Hi'.
Un screamer est, au sens large, l'apparition soudaine d'un élément qui fait peur (son, image, etc...). C'est une technique efficace pour provoquer une émotion (la peur) mais décriée parce que facile et flemmarde, souvent sans rien derrière, là où d'autres utilisent plutôt l'ambiance. Le screamer (au sens large) n'est pas une mauvaise technique, elle est juste généralement mal employée, mal maîtrisée, mal comprise.
Mais on est là pour parler de drama et, chance, c'est pareil.
Un texte est fait pour émouvoir, c'est ce que veut le lecteur, on demande du drame, de grandes scènes et des personnages expressifs. À ce titre mieux vaut en faire trop plutôt que trop peu et user de toutes les ressources disponibles pour frapper l'imagination. Il faut que ça pleure, il faut que ça crie, le plus sera le mieux.
Et puis parfois on va trop loin.
La série met cela en scène, en tant que ressort comique. Ainsi Rarity perd un objet quelconque et se met à geindre, un sabot sur le front avant de se pâmer dans son sofa. La réaction est surjouée, complètement disproportionnée et donc plutôt amusante. Rarity est une drama queen, une reine du drame, une chouineuse : elle en fait trop.
Il n'y a pas de frontière claire entre le drame et le drama, entre une réaction normale et exagérée. Par exemple, quand Twilight pleure sur le corps blessé et inerte de Celestia, ma réaction est "dans deux secondes elle sera debout et comme neuve", et je ne sourcille même pas. C'est subjectif, en l'état il est tout à fait justifié que Twilight pleure, c'est juste que je ne suis pas Twilight. Ce qui peut paraître triste à l'un ne l'est pas forcément pour un autre.
À ce titre ça dépend vraiment de ce que savent les lecteurs, ou de ce que sait l'auteur. Disons que le mane6 soit en vacances sur une île. Soudain, éruption volcanique. Elles font la chaîne pour jeter de l'eau sur la lave et arrivent à éteindre le volcan. Si vous n'êtes pas au fait des températures et échanges de chaleur... alors pas de problème. J'ai vu des enfants jouer aux Lego et faire voler des chevaliers en plate complète par-dessus les remparts du château. Combien de vous savent les contraintes pour un atterrissage sur porte-avions ? Et pour ceux qui demandent, non, il n'y a que dans Tintin qu'on fait sauter les capitales à la dynamite...
On a donc un problème.
Et tant qu'on attaque le problème sous l'angle de la connaissance, de la réaction à avoir dans telle ou telle situation, alors il n'y a pas de solution. Il ne reste plus qu'à apprendre une liste potentiellement infinie de cas et à prier pour ne pas se tromper le moment venu.
Mais j'aimerais aborder le problème sous deux angles différents.
Tout d'abord, j'aimerais que vous considériez le drama comme étant ce calcul simple : "la situation est triste, donc on pleure."
Il y a deux parties à ce calcul : la situation et la réaction. Et de fait le drama ne se trouve pas seulement dans la réaction. L'exemple le plus courant de drama de situation est quand l'auteur s'amuse à tuer un personnage pour faire genre. La mort c'est toujours triste, je veux bien, mais à force de voir ça partout ben ça lasse. C'est comme l'enfant qui crie au loup : à force que le loup ne vienne pas, on n'écoute plus le cri. À force que les poneys meurent, qu'est-ce que tu veux que ça me fasse. J'y reviens dans un instant mais le problème est ici un problème de saturation : il y a juste trop de morts et trop de sang par page pour que ça ait un impact. Un exemple concret ? FO:E. L'héroïne se mange balle sur balle, dit qu'elle a mal de toutes les manières possible et, deux paragraphes plus loin, elle est comme neuve. C'est systématique, et à force j'en ai plus ranafiche qu'elle se bouffe du métal dans les côtes.
On peut donc aborder le problème d'abord sous l'angle de la saturation et du contraste.
Si vos personnages pleurent constamment, alors plus les personnages pleurent et moins on le remarque, moins il y a d'impact. À force on se lasse et même quand la situation le justifiera, on aura tellement vu la bande geindre à tout va que, comme l'enfant qui crie au loup, on n'écoutera plus. Dans cette optique, la priorité est de n'utiliser la grosse artillerie (les larmes et tout) que pour les cas les plus importants. Pour les autres, il faut recourir à des expressions moins fortes. Un regard peiné, un silence lourd... L'idée est de ne donner l'alarme que quand il y a vraiment le loup, de sorte que l'impact soit maximal et que le lecteur réponde présent.
Mais, et toujours en lien avec l'enfant qui criait au loup, on peut aborder le problème sous un second angle.
Celui de l'activité.
Je vais être franc, je ne comprends rien à cette notion d'activité dans les textes. Mais il y a l'idée que le lecteur, quand il lit, est également actif et pas seulement spectateur. Il agit à minima en essayant de deviner la suite -- ce sont les "attentes". L'exemple typique est bien sûr l'enquête policière où le lecteur est invité à chercher les indices et à résoudre le crime de son côté, aux côtés de l'inspecteur. On "s'attend" à ce qu'untel soit le coupable. Si nos attentes ne sont jamais détrompées, "il ne se passe rien", on s'ennuie ; si nos attentes sont tout le temps détrompées, "c'est n'importe quoi", on lâche l'affaire.
Sous cet angle, le problème du drama n'est plus de savoir si c'est approprié ou non mais si cela répond à une attente. À ce titre je vais reprendre un propos sur le grimdark : "le grimdark consiste à maintenir une porte de sortie entrouverte jusqu'à la toute fin, avant de la refermer brutalement". Une histoire horrible ne se contente donc pas d'empiler situation horrible sur situation horrible : elle laisse entendre qu'il y a une solution, elle pousse vers cette solution, elle fait en sorte que le lecteur y croie pour ensuite seulement abattre le couperet. Tant qu'on ne fait qu'empiler les horreurs, on fait du "screamer", du drama. Si on joue sur les attentes du lecteur, là on fait du grimdark, du drame.
Ce qui n'est ni meilleur ni moins bon... juste différent. Je présente ici le drama comme le mal absolu, et je le pense très fort, mais eh, c'est un art comme un autre. Et un screamer bien utilisé -- Fatal Frame quelqu'un ? -- c'est joli.
...
Bon.
Ne mentons pas, je parle de saturation, de contraste et d'activité, d'attentes... et ça ne doit parler à personne. Moi-même je commence à m'y perdre, d'autant qu'au final ce ne sont que des pistes pour tenter de faire autre chose que du drama dans le 90% des fanfictions que je lis. Doser, contraster, jouer sur les attentes... tout ça est abominablement compliqué.
Donc euh... un exemple ?
Imaginez que je sois un fan de Luna. Bon ça ne va pas être difficile. Imaginez que vous êtes un fan de Celestia. Imaginez j'ai dit. Vous voulez me démontrer que Celestia est triste d'avoir banni sa petite soeur. Comment vous faites ? "Elle a beaucoup pleuré", ouais super pour elle, juste... ce n'est pas elle qui a passé mille ans de solitude absolue parce qu'elle était foulée du sabot pendant que sa grande soeur était adorée. Après je ne dis pas, Luna était peut-être mytho', je veux bien que ce soit subjectif mais votre point de vue l'est aussi alors il va vous falloir un peu mieux que "c'était très triste". Vous aurez beau y mettre tous les violons du monde, 'Tia a eu le beau rôle.
La première chose que vous pourriez faire pour me faire changer d'avis est de me dire "non, bien sûr, elle n'a pas été triste durant mille ans". On installe un contraste, pendant 999 ans elle a été plutôt heureuse, elle a pensé à autre chose, elle a vécu. Elle a souri aux poneys, elle s'est amusée durant les fêtes, etc... Là vous vous dites que vous êtes en train de déclarer forfait mais en fait non : il est juste totalement, absolument, complètement impossible de rester triste mille ans d'affilée. Ou alors Celestia c'est une machine.
Et maintenant vous me dites : 1) "elle a des vitraux partout dans son palais fêtant sa victoire sur Moon" et 2) "elle a levé chaque soir durant mille ans la Lune avec le visage de sa soeur dessus".
Et c'est tout. Rien d'autre. Ce sont les arguments donnés récemment sur la memebase. Mon premier réflexe a été de rejeter ça comme "encore plus de drama", d'excuses pour plaindre la pauvre princesse Celestia motherbuckin' dirigeante d'Equestria adorée de toutes. Et il y a des gens qui s'arrêteront là, tant pis pour eux. Mais en y regardant bien, on ne me dit plus qu'elle a pleuré dans ses oreillers en permanence. Là, on me dit juste que, même si elle l'avait voulu, il lui était impossible d'oublier son acte. Ce qui rappelle très fortement un Crime et Châtiment. Quelles attentes est-ce que ça déclenche ? Le remords. Le regret. L'absence. Celestia n'a même plus besoin de pleurer, il lui suffit de sourire et, avec ces attentes en tête, au mot de Luna ou de Nightmare Moon on peut deviner tout ce qu'elle ressent.
N'essayez pas d'être triste constamment. Dosez. Installez le contraste. Un personnage toujours énervé finit par être énervant. Et installez des attentes. Prenez le temps de poser les conditions, prenez le temps de laisser mûrir la réaction avant de tout faire sauter. Si vous ne faites qu'empiler les situations tristes, ou violentes, ou peu importe, ça donnera du screamer. Comme au jeu d'échec, mettez en place vos pions, préparez votre coup et ne déclarez un échec qu'au bon moment.
D'ici là, par pitié, rangez les grands violons.
Ou alors assumez, acceptez d'en faire trop, rajoutez-en et signez, au final c'est vous qui décidez. Je n'interdirai jamais rien, fanficers,
à vos plumes !
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Alors ouais, j'aurais pu parler de Celestia, de drama, de sympathie, de nostalgie, mais nous sommes le premier juillet et tout le monde attend... la sortie du webdoc annoncé par BroNie okay non je veux parler du... nouveau chapitre du Dernier Sortilège entendu entendu.
Non, je suis ici pour faire de la pub' et parler du projet Hydre.
Petit rappel historique, il y a d'abord eu douze éditions des Lunatiques, une série de défis hebdomadaires pour fanficers qui d'ailleurs est programmée pour reprendre bientôt mais ce n'est pas la question. Vers la fin d'année, on a discuté en coulisse pour vouloir améliorer les défis, sous le doux nom de "project 20% cooler". J'ai très vite voulu retenter le récit commun, qui comme tous ceux ayant vécu un récit commun le savent, est un projet suicidaire généralement voué à l'échec. C'est donc devenu le "projet Hydre".
Pourquoi Hydre ? Parce qu'un récit commun est un récit écrit à plusieurs, un seul texte pour plusieurs plumes, un seul corps pour plusieurs têtes.
La plupart de ces récits tombent dans le JdR (Jeu de Rôle), chaque participant amenant ses personnages que les autres n'ont pas le droit de toucher, et comme en JdR... eh bien chacun écrit son histoire dans son coin. Le résultat est un patchwork, un récit qui part dans tous les sens, lourd à lire, plutôt ennuyeux et la plupart des participants abandonnent en cours de route, surtout parce qu'ils sont las d'attendre qu'un autre ait fini d'écrire son chapitre pour enchaîner.
Le projet Hydre devait démarrer début janvier -- il était même annoncé par le dernier sujet des Lunatiques avant la pause, "Last", suivi d'une introduction -- mais j'avais abandonné l'idée comme trop folle et suicidaire. Puis il y a eu la volonté de créer un site de fanfictions, puis il y a eu un site de fanfictions et dans la foulée le besoin de remettre l'accent sur la communauté. J'ai donc précipité les choses et relancé l'Hydre.
Et... et à ma surprise, il y a eu des fous assez motivés pour se lancer.
Et... et toujours à ma grande surprise, la plupart de ces fous n'ont pas encore lâché l'affaire.
En quelques jours une demi-douzaine de gens s'étaient dits intéressés. Nous devions être aux environs de mars, et j'ai vite découvert que les gens ne voyaient pas ce que j'attendais d'eux (les gars, vous êtes fanficer, faites ce que vous savez faire de mieux). J'ai donc mis deux mois, jusqu'en mai, pour écrire un "chapitre-test" à titre d'exemple. C'est là, après deux mois, qu'en relançant les gens à ma surprise ceux-ci répondaient toujours présent.
Mais le projet Hydre souffrait d'un problème d'organisation, et notamment d'espace. Un unique sujet sur Frenchy Ponies, un groupe Skype certes actif mais avec la moitié ou moins des participants... j'avais donc oeuvré dans l'ombre, même si c'était annoncé, pour disposer d'un espace de forum dédié au projet.
Nous sommes donc en juillet.
Et les Chroniques des Jours Anciens ont mis en place ledit espace de forum :
Pourquoi avoir attendu juillet ? Parce qu'une partie des participants avaient dit devoir attendre ces eaux-là avant de pouvoir vraiment participer. Pourquoi sur les Chroniques ? Parce que celles-ci avaient déjà proposé un tel espace voilà plus d'une décennie, à l'époque du GTC de l'univers de 40k, sur le Wafo'. Oui ça date. Et si à l'époque l'invitation avait été déclinée, aujourd'hui c'est un juste retour des choses.
Le project Hydra pour le faire en anglais dispose donc d'un espace personnel pour discuter. À noter qu'il faut être inscrit sur le site pour pouvoir y accéder, parce que poneys, mais en même temps c'est un atelier. Je compte voir les participants y plancher, brainstormer, planifier, brouillonner et plus si affinités. Nous avons quatre chapitres sur douze en préparation et si je me rends compte que je vais devoir imposer l'histoire globale (grmf les gens), étonnamment je suis confiant sur nos chances. Et si on y arrive, punaise on pourra être fier. Peu importe le résultat.
Je vois le projet Hydre comme un grand livre d'or de la communauté des fanficers brony francophones, et j'espère y voir le plus de signatures possible. Ou pour le dire autrement, fanficers,
à vos plumes !
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Je ne suis pas un bon littéraire. Après six ans d'études, à mon tout dernier séminaire j'ai refusé de rendre mon travail, parce que ma conclusion à l'époque était que la littérature ne sert à rien. Plus précisément, que le texte ne pèse pour rien dans son succès.
La littérature, argument Moon, n'est pas là pour dicter aux gens ce qui doit leur plaire. Elle est là pour dire aux gens comment le texte fonctionne. Elle donne les outils, les techniques. Elle retrouve la trace de ces outils dans le texte, et elle en déduit ce que le texte cherche à faire. Plus, à la lecture d'un texte, on y trouve de techniques, plus ces techniques sont novatrices, plus le texte est "littéraire". On juge un texte à l'utilisation de ses techniques vis-à-vis de son histoire, ou, comme on dit, "une forme adaptée au fond".
Donc, quand un texte est dépourvu de techniques, ce texte est nul.
Quand un texte est bourré de techniques, mais que celles-ci sont génériques, ce texte est nul.
Bien sûr, je ne demande pas aux fanficers d'être des professionnels. Nous sommes juste là pour fêter FiM et partager nos histoires entre copains. Et, comme dit, le texte ne pèse pour rien dans son succès. Il s'agissait simplement d'être là au bon endroit, au bon moment. My Little Dashie en est le meilleur exemple, et peu importe ses défauts, son succès est tout à fait justifié. Elle était la fic' qu'à l'époque les gens voulaient lire. Au final, c'est comme Derpy. Les gens qui la découvrent aujourd'hui auront du mal à comprendre son succès, le culte qui l'entoure alors que c'est juste un poney aux yeux rigolos, un accident. Derpy doit sa valeur aux circonstances, elle n'est pas un chef d'oeuvre.
Toutes les grandes fics' dont on répète le nom sans fin comme une litanie, ce ne sont pas des chefs d'oeuvre. La plupart de ces textes sont tout juste "moyens".
Mais alors c'est quoi, un bon texte ?
Ce n'est pas la meilleure fanfiction MLP. La meilleure, c'est Laughter Lost. Ce n'est même pas une fanfiction MLP. Elle ne parle pas de poneys, elle parle de maladies mentales, et arrêtez de vouloir me faire croire que l'asile est en Equestria, ça respire l'humanité jusque dans les grincements de porte. Cette fanfic' est tout juste une ponification, et même pas une bonne ponification. C'est simplement une perle, un texte unique et, littérairement parlant, un exemple à suivre.
L'histoire est négligeable : Twilight Sparke se réveille à l'asile où on lui dit que tous ses souvenirs sont faux.
Des histoires du genre on en a bouffé plus qu'on ne pense. Je pourrais citer le jeu Alan Wake, par exemple. Par défaut le héros n'est pas fou, l'asile est méchant et après quelques screamers et du drama le héros gagne, sauf si l'auteur en décide autrement.
Dans Asylum, toutes ces attentes passent à la broyeuse.
La maladie de Twilight Sparkle, comme celles de toutes les autres patientes, sont des maladies réelles. Twilight et les autres agissent toutes comme de vraies patientes le feraient -- entendu que je ne suis pas médecin, mais c'est extrêmement crédible. De fait, je dois insister. Le lecteur est naturellement poussé à croire que Twilight est saine d'esprit. Par habitude, par sympathie pour l'héroïne, parce que c'est elle qu'il suit, parce que c'est l'enjeu. Twilight va passer son temps à tenter de briser l'illusion, et le texte va passer son temps à lui résister. Tout dans Asylum suggère que notre jument préférée est folle, et le lecteur est libre de s'enfermer avec elle dans l'illusion ou au contraire de la regarder s'auto-détruire comme le font les médecins.
Car oui, l'asile n'est ni méchant ni caricatural. L'asile est lui aussi terriblement crédible, très proche de la réalité. Le personnel a une vie à côté, le monde ne tourne pas autour d'une seule patiente, on sent la fatigue et l'expérience. Les docteurs cherchent vraiment à soigner Twilight, et ils ont leurs problèmes et leurs rêves. Là encore le texte joue avec nos attentes, en nous donnant autant de raisons de nous méfier -- il y a une intrigue parallèle -- que de sympathiser avec le corps médical, en nous le rendant familier.
Mais surtout, et c'est assez remarquable, Asylum n'utilise presque pas les screamers et le drama. À peu près tous les poneys ont vu leur vie détruite, mais tous cherchent à garder le sourire et à continuer, et la véritable tension repose sur l'interaction entre Twilight et le corps médical ou avec les autres patients, sur le fait qu'elle essaie de tout bousculer. Les crises et autres cauchemars sont plutôt rares, bien dosées et surtout ambiguës. En d'autres termes, cette fanfic' ne repose pas sur les explosions pour émouvoir, mais sur son histoire et sur ses personnages.
Au niveau du fond, donc, Asylum est déjà remarquable.
Beaucoup d'autres auteurs se seraient contentés de bâcler un hôpital caricatural, de bourrer l'histoire de larmes et de cauchemars et de faire couler le sang par crainte que le lecteur s'ennuie. Pas Asylum. Qu'on aime ou pas, Asylum se tue à créer un asile proche du réel pour permettre une intrigue qui ne tombe jamais dans la facilité. Il y a énormément d'efforts derrière tout ça, un fourmillement de détails et une relance constante de l'action pour prouver au monde que la petite Twilight Sparkle n'est pas folle. Une histoire tragique, tiens, quand j'y pense...
Mais des histoires aussi travaillées j'en ai vu quand même beaucoup, et c'est en général celles-là dont je dis qu'elles ont du "potentiel". C'est au niveau de la forme que cette fanfiction devient simplement unique.
Pour remettre les choses en perspective, cette fanfiction, toujours inachevée, compte 22 chapitres totalisant 160'000+ mots. C'est beaucoup. En général, les textes de cette longueur recourent à l'écriture "au kilomètre", une façon d'écrire qui permet d'aligner les pages sans se soucier vraiment de la qualité. D'autres fics', comme Le fruit de la vengeance, cherchent à soigner l'écriture, avec un résultat plutôt inégal, les scènes plus importantes recevant plus d'attention là où les autres sont carrément bâclées. Désolé mais sérieux, cette description de Las Pegasus...
Asylum soigne son écriture en permanence. J'avais déjà cité, à l'occasion d'un autre article, deux passages de cette fic' pour montrer le travail littéraire de l'auteur. Peu importe le résultat obtenu, le travail est là, observable. Aucune scène n'est expédiée. Lorsque le chapitre 22 est sorti, je n'avais pas spécialement envie de le lire. J'ai ouvert le document, j'ai lu la première phrase. La première phrase fait 5 mots. Cinq. Mots. Et j'ai voulu lire tout le reste.
"Twilight bit back a groan."
(Twilight se retint de grogner.)
Ici, laissez-moi faire une analyse de texte hâtive et approximative. On dit que Twilight veut grogner mais qu'elle se retient. Bon. Cela signifie que Twilight est nerveuse, agressive, agacée, mais qu'elle se calme. Nerveuse au début, calme à la fin. Comment exprimer ça ?
Déjà, en comparant par la phrase habituelle de l'auteur lambda. "Twilight wanted to groan" (Twilight voulait grogner). Vous pouvez ne pas me croire mais par défaut c'est la phrase que je rencontrerais, et j'espère avoir lu suffisamment de fanfictions pour avoir le droit de le suggérer.
Ce qu'on veut, c'est rendre le début de la phrase nerveuse, et la fin plutôt calme.
Vous comprenez maintenant pourquoi le choix du verbe "bit back" ("bit" signifie mordre) n'est pas anodin ? Pourquoi l'auteur ne s'est pas contenté de dire qu'elle voulait grogner, mais dit carrément qu'elle ravale son grognement ? Cela la rend plus agressive. Dans la phrase par défaut, le plus agressif serait le grognement, qui n'est pas spectaculaire, et du coup la phrase exprime plutôt l'ennui, le "je regarde tomber la pluie" qu'autre chose. Là, elle résiste à ce besoin, et cette résistance est bien plus violente que le grognement (un bon résumé de l'ambiance d'Asylum, d'ailleurs).
Maintenant, ne prenons que les voyelles :
/ai/ -> /ai/ -> /i/ -> /a/ -> /e/ -> /o/ -> /a/
C'est très approximativement quelque chose comme ça. Le son le plus courant est le /a/, et il y a donc deux divergences : le /i/ au départ et le /o/ à la fin. En gros, c'est comme une portée musicale, on a une jolie courbe mélodique dont le pic le plus remarquable et l'aigu en début de phrase, sur "bit". Ce pic est nerveux, si si croyez-moi sur parole, là où la fin de la phrase est beaucoup plus posée. Comparez vite avec les voyelles de la traduction, il n'y a plus de pic et la plus grosse variation retombe sur le "o", déplaçant l'attention du lecteur là-bas... et rendant le grognement plus agressif que le fait de le ravaler. Ce qui est contre-productif.
Prenons aussi les consonnes, et notons comme elles se répètent. Trois /t/ ("Twilight" et "bit", avec un joli enchâssement), deux /b/ ("bit" et "back) et deux /g/ ("Twilight" et "groan"). Cette répétition est un moyen d'assurer l'unité de la phrase, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c'est que les consonnes "sourdes" (qu'on ne peut pas maintenir, comme /p/ ou /b/) sont concentrées en début de phrase, les "sonores" (maintenables, comme /m/ ou /r/) se retrouvant plutôt à la fin. Devinez quelles consonnes rendent le texte plus nerveux, et lesquelles le rendent plus calme.
Cinq mots. Juste cinq mots, et on a déjà toute une construction.
Laissez-moi, à titre de comparaison, vous sortir la première phrase du chapitre 15 du Dernier Sortilège, texte que j'apprécie particulièrement et que je trouve très bien écrit. Juste pour montrer le fossé qui sépare ces deux textes en termes littéraires :
"Les couloirs du château de cristal étaient toujours plongés dans les ténèbres."
J'ai besoin d'insister ?
Voilà ce que j'appelle un bon texte. L'auteur (Daemon of Decay) maîtrise son sujet pour un résultat que je n'ai vu nulle part ailleurs. Littérairement, ce texte est une perle parmi les fanfictions MLP, et si vous lisez l'anglais c'est la seule fanfiction que je peux vous dire d'aller lire, parce que, que vous l'aimiez ou pas, elle vaut le coup d'oeil. Parce qu'elle traite son sujet de façon originale et crédible, et parce que son écriture exploite à fond toutes les techniques à sa disposition (et un peu plus par bonne mesure) pour nous en mettre plein la vue. Et encore, je n'en ai esquissé que la surface.Ce n'est pas un chef d'oeuvre. Mais ça, là, c'est un bon texte. C'est le premier que je lis qui mérite vraiment son succès. Et c'est bourré d'efforts que vous devriez plus souvent arracher, fanficers,
à vos plumes !
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Je m'étais dit que je n'écrirais pas plus d'un article par semaine, et ce que je vais dire ici tient plus de la chronique d'écriture, mais... déjà vous ne savez pas ce que sont les Chroniques d'écriture et surtout, eh bien, pour moi c'est une question d'actualité. Un de ces problèmes auxquels on se retrouve confronté, que ce soit sur ses propres textes ou sur ceux des autres. J'aimerais en parler et c'est ça, une Chronique d'écriture. Même si ici je vais plutôt me contenter d'esquisser le sujet sans trop l'approfondir.
On va parler ici un peu de description, un peu de motivation mais pas au sens de s'encourager à écrire, au sens de donner du sens et de l'intérêt au texte.
Autant que possible.
J'ai eu par deux fois à expliquer aux gens pourquoi il fallait décrire. Et déjà auparavant j'avais dit à Raincloud que tous les écoliers de l'univers (plus ou moins) haïssaient les descriptions vues à l'école, dans les gros bouquins ch- ennuyeux qu'on nous faisait lire. Comment convaincre les gens d'essayer de décrire alors que la description fait grimper le taux de mortalité parmi les lecteurs ?
Pour y répondre, les petites têtes de quinze ans que nous étions avions discuté, et surtout pas mal écrit, et comparé les "techniques" des différentes plumes présentes alors. Et on avait remarqué que toutes les descriptions n'étaient pas les mêmes. C'est de là que vient notamment la "description-liste" ou la description "dynamique", des notions construites ad hoc pour décrire ce qu'on constatait.
Mais cette fois, plutôt que de dire comment décrire, je vais vous dire pourquoi. Ce qui revient un peu au même. Je vais vous proposer une piste en suggérant que la description peut être, tenez-vous bien... utile.
Oui je sais c'est fou.
Le défi de la nuit consiste à écrire une scène qui se passe la nuit. J'avais d'abord pensé à prendre la pluie comme exemple, et il y a beaucoup de situations comme ça, mais étrangement c'est avec les scènes de nuit que le problème se révèle le plus. En général, face à ce genre de scène, on a tendance à écrire "il faisait nuit" puis, cette information posée... on écrit la scène comme s'il faisait jour. Les personnages ne semblent pas y voir moins bien... pas de rumeurs nocturnes... pas de mention du ciel étoilé -- là vous êtes vraiment en train de défier la nuit -- et bref, la même scène aurait pu avoir lieu en plein jour, ça aurait été pareil.
Face à ce genre de situation, je dis aux gens 1) d'exploiter la nuit et 2) de réactualiser l'information, c'est-à-dire de répéter à intervalles plus ou moins réguliers le fait qu'il fait nuit. Et dans tous les cas je râle parce que mince il fait nuit ! Merci d'en tenir compte.
Et puis ensuite je me suis retrouvé face à la même situation. Je viens d'écrire un texte qui se passe la nuit, et je me suis retrouvé un peu bête... la nuit ne sert à rien. Du coup, je n'ai aucune raison de rappeler qu'il fait nuit. Du coup, rappeler qu'il fait nuit ne ferait qu'agacer le lecteur. Cela arrive couramment, surtout quand on ne planifie pas le texte à l'avance. On se retrouve pris entre deux extrêmes : entre le besoin de parler de la nuit et la nécessité de ne pas barber le lecteur avec ça. Et comme chaque lecteur réagit différemment, en général c'est la seconde option qui gagne. Aussi parce qu'elle demande moins d'efforts.
Le défi de la nuit est donc de trouver un équilibre entre en faire trop peu et en faire trop. De réussir une ambiance "nocturne" à partir de zéro.
Face à ce problème, mon premier réflexe a été de me demander à quoi pouvait me servir la nuit.
C'est ce que je dis souvent aux auteurs. Si un élément ne sert à rien, il faut le supprimer. Si on ne veut/peut pas le supprimer, alors il faut qu'il serve à quelque chose. Parler d'utilité est risqué parce que ça comprend des choses abstraites comme, justement, l'ambiance. La mousse d'une forêt ne sert à rien pour l'intrigue, mais elle aide à installer l'idée d'une forêt humide et âgée, entre autres choses. Donc, quand on veut faire une forêt millénaire, y mettre beaucoup de mousse est en général une bonne idée. Dire si elle est sèche ou humide aussi. De même, quand on décrit la nuit, la question de la luminosité est vitale pour comprendre la scène : c'est la pleine lune, il y a des nuages ? Bon c'est toujours la "pleine lune" avec Luna mais passons.
La première utilité de la nuit est de pouvoir cacher les choses. La seconde utilité, bien connue des textes "sombres" (ah ah), est de déformer la réalité, le jeu des ombres. On lui fait jouer des tas d'autres rôles mais mine de rien la nuit est bien utile. Elle a du potentiel, et ce serait bête de se contenter de dire "il fait nuit" sans rien en faire.
Dans mon cas, tout le texte reposait sur les retrouvailles, et sur le problème de reconnaître quelqu'un. J'ai donc choisi la lumière qu'il me fallait -- j'aurais pu fermer les volets pour une obscurité totale, ou allumer la lumière dès le départ -- juste assez pour qu'on puisse y voir, pour qu'on devine. La nuit devient une barrière fictive entre les personnages. Je n'allume la lumière qu'une fois que la panique, proche d'un cauchemar, est passée.
Tout cela me donne une raison de mentionner la nuit, encore et encore, sans (trop) lasser le lecteur. J'ai une raison de la mentionner. J'ai une motivation à en parler, et le lecteur une motivation pour la retenir.
Elle est donc "motivée".
Chaque texte et chaque scène a ses propres buts. Dans le cas d'Oeil de Braise, le défi de la nuit se produit lors d'une bataille. L'utilité de la nuit devrait alors aussitôt apparaître. Bêtement : pour rendre le combat confus et chaotique. Mais aussi : pour les effets pyrotechniques. Les joueurs de FPS ou les fans de films de guerre penseront aux balles traçantes et aux explosions magnifiées par le contraste de l'obscurité. La nuit permet de décrire et d'intensifier les combats. Elle peut servir à bien d'autres choses encore, comme marquer les sentiments de chaque camp avant la charge. Ou simplement, la nuit il fait plus froid... c'est dommage de s'en passer.
De fait, et trop souvent, on me dit qu'un objet dans le texte "ne sert à rien". Il est juste là, il fallait le mettre pour quelque raison et on n'en fait rien. C'est du potentiel perdu !
Le défi de la nuit est d'écrire une scène se passant de nuit, où la nuit sert à quelque chose. Il faut motiver la nuit comme il faut motiver la présence de n'importe quel élément de l'histoire. Oui, les descriptions doivent être motivées, sans quoi elles sont formidablement barbantes. On se moque du nombre de poutres d'une chapelle, on est là pour un mariage ! On se moque du nombre d'étoiles dans le ciel... jusqu'à ce que celles-ci retrouvent leur lien avec l'histoire.
Je figure cela en général par une addition.
S'il n'y a que la nuit, le calcul est "nuit = nuit" et on dira juste "il faisait nuit", plus éventuellement une description générique d'une nuit générique et puissamment pas intéressante. C'est d'ailleurs le problème du "c'était une belle journée à Ponyville", merci on sait.
Mais si je commence mon texte par "Les nuages se dissipaient doucement au-dessus de Ponyville", qu'est-ce qui a changé ? J'ai dit, techniquement, la même chose. Il fait beau. Le ciel se dissipe. Le soleil est de retour. Tout va toujours bien les oiseaux tout ça. Ce que j'ai fait, c'est une addition. Par exemple : "nuit + nuages". Pourquoi parler des nuages ? Peut-être que je vais faire une histoire de pégases. Dans ce cas, moi auteur je fais l'addition "nuit + pégases = nuages" là où le lecteur fera lui l'addition "nuit + nuages = ?". Il se pose une question. Il est "intéressé". Vous avez installé, sans même y penser, un début de tension. Ne serait-ce que pour lui faire lever les yeux vers le ciel.
"La nuit les nuages revenaient se hasarder dans le ciel."
Je n'ai dit nulle part qu'on parlerait de pégases : l'addition se passe dans les coulisses, cachée du lecteur. Ce qui est important d'ailleurs : à ce stade il ne sait pas encore pourquoi on lui parle de nuages. Et si on se met soudain à parler d'autre chose sans lien, on sera passé du coq à l'âne et nos nuages seront apparus en vain.
Autre remarque d'importance : ces nuages sont liés à la nuit. Si on oublie cela, on se retrouve avec deux calculs séparés, "nuages = nuages" et "nuit = nuit"... Ces nuages ne nous intéressent que parce qu'ils sont liés à la nuit. Ce sont des nuages nocturnes et il faut le souligner. En l'occurrence, ici, j'ai en tête que la nuit les nuages de l'Everfree reviennent plus facilement sur Ponyville, ce qui jouera probablement un rôle dans l'intrigue. Ou pas. Je peux simplement suggérer qu'une tempête se prépare, et cette tempête peut être émotionnelle. Les nuages nocturnes vont servir, tout au long du texte, à figurer les émotions de mes poneys.
Tant que les nuages jouent un rôle, ils sont motivés et à travers eux j'aurai une raison de revenir encore et encore sur le fait qu'il fait nuit. La nuit permet de faire quelque chose qui n'est pas possible le jour, c'est aussi simple que ça.
Le défi de la nuit est donc un exercice scolaire.
Dans le cas du texte que j'ai eu à écrire, l'addition était quelque chose comme "nuit + retrouvailles + humain = lit, lampadaires, fatigue, ..." J'ai résumé les principaux éléments de ma scène avec un mot par élément, puis je les ai additionnés pour déterminer quels détails intégrer (et utiliser) dans ma scène. L'addition est en fait bien plus longue, pour expliquer par exemple pourquoi la retrouvaille se passe au lit et pas à la cuisine, lors du repas du soir, ou lors d'une veillée devant l'écran d'ordinateur... mais ça se résume bien à ça.
Expliquer ce qu'est une "bonne" (ah ah) description est difficile tant ça dépend du contexte, c'est-à-dire que ça change de texte en texte : mais le principe derrière, la "motivation", reste le même. Liez la nuit à ce qui se passe et vous aurez une raison de la détailler, de répéter qu'elle est là. Vous y serez presque forcé par les circonstances. Ne faites pas de lien et alors soit vous forcerez sa présence (et agacerez le lecteur), soit vous ferez l'impasse dessus et il y aura un renard pour râler que vous avez mal exploité votre texte.
Mais le défi de la nuit, ce n'est pas juste de décrire une scène nocturne. Le défi de la nuit, c'est de partir du principe que tout dans votre texte a son importance. Que ce que vous négligez peut-être plus important que ce que vous pensez. C'est de donner à chaque élément sa chance, de lui donner une place dans le texte et un rôle, de le faire briller, d'ajouter sa lueur, aussi infime soit-elle, à toutes celles de votre histoire. Accepter de prendre du temps pour ces détails, de leur donner un rôle alors qu'on veut avancer dans l'histoire, alors qu'ils nous gênent... c'est un défi.
Je vous défie donc, et je vous invite à relever ce défi, à vous fanficers,
à vos plumes !
Hi'.
Nightmare Moon est la meilleure.
C'est ce que j'appelle l'argument Moon, ou le droit d'aimer quelque chose de tout pourri -- inversement, de ne pas aimer quelque chose de génial.
J'aime Moon pour des raisons qui me sont personnelles, qui ne valent que pour moi et qui, au-delà de moi, n'ont plus la moindre valeur. Je peux argumenter : elle est sauvage, elle est médiévale, elle est tragique. Mais tout cela n'est que mon interprétation, ce que je vois en elle, rien d'autre. C'est subjectif. Objectivement je suis forcé de reconnaître qu'elle est nulle et que dès sa fuite de la mairie elle a perdu toute crédibilité. Elle est nulle, oui, et elle est géniale. On peut dire les deux à la fois.
Oui je vais faire un article entier pour dire cette banalité.
Il en va de même des commentaires. Quelqu'un qui écrit "c'est génial continue" est subjectif. Et il a raison. Il adore, il veut la suite, c'est son avis personnel et l'auteur lui en est infiniment reconnaissant. Il peut même argumenter, ses arguments seront forcément vrais vu qu'ils ne dépendent que de lui. L'auteur est friand de ce genre de détail, oui je lis vos commentaires sur mes textes. Inversement, "c'est nul, arrête" est tout aussi subjectif, avec tout autant de raison. Il déteste, il ne veut plus lire, c'est son avis personnel et on l'accueillera à coups de savate. Du moment qu'on comprend que c'est subjectif, les deux commentaires ont la même valeur et le même impact, et on reprochera juste le manque de tact. Mais les gens ont le droit de ne pas aimer, et même dire "je n'ai pas lu" est toujours bon à dire. Le crime, c'est de ne pas commenter.
Mais la critique, celle du littéraire en herbe, celle du relecteur, ces fameux pavés remplis de citations et de propos compliqués, cette critique-là a besoin d'objectivité.
Et je tiens à le préciser, que la majorité aime un texte ne signifie pas qu'objectivement ce texte est bon. Transformers. Twilight. Une fois encore, argument Moon, les gens ont raison d'aimer, ce n'est pas pour rien si ces films ont rencontré un tel succès. On a ce phénomène dans les jeux vidéo, où le énième Fifa de l'année se vend comme des petits pains alors que les jeux "innovants", eux, sont quasiment ignorés. La majorité n'a pas tort, elle sait juste ce qu'elle veut. Même phénomène en littérature, les textes "littéraires" étant délaissés pour les romances et autres polars' usinés. Si on répète mille fois la même formule c'est bien qu'elle fonctionne. Donc dans ces conditions on a envie de dire que "tout est subjectif" et de claquer la porte.
Rigolez pas, après six ans d'étude c'est ce que j'ai fait. Mais si je dis que :
"Reluctantly, she turned away from the door and made her way toward the distant figure of Pinkie Pie."
(À contrecoeur, elle se détourna de la porte et se dirigea vers la silhouette lointaine de Pinkie Pie.)
est mieux écrit que beaucoup d'autres textes, j'ai la prétention d'être objectif. Non seulement je suis persuadé de ce que je dis mais vous devez être d'accord avec moi. Et pas juste pour le jeu de sonorités "away / her way" et "door / distant", saboté d'ailleurs par une saturation de /t/ donc ça ne compte pas. Non, je dis ça parce que la majorité des auteurs se contenteraient d'écrire "... toward Pinkie Pie" là où cette fic' fait l'effort d'ajouter un détail qui se paie en prime le luxe d'être motivé. Raison pour laquelle, d'ailleurs, les traducteurs l'auront noté, j'ai conservé l'ordre anglais au lieu d'écrire "elle se détourna à contrecoeur de..." qui est plus fluide mais qui loupe un léger effet de style, de pause marquant l'hésitation, ou la forme mimant le fond. Comme quoi System a bien raison.
Alors oui, ce peut être accidentel, totalement involontaire de la part de l'auteur. Il se peut que ce soit un défaut, que dix mille personnes n'aiment pas. La majorité d'entre vous doit trouver ridicule que cette phrase soit soudainement siiiiiii géniale juste parce qu'il y a deux mots en plus. Vous aurez raison. Et si je vous dis que :
"The long lines of patients being herded to the tables meant ponies flickered in and out of sight, a snapshot of a mane or face that disappeared in a heartbeat.
Rainbow Dash."
(Les longues rangées de patients poussés vers les tables faisaient aller et venir les poneys dans son champ de vision, un instant de crinière ou de visage qui disparaissait dans un battement de coeur.)
vous pourrez même trouver cet effet de style très maladroit, voire louper complètement l'effet et vous demander ce qui s'est passé. Pourtant, "objectivement", parce que le "battement de coeur" est employé dans deux sens différents à la fois, on obtient le mimétisme du personnage voyant une crinière et ne se rendant compte qu'après coup de l'avoir reconnue, le lecteur vivant la même chose que le personnage sans même y penser. Ce sont des effets de style risqués, qui souvent ne fonctionnent pas mais c'est là. Qu'on aime ou pas, c'est dans le texte.
Toujours sur la difficulté d'être objectif, vous devez connaître le principe de l'eau tiède. On prend trois baquets d'eau : un d'eau froide, un d'eau chaude et au milieu l'eau tiède. On plonge une main dans l'eau chaude, une main dans l'eau froide puis les deux mains en même temps dans l'eau tiède. Pour la main froide l'eau paraîtra chaude, pour la main chaude l'eau paraître froide. Il existe la même chose pour la fanfiction. J'ai un exemple et pour cela je rappellerai l'épisode d'Hurricane Fluttershy, où notre pégase préférée sur le moment passe de 0.8 à 2.4 puissance de vol (sic). Dans l'absolu, c'est toujours faible, mais en termes relatifs c'est une progression vertigineuse de 300%, avec le potentiel de pulvériser les records (dixit la fin). J'ai eu le plaisir de voir la même chose avec Untiring Quill et son Manoir, où dans l'absolu les gens y verront toujours un texte plutôt amateur et ne comprendront pas pourquoi moi je m'émerveille dessus.
En même temps je l'ai toujours dit que je jugeais au potentiel.
L'argument Moon présuppose donc que quelque chose est bon ou mauvais indépendamment de notre avis personnel, ou même de l'avis de la majorité. Il dit qu'on peut aimer ce qu'on veut du moment qu'on admet que c'est subjectif. Alors oui, on pourrait s'enfermer dans le "tout est subjectif", c'est facile et confortable, mais c'est aussi la mort de la critique (et de la littérature) et ça revient à juger un texte à son nombre de lecteurs... Vous l'aurez donc compris, pour moi l'argument Moon est fondamental à ma démarche de critique (et de brony) et forcément, quand je vois des situations où il est remis en cause de façon flagrante, je... tends à mal le prendre.
...
Oui, on va tirer sur l'ambulance, ressortir la hache de guerre et parler de Sombra.
Pourquoi je m'acharne tellement sur ce sujet ? Argument Moon. Les gens aiment Sombra et c'est cool, les gens crachent sur Moon et je comprends tout à fait. Mais les gens n'aiment pas qu'on crache sur Sombra et n'ont pas l'air de comprendre qu'on puisse aimer Nightmare Moon. C'est d'autant plus frustrant pour moi que la principale défense pour Sombra est qu'il est "inexploité", argument qui, pour quelqu'un comme moi qui juge par le potentiel, est juste absurde. Argument qui, appliqué à Moon, devrait la rendre absolument formidable.
Et pour en rajouter, lors du final de la S4, on m'a dit que Sombra avait une histoire plus intéressante que celle de Tirek. Je vous laisse y réfléchir, mais comparer Sombra et Tirek, en appliquant l'argument Moon, est instructif. En général, prendre l'argument qu'on utilise quelque part pour tenter de l'appliquer ailleurs est un bon moyen de savoir si on est subjectif ou pas. Moi aussi je peux écrire une histoire trop dramatique sur le passé de Tirek, et "forcément dit comme ça"...
Je pourrais en dire autant du Twilicorn. Twilight va devenir une princesse, les gens s'affolent. Je ne vais pas mentir, il y avait une énorme part de subjectivité là-derrière, et au final on a fait à l'époque exactement ce que je reproche encore à présent aux défenseurs de Sombra. On n'aimait pas le Twilight Princess, et plus les gens nous disaient de nous calmer plus on paniquait. Nous sommes désormais en fin de saison 4, la saison 5 dans les tubes et... et tout le monde s'accorde à dire que la série est différente. Pas moins bonne ou meilleure, juste différente. Il se peut qu'on ait hurlé au loup, ils se peut qu'aujourd'hui tout le monde rigole (et cela en toute amitié) sur l'inutilité de Sparkle. Ce n'est pas comme s'ils l'avaient carrément chanté.
Que ce soit dans les dispu- discussions du fandom, en parlant des épisodes, des personnages, de fanfics' ou même de politique, il faut garder en tête que j'applique l'argument Moon. Ce n'est pas si évident d'admettre qu'une chose peut être géniale et nulle en même temps, et qu'un mauvais texte peut être excellent. Après, je peux avoir tort, je ne dis pas... Mais ça permet de dire des choses comme "ouais t'as raison mais quand même..." et de ne jamais oublier les raisons qui font que notre texte à nous, envers et contre tout, on l'aime.
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Pour ceux qui me connaissent, je suis un râleur devant l'éternel, et pour ceux qui ne me connaissent pas, vous serez épargnés en ces lieux.
La création d'un site francophone à l'image de FiMFictions est une véritable chance pour les fanficers, avec une passerelle qui met leurs textes en valeur et leur assure une quantité de lecteurs qu'un forum ne peut pas vraiment fournir, par la promesse d'un contenu de qualité, c'est-à-dire corrigé, mis en page et de bonne longueur, ainsi qu'un moyen de trier et de retrouver les fanfictions que l'on veut.
Je n'ai jamais été très au fait des trouvailles d'internet, et j'ai donc une vue très biaisée de la manière dont tout cela a évolué. Je me souviens d'une époque où les fanfictions étaient écrites directement dans les messages du forum, sans véritable alternative. Bien sûr, ce que j'appelle désormais les "sites-vitrine" existaient déjà, mais ils étaient rares et peu fréquentés. Les forums étaient la plate-forme porteuse où les gens allaient chercher leurs textes.
C'est amusant de penser qu'à l'époque on utilisait déjà les hyperliens pour nous faire des fiches d'auteur, pour lister tous nos textes -- avec des sujets de discussion uniquement dédiés à ça.
La première évolution que j'ai connue a été la démocratisation de la balise "spoiler", assez anecdotique mais ça n'allait pas de soi autrefois. Les sites-vitrine se développaient en parallèle, et je pense à des versions comme fanfiction.net qui, avec son design très... web 1.0, accuse son âge. Personnellement, je n'avais toujours pas franchi le pas. Pour moi la seconde évolution a été l'arrivée du GoogleDoc, qui permettait de fournir son texte directement sur le net, avec la mise en page d'un éditeur de texte type Word. Bien sûr, avant ça on pouvait toujours fournir le lien d'un document Word à télécharger, ou un .pdf, mais... c'était une façon de faire aussi populaire à l'époque qu'aujourd'hui : de ce que je sais, désagréable.
Le GoogleDoc a donc été une sorte de renouveau pour la fanfiction sur forum. Désormais on se contentait de donner le lien du texte joliment mis en page, avec même une table des matières et autant de petits gadgets qu'on pouvait rêver -- et même des images. Tout ce qu'une vieille interface de forum ne permettait pas de faire.
Mais même le GoogleDoc ne pouvait pas rivaliser avec les sites-vitrine.
J'ai déjà laissé entendre tous les avantages de ces sites, et il est plus que naturel de vouloir y déposer ses textes. Parce que c'est fait pour, parce que le lecteur vous en sera reconnaissant et parce que c'est l'endroit où vous aurez le plus de chances d'être lu et... d'avoir des retours ?
Du peu d'expérience que j'ai, les sites-vitrines ne sont pas vraiment faits pour les commentaires. Tous les sites de ce type que j'ai visités en proposent, tout comme le fait Youtube pour les vidéos ou DeviantArt pour les dessins, oui j'accuse mon retard... Mais même avec la récente évolution vers Google+ qui permet de longs commentaires sur Youtube, les discussions demeurent assez limitées et les messages qui dépassent les trois lignes sont relativement rares. On m'a demandé pourquoi : je n'en sais rien. Quelqu'un dira que c'est pareil sur les forums et ce n'est pas faux.
Quand je suis arrivé sur mon premier site-vitrine, aka fanfiction.net, j'y ai fait ce que j'ai toujours fait : j'ai donné mon avis, j'ai râlé, j'ai critiqué. Et j'ai même découvert que des gens se groupaient pour faire de même, mais c'est une autre histoire. Le point intéressant était que, très vite, je me suis rendu compte à quel point cette structure était inadaptée.
Notamment, toute discussion suite à un commentaire devait se continuer par Message Personnel. Si quelqu'un répondait en commentaire, non seulement il commentait son propre texte, ce qui est mal vu puisque le lecteur juge souvent la valeur d'un texte au nombre de commentaires qu'il reçoit... oui je sais moi aussi je soupire... mais surtout la personne qui l'avait commenté n'en serait pas averti, sauf flux RSS improbable et dont je ne serais pas au courant. Une fois encore, j'accuse mon temps. J'ai eu une dizaine de discussions là-bas et toutes ont eu lieu par MP. Et ces discussions ne vont au final pas bien loin. Outre d'être privées, et donc de ne profiter qu'à deux personnes... elles demeurent générales. Les options d'un commentaire, sa forme comme celle d'un MP, le simple fait de ne pas pouvoir prévisualiser ne donnent pas vraiment envie d'écrire ou même de lire un commentaire un tant soit peu étoffé par ce biais.
Une fois encore, mon expérience des sites-vitrine est limitée. Mais je me suis fait l'idée que sur un tel site, la critique n'avait pas sa place. À plus forte raison, la personne qui y publie estime son texte et n'a probablement pas envie qu'on revienne sur les défauts.
Ce n'est pas qu'un tel auteur soit fermé. Sur un autre support, il serait sans doute prêt à écouter.
C'est juste que le site-vitrine n'est pas considéré avoir cette fonction. À plus forte raison, le travail de réécriture n'est pas envisageable, ne serait-ce que parce que l'équipe de correction en place (équipe qui n'est pas le cas sur tous les sites-vitrine) deviendrait folle. Un texte publié ici est considéré achevé et "de qualité", donc revenir sur ses défauts est simplement déplacé. Oui, il en a, aucun texte n'est parfait -- et il y a la subjectivité -- mais on veut plus un verdict final, et si possible positif, qui reconnaisse au moins l'effort fourni derrière.
Lorsque le pendant francophone à FiMFictions a été mis en chantier, les habitués des forums se sont évidemment attendus à un exode du forum sur les sites-vitrine. Et c'est l'impression actuelle, du reste. Les gens iraient lire "là-bas" et n'auraient donc plus de raison de passer sur les forums. Et les auteurs n'auraient donc plus d'intérêt à publier sur forum puisque plus personne ne les lirait.
Ce n'est pas un problème.
Ce l'est pour les critiques comme moi, mais les critiques comme moi n'ont pas bonne presse. On passe notre temps à mordre et à dénicher tout ce qui ne va pas comme des rapaces, et même si les bronies se sont montrés surprenamment compréhensifs, il n'en reste que ce genre de commentaire décourage, peu importe la bonne intention derrière. Ce n'est donc pas une grande perte, et il restera toujours des acharnés pour vouloir critiquer sur un site-vitrine. Après tout, je l'ai bien fait un temps. Mais certainement, le "c'est génial continue" retrouvera largement la place qu'il aurait pu perdre, et je pense que l'ambiance et la motivation des fanficers va en profiter largement.
Pour ma part, je suis un chroniqueur, et je regretterai évidemment qu'avec cette évolution naturelle -- et avantageuse -- la critique puisse se perdre. Sur les Chroniques, la réponse a toujours été de rediriger tous les commentaires sur le forum, de sorte à les maintenir publics et à encourager les développements et la discussion. Mais les Chroniques n'ont pas vraiment pour but d'être un site-vitrine. Pour d'autres, l'idée était de déposer le texte sur MLPFictions pour pouvoir ensuite en parler sur les différents forums de la communauté francophone. C'est un beau rêve, qui se fanera assez vite devant, une fois encore, le peu d'intérêt de le faire, voire la mauvaise presse que cela, ironiquement, pourrait avoir. Je laisserai à chacun tenter son raisonnement sur le procédé.
Il est encore trop tôt pour savoir si le passage du forum au site va profiter à la critique, l'étouffer ou au final ne rien changer, et si l'activité sur forum en sera vraiment affectée. Au final, je spécule pas mal, et même si je parle d'expérience, mon expérience est limitée.
Même si les sections de fanfic' des forums finissaient par "mourir", comme on dit, et que le sens critique se perdait... ce ne serait pas une mauvaise chose.
Je trouvais juste adapté, avant de faire chauffer ma tablette pour dessiner tout l'ornement pour les textes que je déposerai ici, de rassurer par avance les gens. Je ne compte pas critiquer les textes ici, que je les lise ou non. Je vais râler là-dessus en privé, ça me frustrera, mais c'est juste moi, les gens y sont habitués. Il est probable que je ne commente pas du tout, et cela même si je sais que, comme pour tous les arts, les messages et retours sont autant de récompenses pour l'auteur. Et j'espère que toujours plus de gens prendront le temps de laisser un message, même si c'est pour dire "c'est génial continue", tant que c'est sincère. Je regrette même que la critique ait pu étouffer ces simples commentaires, pourtant précieux.
À force de voir les gens changer de forum et changer de site, personnellement je vais lentement décrocher et laisser faire. Je suis trop rouillé pour suivre. En un sens, j'ai l'impression que le temps de la critique est passé.
Mais que cela ne vous rende pas infidèles, fanficers,
à vos plumes !
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