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L'ellipse. Aller aux commentaires
21 septembre 2014

Hi'.

Je n'ai strictement rien à dire sur l'ellipse. Je n'ai... aucune raison d'en parler non plus, en y pensant. J'en avais traité dans le cadre du plan, en disant que c'était la transition par défaut : on veut passer du point A au point B ? Pourquoi mettre quelque chose entre deux ! On s'arrête à A, on laisse tout vide et on recommence direct à B.

L'ellipse, d'après Wikipedia, consisterait à omettre des éléments "nécessaires" au récit. Non. C'est le contraire. On fait une ellipse justement parce que le passage tout le monde s'en fiche : les héroïnes sont à Ponyville, on veut qu'elles se rendent à Canterlot, on ne va pas passer deux heures avec elles dans le train !

L'ellipse consiste à sauter un passage pour l'épargner au lecteur.

Bon. Ça c'est la théorie.

Dans la pratique, l'ellipse est aussi utilisée pour provoquer la curiosité. Là Twilight dit aux keupines de se réunir pour qu'elle leur partage son plan et- soudain on est face à Sombra, avec Twilight enchaînée à ses pattes. Okay c'était définitivement une ellipse, et à cause d'elle on n'a pas pu entendre le plan. Le texte nous le cache, on veut le trouver ! Et en plus on nous a épargné la mise en place laborieuse du plan, c'est tout bénéf'.

Et bien sûr, l'ellipse peut aussi provoquer le suspense. C'est le principe du "cliffhanger", on finit le chapitre sur une révélation à renverser ta table très très fort. Applejack emmène Twilight dans une salle sombre, soudain Sombra apparaît dans les ténèbres et là le chapitre s'arrête. On est en droit de se demander ce qui va se passer. L'ellipse fait la même chose mais en plein chapitre : au lieu que le chapitre s'arrête, on passe à autre chose, genre Spike et les keupines au palais, il se passe des trucs puis nouvelle "ellipse" et on se retrouve à nouveau dans la pièce sombre avec Sombra pour la suite.

Okay d'accord ça ce n'était pas une ellipse mais une "transition", un passage d'une scène à une autre. Sauf que bon, de mon point de vue, une ellipse est un type de transition.

Comment on fait une transition ? En général on termine la phrase, retour à la ligne, on crée une séparation de type "****" ou autre, j'ai même vu des-

-- PENDANT CE TEMPS, AILLEURS --

Comment ça mon style se dirige peu à peu vers l'ellipse ? Mais qu'est-ce qu- ça n'a pas de sens !

Non non je ne plaisante pas, quelqu'un vient de me dire que j'étais de plus en plus enclin à user de l'ellipse. Pas au sens où je sauterais des événements dans le récit, mais au sens où je les résumerais brutalement. Par exemple, au lieu de raconter comment Daring Do a récupéré la septième balle du dragon (sic), je dis juste "Elle récupéra la baballe".

Autre exemple ? Si je veux envoyer Twilight&Co à Canterlot, au lieu d'utiliser un séparateur de type "****", je me contente d'écrire : "Elles se rendirent à Canterlot." C'est déjà un tout petit peu moins flemmard, un peu plus propre mais toujours aussi bâclé.

Au final, un texte est une suite d'événements. Si je dis "Elles se rendirent à Canterlot", c'est un événement. Mais qui se décompose en tout une série d'événements : "elles vont à la gare -- elles attendent le train -- le train arrive -- elles grimpent à bord..." et chacun de ses événements, à son tour : "Twilight s'étonne que le train n'est pas encore là -- Dash va se renseigner -- Applejack dit à Twi' de se détendre..." et ces événements à leur tour... okay vous avez compris.

On a donc toute une série d'événements détaillés, puis soudain un événement général, "elles se rendirent à Canterlot", puis de nouveau une foule d'événements détaillés. Un style ellipsé fait le contraire : on a toute une série d'événements généraux et, de temps à autres, quelques événements détaillés, avant de repartir dans le général. C'est comme ça que j'écris Bronify.

Est-ce que ça a encore un sens de parler d'ellipse ? À chacun d'en juger.

Cela dit, ça fait donc déjà deux manières de réaliser une ellipse. La première, un gros démarcateur graphique. La seconde, une phrase qui résume toute une série d'événements. Est-ce qu'il y a d'autres manières de faire une transition ? Attends... je viens de répondre à ma question, là.

Une ellipse est une transition, on l'a dit. Donc pourquoi ne pas faire une... transition ?

Notre but est d'envoyer les keupines à Canterlot sans avoir à raconter le voyage. Alors... "Twilight tourna la tête vers Canterlot. La cité paraissait lointaine, mais si elles se pressaient, elles arriveraient à temps." Notez le temps verbal au conditionnel, puis saut de paragraphe. "Le temps manquait. Le soleil défilait dans le ciel à toute vitesse..." vous vous croyez encore à Ponyville ? Non, là on est déjà en train de faire le trajet, on est "dans le ciel" et le temps défile "à toute vitesse" "... et, après les avoir effacées, reformait des ombres étirées paresseusement sur la cité de marbre blanc." Et voilà, on est à Canterlot. Vous ne me croyez pas ? "Le soir n'était pas encore arrivé. À la gare, les poneys attendaient le dernier train venant de Ponyville." Voilà les keupines qui arrivent.

Et si vous êtes un peu flemmards, vous pouvez toujours faire : "Le soir n'était pas encore arrivé quand le train venant de Ponyville siffla en gare, la cheminée bouffie de fumée, et ouvraient ses portes sur les quais."

Mais bien sûr, ce serait mieux si la transition était motivée, et pas juste... mais j'y reviens.

Là, j'aimerais quand même expliquer ce qui s'est passé. On a fait la même chose que "Elles allèrent à Canterlot". Mais on va mettre un paragraphe à le dire. Pourquoi ? Pour maintenir l'immersion, le détail. Donner la fausse impression au lecteur que, justement, il n'y a pas eu d'ellipse. C'est pour ça qu'on répète "le temps", ça donne l'impression de continuité. Nos phrases pourraient aussi bien se dérouler depuis Ponyville, aux côtés de Twilight qui regarde Canterlot, qu'à Canterlot même, le soir. Cette ambiguïté permet la transition. Alors oui, c'est "compliqué", ça demande des efforts (et au lecteur également) mais si ça réussit, le lecteur est tout surpris de se retrouver à Canterlot sans même s'en être rendu compte.

Une transition brute "elles allèrent à Canterlot" est claire et sans ambiguïté, mais artificielle et capable de briser l'immersion. Une transition un peu travaillée demande plus de boulot mais, si elle réussit (j'insiste), le lecteur ne saura même pas que c'était une ellipse.

Okay maintenant je vais parler de "quand faire une ellipse".

Vous voyez ?! C'est pas agréable du tout ! Mes articles sont truffés de transition pour que vous ne remarquiez pas quand on passe du point (1a) au point (1b). On te coupe en plein récit pour te dire "changement de scène" puis on reprend, pas cool ! Ce qu'on veut, c'est faire une ellipse discrètement, dans le dos du lecteur, et on veut la faire au bon moment.

Comme dit plus tôt, les meilleurs moments pour une ellipse (ceci était une transition) sont après une grosse révélation ou, au contraire, juste avant, question de frustrer le lecteur qui "veut savoir". Typiquement :

"Twilight, je suis ta mère !" Dit Applejack.
"Non, c'est impossible !" S'exclama Twilight, avant de sourciller. "Attends, tu as quel âge ?"
"Non, c'est moi !" Reprit la fermière désemparée. "C'est moi, Twilight Velvet !"

Paf, révélation faite, on ellipse la réaction et tout ce qui suit parce que c'est trop inteeeeeense ! J'ai fait la même chose dans le Griffonic, quand Shimmer se rend compte d'où elle se trouve. Et j'utilise une démarcation "****", comme quoi... À noter d'ailleurs que si un lecteur vous dit "tu coupes toujours au pire moment !" Cela ne veut pas dire que vous placez mal vos ellipses, au contraire : il veut dire que "tu coupes toujours quand je voudrais savoir la suite !" Et c'est le but.

Alors quand couper ?

Quand c'est motivé.

Oui je sais, c'est une fausse réponse, mais faire une ellipse juste pour avoir à éviter le voyage à Canterlot, peu importe les formes que vous y mettez, ce sera toujours du bâclage. Une transition se motive, se justifie. Quand j'ai fait ma transition pour Canterlot, la motivation c'était le temps : on manque de temps, et le texte le met littéralement en scène en nous volant plusieurs heures -- et il vous le dit, "le temps manquait". Le texte vous dit carrément "je t'ai piqué quelques heures, bonne chance". Forme adaptée au fond.

Alors oui, on peut faire des ellipses pour le drama, personne ne vous en voudra mais vous vous contentez de copier-coller un schéma. Ça fonctionne... et c'est tout.

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Puis la princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi. Sombra."

Paf, ellipse. Bon. Même pas besoin d'ajouter le "Sombra", il n'y a pas beaucoup de rois dans cette histoire de toute manière. Là on a mis les points sur les "i". D'ailleurs, pourquoi donner le détail de la cuirasse ? On veut vraiment que le lecteur sache que c'est Sombra ? Les deux questions qu'on pose au moment de placer l'ellipse, c'est "quelles informations le lecteur doit savoir (ou savoir qu'il ne sait pas)" et "quelle est la dernière information qu'on lui donne ?"

La première question, c'est par exemple savoir si on lui dit clairement que c'est Sombra, ou au contraire qu'on le lui cache. Si on le lui cache, il partira du principe que c'est lui mais aura toujours ce doute dans la tête, et l'ellipse va nourrir ce doute. Mais si on le lui dit, alors il va pouvoir se concentrer sur la panique. Parce que là Twilight elle est foutue. Clairement.

La seconde question est un indice pour dire au lecteur sur quoi se concentrer. Ici, on termine en disant "Sombra", c'est ce qu'il va donc retenir en priorité et il va se dire "qu'est-ce qu'il fait là" ou "qu'est-ce qu'il va faire" ou tout ça. Mais changeons les choses :

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. La princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi. Sombra. Elle tourna un regard affolé sur Applejack, mais cette dernière affichait un sourire perfide."

Alors oui, le contexte fait qu'on se préoccupe toujours de Sombra. Mais moins. L'ellipse arrive alors qu'on parle d'Applejack, et du coup on se dit "il doit y avoir un truc avec Applejack", sinon pourquoi on aurait fini avec elle ? Et si... si Applejack n'était pas contrôlée ? Si c'était elle, la vraie menace ? Ou bien si Twilight pouvait encore convaincre Applejack de l'aider ? Ou bien...

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Puis la princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi, et qui se rapprochait, écrasante, qui se rapprochait, se rapprochait..."

Ellipse.

Qu'est-ce qui vient de se passer ? Nous sommes dans la tête de Twilight, nous voyons le monde à travers elle. Sombra s'approche, il est écrasant et soudain... on perd le contact. Oui, l'ellipse vient de vous dire que Twilight s'est évanouie. L'ellipse ne vous dit pas ce qui s'est passé, il se peut qu'elle ait résisté, crié, qu'elle ait tenté de fuir, tout cela est toujours le cas. Mais l'ellipse vous dit en plus ce qui s'est passé au final. Sombra a eu le dessus.

On réessaie ?

"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Les filets de magie noire serpentèrent jusqu'aux pattes de la jeune princesse, la saisirent. Sombra se détacha des ombres, souriant, carnassier, face à sa proie prise au piège. Il s'avança, elle s'effondrait, gémissante. Il s'avança, puis soudain, tout devint noir."

Que s'est-il passé ?

Nous ne sommes plus du point de vue de Twilight. Nous sommes dans la tête de Sombra. Alors qu'est-ce que ça veut dire, "tout devint noir" ? Il a pu engloutir la salle dans les ténèbres. On a fermé la portes. Ou alors le narrateur a mis un cagoule sur votre tête, je ne sais pas... mais en général, "tout devint noir" c'est l'indication que le narrateur s'est pris un méchant coup sur la tête. Yup, Sombra est tombé dans un piège. Ici l'ellipse vous "assomme" en même temps que Sombra, ou du moins vous aveugle. J'aurais pu écrire "tout devint blanc" mais ça vous aurait semblé plus étrange, genre Twilight est morte ? Ou bien Celestia vient d'apparaître ?

L'ellipse, au moment où elle finit, vous dit ce qui se passe. Elle vous dit, ou vous laisse deviner, ce qui s'est passé. Ce n'est pas juste un saut dans le temps, l'ellipse exprime quelque chose.

Dans le cas du Griffonic, c'est la révélation qui "sonne" Shimmer. Elle n'arrive même plus à entendre ce qu'on lui dit et, donc, le lecteur non plus. Et c'est comme ça, à mes yeux, qu'on utilise une ellipse. Quand elle permet d'exprimer ce qui se passe vraiment. Comme un indice supplémentaire, un outil au service de l'histoire. Et pas quand "ouais la flemme c'est pas intéressant je passe à la suite" ou pour du drama "facile". Non que ces deux cas de figure ne soient pas légitimes, moi aussi certains passages me barbent et le drama c'est le bien. Mais on peut faire tellement plus !

Tiens : Asylum. Twilight reçoit la preuve qu'elle est une patiente de l'hôpital, ellipse. Et quand le texte reprend, plus tard, on apprend que Twilight a fait une crise. On a "vécu" la crise de Twilight Sparkle ! Le texte nous a fait vivre ce qu'elle a vécu ! Cette fic' est GÉNI- okay j'arrête.

Alors.

Résumons.

1) L'ellipse est un type de transition. Il faut donc la travailler comme une transition.
1a) On peut pour ça utiliser un démarcateur graphique, type "****" ; ou bien une phrase-résumé, type "elles allèrent à Canterlot" ; ou bien faire... une transition ?
2) L'ellipse crée la curiosité ou le suspense. On la place donc juste avant ou juste après une révélation.
2a) On se demandera "quelles informations donner au lecteur" avant de lui faire vivre l'ellipse.
2b) On se demander "quelle sera la dernière information", celle qui lui indiquera sur quoi s'inquiéter.
3) L'ellipse permet d'exprimer ce qui se passe, de le faire vivre au lecteur.

Je ne sais pas si ça répond à la question mais c'est en tout cas ma vision des choses. Je n'ai sans doute pas fait le tour mais si je dois parler de l'ellipse, c'est probablement ce que je voudrais en dire. Et si vous y avez compris quelque chose, tant mieux, sinon vous pourrez toujours poser la question directement, fanficers,
à vos plumes !

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ShiningParadox
ShiningParadox : #4425
Je ne commente pas souvent tes articles mais je suis un lecteur assidu. Surtout ne t'arrête pas, ces sont des publications de ce genre qui rendent le site intéressant.
Il y a 4 ans · Répondre
Vuld
Vuld : #4397
@Gracowitz Il faudrait surtout avertir BroNie que "Art de l'écriture" existe. Que je ne sois pas le seul à y catégoriser mes articles.
Il y a 4 ans · Répondre
Gracowitz
Gracowitz : #4392
On devrait vraiment faire une catégorie "Tutoriels" pour que Vuld puisse y ranger ses articles.
Il y a 4 ans · Répondre
Vuld
Vuld : #4370
@Ponycroc Non, tu peux alterner. Une fois encore, dans le Griffonic, je mêle les deux.
Modifié · Il y a 4 ans · Répondre
Ponycroc
Ponycroc : #4369
Merci beaucoup. Ça m'aide vraiment.

Maintenant, j'aurais juste une question toute bête en fait.

Est-ce que je peux alterner entre des démarcations graphiques et d'autre manière de faire la transition dans le même texte ?

Bon, je crois bien que la réponse est oui, mais dans l'idée, est-ce que ça ne va pas surprendre le lecteur qui s'est fait à l'idée que l'auteur utilisait d'abord des démarcations simples pour ensuite le voir changer de méthode et ainsi perturber le lecteur ?

J'avoue, c'est peut-être con comme question, mais j'ai toujours du mal à imaginer qu'on peut ainsi varier les méthodes dans un seul et même texte.
Il y a 4 ans · Répondre

Quelques statistiques

L'article a été visualisé 281 fois depuis sa publication le 21 septembre 2014. Celui-ci possède 5 commentaires.

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À propos

Renard râleur, linguiste critique et correcteur, traducteur, littéraire et logicien.

16 fictions publiées
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