant" au lecteur, mais je me suis fait la réflexion suivante.

Dans la saison 9 de Doctor Who (classic), le doc' a fait exploser la base des méchants et on l'a vu être récupéré par les humains. Là on annonce à la radio avoir récupéré "deux hommes", et l'assistante du doc' demande avec un début de sanglot si le doc' en fait partie.

Je me suis d'abord dit "ouais encore un truc pour nous faire nous inquiéter... sérieux c'est Who, il peut pas mourir (non vraiment il ne peut pas)." Et puis je me suis rappelé que l'épisode nous avait montré explicitement qu'il était déjà en vie et à l'abri. Le but n'était pas de créer une fausse tension (un problème déjà résolu). C'était vraiment un personnage qui s'inquiète (et qui venait de traverser pas mal d'événements). Je me suis rendu compte qu'elle avait raison au final de réagir comme ça, et je me suis retrouvé en situation de "suspense", à vouloir voir leurs retrouvailles.

Comme quoi...

...

Vous savez, en commençant cet article je pensais n'avoir pas la réponse à la manière d'évaluer la tension d'un texte. Je n'ai toujours pas la réponse, juste une esquisse, et pas sûr qu'elle soit bonne. J'avais mis un point d'interrogation surtout pour demander l'avis des autres auteurs, comment vous faisiez pour juger quand votre texte était "intense" et quand il ne l'était pas.

Et je maintiens ma question ouverte, au final, surtout sur un sujet aussi ardu. Mais je suis quand même satisfait de ces quelques précisions, même si au final elles font pâle figure face, fanficers,
à vos plumes !

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Le plan.
26 août 2014

Hi'.

J'aurais pu parler des personnages mais outre que je suis nul à ça et BroNie le fait déjà donc allez voir ses articles ; du coup j'avais pensé parler des justifications mais je me suis embourbé dans mes explications ; alors je triche et je choisis un sujet facile.

Le plan.

Ça peut pas être compliqué de dire aux gens comment faire un plan. Non ?

...

Okay on est demain matin j'ai un mal de crâne pas possible, qu'eeeest-ce qui s'est passé hie- ah ouais j'ai tenté de parler de la planification. Pourtant le plan c'est la base de la base, le truc qu'on apprend à l'école obligatoire...

Alors déjà, un plan, c'est quoi ?

Imaginez que votre texte soit une route, un trajet de je sais pas moi... de Genissa à Maretigny. Le lecteur part donc d'un point A pour arriver à un point B. Ici le plan est simple, "tu prends l'autoroute à Genissa et tu sors à Maretigny." Okay ! Donc vous montez dans votre voiture et... et vous tournez pendant dix minutes pour trouver cette fichue entrée d'autoroute. Quand vous la trouvez enfin, vous la prenez dans le mauvais sens et vous vous retrouvez chez les griffons. Z'êtes pas doué. Et quand enfin vous partez dans le bon sens vous découvrez que la sortie de Maretigny est en travaux ! Et que vous ne pouvez pas l'emprunter !

Outre de vous éviter de rager, un plan va faire trois choses pour vous.

Déjà, il va vous dire où se trouve l'entrée d'autoroute, et dans quel sens la prendre. Ensuite, il vous permettra d'évaluer le temps de trajet, tout ça... enfin il vous révèlera que Maretigny a deux sorties d'autoroute, donc zen.

En écriture, c'est pareil. Vous avez une idée de texte ? C'est votre destination. Dans votre tête il y a les grandes lignes, genre "tuer Zecora avec une cuillère", vous savez où vous voulez aller donc bah allez-y, faites-vous plaisir, rien ne vous empêche de vous visser sur votre siège pour taper votre texte comme ça vous vient, et s'il y a une difficulté en cours d'écriture vous inventerez sur le moment. C'est ce que j'appelle le "freestyle". Je l'ai fait, je le fais encore, la majorité des gens font comme ça, c'est flemmard, c'est suicidaire et c'est cool.

Faire un plan consiste, au contraire, à expliciter votre projet, à le détailler par avance de sorte à 1) éviter les embûches, 2) améliorer votre histoire et 3) vous donner de la marge pour dévier. Je le considère donc comme un filet de sécurité, à la manière d'une carte routière qui vous évite de tourner trois fois au rond-point de Maretigny parce que "la petite gare" vous voyez pas où c'est.

Ce n'est pas nécessaire d'en avoir un, avec l'habitude -- et de la fierté mal placée, ou de la flemme -- on finit par s'en passer mais, et surtout quand on débute, ça aide. Beaucoup.

Donc on va faire un plan.

Comment qu'on fait ?

Mettons-nous en situation.

Je pourrais utiliser le projet Hydre comme exemple, vu que les participants passent plus d'un mois à planifier justement leur chapitre, mais compliquons-nous la vie et faisons-moi plaisir, on va ressortir les vieux cartons et utiliser un vieux projet de fic' : "Spike bouffe Twilight."

On veut écrire cette histoire, notre point de départ c'est "Spike a dévoré Twilight", on décide que ça s'est passé la nuit au Golden Oak (on est encore en S2) et que le texte commence le matin suivant, quand Spike se réveille.

Freestyle ! On s'assoit et on se met à écrire ! Alors euh il se réveille, y a du sang plein partout ! Okay non c'est nul, on peut faire mieux... vous savez quoi ? La chambre est nickel propre, le lit est fait sans un pli et plus la moindre trace de Twilight. Ouais, on vient de décider sur un coup de tête que durant la nuit Spike a tout nettoyé. Et question d'en rajouter, on décide désormais qu'il est inconscient de son acte. Du coup on écrit, il cherche Twilight, il fouille le Golden Oak, allez ! C'est l'occasion de se payer la visite complète de la bibliothèque ! Et puis euh... ouais allez paf ! On décide qu'il trouve les anciens draps de lits, propres, en train de sécher dehors, oh et puis tiens, on va mettre un placard à balai qu'il n'ose pas ouvrir, parce que c'est là qu'il a rangé les os ! Ah ah ah je suis trop foooort...

Et là j'ai calé.

Ouais ouais j'avais effectivement, à l'époque, scribouillé le début de la fanfic', mode freestyle, avant de caler à ce point précis. Pourquoi ? Parce qu'à ce stade la suite logique c'est que Spike aille chercher le mane6, que ces dernières se mettent à chercher Twilight et blablabla... tout cela pour arriver à Rarity qui inviterait Spike à dormir chez elle, pour le second meurtre de l'histoire.

Je voulais donc aller du point A, où Spike a fini de fouiller la bibliothèque, au point B, où Rarity invite Spike chez elle. Et j'avais masse d'événements entre les deux à inventer.

C'est ce que j'appelle une "transition".

La "transition", c'est le passage d'un événement à un autre. Les transitions les plus évidentes sont celles d'un lieu à l'autre, ou un saut dans le temps, par exemple "le soir venu" ou "une fois arrivées au Sugarcube Corner"... mais il y a un tas d'autres transitions dans un texte, entre les événements cette fois. Par exemple, dans un dialogue, le fait de changer le sujet de la conversation : "au fait, tu parlais de..." ou "en parlant de tapis, tu es toujours avec Fluttershy ?" Ici de même, avec Spike qui doit aller chercher le mane6, on fait une transition de type "il alla chercher le mane6, mais même avec leur aide Twilight restait introuvable". Ceci est une transition, et c'est le genre de moment où on dit à l'auteur : "trop vite, ralentis, stop, sérieux tu me fais quoi là ?!"

La transition est une solution de flemmards. Légitime, parfois nécessaire mais en général c'est juste que le passage à écrire barbe l'auteur et du coup il expédie pour arriver la partie qui l'intéresse. Et quelque part le lecteur lui en est reconnaissant. Imaginez qu'on doive se taper :

"Spike alla chercher Pinkie Pie. 'Twilight a disparu !' Lui dit-il et la ponette s'exclama : 'Oh non ! Il faut la retrouver !' Puis Spike alla chercher Applejack. 'Twilight a disparu !' Lui dit-il et la ponette s'exclama : 'Oh non ! Il faut la retrouver !' Puis Spike..."

Même en y mettant les formes, bordel ! Vous pouvez pas faire plus ennuyeux ?! Alors oui, résumer ça par "Spike alla chercher le mane6 et bientôt toutes se retrouvèrent dans..." c'est une façon cavalière d'épargner ça au lecteur. Et le lecteur vous en est reconnaissant. Mais ça reste une solution de flemmards.

Parce qu'en planifiant le texte on pourrait éviter ce désastre.

Ici le plan dans ma tête disait : "Spike fouille la bibliothèque -- Spike réunit le mane6 -- le mane6 ne trouve personne -- Rarity invite Spike chez elle". Ça a l'air tellement bien écrit comme ça que eh, le plan dit que tout va bien ! Nein ! Le plan ne vous dit rien. Détaillez-le et vous verrez que ça coince.

Spike fouille la bibliothèque. Comment ? Il va vraiment se faire chaque pièce de la bibliothèque pour constater qu'elle n'est pas là ? "Spike fouilla la cuisine mais Twilight n'était pas là. Alors il fouilla la cave mais elle n'était pas là. Alors il fouilla..." Au nom de Luna !

Maintenant rappelez-vous quand on a écrit le début en freestyle, c'est exactement ce qu'on a fait : Spike a passé en revue chaque pièce du Golden Oak. Sauf le placard à balai. En fait, et sur le moment, j'ai planifié le texte de telle sorte que chaque pièce joue un rôle, avec deux grands axes : les traces de vie de la veille, pour souligner le quotidien coupé brutalement ; et surtout la propreté anormale des lieux, jusqu'aux draps pendus dehors en train de sécher. Chaque pièce apporte des indices sur ce qui s'est passé, et à chaque fois les indices sont un peu différents.

Par exemple, mon plan me dit que je vais devoir fouiller la cave ? Bien ! L'occasion de réveiller Owloviscious, qui pourrait incarner la bonne conscience de Spike. De le confronter aussi aux recherches de Twilight, moyen de dire "elle serait jamais partie comme ça". Ou alors les ténèbres ravivent des souvenirs de la nuit. Il y a un tas de choses à faire et pas juste "Spike fouilla la cave mais ne trouva rien". Le plan nous confronte par avance à ce moment, il nous dit qu'on devra y passer, on peut donc par avance décider de ce qu'on peut en faire.

Au lieu de, sur le moment, se dire "weh non la flemme j'abrège".

Revenons donc au moment où j'ai bloqué. Si j'avais planifié mon texte, j'aurais su qu'à ce moment de l'histoire Spike devait aller chercher le mane6, et que je n'avais rien de prévu sur le moment. J'aurais pu prévoir un milliard de choses pour rendre ce passage intéressant ! Et si, au lieu d'aller chercher le mane6, c'était l'une d'elles qui venait ? Et si c'était Zecora ? Et s'il recevait une lettre de la princesse Celestia ?

Mais ce n'est pas tout.

À ce stade le fait de planifier nous pousse à réfléchir, à détailler, à voir comment rendre intéressant un passage qui ne l'est pas. Mais le plan est aussi censé nous avoir forcé à décider, par avance, de toute l'histoire.

Si si, rappelez-vous.

On est parti avec l'idée que "Spike bouffe Twilight". Alors dans les grandes lignes, l'intrigue c'est Celestia amoureuse de l'empereur dragon Rage qui veut lui faire un cadeau. Aka Spike. Woohoo, en oubliant qu'à ce stade l'intrigue est plutôt plate ça ne nous dit surtout pas comment l'histoire va évoluer et finir. On se doute que Spike va confronter Celestia, et puis y aura un volcan ou peu importe, tout cela est extrêmement vague ! Même si, admettons-le, la bataille finale entre Spike dopé par toutes ses victimes et Rage sorti du Tartare devrait être épique... bah pour y arriver à part en alignant les cadavres on n'a pas vraiment de... de plan, justement. Ce serait bien d'en avoir un.

Mais... mais on pourrait se passer du plan complet, non ?

Je veux dire, qu'est-ce qui nous empêche de planifier seulement à court terme ? Le reste du texte il viendra quand il viendra, c'est dans longtemps... où est l'intérêt ?

L'intérêt, cher lecteur fictif qui pose les questions qui m'arrangent (ceci était donc une transition, pour les plus attentifs), est de pouvoir préparer le terrain.

Par exemple, disons qu'à un stade de mon histoire où Spike a bouffé Twilight, Spike revienne de l'Everfree s'attaquer à Fluttershy. Dash intervient et repousse Spike, non sans se faire blesser gravement. Bon. Sachant que cet événement va se produire -- c'est planifié -- qu'est-ce qu'on pourrait faire pour le "préparer" ?

Eh bien, trente-six mille choses. Lorsque le mane6 a été rassemblé et qu'il a échoué à trouver Twilight, Rainbow Dash peut la première proposer l'idée du meurtre sordide, et suggérer que ça arrivera aussi à Fluttershy vu qu'elle vit près de l'Everfree. Elle "rigole", bien sûr, poussée par ses lectures aventureuses, et elle n'en pense pas un mot, mais c'est sa manière de gérer le stress -- et ça dit au lecteur que Flutty' est en danger. Ça reviendra plus tard, quand Spike ira voir Fluttershy, alors que le village le rejette. Sachant que la routine "là où va Spike les poneys meurent" se sera installée, le lecteur se dira que Flutty' est en danger. Spike ne lui fera rien cette fois-là mais Flutty' pourra dire "ne croise pas Dash". Enfin, vu que Spike s'est réfugié dans l'Everfree, on peut même faire en sorte que, plus tôt dans l'histoire, Dash l'y poursuive (pour lui parler ou pour lui taper dessus, au choix).

Ce sont toute une série de petits événements ou de détails qui ont pour but de mettre le lecteur en condition pour cette scène. Les sentiments de Dash envers Spike, de Spike envers Dash et de Dash envers Fluttershy... et ainsi de suite. Ces sentiments, on n'en parlera quasiment pas sur le moment, mais ils auront été bien exposés avant. Et de même, le texte nous aura dit "Fluttershy est en danger, il faut la protéger", au point qu'un autre poney pourra lui avoir proposé de déménager. Voire, ses animaux le lui auront suggéré...

C'est ce que j'appelle "introduire" un élément.

Introduire, ou annoncer, ou préparer un élément / événement, c'est donner des indices au lecteur. Spike reçoit une lettre de Celestia au départ ? Même si elle est destinée à Twilight, c'est une manière de dire au lecteur "eh, y a Celestia". Et si le texte est bien fait, ce signal "Celestia va servir à quelque chose" ne sera pas en vain. La lettre elle-même peut trahir la culpabilité de la princesse.

Introduire un élément ne signifie pas qu'on révèle tout. Spike reçoit une lettre, est-ce que ça donne le rôle que joue Celestia ? Non. C'est juste un détail pour la rendre présente, qui sera renchéri plus tard par la présence de Philomena -- sortie de nulle part, et qui épiera Spike. Là le lecteur pourra se rappeler la lettre et pourra se demander si Celestia ne se doute pas de quelque chose. Ce sont des indices des choses à venir ou, pour revenir à la comparaison de la route : ce sont des panneaux le long de la route, annonçant les prochaines villes, les intersections, etc... ça ne nous dit pas à quoi ressemblera le prochain village, juste qu'il arrive dans tant de kilomètres.

Pourquoi est-ce que, plus tôt, je proposais que Zecora soit celle qui vienne au Golden Oak ? Parce que, plus tard dans le texte, Spike est censé trouver refuge chez elle.

Un plan sert également à cela.

Un plan me permet, en amont du texte, 1) de détailler la façon dont les événements vont s'enchaîner, de résoudre les difficultés, 2) d'éviter les solutions de facilité ou de fortune inventées sur le moment (soupir...) et 3) de préparer, tôt dans le texte, les événements à venir.

Bon.

Je sais que je vous ai perdus.

Inutile de mentir, vous vous étiez venus pour parler de planification et voilà que je vous parle de "transition" et "d'introduction d'éléments"...

Donc revenons à des choses simples.

Un texte est composé de différents niveaux. Il peut être composé de chapitres, eux-mêmes composés de parties, elles-mêmes composées de je sais pas de pages, elles-mêmes composées de paragraphes, eux-mêmes composés de phrases... et, à l'inverse, les phrases forment des paragraphes qui forment des pages qui forment des parties qui forment des chapitres qui forment votre texte. Et on va appliquer le plan à tous ces niveaux. Yup.

Alors bien sûr, si vous en êtes à planifier votre texte phrase par phrase c'est que vous avez déjà commencé à écrire. Mais j'ai effectivement fait des plans page par page d'un texte, et suffisamment détaillé pour que ce plan me dise à quoi servirait chaque paragraphe. C'est le cas notamment pour Lesson none. À vous de voir jusqu'où vous voulez aller dans le détail mais plus vous détaillerez, plus vous éviterez les mauvaises surprises.

Et bien sûr, vous n'avez pas à suivre le plan à la lettre. C'est juste un plan, si à l'écrit quelque chose coince vous allez l'adapter. Mais plus un plan sera détaillé, plus il sera facile d'en dévier sans se retrouver à faire n'importe quoi. Mon plan dit que Zecora vient trouver Spike ? Arrivé là je me dis que Zecora ne serait pas du genre à s'inquiéter, elle va donc plutôt conseiller à Spike... d'aller voir à la mairie ? Okay mon plan est foutu à ce stade... à moins que... j'avais dit que Philomena apparaîtrait, alors si ce piaf était au sommet de la mairie... quand Spike arrive... et qu'il se dit "si le phoenix de Celestia est là alors Twilight s'y trouve forcément !" Ouais ouais ça passe bien ! Paf, mon plan m'a dit comment retomber sur mes pattes.

Mais pour qu'un plan soit vraiment utile il faut que vous ayez ce réflexe de vouloir détailler.

Et il faut aussi que vous ayez au moins une notion vague de comment fonctionne une histoire.

Le plan minimal qu'on m'avait donné, à l'école, c'était ça :

"Situation initiale -- Problématique -- Développement -- Dénouement -- Situation finale"

Les deux situations au début et à la fin c'est notre point A et notre point B, c'est bien gentil mais poubelle. Donc le plan qu'on va répéter sans arrêter, la "structure" pour être plus précis, c'est "problème -- solution".

En gros, un texte pose un problème. Dans notre cas, "Spike a bouffé Twilight", c'est un problème, si si je vous jure. Mais ce peut être "Fluttershy trouve un parasprite" ou "Rainbow Dash doit passer un examen"... si le texte n'a pas de problème, alors il n'y a aucune raison de le lire. Même le slice of life pose un problème, genre "Dinky n'a pas de doudou !" Mec, il faut lui trouver un doudou, la survie de l'univers en dépend !

Et bien sûr, puisqu'on pose un problème, il faut une solution. Même si cette solution c'est "tous les poneys meurent", merci le grimdark... Ou alors on joue de la musique, ou bien on utilise la mémoire photographique de Dash... Ou encore on écoute une voix d'ascenseur, on écrit une rime pourrie et on gagne ses ailes ! Ouais laissez-moi une seconde de râlage : Magical Mystery Cure a un plan déséquilibré, au sens où la solution c'est "leur rappeler qui elles sont entre elles" et que donc le problème est résolu vers la moitié de l'épisode. Ça et le développement se résume à une chanson de deux minutes. La voix d'ascenseur, les ailes, toussa, c'est rajouté en vrac à la fin pour pas d'raison. À l'inverse on crache sur Equestria Girls mais son plan est en béton armé -- même si le passage photoshop est un peu trop vite expédié.

Là où je veux en venir, c'est que ce principe du problème-solution s'applique à tous les niveaux.

Prenez Consortium. Au niveau du texte, problème ? Les poneys sont assiégés. Solution ? Tous les poneys meurent. Bon okay je connais pas encore la solution. Mais maintenant, le texte est divisé en arcs. À chaque fois, problème ? "Stable Steel invite une jument chez lui" ; "Kind Knight aime pas les piqûres" ; "y a un dolmen". Solution ? Mort, mort, mort... quoi ? C'est Consortium. Les arcs ont eux-mêmes des chapitres et chaque chapitre pose un problème et se doit d'en donner la solution. Genre machin doit rencontrer les pégases, résultat il accepte sa mission. Voilà, tout le chapitre parlait de sa rencontre, problème réglé. Et idem à l'intérieur des chapitres, pour chaque paragraphe... si si, chaque paragraphe pose un problème à résoudre. Un paragraphe décrit une chambre ? Le problème est de connaître la chambre. À la fin du paragraphe vous la connaissez.

Il faut donc appliquer la structure "problème-solution" à tous les niveaux. À chaque fois, et pour ce niveau, un problème doit se poser et être résolu. Mais le problème du niveau supérieur doit également y être posé. Plus précisément, les problèmes qui se posent au niveau des paragraphes, par exemple, ne sont que des parties du problème posé au niveau du chapitre.

...

Okay j'écrirai un article sur la motivation ou la tension d'un texte, là je sens que vous avez décroché. Mais, dans l'idéal, lorsque vous listez les événements dans votre plan, demandez-vous s'ils posent un problème. Spike va chercher le mane6 : quel est le problème ? Il n'y en a pas. Zecora arrive, quel est le problème ? Je décide que Spike ne veut rien lui dire sur la disparition de Twilight. Et la scène s'achève quand la lettre de Celestia, qui arrive entre deux, le force à avouer qu'elle n'est plus là.

La structure "problème-solution" est un moyen simple d'évaluer un plan. Cela et le degré de détails : plus vous détaillez un plan, plus il vous sera utile.

Alors mine de rien, faire un plan c'est simple : listez les événements, détaillez-les, paf c'est fait.

Mais mine de rien, faire un plan c'est compliqué. Parce qu'il y a les transitions à retravailler, parce qu'il y a des tas d'éléments à introduire, parce qu'il faut s'assurer que partout le lecteur ait un problème à résoudre, là, sur le moment, qui soit en lien avec l'intrigue... alors oui, mine de rien, expliquer comment faire un plan peut donner la migraine.

Vous savez quoi ? Le freestyle c'est bien aussi. Et personne -- à part un certain grognard -- ne le reprochera vraiment, fanficers,
à vos plumes !

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