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Vuld 3 289

La cohérence.

Hi'.
Quand j'ai commencé mes études de littérature, il existait un tryptique maudit, un trio de notions juste abominables : la "pertinence", la "cohérence" et la "vraisemblance". Et quand tu débutes tes études, ben c'est juste impossible de faire la différence. Ou de même comprendre à quoi ça sert. Sérieux. Comment tu veux juger de la "cohérence" d'un texte ?
Alors la pertinence j'ai fait un article entier dessus donc on ne va pas y revenir... ou juste un peu.
Pour résumer (sinon allez lire l'article), en littérature la "pertinence" c'est ce qui est utile. Genre l'inspecteur Trucmuche voit que la porte était entrouverte, c'est un indice, c'est donc pertinent. L'inspecteur voit que les rideaux sont gris, ce n'est pas un indice, on s'en fout, c'est juste des rideaux, okay la grand-mère nous dira deux chapitres plus loin que son gendre détestait le gris vous en avez pas marre de démolir mes exemples ?
Le plus important, à propos de la pertinence, c'est le principe du "après c'est trop tard". Comme dit, sur le moment les rideaux gris on s'en fout, savoir que la vendeuse de fruits a le pelage pamplemousse rien à carrer. Ce n'est pas grave si c'est juste un mot jeté comme ça à la va-vite mais si le personnage passe un à deux buckin' paragraphes à s'émerveiller sur ces foutus rideaux ben on risque de grogner. Même si, comme dit, deux chapitres plus loin on découvre que ces rideaux c'était l'alpha et l'omega du texte : sur le moment c'est agaçant.
Voilà donc la pertinence c'est expédié, restent la "cohérence" et la "vraisemblance".
Si vous avez compris comment fonctionne cet article, il est donc temps d'expédier la vraisemblance. Et pour être honnête, j'ai toujours confondu les deux notions. Dans les deux cas, on juge de la crédibilité du texte. Dans les deux cas ça correspond à la réaction "non mais c'est pas possible c'est quoi ces foutaises ?!" Ça et un renversement de table bien senti.
Dans les deux cas, donc, on évalue le texte. Le contenu du texte. Et pour l'évaluer, on se réfère soit à notre connaissance du monde, soit à notre connaissance du texte. Je m'explique dans deux secondes mais pour résumer, la "vraisemblance" c'est juger le texte par rapport au monde et la "cohérence" c'est juger le texte par rapport au texte.
Alors touchons brièvement un mot sur la "vraisemblance".
On a chacun notre vision du monde mais par chance les lois de la physique sont les mêmes pour tous. Plus le texte correspond à ce qu'on sait de la réalité, plus il sera semblable au vrai, donc "vraisemblable". Quel exemple donner...
Eh bien, de façon amusante chez le débutant c'est généralement la notion de temps ou de distance qui se fait massacrer. Je pense par exemple à un texte anglais où l'héroïne, une alicorne, se trouve à Ponyville quand on lui annonce que Manehattan est attaquée. Déjà là j'aimerais que vous tiquiez, comment elle a pu l'apprendre aussi vite, mais on va supposer un gros "Ta Gueule C'est Magique" ou se dire qu'elles ont le téléphone. Donc l'héroïne s'envole et arrive à Manehattan en pleine attaque. Et là soit l'attaque dure depuis des heures, voire des jours, soit elle a fait la distance Ponyville - Manehattan en quelques minutes, dans les deux cas elle a volé durant tout ce temps bordel c'est pas possible l'endurance de la petite. Bourrinisme ? Non, c'est juste que l'auteur n'a pas réfléchi aux distances.
Je râle souvent sur la vraisemblance mais au final personne ne peut être une encyclopédie vivante et la fiction n'a pas à ressembler absolument à la réalité. Ce serait même assez... problématique. De plus, comme dit, on a chacun notre vision du monde, donc la vraisemblance est parfois subjective. Bête exemple, dans Caudectomie Applejack abandonne sa petite soeur suspendue la tête à l'envers. On m'a fait remarquer qu'Applejack ne ferait jamais ça, parce que c'est une fermière et qu'elle devrait être au courant que c'est pas une bonne idée. C'est assez invraisemblable, yup, mais c'est hélas assez réaliste.
Au final donc la "vraisemblance" est risquée, parfois subjective et le seul moyen de s'améliorer est de se documenter. En gros, l'auteur n'y peut rien.
Mais un texte qui s'écarte de la réalité n'est pas mauvais pour autant. Nos chers petits poneys sont complètement invraisemblables, ce qui ne nous empêche pas "d'y croire" ou à défaut d'apprécier leurs aventures. C'est tout simplement parce que la vraisemblance passe au second plan. On compare toujours ce qui se passe dans les épisodes avec ce qu'on sait de la réalité, mais on a aussi, depuis quatre saisons (et deux films (et les comics))) une petite idée de comment leur monde fonctionne. Genre les pégases font la pluie et le beau temps. Quand on voit un pégase bouger un nuage on ne se dit pas "c'est irréaliste" mais "ça correspond aux règles d'Equestria).
Il faut donc comprendre que chaque texte a ses règles, sa "logique interne". Si dans la saison cinq on découvre que les pégases habitent dans les montagnes et ne peuvent pas manipuler les nuages, comme ça, sans explication, on va se dire que punaise "c'est pas possible" (ah !) c'est plus le même univers. On est en train de juger ce qui se passe dans le texte par rapport à ce qui s'y est déjà passé, par rapport à ce que le texte nous a dit être possible ou impossible.
Et ça, c'est la "cohérence".
Je reprends. La "pertinence" c'est juger de ce qui est utile dans le texte (et sur le moment, siouplait). La "cohérence" c'est juger de ce qui est possible dans le texte (par rapport au texte). La "vraisemblance" c'est juger de ce qui est possible dans le texte (par rapport à la réalité).
Un bon exemple de ça s'est produit à la fin de la saison quatre, qui était épique autant que tu veux mais j'ai pu apprécier la réaction en direct : lorsque Tirek -- j'ai vraiment besoin de signaler que ça va spoil ? -- lorsque Tirek dévore le pouvoir de Discord, il y a eu la réaction "mais bordel c'est pas possible !" Suivie de "okay c'est fini, Tirek est invincible".
La série a donné comme règle que Tirek peut absorber les pouvoirs. Donc bon, absorber le pouvoir de Discord c'est conforme à la règle, rien ne l'empêche, c'est donc : cohérent. Mais, début de la saison deux, la série nous a montré un Discord capable de réécrire les lois de la gravité, et de se rire de la magie de Celestia. C'est aussi une règle, le pouvoir de Discord est juste hallucinant, donc "logiquement" Tirek aurait dû être au moins aussi puissant. Et le combat contre Twilight n'aurait pas été possible. Après on me dira que c'est comme calculer le pouvoir de Sangoku, c'est ridicule, mais la réaction était là : ça a semblé incohérent.
Ça fonctionne donc comme ça : le texte (im)pose des règles à mesure qu'il avance, règles que le lecteur assimile autant qu'il peut. Si les événements suivants contredisent ces règles, le texte devient incohérent.
Vous pouvez en conclure qu'il y a donc toujours aussi une part de subjectivité : le lecteur a pu mal comprendre les règles ou les rejeter au profit de sa vision des choses. Le plus difficile, au moment de juger de la cohérence d'un texte, est donc d'en déterminer les règles. Elles ne dépendent ni de l'auteur, qui a pu se planter en voulant écrire les siennes, ni du lecteur, qui a pu se planter en voulant les comprendre. Elles dépendent du texte. Du texte tel qu'il est écrit, tel qu'il est lu, tel quel.
Donc.
Disons que le mane6 soit dans l'Everfree Forest, pour pas de raison, elles sont tombées sur des plantes et Rarity, pour pas de raison, s'est faite empoisonner. L'histoire manque de pertinence mais on s'en fiche. Là, Rainbow Dash balance "Faut l'amener à un docteur rapidement !"
Stop. Qu'est-ce que le texte est en train de nous dire ? On nous a posé un enjeu, trouvé un docteur, et le "rapidement" signifie que, ben... c'est urgent. Je veux dire punaise là je suis en train de paraphraser, dans l'idée la quête de l'antipoison doit devenir une priorité. Enjeu à court terme. Tout ça.
Okay on reprend l'histoire, le mane6 continue dans la forêt et tombe sur une grotte pour pas de raison, et décide de l'explorer. Hello ? Ponette blessée ? Quelqu'un ? Rarity leur éclaire le chemin (... non mais je dis rien) puis ils se font emprisonner par je sais pas moi des gobelaines et là enfin y a Applejack qui entend Rarity gémir et qui fait "au fait, les filles, Rarity est toujours empoisonnée." MERCI ! Capitaine évidence, merci ! On l'aurait presque oublié !
Tout cela aurait pu être facilement évité si le texte avait pris le temps de dire, je sais pas, venant de Twilight : "On n'a pas le temps, il faut continuer... Rarity, tu peux tenir le coup ?" Et là le texte aurait posé comme règle que oui, il va falloir attendre. Ça n'enlève rien à l'urgence mais on sait désormais que les keupines qui se fichent du poison c'est normal, ça ne contrevient pas à la règle. C'est cohérent.
Bien sûr, un lecteur peut avoir oublié l'histoire du poison, ou déduit l'urgence de la quête ou je ne sais pas : mais dans ce cas les règles viennent de lui, c'est lui qui corrige les incohérences. Rappelez-vous l'alicorne à qui on annonce que Manehattan est attaquée, on a supposé qu'ils avaient le téléphone ou des orbes magiques ou peu importe, on le fait naturellement ça de boucher les trous. Mais c'est le boulot du texte.
Toute la difficulté est donc de repérer les règles. Pas d'imposer les nôtres mais bien de déterminer quelles règles le texte, et uniquement le texte, nous donnent.
J'insiste.
Et je ne peux évidemment pas m'empêcher de citer Fallout: Equestria comme exemple d'incohérences vu que cette fic' en est bourrée ras-la-gueule jusqu'aux naseaux comme c'est même pas équinement possible. On y dit que la guerre poney-zèbre a duré neuf ans. La référence dans la réalité c'est la troisième guerre mondiale. Donc côté texte, c'est parfaitement cohérent, rien n'empêche que ça ait duré tout ce temps. Côté réalité, par contre, c'est juste une blague, mais passons.
Ce qui m'intéresse c'est que cette fic' nous dit également que les zèbres avaient des capes d'invisibilité. Au point qu'un civil zèbre a pu massacrer une bonne centaine de poneys dans un lieu pourtant défendu. Le texte a posé cette règle, ces capes existent et si un civil peut en avoir alors ces trucs ne sont pas rares. Ce qui signifie que les zèbres pouvaient avoir des armées invisibles. Comment... tu ne peux pas gagner la guerre... avec des armées invisibles... et non, les poneys n'avaient pas de détecteurs, ou quasiment pas de ce que j'en ai vu. Comment tu peux faire pour piétiner neuf ans avec un tel avantage, c'est juste... yup, incohérent.
Une fois encore, on a le réflexe de justifier, je veux dire, c'est un réflexe : justement, ils avaient des détecteurs, ou les capes étaient rares, etc... ce n'est pas que face à un texte on est crédule, qu'on deviendrait soudain stupides : c'est qu'on a envie d'y croire, on fait en sorte de recoller les morceaux.
Cela dit...
Ouais allez, parenthèse. Papert-Christofides, en 1972, a publié une thèse sur la psychogenèse de l'argume- elle a étudié comment les enfants réfléchissent. On leur pose un problème, genre "qu'est-ce qui flotte" et on regarde comment les enfants (6-11 ans) résolvent le problème.
Dans le cas des objets qui flottent, elle a observé que même quand l'enfant voyait l'objet flotter, il pouvait maintenir que l'objet coule. L'enfant passe donc pour un imbécile : il est "incohérent". Si ça flotte ça flotte, zut quoi. Mais comme c'est une scientifique, elle a continué à tester et a pu conclure que les enfants, comme les adultes, avaient une connaissance "fragmentée". "L'objet est lourd donc il coule", l'enfant conclut donc que l'objet coule mais "L'objet flotte donc il flotte", l'enfant conclut donc que l'objet flotte. Il est capable de soutenir les deux conclusions parce qu'elles appartiennent à des champs de connaissance séparés. À l'intérieur de ces "îlots de savoir", l'enfant est parfaitement cohérent.
Pour nous fanficers, le problème est le même. Une contradiction peut nous échapper alors même qu'elle devrait être évidente. On est fait comme ça.
Bête exemple et là encore je reprendrai FO:E. Un personnage se fait blesser, il saigne gravement. Un autre personnage s'empresse de recouvrir la plaie avec une robe. Le personnage est sauvé. Logique ? Oui, parfaitement, c'est cohérent. On a "soigné" la plaie, rien dans le texte ne l'empêche donc aucune raison d'en douter. Le texte nous a donné une raison pour la survie du personnage, le lecteur est content.
Bon et maintenant si je vous dis que la blessure est au cou et que c'est la carotide qui est ouverte ? Ouais elle est morte. Sa survie est invraisemblable, même si on avait arrêté la perte de sang elle n'a plus de trachée, elle ne peut plus respirer, elle est morte. Juste morte. Là on est en train de montrer la baignoire à l'enfant et on lui fait "mais regarde le bois ne coule pas !" C'est invraisemblable. Mais l'enfant répète la logique "on l'a soignée donc elle va vivre", et ça reste cohérent.
Est-ce que la logique du texte prime sur celle de la réalité ? Je dirais oui. C'est en tout cas plus prudent. Mais pour le lecteur ça importe peu, ce qui importe c'est qu'il n'ait pas la réaction "mais bordel c'est pas possible !" Que ce soit un défaut de vraisemblance ou de cohérence, c'est la réaction qu'on veut éviter. Et quand elle arrive, c'est au lecteur d'en déterminer la cause. Avec prudence.
Bon.
...
Là je vous ai donné la théorie mais je me dis qu'à appliquer... bah appliquer quoi ? Pour nous autres les auteurs, la question c'est donc de s'assurer que le texte soit cohérent. Si vous avez bien suivi, ne pensez pas que c'est cohérent juste parce que ça vous "paraît" cohérent. En général on a quasiment des oeillères et si quelqu'un ne vient pas nous remettre les idées en place, même en relisant le texte trois fois on ne verra pas ce qui cloche.
C'est d'ailleurs -- désolé de râler là-dessus -- quelque chose d'agaçant pour le relecteur, quand il pointe une incohérence. L'auteur ne la verra pas et tu peux lui répéter dix fois, explicitement, ce qui cloche, c'est comme l'enfant à qui tu montres la baignoire -- ou l'adulte à qui tu montres les chiffres du chômage -- c'est perdu d'avance parce, pour lui, c'est cohérent.
Le plus important, au final, est de bien poser les "règles" de votre texte.
Oh, et j'y pense. Ces règles aussi ont une pertinence. Par exemple, dans le Dernier Sortilège, je suis en mode "ouaaaaais la poupoudre rouge sortie de nulle part c'est toooootalement crédible", le texte dit qu'il y a de la poudre rouge, c'est une règle, mais ça laisse un paquet de questions. Cela dit, y répondre n'est pas nécessaire. C'est du râlage gratuit. Pourquoi ? Parce que ça n'a aucune pertinence ! Aucune incidence sur le récit, c'est du luxe, du luxe appréciable certes mais du luxe quand même. Donc même si quelqu'un vous dit que votre texte est incohérent, si c'est juste local, sans incidence, haussez les épaules et continuez.
Là, l'exemple que j'utiliserais serait la réforme de Discord face aux ailes de Twilight. Discord est gentil ? Ça concerne un épisode, okay trois-quatre tout au plus et ça n'a pas changé fondamentalement la série. Twilight choppe ses ailes ? Oh punaise, on n'en a toujours pas fini... L'un est un tout petit peu plus pertinent que l'autre.
Bref.
Lecteur, quand tu as la réaction "bordel mais c'est pas possible !" Vérifie si c'est ta vision des choses (vraisemblance) ou si le texte se contredit (cohérence). Dans ce dernier cas, c'est qu'il y a une règle, retrouve les passages qui ont établi cette règle et montre-les à l'auteur. Et si tu ne les trouves pas c'est que c'est juste toi, râle si tu veux mais le texte n'y est pour rien.
Auteur... je sais pas, brûle un cierge, tout ce qu'on peut faire c'est tenter de jouer l'avocat du diable et honnêtement ça n'en vaut pas le coup. L'important est, si tu tombes sur une incohérence -- je n'aime pas ce ton professoral là d'un coup -- de déterminer son importance, sa "pertinence". Si c'est juste un détail, qu'est-ce que tu t'en fiches... si par effet boule de neige ça pourrit le reste du texte, ne laisse pas passer ce truc. Et par pitié, juste par pitié (ça sent le vécu), pars du principe que si on te dit que c'est incohérent, c'est que ce l'est. Ne t'enferme pas dans ta logique, même si elle te paraît de béton.
Ouais la cohérence se prête mal aux exemples donc on va s'arrêter là. Vous savez, longtemps j'ai refusé de juger le contenu d'un texte. Toutes les histoires sont bonnes, y compris Mary Sue l'alicorne qui remplace le mane6 et se marie avec Celestia et Luna. Mais la cohérence permet en fait un jugement assez objectif de la chose, du moment qu'on est de bonne foi.
Ce qui n'est pas toujours le cas, mais eh on fera toujours confiance, fanficers,à vos plumes !

BroNie 10 568

Les méchants

Histoire de me la péter, je commencerais ce billet par une citation d'Alfred Hitchcock. Non pas « hé Bébert, tu me ressers un calva ? » parce que celle-là, je suis pas sûr à 100 % qu'elle soit bien de lui, mais plutôt « meilleur est le méchant, meilleur est le film. »
 
Aaah, les méchants. On serait bien embêtés dans nos histoires sans eux. Quasi tout le temps, ce sont eux qui vont se mettre entre le héros et son but, qui sont là pour servir de challenge, quoi ! Parce qu'on est d'accord, pour voir John MacLane sauver le monde, encore faut-il un méchant pour le menacer, ce monde.
 
Pour qu'on soit bien clair, par méchants, je parle de personnages qui se calquent au schéma classique : ils font des choses que la morale réprouve, et ils s'opposent au héros. C'est la définition la plus simple possible : Dark Vador aide l'Empire à opprimer la galaxie, et il affronte son fils, le héros de star wars. Clair et net.
 
Cela dit, il arrive qu'on ait des personnages plus nuancés. Pour rester dans l'univers star wars, prenez Han Solo. Il fait des choses que la morale réprouve, car c'est un tricheur, un menteur, et un voleur, mais pour autant, il ne s'oppose pas aux rebelles, au contraire même, puisque il finit par épouser leur cause. Han n'est donc pas un méchant, nous sommes tous d'accord là dessus.
 
Mais un personnage comme le Punisher par exemple ? Ce justicier qui abat impitoyablement tout malfrat qui se trouve sur sa route ? Lui, fait clairement des choses moralement répréhensibles (assassinat, torture) mais comme ses victimes ne sont que des truands, le personnage est bien plus dur à classer sur l'échiquier de la morale.
 
Enfin, un héros comme Iznogood ? Méchant dans tous les sens du terme, mais pourtant héros de ses propres aventures.
 
On le voit, il n'est pas si facile de définir exactement ce qu'est un méchant. On y confond antihéros, antagoniste, et d'autres termes. Cela dit, le but de mon billet portait moins sur la définition que sur l'utilisation du concept.
 
On l'aura remarqué, une des œuvres préférées des fans dans un fandom, c'est de nous donner le point de vue du méchant. Nous faire redécouvrir un personnage qu'on pensait avoir cerné, lui donner un nouvel éclairage. Je ne compte plus les récits se basant sur Luna/Nightmare Moon, ou justifiant le coup d'Etat de Chrysalis par la famine qui décimait la ruche changeline. Les préquelles relatant l'opposition entre Celestia et Discord sont légions elles-aussi.
 
On notera un désamour pour Sombra ou Tirek. C'est quelque chose de très intéressant à mes yeux, et je vais prendre le premier en exemple.
Personne ne pourra nier que pris brut, Sombra n'est ni plus, ni moins développé qu'un autre antagoniste majeur de MLP. On sait qu'il a dominé l'Empire de Cristal, on sait qu'il est fort, et qu'il a été battu par les Princesses. En soi, c'est déjà plus d'informations que pour Chrysalis, dont on sait seulement que c'est une reine de ruche qui profite du mariage pour attaquer Canterlot.
 
Et pourtant, Chrysalis a été bien plus aimée, bien plus utilisée dans le fandom que ne l'est Sombra. Le premier exemple qui me vient en tête serait son association avec Flufflepuff (s ?) dans le tumblr qui leur est consacré.
 
Donc, pourquoi ? On pourra toujours m'objecter que Chrysalis permet de traiter du trope de la veuve noire, de faire jouer la corde de la séduction, de la mettre en opposition avec Cadence...tout cela est vrai. Mais ça n'explique pas en soi l'attrait du fandom pour des méchants comme Discord, et leur désamour pour Tirek, par exemple.
Selon moi, la cause est relativement simple. Sombra et Tirek avaient du potentiel, comme n'importe quel autre personnage. Mais ce potentiel étant jugé gâché par les fans, les personnages se retrouvent prisonniers d'un marais où ils peinent à sortir. Je n'ai qu'à écrire « cryyyyyyystaaaaaaal », pour que vous me compreniez, n'est-ce pas ?
 
Indubitablement donc, l'avis de la masse, l'avis du public va influer sur le destin fandomique de tel ou tel personnage, et qui plus est les méchants. On ne va pas se mentir, une fic sur les frères FlimFlam sera forcément moins suivie qu'une sur Trixie. Et nous avons pourtant là deux (et même trois techniquement) personnages antagonistes secondaires.
 
Mais je me disperse. J'aimerais vous donner une règle que j'ai apprise quand j'étais encore membre du forum Star Wars Universe. Un des fanfiqueurs, avait un jour marqué lors d'un débat : « il y a deux manières de creuser un méchant. Soit tu lui fais faire des trucs vraiment méchants, soit tu donnes à voir son point de vue au public. »
 
Je n'ai jamais lu de conseil plus sensé sur les méchants jusqu'à présent. Analysons un peu cette règle, voulez-vous ?
 


« Fais [lui] faire des trucs vraiment méchants »
 


Et oui. Pourquoi est-ce que vos personnages sont des méchants s'ils ne font pas de méchancetés ? Ils sont justement là parce que leurs barrières morales sont différentes de celles des héros, et du lecteur. Ils sont là pour nous permettre de jubiler de voir tant de vice, tout en les détestant pour ça. Vous voulez un exemple ? Le roi Joffrey du Trône de Fer.
Sans spoiler, je vous dirais juste que c'est quelqu'un de vraiment, vraiment, pas gentil. A la limite de la caricature, même, mais Dieu que c'est bon par moment de voir un personnage qui se lâche autant !
Attention, un récit en nuances de gris (non, pas en 50. Arrêtez cette blague TOUT DE SUITE) est bien sûr préférable dans 99 % des cas. Qui lirait Pony War Chronicles si l'auteur s'était borné à la gentille République contre le vilain Empire ?
Mais y lire que tel personnage secondaire a ordonné la mort de tous les prisonniers sur un coup de tête, basculer pleinement dans les ténèbres, c'est très agréable.
 


« Donne son point de vue au public »
 


C'est dans cette optique que se rangent l'essentiel des fics sur les méchants. Nous donner à voir le point de vue de Luna pour justifier le cas Nightmare Moon, inverser nos repères pour qu'on considère Celestia comme l'opposante, et non la Princesse légitime. Nous réécrire tout le passé de Trixie, pour qu'on puisse comprendre sa soif de célébrité, et sa colère envers Twilight.
A noter que bien des histoires nous font suivre le cheminement du personnage, du point A, généralement quand il est jeune et bon, au point B, le méchant que nous connaissons, adulte et plein de fiel.
 
Bref, pour vraiment réussir votre méchant, je pense que le mieux reste un subtil mélange des deux. Faites lui faire des saloperies tout en distillant sa pensée au lecteur, qu'il soit troublé entre approuver ses actes, et les réprouver.
 
Pour illustrer sur un dernier exemple, je ne citerais que le personnage de Milady de Winter, la principale antagoniste, avec Richelieu, dans les aventures des Mousquetaires de Dumas. Je vous invite, si vous en avez l'occasion, à parcourir le roman graphique d'Agnès Maupré, qui porte le nom du personnage. On y revit exactement les événements de Trois Mousquetaires, à la nuance près que cette fois, c'est par les yeux de Milady. On y comprend donc mieux les motivations de l’intrigante, tout en blâmant ses actes. On est là, selon moi, dans une parfaite utilisation des deux points cités plus haut.   

Vuld 0 325

L'ambiance.

Hi'.
Un matin d'insomnie, j'ai voulu vous parler de l'humanisme. Le problème, c'est que c'est déprimant. Vraiment déprimant. Pesant. Lourd. Un sujet triste, pareil à des phrases courtes. À de la monotonie... à des tournures compliquées... abstraites... difficiles... à des termes négatifs comme noir, sombre, corbeau, cimetière... brosse à dents...
...
Et puis ensuite je me suis rappelé que je m'adressais à des bronies ! Alors je me suis bâfré deux pilules sec et un gros verre de coca, j'ai sacrifié une peluche Pinkie pie sur l'autel du fun et j'ai balancé la 'zik ! Okay j'en fais trop là mais t'as compris le principe ! Phrases surchargées d'énergies comme des p'tites filles droguées au sucre, des points d'exclamation partout, des termes complètement à côté de la plaques que ranafiche ça sonne fun, ça c'est de la bonne humeur !
C'est ce qu'on appelle mettre l'ambiance.
La différence entre le professeur qui rend la journée pluvieuse encore plus pluvieuse et le professeur qui vous donne envie d'étudier les sept niveaux de lecture de Proust parce que eh ! dans Proust y a un verre de jus d'orange ! C'est la bonne humeur, c'est l'entrain, la passion -- et de savoir de quoi il parle, aussi... ça aide -- c'est la différence entre le joueur qui râle parce qu'il a raté un clic de souris et celui qui est tellement dans son délire qu'il a décidé que Starcraft c'était le nouveau Sim City.
Si on accroche au prof', au youtubeur et à plus forte raison à des ponettes psychédéliques c'est parce que ça transpire la bonne humeur qui vous remet la pêche après avoir dû expliquer à la laborantine que si elle voit le noyau de cellule c'est qu'elle voit aussi la cellule bordel !
On a donc envie de faire à peu près la même chose dans nos textes, à savoir mettre de la bonne humeur quand qu'on veut que le lecteur y se sente tout doux sur son nuage -- au lieu de juste "bien" -- et faire grincer les violons quand notre alicorne préférée meurt pour la quatrième fois depuis son réveil. De toute manière on n'y coupe pas, à mesure qu'on s'améliore le lecteur devient exigeant et l'ambiance, l'atmosphère, le "ton" du texte fait partie des incontournables à maîtriser.
Mais l'ambiance est aussi un des trucs les plus difficiles à comprendre, et comme d'habitude je ne maîtrise pas du tout le sujet.
Au sens où oui, comme tous les auteurs ici j'ai déjà créé des ambiances, drôle, triste, malsain, furieux, fou, peu importe : je ne sais juste pas comment je le fais. C'est un mélange d'un tas d'outils et de techniques et du coup c'est très difficile d'expliquer à l'auteur pourquoi son texte est "mou" alors que Celestia vient de kamehameha la fille de Chrysalis.
1) "Chrysalis junior se retourna. Celestia s'était remise debout. La princesse du soleil étira ses deux pattes en arrière et une lumière vive se forma sous ses sabots. Elle cria : "Kaaaaa... meeeeeh..." Son adversaire voulut s'enfuir mais n'en eut pas le temps. "... ameHAAAAAAAAA !!!!" Hurla Celestia en lançant le rayon d'énergie pure."
Je. M'ennuie. Non vraiment j'ai plus qu'une envie, c'est fermer l'onglet, fermer le navigateur, éteindre l'ordinateur et m'étaler sur mon lit pour regarder la peinture blanche du plafond.
Mais comment c'est possible ? On a littéralement l'une des attaques les plus bourrines inventées par le média animé, on a même mis des majuscules et quatre points d'exclamation ! Et c'est d'ailleurs pour ça que je râle autant sur les majuscules et la ponctuation à outrance -- comme sur le drama en général. Ce sont des solutions de facilité, des béquilles qui vous évitent de chercher d'autres techniques, et donc ralentissent votre progression. Parce que bon, les majuscules dans le roman 1984, je vous jure qu'elles sont bien employées, là rien à dire.
Le problème est qu'on a quasiment toujours la même structure "sujet - verbe - complément" : machine fait ça. Chrysalis se retourne. Celestia se met debout. Le lecteur s'ennuie. Où est l'ambiance ?
Déjà, on a appliqué la référenciation. J'ai même mis "la princesse du soleil" pour rappeler d'où elle pompe son pouvoir, donc le problème ne vient pas de là. Ce qu'on n'a pas appliqué, par contre, c'est le "défi de la nuit", à savoir les détails. Bêtement : elle s'enfuit, okay comment ? J'ai bien une vision générique dans ma tête mais justement c'est générique. Donc appliquons du détail :
2) "Chrysalis junior se retourna. Celestia s'était remise debout, dans le cratère plein de débris. La princesse du soleil étira ses deux pattes sanglants en arrière et une lumière vive se forma sous ses sabots. Elle cria : "Kaaaa... meeeeh..." Son adversaire ébahi voulut s'enfuir en déployant ses ailes mais n'en eut pas le temps. "... ameHAAAAAAAA !!!!" Hurla Celestia en lançant le rayon d'énergie pure."
Je. Me tape. La tête. Sur mon clavier. Bon okay pas vraiment là c'est juste façon de parler mais quand quelqu'un suit mes conseils et me fait ça je vous jure que je soupire très fort.
C'est toujours aussi plat et morne !
C'est mieux, mais toujours morne. Et je l'avais déjà dit à l'occasion de... est-ce que j'en ai déjà parlé ? Bref, que l'ambiance ne tient pas qu'aux mots employés. Il y a aussi la formulation.
On l'a vu au départ : je veux être triste ? Je dois privilégier l'abstraction, la lenteur... colérique ? Au contraire direct et choquant, j'assène mes phrases ! Joyeux ? Mais y a pas de problèmes les p'tits oiseaux ! La façon dont vous formulez le texte dit au lecteur comment vivre la scène. Ou, à défaut, comment les personnages vivent la scène.
Alors vu que j'avais déjà parlé de la reformulation, reformulons :
3) "Chrysalis junior se retourna. Dans le cratère plein de débris s'élevait Celestia, la princesse du soleil, qui braqua ses deux pattes en arrière et, alors même que le sang coulait de ses sabots, qui y forma une sphère vive de lumière."
Je peux couper ici, le reste c'est le même principe.
Premier principe de la reformulation : connecter les phrases.
Non, vraiment, j'insiste, j'en ai marre d'être coupé par des points. "... du soleil, qui braqua..." bam on enchaîne tout de suite avec la... la suite... j'ai foiré ma phrase pas grave. On aurait pu faire de même avant : "Chrysalis junior se retourna face à Celestia alors que cette dernière se relevait..." mais c'était un peu long et on veut créer un mini-suspense (ah punaise que je suis content d'avoir écrit des articles pour vous expliquer tout ça) donc je conserve les deux phrases séparées.
Second principe de la reformulation : on travaille le rythme.
C'est quoi le rythme ? Il faudrait un article entier à ce sujet, moi-même j'en sais rien et j'utilise ce mot pour tout et n'importe quoi, mais dans l'idée : ici, on est dans une scène où Celestia prépare un mégasort à balancer sur son adversaire. Il y a donc énormément de tension, mais c'est de l'attente. Moi, j'exprimerais ça par des termes violents mais des phrases assez longues, question de bien faire durer la préparation et de faire sentir la puissance qui s'accumule. Principe de la forme adaptée au fond.
Donc, pour nous, le rythme sera la vitesse à laquelle se déroule l'action. Si c'est rapide, il faut faire des phrases rapides, des mots courts, il faut que ça s'enchaîne. Si c'est lent, il faut des phrases longues, etc... On n'écrit pas la scène où Twilight regarde fixement l'horloge de la même manière que Celestia et son mégasort. Enfin si dans certains cas si mais arrêtez de digresser.
Bête exemple à ce sujet : j'ai écrit "la princesse du soleil". Mouais, quatre mots pour désigner Celestia c'est un peu long, et pas très agressif. On peut au moins faire un effort : "la princesse solaire" est plus agressif, et ne prend que trois mots. Ce genre de détail compte.
Troisième principe de la reformulation : vérifier le son.
Okay dit comme ça ça a l'air stupide, c'est du texte, mais les phrases ont une "courbe mélodique". Par exemple la "princesse solaire" répète le son /s/ sans interruption, c'est un son assez agressif... la "princesse lunaire" n'a pas le même effet, malgré le /r/ qui a plutôt un effet de chiasme, demandez à votre prof' de français ce qu'est un chiasme, nous on est déjà passés à la suite.
L'idée, quand on reformule, est donc de vérifier que ça sonne "bien". C'est le moment où on efface les répétitions genre "tout de suite la suite" mais aussi où on évite les sons malheureux, genre "elle abattit la toiture sur sa tête" okay que vient foutre ce /t/ dans l'action, c'est un texte comique ? Et notez que je n'ai pas pu m'empêcher de faire une chaîne mélodique avec encore un chiasme en /e/ et deux pics, /i/ et /u/ (dans l'idée) avec du /a/ à chaque fois pour la transition. Avec l'habitude ça va tout seul, au départ on galère parce que, vraiment, à moins d'être poète on n'a pas la moindre foutue idée des règles qui s'appliquent.
Non, vraiment, je n'ai jamais théorisé la courbe mélodique d'une phrase. Je l'ai toujours fait au feeling. Et pourtant, pour créer l'ambiance, les sons sont essentiels (paf, /s/), c'est une autre manière de donner du "rythme", peu importe ce que ça peut signifier.
Par exemple, dans (3), j'ai écrit "sphère vive de lumière". Pourquoi ? Parce que je veux une structure /e/ - /i/ - /i/ - /e/, les poètes vous diront que c'est une structure ABBA. Qu'est-ce que ça fait ? Ça fait que vous retenez bien le /i/, chargé de mimer la lumière. Mais oubliez tout ça et notez simplement : "sphère / lumière". Yup c'est une rime. Pas besoin d'avoir douze syllabes, les deux mots finissent pareil, la structure porte l'attention dessus, vous associez le mot "sphère" au mot "lumière" et ça tombe bien c'est ce qu'on veut. Si là vous la voyez pas la sphère alors je sais pas ce qu'il vous faut.
Mais !
C'est toujours morne.
Ouais, pour moi c'est toujours des phrases mises l'une après l'autre avec autant d'ambiance qu'à une fête d'école où tu n'as toujours pas le droit de courir dans les couloirs. Rappelez-vous, on veut accumuler la puissance. Ce qu'on veut, c'est une progression (ou pour faire littéraire, une "gradation"). On veut montrer que Celestia est furax et que quand elle va tirer son laser ça va peler les Badlands jusqu'à Baltimare. pourquoi Baltimare ? Parce que riiiiiiiiime ! C'est génial vous suivez.
4) "Chrysalis junior se retourna, prête à frapper mais se figea. Face à elle le cratère chargé de roches ardentes n'était plus qu'un immense brasier, charnier des rêves de Celestia. La princesse sanglante s'était relevée, échevelée, les patte pendantes, le visage poisseux de haine. Ses yeux s'étaient réduits à ceux d'une bête."
Tu le sens comment Chrychry' junior va morfler ?! Je sais pas ce que l'insecte en herbes lui a fait mais là 'Tia est en mode berzerk, on va faire remuer les plaques tectoniques !
Mais aussi, notez que je n'ai pas fait "Tous ses rêves avaient été brisés." Non, ça c'est mou. C'est même pas triste, c'est plat. Si on veut être triste on peut faire "elle laissa son coeur et ses rêves se briser." C'est bof mais c'est mieux que rien. Non, ce que j'ai fait c'est 1) enchaîner cette phrase avec la précédente, 2) accéléré ça en virant le verbe et 3) fait une "rime" avec charnier / brasier, et j'ai donné en trois mots les raisons pour lesquelles l'alicorne allait tellement l'y péter sa mouille à l'autre grognasse... Court et violent, mais ça permet de former une phrase plutôt longue et qui passe du cratère aux flammes, et des flammes à la rage. Donc... gradation ? Ouais pas vraiment mais quand même un peu, allez. Donnez-moi ma gommette.
On joue sur la longueur des phrases, sur leur imbrication (les mettre ensemble), sur les termes employés et toute la batterie d'effets de style fournis par la littérature et qui sèchent dans vos cahiers.
Et comme jusqu'à présent on a voulu faire une ambiance "colère", on va conclure en changeant :
5) "L'heure du goûter était passée. Assise à table, sans assiette, le regard tourné vers la porte entrouverte, Twilight eut un bref sursaut. C'était la cloche du village qui sonnait, là-bas, doucement, le compte du temps. Elle posa un sabot sur la table, puis un second, puis y glissa son museau larmoyant."
Non mais Spike va revenir, ça va s'arr- ah. Y a le tag sombre. Bon bah bonne chance Twilight !
Même principe, on a tout reformulé pour exprimer l'attente vaine ("sans assiette", "bref"...) et j'aimerais porter l'attention sur le fait que presque aucune phrase ne se ressemble. La première est classique. Dans la seconde, le verbe n'arrive qu'à la fin. Dans la troisième, on a deux "adverbes" qui coupent au centre. Dans la dernière, on a trois actions à la suite, j'allais dire trois verbes mais le second est sous-entendu -- et comme d'habitude avec moi, la seule action qui compte est mise en retrait, aka le "larmoyant".
Tout cela on s'en fiche. Ce que j'attends de vous, c'est que vous déconstruisiez tout ça. Prenez l'exemple (5) et essayez de le réécrire comme l'aurait fait le premier venu, sans la moindre ambiance.
Vous voulez ma version ?
6) "L'heure du goûter était passée. Twilight n'avait rien mangé. Elle regardait la porte entrouverte. Elle eut un bref sursaut. C'était juste la cloche du village qui sonnait. Elle s'effondra sur la table et se mit à pleurer."
C'est... pas pareil. Appréciable, oui, le fond reste le même donc du moment que l'histoire est bien moi je me plains pas mais bon voilà... l'ambiance c'est ça, reformuler et reformuler encore pour que le texte exprime ce qui se passe, et...
... et je me rends compte que ça ne vous aide pas du tout. Punaise.
Okay je vais aller déprimer dans mon coin sur l'inutilité de l'inconséquence et faire des phrases genre la pluie les cernes et les pouliches aux allumettes. Et pendant mon absence, fanficers,à vos plumes !

BroNie 8 307

Ce qui se passe entre les cases, ou la théorie bro-nienne du petit coin

Déjà, sachez juste que je suis super fier de mon titre.
 
Allons y doucement : en 2010, est sorti le film Super. Portant sur un justicier sans pouvoir, assez proche de Kick-ass, on suit le héros dans sa quête afin de pacifier les rues de la ville (et accessoirement, de reconquérir sa femme). Epaulé dans son action par une jeune vendeuse de comics, jouée par Ellen Page, les deux héros passent leur première nuit de justiciers terrés dans une ruelle, à guetter le crime. Page se lasse très vite d'attendre, et fait remarquer au personnage principal qu'on ne voit jamais Batman ou Spiderman attendre bêtement qu'un événement se produise. Le héros lui répond que si, mais que cela se passe entre les cases de la BD, dans les lignes blanches.
 
C'est le point de départ du billet que je vous propose ce soir.
 
La pensée la plus évidente, quand on tient des héros et qu'on écrit sur eux, est qu'il faut leur faire faire des choses héroïques. C'est logique. Par nature, par définition, les héros font des choses héroïques. Luke Skywalker combat Dark Vador, et sauve la galaxie. Frodon combat Sauron, et sauve les Terres du Milieu.
 
Soyons honnête, la fiction permettant virtuellement de tout faire, on préférera des œuvres bourrées de rebondissements, ou les héros doivent surmonter mille dangers, plutôt que de les voir se préparer des œufs pendant 150 pages.
Et c'est bien normal.
 
Néanmoins, je dois avouer qu'alors que j'étais plongé dans mes premières fanfictions, celles qui tournaient autour de l'univers de Star Wars, l'interrogation soulevée par le personnage d'Ellen Page dans Super, m'a également traversé. Bon, en des termes différents. Je m'étais bêtement demandé pourquoi est-ce que dans tous les films, tous les romans, toutes les Bds, on ne voit jamais Luke Skywalker passer aux toilettes. Très bête comme question. Volontairement un peu stupide, et rigolotte. Mais à bien y regarder, pas si vide de sens.
 
Les héros sont des personnages humains. On aime les voir triompher, on aime aussi les voir faillir quelquefois. On aime avoir accès à leurs pensées, à leurs certitudes, à leurs doutes. On aime les sentir proche de nous, ancrés dans la réalité, quand bien même la leur contient vaisseaux spatiaux et droïdes.
 
Alors pourquoi est-ce que je n'ai jamais vu Luke prendre une douche ?
 
Faut avouer que c'est idiot. Ca prendrait quoi, une case ? Deux-trois à la limite. Pourquoi ne pas laisser Luke réfléchir sous la douche à telle ou telle mission, ou à la charge de son rôle de jedi ?
La scène aurait un intérêt car elle développerait le personnage, et on l'ancrerait un peu plus dans la réalité.
 
Suivant la logique bien connue des auteurs de fanfictions, aka, « si quelque chose manque, fais le toi même », j'ai commencé à inclure des scènes de vie quotidienne dans mes fics. Et j'entends par là, de vraie vie quotidienne. Je parle de mon héros sous la douche, justement. Qui va se soulager aux toilettes. Qui va au fastfood avec sa fille.
 
L'important pour moi, était de continuer à ancrer les personnages dans la crédibilité. Si je voulais montrer ce héros dans ses moments de gloire ou d'échec au lecteur, je me devais également de le montrer dans des scènes qui en elles-mêmes, ne le mettent nullement en valeur, sont juste fonctionnelles.
 
Le plus comique dans tout cela, pour refermer cette longue parenthèse star-warsienne, est que ce style m'a valu une réputation d'écrivain « naturaliste » dans le fandom star wars, moi qui maîtrise si mal les descriptions physiques !
 
Pour en venir au sujet qui nous intéresse pleinement, à savoir MLP, mon conseil du soir sera celui là. Si vous êtes décidé à écrire une fic volumineuse, et que nous suivons un héros, n'hésitez pas à inclure des scènes comme celle de la douche, des WC, ou du repas. Bien sûr, il ne faut que cela soit qu'un détail dans votre fic, quelques lignes dans quelques chapitres, mais croyez-moi, les lecteurs sauront apprécier.
 
Qui plus est, cette inclusion peut-être tout à fait logique et naturelle. Votre chapitre s'ouvre sur Twilight qui se réveille ? Avant qu'elle aille voir ses amies et sauver Equestria pour la 4587° fois de l'année, faites-lui faire prendre un petit déjeuner, et jetez là sous la douche. Votre récit parle de Dash qui va prendre place sur la ligne de départ ? Décrivez-nous ses échauffements, et le moment où elle enfile son chasuble.
 
Je pense que vous avez compris l'idée. Ça se rapproche du « allez dans les détails même s'ils sont triviaux », et j'ai presque envie de dire, « surtout s'ils sont triviaux. »
 
L'important étant qu'on sente que nous avons devant nous des personnages vivants, qui même s'ils sont héroïques, passent par la case repas, et ont des cernes sous les yeux le matin.
 
En clair, faites nous voir, vous, ce qui se passe entre les lignes.  

LittleParrot 3 15396

Guide de traduction

            Les fictions en anglais sont bien plus nombreuses et variées que les fictions françaises. Si nous voulons accéder à cette variété, nous avons donc deux choix : les lire directement en version originale, ce qui requiert quelques bases d'anglais, ou alors en trouver une traduction. Devant la demande, ou pour des raisons qui leur sont propres, beaucoup de gens s'essaient à cet exercice, avec des résultats souvent mitigés. Fautes diverses, contresens, voire abandon pur et simple guettent les traducteurs, débutants comme confirmés.
            Ce guide, sans prétendre être autre chose qu’un regroupement de conseils généralistes, tentera de faciliter la tâche à ceux qui veulent se lancer et de rappeler quelques bases toujours utiles aux autres.

 Première partie : avant de traduire

La motivation
Le choix du texte
Mais aussi...

Deuxième partie : la traduction et les relectures
Première étape : la traduction

L'importance du sens
(Re)formulation française
Quelques erreurs fréquentes
Corriger l'auteur ?
L'univers My Little Pony
Traduire les dialogues

Deuxième étape : la relecture

Orthographe et conjugaison
Typographie

Troisième partie : et après ?

Première partie : avant de traduire
            C’est bien de parler de traduction mais, souvent, on ne sait pas par où commencer. Ou bien, au contraire, on est si enthousiaste que l’on veut se lancer de suite sans s’assurer des bases au préalable.
 
La motivation
            C’est la première question à se poser. Pourquoi, aujourd'hui, a-t-on envie de traduire, alors qu'hier encore cela pouvait paraître au-dessus de nos forces ou sans aucun intérêt ? Les raisons peuvent être nombreuses :

envie de faire plaisir, en donnant accès à un texte que des gens désiraient lire ;
envie de rendre un service pour lequel personne d'autre ne s'est proposé ;
envie de reconnaissance pour le travail que l’on effectue bénévolement ;
envie de partager un texte qui nous a particulièrement ému ;
envie de s'occuper soi-même d'un texte qui nous a beaucoup plu ;
envie de progresser en anglais ;
envie de jouer avec les langues anglaise et française ;
envie de s'occuper de manière utile ;
envie de faire ses preuves, de (se) montrer que l’on en est capable ;
etc.

            Il est à noter qu'aucune des motivations citées ci-dessus n'est mauvaise, même si certaines peuvent sembler vaines ou très « perso ». Chacun a ses raisons de traduire et, tant que c’est efficace, il ne faut pas s’en vouloir de les ressentir.
            On peut également vouloir faire un bilan inverse, celui de ce qui peut nous freiner dans ce désir de traduction. Là aussi, les raisons sont multiples :

manque de compréhension de l'anglais ;
absence d'attrait pour les langues et leur rigueur ;
absence d'attrait pour un texte en particulier ;
peur de ne pas être à la hauteur du texte originel ;
manque de temps à y consacrer ;
etc.

            Une fois que l'on est au clair sur tout ça, on peut peser le pour et le contre. Avec nos motivations et nos freins personnels, sera-t-on capable d'arriver au bout d'une traduction ou va-t-on l’abandonner, à la première difficulté ou au profit d'une autre tâche qui paraîtra d’un coup plus attrayante ? Il faut vraiment être honnête avec soi-même.
            À partir de là, si l’on pense ne pas avoir assez de motivation, il vaut mieux renoncer avant plutôt qu’en cours de route, quitte à se lancer plus tard après un nouveau bilan. Si l’on hésite encore, que l’on a l’envie de traduire sans savoir si l’on ira au bout, pourquoi ne pas essayer dans des conditions déterminées décrites plus bas, pour voir ce que cela donne ? Mais si l’on est persuadé d’être assez motivé pour le faire, alors en avant pour l’étape suivante !
 
Le choix du texte
            En général, on choisit de traduire une fiction parce que des personnes demandent sa traduction, ou bien parce qu’on l’a particulièrement aimée quand on l’a lue. Et, dans les deux cas, ce ne sont pas forcément les textes les plus adaptés à la traduction débutante.
            En effet, les requêtes sont souvent des histoires longues, qui vont demander un investissement à (très) long terme. Si l’on s’y lance sans trop savoir ce que l’on fait, il y a de gros risques d’abandonner à mi-chemin, ce qui est frustrant pour soi-même et pour les lecteurs. De même pour les fictions longues choisies sur un goût personnel : si on commence à en publier la traduction, les lecteurs vont vouloir la suite.
            Si l’on est certain de ses motivations, on peut se lancer directement dans ce genre de traductions. Mais si l’on n'est pas trop sûr de soi, ou que l’on veut faire un essai avant pour se faire la main, il vaut mieux essayer un texte court, qui nous plaît et que personne n’attend. Suivant la manière dont on aura réussi cette première traduction, on pourra s’en contenter, continuer avec ce genre de fictions ou passer à des projets plus ambitieux.
            Pour entrer plus dans les détails, un texte court fera moins de 6 000 mots, et de préférence moins de 3 000, cela pour ne pas se décourager lors de cet essai. Si l’on a déjà lu de tels textes qui nous ont plu, très bien, sinon, il va falloir les rechercher avec nos propres critères : un genre, un thème, un personnage, un auteur… les moteurs de recherche de FIMFiction, de FanFiction ou d’ArchiveOfOurOwn sont très utiles pour ça.
            Une fois que l’on a trouvé le texte idéal, on peut songer à se lancer dans la traduction à proprement parler… même s’il est conseillé de lire le texte au préalable, ou du moins le survoler, notamment dans le cas d’une requête. Ainsi, on s’assure que le vocabulaire nous est abordable et que l’histoire nous plaît un minimum, ou encore qu’il n’y a pas de jeu de mots intraduisible dans les dernières phrases.
 
Mais aussi…
            D’autres questions peuvent se poser avant de démarrer une traduction. Même si les délais sont souvent durs à tenir, on peut toujours tenter d’estimer le temps qu’elle prendra, en guise de motivation. Prévenir l’auteur que l’on traduit sa fiction est également une marque de politesse et, suivant son enthousiasme, permet de jauger s’il serait prêt à aider en cas de confusion en cours de route. En cas d’absence de réponse de sa part (désintérêt pour la question ou désertion du fandom), on peut tout de même se permettre de se lancer.
            Dans le cas d’une fiction à chapitres, il faut également se demander si on la publiera au fur et à mesure, ou dans son intégralité à la fin de la traduction. La deuxième méthode peut permettre de prendre son temps sans susciter l’impatience des lecteurs, mais privera le traducteur des encouragements et conseils qu’il aura en choisissant la première. Il faut toutefois noter que l’équipe de MLPFictions aura du mal à tout modérer d’un coup si la deuxième technique est choisie : en ce cas, il vaut peut-être mieux publier chapitre par chapitre une fois la traduction achevée.
            Enfin, il faut parler des collaborateurs : cotraducteurs et relecteurs. Il n’est bien sûr pas obligatoire de se lancer dans l’aventure à plusieurs, mais cela peut aider, notamment lorsque l’on n'est pas tout à fait sûr de sa motivation ou de la justesse de sa langue.
            Travailler en groupe est généralement stimulant et permet de se répartir les tâches pour obtenir un travail plus soigné, plus rapidement. Cependant, il n’est pas rare d’y trouver des désagréments : méthodes différentes, nécessité d’harmonisation… C’est à chacun de faire la part des choses et de choisir ce qui lui convient le mieux.

 Deuxième partie : la traduction et les relectures
            Pour débuter une traduction, une organisation efficace est de copier l’intégralité du chapitre en cours sur un utilitaire de traitement de texte – qu’il soit en ligne, type Google Docs, ou hors-ligne, type Word. Cela permet de ne pas faire d’allers-retours constants entre texte original et traduction. À mesure que le traducteur avance, chaque paragraphe anglais sera suivi de sa version française, sans être supprimé : cela facilitera la relecture à venir, notamment si le projet est collectif.
            Il est impératif d’avoir accès à de bons dictionnaires en ligne, comme WordReference ou Linguee, qui permettront de traduire mots et expressions spécifiques. Les moteurs de recherches et tout autre site utile ne sont pas à négliger.
            Certains aiment traduire de manière « propre », en faisant directement attention aux tournures de phrase et à l’orthographe, tandis que d’autres préfèrent travailler rapidement et laisser cela au moment de la relecture. Dans la suite de ce guide, les étapes spécifiques à la traduction et celles qui tiennent plutôt de la finition seront séparées.
 
Première étape : la traduction
            Une fois que l’on est bien installé, on peut se lancer dans la traduction à proprement parler. Et pour cela, il y a plusieurs règles à respecter.
 
L’importance du sens
            Lorsque l’on traduit, il faut toujours s’assurer que l’on a compris le sens de l’expression ou de la phrase que l’on s’apprête à transcrire. Un contresens est la pire erreur que puisse faire un traducteur. Dans le doute, on peut demander conseil à l’un de nos cotraducteurs ou à un autre traducteur en qui on a confiance. On peut aussi poser la question sur le forum du groupe traduction, ou sur un forum spécialisé comme celui de WordReference. Enfin, si l’auteur s’était montré amical lors du premier contact, on peut lui demander de nous expliquer ce qui nous pose problème.
            De plus, il arrive souvent que le sens d’un mot paraisse si évident que l’on ne cherche même pas sa traduction dans un dictionnaire. Pourtant, il faut faire attention aux faux-amis, fréquents quand on traduit de l’anglais. Par exemple, « concerned » ne veut généralement pas dire « concerné » mais « inquiet », tout comme « comfortable » ne signifie pas « confortable » lorsque l’on parle d’une personne mais « à l’aise ». Dans un registre plus relatif à la série, « library » signifie « bibliothèque » et non « librairie », qui se traduit « book shop » ; il en est ainsi pour tous les mots de cette famille. Ces faux-amis sont trop nombreux pour être retenus, c’est pourquoi il ne faut jamais hésiter à vérifier le sens des mots qui semblent un peu étranges dans un contexte donné.
            Pour finir, si une suite de mots paraît incohérente ou qu’ils n’ont aucun rapport les uns avec les autres, il faut se demander s’il ne s’agit pas d’une expression idiomatique. Par exemple, « it was fun while it lasted » ne veut pas dire « c’était bien tant que ça durait » mais « les meilleures choses ont une fin ». Pour s’en assurer : les dictionnaires cités précédemment, Urban Dictionary, The Free Dictionary et les moteurs de recherche.
 
(Re)formulation française
            Une fois que l’on est sûr d’avoir saisi ce qu’entendait l’auteur, il faut le formuler en français. Il est conseillé de respecter un minimum la construction originelle, évidemment, mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas prendre quelques libertés. En fait, il faut prendre des libertés. Le français et l’anglais n’utilisent pas toujours les mêmes structures ou expressions donc, malgré le respect que les traducteurs doivent au texte de base, il faut souvent s’en éloigner pour obtenir une histoire agréable à lire. C’est le deuxième point le plus important de la traduction après le respect du sens, puisqu’une histoire aux tournures anglo-françaises pourrait rebuter les lecteurs.
            Par exemple, on trouve fréquemment « elle roula des yeux » pour retranscrire « she rolled her eyes ». Pourtant, l’expression correcte est : « elle leva les yeux au ciel ». Une autre erreur commune est de traduire « as » dans « she cried a little as she spoke » par « comme ». Cela indique la simultanéité, donc en français : « elle pleurait un peu tout en parlant », ou tout autre construction utilisant « tandis que », « alors que », etc.
            Il faut citer le cas des jeux de mots, mises en forme particulières et autres originalités de l’auteur. Ainsi, dans le cas d’un calligramme, ce n’est pas tant le vocabulaire utilisé qui importe, mais plutôt le respect de la forme initiale. Dans le cas d’un jeu de mots, il est préférable de changer les termes plutôt que de supprimer entièrement l’effet de style. Si leur traduction n’est pas possible, même en prenant ces libertés, on peut alors le signaler par une note de bas de page pour dissiper l’incompréhension des lecteurs.
 
Quelques erreurs fréquentes
            Un problème rencontré lorsque l’on traduit de l’anglais est celui de « his », « her(s) » et « it(s) », qui signifient tous « son/sa/ses » ou « le sien/… » suivant le contexte et ne distinguent donc plus les genres. Une phrase comme « his strenght was even more impressive than hers » devient donc « sa force était encore plus impressionnante que la sienne », ce qui n’a strictement aucun sens. Il faut donc faire des aménagements (« il était encore plus fort qu’elle ») ou désigner l’un des poneys par son nom ou une périphrase (« sa force était encore plus impressionnante que celle de la fermière »).
            Toujours avec « his » et compagnie, on trouve ce genre d’expressions en anglais : « she closed her eyes », « he put his hoof on the bar », « she shook her head »… souvent traduits « elle ferma ses yeux », « il posa son sabot sur le comptoir », « elle secoua sa tête ». Cependant, en français, il faut changer l’adjectif possessif en article défini (ou indéfini) : « elle ferma les yeux », « il posa le (un) sabot sur le comptoir », « elle secoua la tête ». Il est à noter que si la partie du corps est caractérisée, il faut alors conserver l’adjectif possessif : « elle ferma ses yeux violets », « il posa son sabot puissant sur le comptoir », etc.
            « It » est l’un des termes les plus vagues que l’on puisse trouver en anglais ; bien qu’il signifie dans la majorité des cas « ça/cela », il faut parfois le traduire différemment suivant le contexte. Lorsque « it » est un complément d’objet direct, il peut être traduit par ça/cela/le/la, alors que quand c’est un sujet, il peut être traduit par ça/cela/il/elle. Ainsi, dans ce dialogue : « Kiss her. — No, I just can’t… — Do it ! », « it » renvoie à l’action de « to kiss », il faut donc le transcrire : « Fais-le ! ». Également : « The tree was huge ; it was green. » ; dans ce cas, « it » ne fait que remplacer le mot « tree », ce qui doit donner en français : « L’arbre était grand ; il était vert. » et non « c’était vert. » qui porte à confusion.
            Certaines interjections anglaises ont également du sens en tant que mots, c’est pourquoi il n’est pas rare de voir « Why, thank you » traduit à tort « Pourquoi, merci » au lieu de « Oh, merci », ou encore « I can’t do this, now can I? » traduit à tort « Je ne peux pas le faire maintenant, si ? » au lieu de « Je ne peux pas le faire, si ? ». Ce qu’il faut retenir, c’est que « now » et « why », tout comme d'autres mots, peuvent être trompeurs, et qu’il faut se méfier lorsque leur utilisation paraît douteuse.
            D’autre part, les questions tags sont les petites questions accolées à une phrase : « isn’t it? », « am I? ». Il faut alors les traduire « n’est-ce pas ? », « pas vrai ? », « hein ? », « si/non ? » (suivant le contexte), etc. ; de la même façon que l’on traduirait « right? ». Par contre, il ne faut pas essayer d’être trop littéral et écrire « suis-je ? » ou « n’est-il pas ? ».
            De même, les anglophones insistent souvent quand ils répondent à une question (admettons : « Are you scared? »). La réponse « No, I’m not » est donc équivalente à un simple « No ». On ne le traduit jamais « Non, je ne suis pas » mais simplement « Non », ou alors éventuellement « Non, c’est faux » pour insister sur le déni.
 
Corriger l’auteur ?
            Les fanfictions anglaises ont tendance à regorger de participes présents et d’adverbes, assez hideux ou lourds en français lorsqu’ils sont tous traduits littéralement. En reformulant un peu, on peut faire disparaître un participe présent en conjuguant le verbe, ou alors en utilisant « tandis que » ou une structure similaire. Concernant les adverbes, il s’agit encore une fois de reformulation. Par exemple, « he spoke gently » peut être traduit « il parlait doucement », mais aussi « avec douceur », ou encore « à mi-voix », « à voix basse », etc.
            Un autre problème que rencontrent beaucoup de fictions anglaises est le nombre impressionnant de répétitions, que cela soit au niveau des noms des personnages, des verbes de paroles… Face à ce problème, le traducteur peut vouloir garder les expressions de l’auteur, ou essayer de rectifier les choses dans la mesure du possible.
            Par exemple, un nom peut facilement être remplacé par une périphrase qui désignera le personnage : « la ponette jaune », « la gentille jument », « l’amie des animaux », « la timide pégase » pourront désigner Fluttershy. Le mieux est de choisir des expressions qu’utilise déjà l’auteur dans d’autres passages, pour conserver son style. Il faut toutefois faire attention à ce que l’on ne confonde pas les personnages : si, dans un dialogue entre Rarity et Twilight, on utilise « la licorne » pour les désigner toutes les deux, cela peut induire une confusion. De plus, il vaut parfois mieux employer les pronoms personnels (il, elle…) plutôt que de mettre une périphrase différente à chaque fois que le personnage apparaît ou fait un geste.
            D’autre part, il existe des centaines de verbes de parole, qui viendront préciser un peu la situation. Par exemple, « he said quietly » peut devenir « murmura-t-il » pour remplacer « dit-il doucement », si le verbe « dire » est déjà répété avant – ce qui permet aussi de supprimer un adverbe.
            Lorsque les répétitions concernent d’autres types de mots, il ne faut pas hésiter à aller chercher des synonymes : cela ne peut qu’enrichir la traduction.
 
L’univers My Little Pony
            Il faut toujours faire attention au fait que c’est une fanfiction My Little Pony : à moins qu’il ne s’agisse d’une histoire humanisée ou anthro, les poneys n’ont pas de bras, de mains, de doigts… Il ne faut donc pas traduire une expression anglaise par « il la serra dans ses bras » ou « ils étaient passés à un cheveu de la catastrophe ». On peut choisir d’utiliser une autre expression, ou bien de « ponyfier » les expressions : « il la serra contre lui », « ils étaient passés à un crin de la catastrophe ».
            Dans un autre registre, il faut être attentif aux mentions religieuses. Les poneys n’ont pas de « Dieu » ; on peut par contre considérer Celestia et Luna comme leurs déesses. Ainsi, on pourra traduire les expressions « oh my go(o)dness », « oh God »… en mentionnant les princesses (douce Celestia, ô déesses). Les auteurs qui font jurer les princesses utilisent parfois la mention de « Faust », en référence à la créatrice de cette génération de la série. En poussant la réflexion un peu plus loin, on peut assimiler l’enfer au Tartare, etc.
            D’autre part, il peut être tentant d’utiliser des mots grossiers pour traduire certaines expressions anglaises qui le sont également. Cependant, cela détonne fortement avec la série. À moins que ce choc ne soit justement la volonté de l’auteur ou qu’il ne s’agisse d’un univers alternatif, il est donc recommandé d’édulcorer les termes vulgaires.
            Pour finir, les fictions contiennent des noms propres et expressions spécifiques liées à l’univers My Little Pony, venant de la série ou inventés par l’auteur. À chacun de choisir ce qu’il traduira ou non : « cutie mark », « Hearts and Hooves Day », « Everfree Forest », « Twilight Sparkle » ? Ces traductions peuvent venir de la version française de la série, ou se baser sur un jugement personnel, mais il faudra respecter une certaine cohérence tout le long de la traduction. Ainsi, il ne faut pas qu’une expression soit traduite une fois puis conservée en version originale dès le chapitre suivant.
 
Traduire les dialogues
            Au-delà de leurs spécificités typographiques qui seront détaillées par la suite, les dialogues doivent bénéficier d’une attention toute particulière. En effet, c’est là que la personnalité et les habitudes propres à chaque personnage se font le plus sentir. Ainsi, chacun a des expressions caractéristiques, un registre de langue qui lui est propre, voire un accent suivant sa provenance. Ce sont donc en grande partie les dialogues qui permettent de rendre les poneys réalistes et vivants, et c’est pour cela que leur traduction est très importante.
            Il faut faire attention de toujours traduire les expressions récurrentes (le « sugarcube » d’Applejack, le « mmkay » de Suri Polomare, etc.) de la même manière, pour donner de la cohérence aux répliques. Ainsi, Applejack appellera ses amies « petit sucre » ou « sucre d’orge », selon la préférence du traducteur, mais n’alternera pas entre les deux formes.
            D’autre part, les registres de langue à employer diffèrent selon les poneys : Octavia s’exprimera en langage courant (voire soutenu), tandis que Vinyl Scratch utilisera plutôt des formes familières. Parmi les héroïnes, Rarity, Twilight Sparkle et Fluttershy emploieront des termes et des tournures plus élaborés que leurs amies Rainbow Dash, Applejack et Pinkie Pie, qui parleront de façon plus négligée. Quoi qu’il en soit, il faut veiller à conserver des expressions crédibles à l’oral en n’allant pas dans les extrêmes.
            Pour rappel, le langage familier ne se constitue pas uniquement de mots populaires, mais forme un ensemble. Les personnages tendront à utiliser « on » au lieu de « nous », à oublier le « ne » de la négation (Tu vas pas faire ça !), à ne pas faire l’inversion sujet-verbe (Comment tu vas ?) dans les questions, à tutoyer les inconnus, etc.
            Il arrive aussi que les auteurs utilisent de l’anglais archaïque, lorsque les fictions se déroulent dans un passé lointain ou concernent une Luna tout juste échappée de la lune. Ces formes particulières sont assez complexes à traduire, puisque peu de personnes connaissent encore le vieux français. Une façon de le retranscrire est d’utiliser un langage soutenu et des mots littéraires. « Thou dost not understand » pourra alors donner « Vous ne comprenez donc point ».
            De l’autre côté du spectre, on peut trouver des termes d’argot. Le dictionnaire spécifique Urban Dictionary est alors très utile pour comprendre ces mots qui n’apparaissent dans aucun autre ouvrage. Une traduction littérale est déconseillée : il vaut mieux se préoccuper du sens des répliques en français plutôt que de chercher à conserver des expressions qui n’ont de sens qu’en anglais.
            Enfin, les auteurs anglais aiment bien retranscrire les accents des personnages à l’écrit, ce qui est parfois difficile à traduire. L’accent campagnard d’Applejack, par exemple, se caractérise par des « ya » remplaçant « you », des lettres ôtées et remplacées par des apostrophes… Une solution peut être de la faire parler de manière familière, comme décrit plus haut. On peut également ajouter des apostrophes au texte français : « J’suis une fermière », tout en faisant attention à ne pas en faire trop, ce qui deviendrait impossible à prononcer : « Est-c’qu’ça va ? ».
            D’autres accents se rencontrent également : l’accent new-yorkais des poneys de Manehattan, par exemple. Comme le français n’a pas vraiment d’équivalent, on peut notamment le traduire en employant quelques mots d’argot.
 
Deuxième étape : la relecture
            Une fois chaque phrase traduite en français, le travail n’est pas terminé pour autant. Il faut maintenant s’attaquer à la (aux) relecture(s). Il est conseillé de ne pas relire directement après avoir traduit : à chaud, les erreurs sautent moins aux yeux que quelques heures plus tard ou, mieux, le lendemain. Une technique peut être de lire son texte à voix haute, pour prendre son temps et mieux repérer les coquilles et autres erreurs. Lorsqu’un texte est d’une longueur conséquente, il est plus sage de découper sa relecture en plusieurs fois, afin de ne pas se lasser et laisser passer des fautes récurrentes.
            La relecture se compose plus ou moins des mêmes étapes que la traduction : dernière vérification du sens des mots, expressions et phrases, reformulations, corrections diverses. Si l’on a adopté la méthode décrite plus haut, on peut alors supprimer les paragraphes anglais pour ne garder que le texte traduit. Cela peut permettre, une fois le sens clarifié, de prendre plus de libertés pour reformuler en un français agréable à lire.
            Une fois que les phrases originelles ont été traduites et éventuellement reformulées, il faut s’assurer qu’elles sont correctes dans notre langue. Les points à surveiller sont bien sûr l’orthographe des mots et la conjugaison des verbes, mais aussi la typographie.
 
Orthographe et conjugaison
            En ce qui concerne ces deux points, certains logiciels de traitement de texte comme Word permettent de corriger des fautes d’orthographe et de grammaire. Cependant, rien ne vaut un relecteur si jamais vous savez que vous avez tendance à accumuler les fautes. De plus, l’usage de dictionnaires et de sites spécialisés en conjugaison durant la traduction et la relecture est conseillé pour tous.
            Des erreurs de conjugaison fréquentes concernent le passé simple. Les verbes (sou)rire, ouvrir… sont souvent conjugués, à tort, comme des verbes du premier groupe (elle souria, ils ouvrèrent). Ils font en réalité partie du troisième : elle sourit, ils ouvrirent. Toujours au passé simple, les verbes du premier groupe se terminent en -ai à la première personne : « je m’écriai » et surtout pas « m’écria ».
            Pour rester sur le sujet des verbes, une faute courante de traduction est de confondre imparfait et passé simple, tous deux équivalents du prétérit anglais. Si, dans certains cas, les deux temps sont valables, il faut garder à l’esprit que l’imparfait vaut pour les descriptions et les actions habituelles, répétitives, qui durent dans le temps ou sont en arrière-plan. Le passé simple annonce, lui, un fait unique, court, sur lequel on se focalise.
            Par exemple, les structures « tandis que », « alors que », « pendant que » sont toujours suivies d’un imparfait, puisque l’action décrite est secondaire. « Elle continua à lire son livre tandis qu’elle s’asseyait », et non « tandis qu’elle s’assit ». Le ou les verbes de la principale (« Elle continua à lire son livre ») sont, eux, au passé simple.
            D’autre part, il faut faire attention à toujours conserver le même système de temps, à moins que l’auteur n’en change lui aussi. En général, une histoire est au passé, et il faut alors utiliser uniquement les temps du passé : passé simple, imparfait, plus-que-parfait, passé antérieur, conditionnel présent, conditionnel passé (et jamais, jamais passé composé). Si l’histoire se déroule au présent, il faudra alors utiliser présent, passé composé, imparfait, futur.
            De plus, il faut mettre du subjonctif après certaines structures spécifiques (par exemple, après « préférer que » ou « bien que »). Il est à noter que, dans le système passé, le subjonctif imparfait devrait être utilisé : « elle préférait que les poulains fussent sages », mais le subjonctif présent, moins soutenu, est toléré (et bien plus courant) : « elle préférait que les poulains soient sages ».
            Enfin, il faut faire attention à conjuguer les actions se situant au « passé dans le passé » au plus-que-parfait, et non à l’imparfait, à bien accorder les participes passés, etc.
 
Typographie
            Souvent négligé, le volet « typographie » fait pourtant partie intégrante de la mise en forme d’une fiction. Évidemment, le choix entre une règle française et une règle anglaise reste à l’appréciation du traducteur, mais il est rarement agréable de lire un texte français sans les codes qui lui sont associés.
            Il y a de grosses différences entre les systèmes anglais et français. Voici quelques règles à appliquer dans notre langue :

Mettre des espaces avant et après les symboles « » : ; ! ? – — %
Mettre une espace seulement avant les symboles ( “
Mettre une espace seulement après les symboles ) ” , . …
Ne pas mettre d’espace pour les symboles / -
Introduire les dialogues par les deux-points et jamais par une virgule.
Utiliser les règles du dialogue à la française, avec les symboles « » — et l’usage d’incises. C’est le point qui est le plus à l’appréciation du traducteur, mais qui reste fortement conseillé.
Utiliser les majuscules avec parcimonie : les anglais ont tendance à en employer bien plus que les français.

            Pour plus de détails, se référer à l'article de System.
            Il faut aussi faire attention au placement des virgules. Elles encadrent surtout des propositions indépendantes et il ne faut jamais les placer entre sujet et verbe. Il est par contre conseillé d’encadrer de virgules le nom d’un personnage lorsqu’on s’adresse à lui. Par exemple : « Tu vas bien, Fluttershy ? ». Les anglais ont tendance à abuser des virgules, c’est pourquoi il peut être nécessaire de les remanier lors de la traduction lorsqu’elles sont incompatibles avec une bonne compréhension de la phrase.
            Pour exprimer une interruption, il faut employer des tirets demi-cadratins et les encadrer d’espaces (sauf si une virgule suit le second tiret). Si la proposition termine la phrase, il ne faut pas mettre de second tiret. Par exemple : « Elle s’avança vers son amie – qui était toujours aussi bien coiffée – et la salua. », « Elle s’avança vers son amie – qui était toujours aussi bien coiffée –, et la salua. », « Elle s’avança vers son amie – qui était toujours aussi bien coiffée. ».
            En ce qui concerne l’élision – c’est-à-dire l’utilisation de l’apostrophe – des noms étrangers, il est majoritairement admis d’appliquer les règles françaises et donc d’élider. Ainsi, on écrira : « Vinyl comprenait ce qu’Octavia vivait. » plutôt que « Vinyl comprenait ce que Octavia vivait », bien que cette dernière version reste correcte pour un nom à consonance étrangère. Ne pas oublier cependant que, devant un nom français comme étranger, on n’élide pas devant la voyelle « y ».
            D’autre part, lorsque l’on emploie un terme d’origine étrangère (qu’il s’agisse d’une expression latine comme « a priori », propre à MLP comme « cutie mark », etc.), la règle veut que ce mot soit mis en italique. Si la phrase est déjà en italique (pour insister sur l’importance ou la prononciation, ou alors parce que c’est une pensée), le mot d’origine étrangère ne doit subir aucune mise en forme, donc surtout pas de « gras italique ». Par exemple : « On n’aura jamais nos cutie marks, c’est fini, pensa Sweetie Belle. »

Troisième partie : et après ? 
            Une fois la fiction traduite et relue, seul ou à plusieurs, on peut s’atteler à la tâche de la faire publier. Souvent, l’image utilisée sur la fiction originelle ne correspond pas au format désiré sur MLPFictions : il faut alors rogner, ou partir en quête d’autres images pour éviter un redimensionnement trop laid.
            Il faut également veiller aux tags que l’on applique à la fiction : les tags originels, bien sûr, mais aussi le tag « traduction ». De plus, si l’histoire est classée « mature », il faudra alors faire de même ; s’il s’agit d’un one-shot, il faudra l’indiquer ; si elle est taguée « sex », il faudra mettre « NSFW ».
            Enfin, il va falloir faire un dernier choix : veut-on traduire le titre de la fiction (du chapitre) ou non ? Ceci reste à l’appréciation de chacun. Cependant, si on le traduit, il est conseillé de donner le titre original dans la description de la fiction : cela permet aux utilisateurs le tapant dans la barre de recherche de la trouver même avec le titre anglais.
            Une fois passée par l’étape de la modération, voilà la traduction révélée aux lecteurs. Mais il ne faut pas croire que son travail s’arrête là et que l’on peut passer à la traduction suivante sans plus jamais regarder celle-ci.
            Certains lecteurs auront des questions : il faut pouvoir y répondre sans trop spoiler, si l’histoire n’est pas terminée. D’autres auront des corrections ou des améliorations à suggérer. Et même si cela peut être embêtant de se faire critiquer sur sa traduction, il faut bien sûr écouter les conseils constructifs : c’est ainsi que l’on s’améliore au fur et à mesure. 

             Comme dit en introduction, ce guide est un simple rassemblement de conseils sur la traduction de fanfictions, basé sur les erreurs fréquentes que nous constatons (et sur nos chevaux de bataille personnels). Le contenu n’engage donc que nous, et il se peut très bien que certains ne soient pas d’accord, emploient d’autres méthodes ou aient des suggestions. Tout ceci est bienvenu dans les commentaires !
Les auteurs,
Little Parrot et System

BroNie 6 350

Peut-on critiquer quand on en a pas le droit ?

Un billet qui me semble nécessaire, au regard d'un événement récent. Il y a de cela quelques jours, j'ai participé, en m'y inscrivant à l'avance, à un atelier d'écriture. La structure était tenue par une boite professionnelle, qui propose régulièrement dans l'année, différents ateliers, comme des cours d'écriture de polar, ou de poésie. Toujours est-il que je me suis rendu aux portes ouvertes, histoire de voir si cet atelier pouvait m’intéresser. Après tout, j'ai presque toujours écrit seul, et ma formation d'écrivain, je ne la dois qu'aux critiques que j'ai reçues depuis que j'ai décidé de publier mes œuvres.
Pourquoi ne pas voir quelque chose de différent ?
 
Première surprise, j'étais le seul à avoir un vrai bagage d'auteur à ces portes ouvertes, avec un autre participant. Sur douze, je m'attendais à ce que nous soyons plus nombreux. De même, la moyenne d'âge était élevée : un grand nombre de retraités, de quarantenaires, ou de trentenaires.
 
Nous avons donc passé l'heure et demi de l'atelier à suivre les instructions de l'animatrice, à savoir, choisir un souvenir précis et le développer, et faire de même avec un autre, en l’associant avec des odeurs.
 
Dieu sait si cette écriture autobiographique n'est pas mon style, mais je me suis plié à l'exercice. Logiquement, quand tout le monde eut terminé, les personnes lisaient leurs deux textes, et recevaient les commentaires de l'animatrice. Qui étaient toujours laudatifs, soit dit en passant.
 
Finalement, quand ce fut mon tour, juste avant de lire, j'adressais une critique rapide à ma voisine, celle qui venait de lire, lui expliquant qu'un de ses choix d'écriture, celui où elle explore un panel de choix, serait plus fort si elle préférait un rythme ternaire, et non quaternaire, comme elle l'avait fait au premier jet. Rien de plus, puisque en effet, le reste de son texte était tout à fait correct, et elle parvenait même à trouver une chute.
 
Mais ma critique a beaucoup déplu à l'animatrice, qui m'a immédiatement reproché de prendre la parole pour donner mon avis sur ce texte, expliquant que ce n'était pas le but des ateliers d'écriture, et que si remarque il y avait à faire, elle aurait plus sa place en dehors de l'atelier. J'ai contre-argumenté, exposant mon propre avis sur la question : qu'il ne fallait jamais se retenir de donner son avis, et ses conseils sur un texte, quel qu'il soit. Que l'auteur prenne en compte ou non cet avis est encore autre chose. Mais que je ne pouvais pas concevoir l'idée d'une lecture publique, si un avis critique ne pouvait pas être donné.
 
Inutile de dire que nous sommes entrés dans un dialogue de sourds, et que le débat n'a abouti nulle part. L'atelier touchant à sa fin, je me suis borné à dire que je comprenais le point de vue de l'association mais que je n'y adhérais pas du tout. Et je suis parti, très déçu par leur politique littéraire.
 
Tout ce pavé pour vous dire une chose. Rien, absolument rien ni personne ne doit vous retenir d'émettre un avis sur un texte que vous lisez. Que ce soit en bien ou en mal.
 
Dans mon précédent billet, je vous encourageais à déposer des critiques constructives. Celui-ci recoupe un peu le précédent.
 
Ne craignez pas de donner votre avis, même si vous pensez que vous allez être dur, et heurter l'auteur.
S'il a un peu de cerveau, il comprendra que c'est ce texte à ce moment que vous critiquez, et non pas lui en tant que personne.
 
S'il est trop épidermique pour faire la part des choses, nous arrivons dans un autre problème.
 
J'insiste d'autant plus que nous sommes sur Internet, un endroit fait pour favoriser la discussion, le débat et les échanges de points de vue.
 
Alors si vous avez quelque chose à dire, même si c'est trois mots, allez-y.
 
On est là pour ça.

Vuld 5 281

L'ellipse.

Hi'.
Je n'ai strictement rien à dire sur l'ellipse. Je n'ai... aucune raison d'en parler non plus, en y pensant. J'en avais traité dans le cadre du plan, en disant que c'était la transition par défaut : on veut passer du point A au point B ? Pourquoi mettre quelque chose entre deux ! On s'arrête à A, on laisse tout vide et on recommence direct à B.
L'ellipse, d'après Wikipedia, consisterait à omettre des éléments "nécessaires" au récit. Non. C'est le contraire. On fait une ellipse justement parce que le passage tout le monde s'en fiche : les héroïnes sont à Ponyville, on veut qu'elles se rendent à Canterlot, on ne va pas passer deux heures avec elles dans le train !
L'ellipse consiste à sauter un passage pour l'épargner au lecteur.
Bon. Ça c'est la théorie.
Dans la pratique, l'ellipse est aussi utilisée pour provoquer la curiosité. Là Twilight dit aux keupines de se réunir pour qu'elle leur partage son plan et- soudain on est face à Sombra, avec Twilight enchaînée à ses pattes. Okay c'était définitivement une ellipse, et à cause d'elle on n'a pas pu entendre le plan. Le texte nous le cache, on veut le trouver ! Et en plus on nous a épargné la mise en place laborieuse du plan, c'est tout bénéf'.
Et bien sûr, l'ellipse peut aussi provoquer le suspense. C'est le principe du "cliffhanger", on finit le chapitre sur une révélation à renverser ta table très très fort. Applejack emmène Twilight dans une salle sombre, soudain Sombra apparaît dans les ténèbres et là le chapitre s'arrête. On est en droit de se demander ce qui va se passer. L'ellipse fait la même chose mais en plein chapitre : au lieu que le chapitre s'arrête, on passe à autre chose, genre Spike et les keupines au palais, il se passe des trucs puis nouvelle "ellipse" et on se retrouve à nouveau dans la pièce sombre avec Sombra pour la suite.
Okay d'accord ça ce n'était pas une ellipse mais une "transition", un passage d'une scène à une autre. Sauf que bon, de mon point de vue, une ellipse est un type de transition.
Comment on fait une transition ? En général on termine la phrase, retour à la ligne, on crée une séparation de type "****" ou autre, j'ai même vu des-
-- PENDANT CE TEMPS, AILLEURS --
Comment ça mon style se dirige peu à peu vers l'ellipse ? Mais qu'est-ce qu- ça n'a pas de sens !
Non non je ne plaisante pas, quelqu'un vient de me dire que j'étais de plus en plus enclin à user de l'ellipse. Pas au sens où je sauterais des événements dans le récit, mais au sens où je les résumerais brutalement. Par exemple, au lieu de raconter comment Daring Do a récupéré la septième balle du dragon (sic), je dis juste "Elle récupéra la baballe".
Autre exemple ? Si je veux envoyer Twilight&Co à Canterlot, au lieu d'utiliser un séparateur de type "****", je me contente d'écrire : "Elles se rendirent à Canterlot." C'est déjà un tout petit peu moins flemmard, un peu plus propre mais toujours aussi bâclé.
Au final, un texte est une suite d'événements. Si je dis "Elles se rendirent à Canterlot", c'est un événement. Mais qui se décompose en tout une série d'événements : "elles vont à la gare -- elles attendent le train -- le train arrive -- elles grimpent à bord..." et chacun de ses événements, à son tour : "Twilight s'étonne que le train n'est pas encore là -- Dash va se renseigner -- Applejack dit à Twi' de se détendre..." et ces événements à leur tour... okay vous avez compris.
On a donc toute une série d'événements détaillés, puis soudain un événement général, "elles se rendirent à Canterlot", puis de nouveau une foule d'événements détaillés. Un style ellipsé fait le contraire : on a toute une série d'événements généraux et, de temps à autres, quelques événements détaillés, avant de repartir dans le général. C'est comme ça que j'écris Bronify.
Est-ce que ça a encore un sens de parler d'ellipse ? À chacun d'en juger.
Cela dit, ça fait donc déjà deux manières de réaliser une ellipse. La première, un gros démarcateur graphique. La seconde, une phrase qui résume toute une série d'événements. Est-ce qu'il y a d'autres manières de faire une transition ? Attends... je viens de répondre à ma question, là.
Une ellipse est une transition, on l'a dit. Donc pourquoi ne pas faire une... transition ?
Notre but est d'envoyer les keupines à Canterlot sans avoir à raconter le voyage. Alors... "Twilight tourna la tête vers Canterlot. La cité paraissait lointaine, mais si elles se pressaient, elles arriveraient à temps." Notez le temps verbal au conditionnel, puis saut de paragraphe. "Le temps manquait. Le soleil défilait dans le ciel à toute vitesse..." vous vous croyez encore à Ponyville ? Non, là on est déjà en train de faire le trajet, on est "dans le ciel" et le temps défile "à toute vitesse" "... et, après les avoir effacées, reformait des ombres étirées paresseusement sur la cité de marbre blanc." Et voilà, on est à Canterlot. Vous ne me croyez pas ? "Le soir n'était pas encore arrivé. À la gare, les poneys attendaient le dernier train venant de Ponyville." Voilà les keupines qui arrivent.
Et si vous êtes un peu flemmards, vous pouvez toujours faire : "Le soir n'était pas encore arrivé quand le train venant de Ponyville siffla en gare, la cheminée bouffie de fumée, et ouvraient ses portes sur les quais."
Mais bien sûr, ce serait mieux si la transition était motivée, et pas juste... mais j'y reviens.
Là, j'aimerais quand même expliquer ce qui s'est passé. On a fait la même chose que "Elles allèrent à Canterlot". Mais on va mettre un paragraphe à le dire. Pourquoi ? Pour maintenir l'immersion, le détail. Donner la fausse impression au lecteur que, justement, il n'y a pas eu d'ellipse. C'est pour ça qu'on répète "le temps", ça donne l'impression de continuité. Nos phrases pourraient aussi bien se dérouler depuis Ponyville, aux côtés de Twilight qui regarde Canterlot, qu'à Canterlot même, le soir. Cette ambiguïté permet la transition. Alors oui, c'est "compliqué", ça demande des efforts (et au lecteur également) mais si ça réussit, le lecteur est tout surpris de se retrouver à Canterlot sans même s'en être rendu compte.
Une transition brute "elles allèrent à Canterlot" est claire et sans ambiguïté, mais artificielle et capable de briser l'immersion. Une transition un peu travaillée demande plus de boulot mais, si elle réussit (j'insiste), le lecteur ne saura même pas que c'était une ellipse.
Okay maintenant je vais parler de "quand faire une ellipse".
Vous voyez ?! C'est pas agréable du tout ! Mes articles sont truffés de transition pour que vous ne remarquiez pas quand on passe du point (1a) au point (1b). On te coupe en plein récit pour te dire "changement de scène" puis on reprend, pas cool ! Ce qu'on veut, c'est faire une ellipse discrètement, dans le dos du lecteur, et on veut la faire au bon moment.
Comme dit plus tôt, les meilleurs moments pour une ellipse (ceci était une transition) sont après une grosse révélation ou, au contraire, juste avant, question de frustrer le lecteur qui "veut savoir". Typiquement :
"Twilight, je suis ta mère !" Dit Applejack."Non, c'est impossible !" S'exclama Twilight, avant de sourciller. "Attends, tu as quel âge ?""Non, c'est moi !" Reprit la fermière désemparée. "C'est moi, Twilight Velvet !"
Paf, révélation faite, on ellipse la réaction et tout ce qui suit parce que c'est trop inteeeeeense ! J'ai fait la même chose dans le Griffonic, quand Shimmer se rend compte d'où elle se trouve. Et j'utilise une démarcation "****", comme quoi... À noter d'ailleurs que si un lecteur vous dit "tu coupes toujours au pire moment !" Cela ne veut pas dire que vous placez mal vos ellipses, au contraire : il veut dire que "tu coupes toujours quand je voudrais savoir la suite !" Et c'est le but.
Alors quand couper ?
Quand c'est motivé.
Oui je sais, c'est une fausse réponse, mais faire une ellipse juste pour avoir à éviter le voyage à Canterlot, peu importe les formes que vous y mettez, ce sera toujours du bâclage. Une transition se motive, se justifie. Quand j'ai fait ma transition pour Canterlot, la motivation c'était le temps : on manque de temps, et le texte le met littéralement en scène en nous volant plusieurs heures -- et il vous le dit, "le temps manquait". Le texte vous dit carrément "je t'ai piqué quelques heures, bonne chance". Forme adaptée au fond.
Alors oui, on peut faire des ellipses pour le drama, personne ne vous en voudra mais vous vous contentez de copier-coller un schéma. Ça fonctionne... et c'est tout.
"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Puis la princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi. Sombra."
Paf, ellipse. Bon. Même pas besoin d'ajouter le "Sombra", il n'y a pas beaucoup de rois dans cette histoire de toute manière. Là on a mis les points sur les "i". D'ailleurs, pourquoi donner le détail de la cuirasse ? On veut vraiment que le lecteur sache que c'est Sombra ? Les deux questions qu'on pose au moment de placer l'ellipse, c'est "quelles informations le lecteur doit savoir (ou savoir qu'il ne sait pas)" et "quelle est la dernière information qu'on lui donne ?"
La première question, c'est par exemple savoir si on lui dit clairement que c'est Sombra, ou au contraire qu'on le lui cache. Si on le lui cache, il partira du principe que c'est lui mais aura toujours ce doute dans la tête, et l'ellipse va nourrir ce doute. Mais si on le lui dit, alors il va pouvoir se concentrer sur la panique. Parce que là Twilight elle est foutue. Clairement.
La seconde question est un indice pour dire au lecteur sur quoi se concentrer. Ici, on termine en disant "Sombra", c'est ce qu'il va donc retenir en priorité et il va se dire "qu'est-ce qu'il fait là" ou "qu'est-ce qu'il va faire" ou tout ça. Mais changeons les choses :
"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. La princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi. Sombra. Elle tourna un regard affolé sur Applejack, mais cette dernière affichait un sourire perfide."
Alors oui, le contexte fait qu'on se préoccupe toujours de Sombra. Mais moins. L'ellipse arrive alors qu'on parle d'Applejack, et du coup on se dit "il doit y avoir un truc avec Applejack", sinon pourquoi on aurait fini avec elle ? Et si... si Applejack n'était pas contrôlée ? Si c'était elle, la vraie menace ? Ou bien si Twilight pouvait encore convaincre Applejack de l'aider ? Ou bien...
"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Puis la princesse entendit une respiration, toute proche, trop proche, qui la fit frissonner. L'ombre d'un poney se découpa dans les ténèbres, dans sa cuirasse de roi, et qui se rapprochait, écrasante, qui se rapprochait, se rapprochait..."
Ellipse.
Qu'est-ce qui vient de se passer ? Nous sommes dans la tête de Twilight, nous voyons le monde à travers elle. Sombra s'approche, il est écrasant et soudain... on perd le contact. Oui, l'ellipse vient de vous dire que Twilight s'est évanouie. L'ellipse ne vous dit pas ce qui s'est passé, il se peut qu'elle ait résisté, crié, qu'elle ait tenté de fuir, tout cela est toujours le cas. Mais l'ellipse vous dit en plus ce qui s'est passé au final. Sombra a eu le dessus.
On réessaie ?
"Twilight Sparkle s'arrêta dans la pièce sombre. Mal à l'aise, elle tourna la tête vers Applejack, mais cette dernière lui souriait presque moqueusement, avec plaisir. Les filets de magie noire serpentèrent jusqu'aux pattes de la jeune princesse, la saisirent. Sombra se détacha des ombres, souriant, carnassier, face à sa proie prise au piège. Il s'avança, elle s'effondrait, gémissante. Il s'avança, puis soudain, tout devint noir."
Que s'est-il passé ?
Nous ne sommes plus du point de vue de Twilight. Nous sommes dans la tête de Sombra. Alors qu'est-ce que ça veut dire, "tout devint noir" ? Il a pu engloutir la salle dans les ténèbres. On a fermé la portes. Ou alors le narrateur a mis un cagoule sur votre tête, je ne sais pas... mais en général, "tout devint noir" c'est l'indication que le narrateur s'est pris un méchant coup sur la tête. Yup, Sombra est tombé dans un piège. Ici l'ellipse vous "assomme" en même temps que Sombra, ou du moins vous aveugle. J'aurais pu écrire "tout devint blanc" mais ça vous aurait semblé plus étrange, genre Twilight est morte ? Ou bien Celestia vient d'apparaître ?
L'ellipse, au moment où elle finit, vous dit ce qui se passe. Elle vous dit, ou vous laisse deviner, ce qui s'est passé. Ce n'est pas juste un saut dans le temps, l'ellipse exprime quelque chose.
Dans le cas du Griffonic, c'est la révélation qui "sonne" Shimmer. Elle n'arrive même plus à entendre ce qu'on lui dit et, donc, le lecteur non plus. Et c'est comme ça, à mes yeux, qu'on utilise une ellipse. Quand elle permet d'exprimer ce qui se passe vraiment. Comme un indice supplémentaire, un outil au service de l'histoire. Et pas quand "ouais la flemme c'est pas intéressant je passe à la suite" ou pour du drama "facile". Non que ces deux cas de figure ne soient pas légitimes, moi aussi certains passages me barbent et le drama c'est le bien. Mais on peut faire tellement plus !
Tiens : Asylum. Twilight reçoit la preuve qu'elle est une patiente de l'hôpital, ellipse. Et quand le texte reprend, plus tard, on apprend que Twilight a fait une crise. On a "vécu" la crise de Twilight Sparkle ! Le texte nous a fait vivre ce qu'elle a vécu ! Cette fic' est GÉNI- okay j'arrête.
Alors.
Résumons.
1) L'ellipse est un type de transition. Il faut donc la travailler comme une transition.1a) On peut pour ça utiliser un démarcateur graphique, type "****" ; ou bien une phrase-résumé, type "elles allèrent à Canterlot" ; ou bien faire... une transition ?2) L'ellipse crée la curiosité ou le suspense. On la place donc juste avant ou juste après une révélation.2a) On se demandera "quelles informations donner au lecteur" avant de lui faire vivre l'ellipse.2b) On se demander "quelle sera la dernière information", celle qui lui indiquera sur quoi s'inquiéter.3) L'ellipse permet d'exprimer ce qui se passe, de le faire vivre au lecteur.
Je ne sais pas si ça répond à la question mais c'est en tout cas ma vision des choses. Je n'ai sans doute pas fait le tour mais si je dois parler de l'ellipse, c'est probablement ce que je voudrais en dire. Et si vous y avez compris quelque chose, tant mieux, sinon vous pourrez toujours poser la question directement, fanficers,à vos plumes !

Vuld 3 429

Structure de phrase.

Hi'.
J'ai lu le premier chapitre d'Une plume jaune et, en voulant la commenter, je me suis rendu compte que mon avis allait rejoindre celui des autres, mais sans le préciser. Je ne parle pas des fautes d'orthographe, ça on s'en fiche, je parle de l'écriture "maladroite".
Et j'ai d'autant plus besoin de généraliser le sujet que cela fait un bon moment que j'aimerais lire Le Village, notamment parce qu'il me rappelle le style de Ramuz, mais je suis bloqué au chapitre deux à cause de la formulation des phrases.
C'est plutôt paradoxal. Qu'est-ce qu'on entend par une écriture "maladroite" ? Que la personne ne sait pas écrire ? Au contraire. Dans les deux fics' que je cite, il y a tout ce que je cherche : de la passion et de l'effort. Et c'est justement pour le style du Village, plus que pour son histoire, que j'ai envie de la lire. À mes yeux l'auteur expérimente et c'est le résultat de cette expérimentation qui provoque la "maladresse". Un manque de maîtrise...
Bon, admettons.
Mais alors dans ce cas, quels conseils donner ?
On ne parlera pas ici du "mot juste". Bon okay brièvement. La "maladresse" peut être d'utiliser le mauvais terme dans le mauvais contexte. On m'avait reproché, voilà longtemps, d'avoir utilisé "cime" pour désigner le haut des arbres. Dans la Plume jaune, on qualifie "d'étrange" le fait que la pièce tout autour de nous est en train de voler en éclats. C'est tout une problématique dont je n'ai pas la moindre idée de comment l'aborder.
À la place, on parlera de la structure de phrase.
Je vous préviens, on entre d'emblée dans des considérations linguistiques, la courbe de difficulté va faire un pic pareil aux tours de Canterlot donc merci d'attacher vos ceintures et d'essayer de résoudre ce problème :
1) "Tous ses cheveux se relevèrent violemment, elle dut fermer les plis de ses paupières..."
2) "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity..."
Pourquoi l'exemple (1), tiré de la Plume jaune, peut être vu comme une maladresse, alors que l'exemple (2), inventé pour les besoins de la cause, peut être vu comme du style tavusamère ? Ou dit autrement, les gens considèrent que (1) est maladroit. Pourquoi ? Et comment régler la maladresse ? La solution de facilité serait de rajouter un "et" : "Tous ses cheveux se relevèrent violemment et elle dut fermer les plis de ses paupières..." Mais pourquoi ? Et est-ce vraiment la meilleure solution ?
Vous allez voir que pour répondre à ces questions on va devoir faire un détour de tous les Tartares.
La véritable question est : "qu'est-ce qui se passe quand je mets deux phrases ensemble ?" Ça semble bête mais il se passe bien plus de choses que ne vous en dit la grammaire scolaire. Par exemple reprenez (2) et comparez :
2a) "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity, chacune s'étonna de ne pas trouver l'autre chez elle."2b) "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity, bientôt elles passèrent tout leur temps ensemble."
Le début est exactement le même, et pourtant ce qui s'est passé derrière est complètement différent. En effet, en (2a) vous pouvez déduire du contexte qu'elles sont allées l'une chez l'autre, attention majuscules, EN MÊME TEMPS ! Révélation ! Joie ! C'est pour cela qu'elles ne sont pas à domicile, elles sont chacune chez l'autre. Humour, drôle. Tandis qu'en (2b) on comprend qu'elles se rendent visite successivement, l'une après l'autre, et qu'on a une romance sur le feu. Sérieux, pourquoi une romance ? Elles pourraient être en train de fabriquer un nid d'oiseau pour Fluttershy ! Grmf...
Avec exactement le même départ on a signifié deux choses différentes. Comment c'est possible ? On va faire l'hypothèse que, par défaut (retenez bien le "par défaut") :- La seconde phrase se produit après la première.Autrement dit, le temps s'écoule dans le texte de la même manière qu'à la lecture. Ce qui est écrit avant se déroule avant dans le temps, ce qui est écrit après se déroule après. PAR DÉFAUT ! Cela signifie "si rien ne vient le contredire". Il s'agit juste d'une supposition, d'une hypothèse qu'on fait à la lecture, et le texte peut nous détromper. En (2a), en l'occurrence, la situation nous a fait déduire que les phrases ne se déroulent pas l'une après l'autre mais en même temps.
Reprenez (1) et demandez-vous : est-ce que ça se déroule en même temps ? Bon là sans contexte vous ne savez pas mais la réponse est oui, les cheveux se redressent en même temps que la petite ferme les yeux. Notez que le temps verbal n'y change rien, en (2) aussi on a un passé simple...
Bon, on a fait l'hypothèse de la "temporalité", que la phrase d'avant se déroule avant la phrase d'après. Ça n'a pas résolu notre problème. Qu'est-ce qu'on va faire ? Une seconde hypothèse ! Cette fois :- La seconde phrase est causée par la première.Toujours par défaut, hein.
Si nous reprenons l'exemple (2), (2b) notamment parce qu'il m'arrange, on supposera que la visite de Rarity CAUSE la visite de Twilight, qui à son tour CAUSE qu'elles passent leur temps ensemble. Plus précisément, et là c'est le contexte qui nous le fait déduire, on comprend que les deux premières "phrases" causent la troisième.
Notez également qu'à ce stade on n'en a plus ranafiche de la ponctuation :
2c) "Rarity alla chez Twilight. Twilight alla chez Rarity. Bientôt elles passèrent tout leur temps ensemble."
À part que la pause est plus longue entre chaque phrase (avec effet de style, je suppose), la signification est exactement la même. Tout au plus ces pauses peuvent suggérer que la romance prend son temps, ou bien que le narrateur désapprouve... qui sait ? Dans tous les cas la structure est, elle, strictement la même.
Appliquez ce lien de causalité à (1) : les cheveux se relèvent... et ça cause... qu'elle ferme ses paupières ?
Hein ?
Félicitations ! \ o / La boîte noire du langage dans la cervelle du lecteur vient de renvoyer une erreur système tonitruante, vous venez d'expliquer la maladresse ! Eh oui, on l'a dit, par défaut on suppose que la première phrase cause la seconde. Ici la seconde phrase n'est clairement pas causée par la première (ou alors Flutty' a des réactions bizarres), hypothèse contredite, et le lecteur... n'a pas d'autre hypothèse.
Pour le comprendre, on va compléter l'exemple (1) :
1a) "... soudainement, le souffle du vent se renforça et se durcit. Tous ses cheveux se relevèrent violemment, elle dut fermer les plis de ses paupières..."
C'est "maladroit" mais on comprend parfaitement ce que l'auteur a voulu faire : énumérer les effets du vent sur la petite pégase toute trognon. On a dit à l'école qu'on énumérait avec une liste "ça, virgule, ça, virgule, ça et ça" donc l'auteur a mis une virgule et on comprend. Mais, dans la structure, le texte dit que le souffle du vent CAUSE les cheveux qui se relèvent et que ces cheveux, à leur tour, CAUSEnt la fermeture des paupières. Ce n'est pas ce qu'on veut. Nous on veut :
1b) "... soudainement, le souffle du vent se renforça et se durcit. Tous ses cheveux se relevèrent violemment et elle dut fermer les plis de ses paupières..."
Le "et" sert ici à contredire l'hypothèse, à dire au lecteur "nope ! La phrase d'avant ne cause pas celle qui va suivre". C'est plus compliqué que ça mais faites semblant, hochez la tête et tout ira bien.
Détour terminé, on a expliqué pourquoi mettre un "et", on a réglé un problème sur un bazillion et qu'est-ce qu'on a vraiment appris ?
Eh bien, que le texte est structuré par deux hypothèses fondamentales :- La phrase d'avant se déroule avant la phrase d'après- La phrase d'avant cause la phrase d'aprèsEt que ces deux hypothèses pouvaient être niées par le texte, soit par des indices textuels (genre le "et") soit par le contexte, la situation elle-même.
ATTENTION ! /!\
T'as vu j'ai même mis du gras alors si c'est pas pour dire... je vous préviens juste que ça c'était la partie facile de l'article. Si vous avez compris que, par défaut, il y a toujours un lien de cause à effet entre deux phrases, vous pouvez vous arrêter là. Mais moi j'ai envie d'aller plus loin et pour ça je vais utiliser... horreur... un langage logique !
En gros j'en ai marre d'écrire la phrase complète à chaque fois, alors à la place je vais utiliser des lettres majuscules :
3) "Elle ne comprenait rien à ce qui se passait, tout allait trop vite, tout était trop violent pour comprendre quoi que ce soit..."
Cet exemple (3), moi, je vais l'écrire comme ça : "A, B, C pour D". Dans ce cas, "B" correspond à "tout allait trop vite", etc...
Pourquoi je fais ça ? Pour pouvoir mettre en avant les rapports entre les phrases. "A parce que B et C donc D". Vous voulez la version longue ? D'accord. "Elle ne comprenait rien à ce qui se passait PARCE QUE tout allait trop vite ET tout était trop violent DONC pour comprendre quoi que ce soit." Je me contente d'abréger avec des lettres, merci de votre compréhension.
Mais je fais ça aussi pour pouvoir mettre des parenthèses :
3a) (A parce que (B et (C donc D) ) )
P-p-pourquoi j'ai fait ça ?! Aaaah des parenthèses, des maths', pas les maths', pas les maaaths' ! Blague à part, les parenthèses sont nécessaires. Et quitte à faire des maths', rappelez-vous : 2 + 3 x 4 = ? Suivant où vous mettez les parenthèses, ça fait 14 ou 20. Eh bien en écriture c'est pareil. Si j'écris :
3b) "Elle ne comprenait rien à ce qui se passait tant tout allait vite, tout était trop violent pour comprendre quoi que ce soit..."
Vous ne voyez pas la différence mais en termes logiques :
3c) (A parce que B) et (C donc D)
Je n'ai changé que deux mots et les parenthèses ne sont plus du tout les mêmes. Pourquoi ? C'est quoi ces parenthèses et en quoi ça importe ? Eh bien, ces parenthèses sont la structure de la phrase. Ah bah oui, la phrase au sens scolaire c'est "depuis la majuscule jusqu'au point", donc on a quatre phrases (A, B, C et D) qui n'en forment qu'une, merci la nomenclature pourrie de l'école ! On parle de phrase "complexe". Et cette phrase complexe, composée de phrases "simples", a donc une structure.
Cette structure dit quelle phrase est subordonnée, dépendante, soumise... ce-que-vous-voulez à quelle phrase. En termes de causalité, l'effet est subordonné à la cause : sans cause pas, d'effet, pas de fumée sans feu. En d'autres termes, théoriquement, une phrase soumise à une autre ne peut pas exister sans cette autre phrase.
Si vous reprenez (3a), les parenthèses nous disent que le bloc (C donc D) est l'une des causes de A. Si tout n'était pas "trop violent" (C) ou "trop rapide" (B), elle comprendrait (non-A). Logique.
L'enjeu de la structure de phrase est donc de permettre au lecteur de retrouver cette structure, en lui donnant tous les indices nécessaires pour savoir quelle "phrase" est subordonnée à quelle autre.
À ce petit jeu, deux règles :- Il n'y jamais qu'une et UNE SEULE phrase principale au-dessus de toutes les autres- TOUTES les phrases ont une relation
Qu'est-ce que ça signifie ? Eh bien, rappelez vous (2) : "Rarity alla chez Twilight, Twilight alla chez Rarity", en disant que cela forme une phrase complète... quelle phrase est subordonnée à l'autre ? On aurait tendance à dire que les deux sont au même niveau, par flemme, mais rappelez-vous notre hypothèse : la seconde est causée par la première. Elle lui est donc... subordonnée. Un autre exemple ?
4) "Luna frappa le document de son sceau, le rendant éternel."
Cause, Luna appose son sceau. Effet, le document est désormais éternel. Conclusion, la seconde phrase est subordonnée à la première. Preuve ? On a utilisé un participe présent. Eeeyup, le participe est un indice textuel pour dire au lecteur "eh. Eh ! Cette phrase est soumise à l'autre." On teste ?
4a) "Rendant le document éternel, Luna le frappa de son sceau."4b) "Luna rendit le document éternel, le frappant de son sceau."4c) "Luna frappant le document de son sceau le rendit éternel."
En (4a) on inverse l'ordre des phrases. Par défaut la première devrait causer la seconde, mais le participe présent nous prévient que c'est la subordonnée. En (4b) la chaîne causale n'a pas changé, mais le participe présent fait "buck you" et impose la première phrase comme principale. Cela signifie qu'on s'intéresse à l'effet, la cause devient secondaire. On inverse en (4c) ? Même résultat.
C'est cela, un "indice textuel". Le participe présent soumet la phrase à une autre.
Et cela signifie -- je te regarde très fort, le Village -- qu'il ne devrait jamais y avoir de phrase principale avec un participe présent. Grmf.
Mais on n'a pas fini :
4d) "Luna frappa de son sceau le document devenu éternel."4e) "Le document frappé du sceau de Luna devint éternel."4f) "Luna frappa de son sceau le document qui devint éternel."4g) "Le document qui devint éternel fut frappé du sceau de Luna."4h) "Luna apposa son sceau et le document devint éternel."4i) "Le document devint éternel et... Luna... apposa son sceau... au doc- what ?"4j) "Le document devint éternel lorsque Luna y apposa son sceau."
Il y a énormément de manières d'exprimer la "causalité" (au sens très large, calmez-vous les philosophes) et, donc, la dépendance d'une phrase à une autre.
On a déjà vu ce qui se passait si on mettait simplement deux phrases l'une après l'autres. Pas d'indice textuel, par défaut la première cause la seconde et seul le contexte peut nous détromper.
On a aussi vu ce qui se passait si on utilisait un participe présent : celui-ci subordonne la "phrase" où il se trouve. Mais avec (4d-4j) on voit que le participe présent n'est qu'une option parmi d'autres : participe passé, subordination (le "qui"), coordination (le "et" mais aussi le "lorsque")... Ce sont tous les indices textuels -- il doit y en avoir d'autres -- qui permettent de dire au lecteur "bon arrête ton délire, c'est cette phrase qui domine les autres ta gueule". Notez d'ailleurs qu'en (4h) on a un "et", mais que la seconde phrase est quand même subordonnée, vu qu'en (4i) si on tente d'inverse ça déraille complètement... eh oui, première hypothèse, il y a aussi le déroulement du temps.
Okay donc je résume.
Par défaut (sans contexte ni indice textuel) :- La première phrase se déroule avant la seconde.- La première phrase cause la seconde.La relation de causalité crée des dépendances, et donc subordonne les phrases entre elles, et le texte fournit des indices textuels (en plus du contexte) pour nous dire qui domine qui :- La coordination (mais ou et donc or ni car)- La subordination (qui, lequel, etc...)- Le participe (présent et passé)À quoi il faut ajouter le temps verbal, etc...
Tout cela nous donne déjà une batterie d'outils assez formidables pour composer des phrases dignes de Proust et qui donneront mal à la tête à des générations d'écoliers. Ce n'est pas notre but, notre but est d'expérimenter, de tester ces outils pour voir ce que nous, chacun de notre côté, on veut en faire pour exprimer au mieux notre histoire.
Demandez-vous quelle information vous devez mettre en avant, et en gardant en tête qu'il n'y en aura qu'une seule, faites en sorte de subordonner toutes les autres à celle-ci. Tant qu'une seule information domine, votre phrase sera juste.
Je sais que c'est encore pas mal abstrait, et quitte à rester vague je vous inviterai surtout, peu importe les maladresses, à continuer d'expérimenter, fanficers,à vos plumes !

Vuld 1 778

La tension ?

Hi'.
Quand j'ai écrit mon article sur le plan -- qui doit être pénible, même moi à la relecture j'ai arrêté au premier tiers -- j'ai tout de suite voulu enchaîner avec la question de la "tension".
J'avais parlé de la structure "problème-solution", qui disait en gros qu'en tout point du texte le lecteur devait avoir un problème à résoudre. Par exemple, savoir qui est ce mystérieux poney qui vient de saluer notre héroïne dans la rue, ou si la police arrivera à temps pour arrêter les casseurs, ou comment finit la première guerr- non attendez je vais carrément sortir l'artillerie lourde : Dinky Doo n'a plus de doudou. Mec, 'faut lui trouver un doudou, l'avenir de l'univers en dépend !
Il y a un problème à résoudre ? Le texte a une tension.
La tension est en gros l'intérêt, l'intensité du texte. C'est ce qui pousse le lecteur à vouloir tourner la page pour lire la suite, et cela pour les romances, les comédies, les aventures, les grimdarks...
Classiquement, on a trois types de tension : "suspense", "curiosité" et "surprise". Le suspense consiste à se demander "qu'est-ce qui va se passer ensuite". La curiosité consiste à se demander "mais qu'est-ce qui s'est passé avant ?" Et la surprise consiste... à surprendre le lecteur. Le truc imprévu.
Dans les commentaires sur le plan, Toro' parlait d'une variation entre les moments "normaux" et les moments "sombres". C'est le principe du contraste et il faut aussi en tenir compte quand on parle de tension.
Là, je reprendrai l'exemple du hamburger de FiMFlamFilosophy oui ce mec est cool mangez-en. L'exemple va comme suit : vous avez faim. En supposant que vous aimez les hamburgers, on vous donne un hamburger. Vous avez moins faim. Génial ! Deux hamburgers. Encore mieux ! Cinq, dix, vingt hamburgers... euuuuuh... cent, mille, dix mille, un million, un milliard de hamburgers... y a un moment où trop c'est trop. Et la tension fonctionne de la même manière : tenter de maintenir la tension à son maximum est impossible, l'endurance humaine a ses limites. C'est pour ça qu'on aménage des "pauses", des moments plus calmes dans le texte où souffler avant de reprendre l'autoroute.
Et maintenant, la question qui démolit tout.
...
Comment on calcule la tension d'un texte ?
Non non arrêtez de rire, je pose la question sérieusement. La littérature a pour ambition de pouvoir juger un texte "objectivement", c'est-à-dire indépendamment de notre petit avis personnel. Et il faut d'autant plus se méfier qu'on a ce préjugé du "le texte n'est pas 'tendu' s'il ne s'y passe rien". Dans l'ouvrage 1984 au final il ne se passe pas grand-chose... ouais. Ouais.
Donc, indépendamment de si on a aimé ou pas, peut-on dire si un texte a ou non une "tension" ?
Honnêtement je ne sais pas.
Normalement, la structure "problème-solution" serait une réponse assez simple. Si le lecteur doit résoudre un problème alors forcément qu'il y aura une tension. Cela fonctionne d'autant mieux si on l'applique à très court terme -- et si on le lie à l'enjeu du texte. Je m'explique.
Imaginons un groupe d'aventuriers qui doit aller tuer un dragon. Déjà, évaluons la tension : on a un problème, il y a donc une tension. Après chacun pense ce qu'il veut : depuis "ouaaais, encore un dragon, woohoo c't'originalité" jusqu'à "ils vont teeeellement se faire meuler ça va être un truc de fous". Moi, en tant que critique, je dirais que le problème est trop général, que du coup il manque de potentiel, qu'il faudrait le personnaliser, lui donner des particularités... mais si c'est votre premier texte d'aventure et que vous n'avez pas l'habitude de voir les dragons tomber comme des mouches, alors sûr, ça promet d'envoyer du pâté.
Maintenant, imaginons que durant plus de six pages on traîne dans la ville de départ. On évalue la tension : je... ne vois pas le problème, donc pas de tension. Le lecteur va juste se demander en boucle "qu'est-ce qu'on fout encore là, on devrait déjà être parti !" Et du coup il a surtout envie de sauter des paragraphes.
Cela signifie que le problème à long terme est le seul qu'il doit résoudre : tuer le dragon. Et comme il n'a pas de problème à plus court terme à régler, bah il veut aller tuer le dragon. Là, tout de suite.
Mais bien sûr, l'auteur a un plan.
Par exemple, le paladin va tomber amoureux de la boulangère. Le texte va alors poser deux problèmes au lecteur : le premier, au niveau de la curiosité, "qu'est-ce qui se passe avec le paladin ?" On va mettre en scène qu'il y a un problème avec lui, jusqu'à la solution qui est l'amour (ch'est meugnon) ; le second, au niveau du suspense, "est-ce qu'il va rester ou partir ?" On va mettre en scène son dilemme, entre rester en ville ou suivre le groupe jusqu'au dragon.
Ne le cachons pas, moi personnellement la romance me passe par-dessus la tête, je serai toujours en mode "quand est-ce qu'on paaaaaaart..." mais objectivement le texte a posé plusieurs problèmes à court terme que le lecteur se retrouve à devoir résoudre. Et pour peu que le lecteur accepte de s'y intéresser, il va pouvoir accepter de piétiner en ville encore quelques pages.
Il l'acceptera d'autant plus que c'est lié au problème à long terme, aka "tuer le dragon". Eh oui, sans paladin le groupe est affaibli d'autant, et leur quête mise en péril.
La logique est la suivante : le texte m'a promis qu'on allait tuer un dragon. Si j'ai décidé de lire le texte, c'est donc que j'ai envie d'aller tuer un dragon. Le texte me dit qu'il y a un obstacle à surmonter pour aller le tuer. C'est le problème "à court terme". Je suis intéressé à aller le tuer, je vais donc être intéressé à surmonter cet obstacle. Du moment que je vois le lien entre les deux, je vais donc me concentrer sur ce problème "à court terme".
Parce que si le problème est sans rapport avec l'intrigue... comment dire... soudain on apprend que le chef du groupe a deux maisons en ville qu'il loue mais que l'un des occupants n'a pas payé son loyer, et... on passe deux pages à l'écouter en discuter à la taverne... non mais je suis sûr que ça nous présente bien le personnage mais on n'était pas censé aller je sais pas tuer un dragon ou quelque chose ?!
Une fois encore, même si c'est sans rapport ce peut être très intéressant. Je veux dire, les chefs de groupe qui font aussi de l'immobilier c'est plutôt rare et notable.
Mais là on veut des mesures "objectives" de la tension d'un texte, et quelque part, si on y réfléchit, on s'intéresse à l'immobilier parce que ça nous dit qui est le chef du groupe, et donc comment il peut réagir au moment d'affronter le dragon. En fait (rappelez-vous la pertinence) on peut partir du principe que le lecteur cherchera de lui-même à établir un lien entre le problème "à court terme" et celui "à long terme" de l'histoire. On peut même dire que s'il n'y a pas de problème, le lecteur cherchera d'instinct à en créer un.
Donc si je devais donner deux mesures :1) Plus le problème est "à court terme", plus la tension est forte.2) Plus le problème est lié à "l'intrigue" (le problème à long terme), plus la tension est forte.
Il est ainsi possible d'accumuler les niveaux de "problèmes" : 1) On doit aller tuer un dragon, 2) Y a un camp de gobelins sur le chemin, 3) Y a un guetteur dans l'arbre, 4) Le vent porte du mauvais côté. On en est donc au paragraphe où le personnage à deux doigts d'être repéré doit éliminer le guetteur gobelin sans donner l'alerte, et même quand il l'aura fait ils auront encore tout un camp à traverser (et le rapport avec le dragon je le vois toujours pas mais tant pis).
Et jusqu'ici on a parlé de la partie "problème" mais pas de la solution.
Déjà, "à court terme" signifie que la solution est censée arriver très vite. Parfois d'ici une à deux phrases. Ce n'est pas pour autant que c'est très intense : "Soudain deux gardes surgirent par la porte ; machine frappa du sabot le premier puis culbuta le second." Vala', en une phrase c'est réglé, mais c'était un problème à super-très-court terme, et c'est justement pour ça que je dois insister sur la solution.
La tension d'un texte se mesure au problème qu'il pose, et plus le problème est ardu, plus le surmonter sera satisfaisant. C'est le bon vieux "à vaincre sans périls on triomphe sans gloire" du Cid. Si le lecteur ne voit pas la solution, il va beaucoup plus accrocher que s'il fait "nan mais deux coups d'épée c'est réglé".
Mais si la solution est décevante ?
Il y a un camp de gobelins, du coup on ne peut pas passer. On fait des pieds et des mains et... on passe quand même. Les gobelins n'ont même pas été alertés de notre présence ou s'ils l'ont été, on les a tous tués... les mecs. Ça a servi à quoi ?! Et vous savez, il existe une école de pensée qui consiste à dire qu'on est là pour être distraits, donc qu'est-ce qu'on s'en fiche d'avoir un but, on a massacré du gobelin, toutes les excuses sont bonnes ! Je veux bien. Mettons.
Mais maintenant, imaginons qu'en traversant le camp de gobelins on découvre qu'ils ont été chassés par le dragon loin de la montagne / qu'ils sont en route eux aussi pour tuer le dragon / qu'ils ont capturé un bébé dragon et qu'ils s'amusent avec...
Ou même sans ça, le groupe est forcé d'abandonner ses montures / a son mage blessé ou rendu fou par une lutte avec le shaman d'en face / pactise avec les gobelins pour aller tuer le dragon (en échange de son trésor). Ah ouais tout de suite la quête secondaire là elle n'a pas servi à rien !
Et je dois encore insister sur la facilité, même si ce râlage n'est pas très utile... mais si vous donnez une solution plus simple que celle du lecteur, il va être déçu. Le problème lui promettait une solution à la hauteur, et vous n'avez pas tenu l'engagement. J'en avais parlé, non ? Les histoires de bombes. Eh bien on y revient. Vous avez pu créer un problème pas possible, la tension est à son comble... et la solution est toute moisie. Le problème est alors qu'au prochain problème que vous poserez, le lecteur risque de s'attendre à ce que, cette fois, la solution ne soit pas à la hauteur... du coup c'est plus facile de remplir votre engagement, mais ça signifie aussi que pour lui la tension est bien moindre.
Là s'il vous faut un exemple je n'aurai qu'à citer mon râlage sur FO:E...
On peut donc créer de la tension sur le moment, c'est la partie "problème", et plus c'est à court terme, et lié à l'intrigue, plus c'est intense. Mais cette tension doit être résolue est la solution doit être :1) À la hauteur.2) Liée à l'intrigue.Si la solution n'est pas à la hauteur des attentes/promesses, la réaction du lecteur devrait être "tout ça pour ça ?" Et une fois encore, on peut être partisan du "ce n'est pas la destination qui compte, c'est le voyage" mais quand même, on aimerait bien arriver quelque part.
Voilà pourquoi, en parlant du plan, j'ai fait tous ces détours et surtout, j'ai parlé de cette structure "problème-solution". C'était une autre manière de parler de tension, et le plan est un outil formidable pour savoir quand poser un problème et quand le résoudre.
Et bien sûr, je suis forcé d'avertir encore une fois.
Le lecteur n'a pas du tout la même vision que l'auteur.
Là où on est persuadé d'avoir posé un problème, il est fort possible qu'il n'en voie aucun et qu'il se demande pourquoi on passe deux ou trois paragraphes à décrire ce salon de palais. Le lecteur lit le texte avec ses propres attentes et du coup tout votre dispositif peut s'effondrer bien malgré vous.
Et je n'ai pas abordé un élément important dans cette histoire de tension, un élément que je ne maîtrise pas du tout : le personnage.
Alors que je ne m'y intéresse pas du tout, le personnage est en fait presque un clé de la tension. Une situation en elle-même, peu importe sa joie ou son horreur, n'a aucune tension si les personnages n'y réagissent pas. Plus le personnage réagit aux différentes situations, plus le lecteur aura de chances de réagir lui-même. Je déteste ça parce que le personnage sert alors d'énorme panneau "veuillez rire/pleurer maintenant" au lecteur, mais je me suis fait la réflexion suivante.
Dans la saison 9 de Doctor Who (classic), le doc' a fait exploser la base des méchants et on l'a vu être récupéré par les humains. Là on annonce à la radio avoir récupéré "deux hommes", et l'assistante du doc' demande avec un début de sanglot si le doc' en fait partie.
Je me suis d'abord dit "ouais encore un truc pour nous faire nous inquiéter... sérieux c'est Who, il peut pas mourir (non vraiment il ne peut pas)." Et puis je me suis rappelé que l'épisode nous avait montré explicitement qu'il était déjà en vie et à l'abri. Le but n'était pas de créer une fausse tension (un problème déjà résolu). C'était vraiment un personnage qui s'inquiète (et qui venait de traverser pas mal d'événements). Je me suis rendu compte qu'elle avait raison au final de réagir comme ça, et je me suis retrouvé en situation de "suspense", à vouloir voir leurs retrouvailles.
Comme quoi...
...
Vous savez, en commençant cet article je pensais n'avoir pas la réponse à la manière d'évaluer la tension d'un texte. Je n'ai toujours pas la réponse, juste une esquisse, et pas sûr qu'elle soit bonne. J'avais mis un point d'interrogation surtout pour demander l'avis des autres auteurs, comment vous faisiez pour juger quand votre texte était "intense" et quand il ne l'était pas.
Et je maintiens ma question ouverte, au final, surtout sur un sujet aussi ardu. Mais je suis quand même satisfait de ces quelques précisions, même si au final elles font pâle figure face, fanficers,à vos plumes !

Vuld 4 274

Le plan.

Hi'.
J'aurais pu parler des personnages mais outre que je suis nul à ça et BroNie le fait déjà donc allez voir ses articles ; du coup j'avais pensé parler des justifications mais je me suis embourbé dans mes explications ; alors je triche et je choisis un sujet facile.
Le plan.
Ça peut pas être compliqué de dire aux gens comment faire un plan. Non ?
...
Okay on est demain matin j'ai un mal de crâne pas possible, qu'eeeest-ce qui s'est passé hie- ah ouais j'ai tenté de parler de la planification. Pourtant le plan c'est la base de la base, le truc qu'on apprend à l'école obligatoire...
Alors déjà, un plan, c'est quoi ?
Imaginez que votre texte soit une route, un trajet de je sais pas moi... de Genissa à Maretigny. Le lecteur part donc d'un point A pour arriver à un point B. Ici le plan est simple, "tu prends l'autoroute à Genissa et tu sors à Maretigny." Okay ! Donc vous montez dans votre voiture et... et vous tournez pendant dix minutes pour trouver cette fichue entrée d'autoroute. Quand vous la trouvez enfin, vous la prenez dans le mauvais sens et vous vous retrouvez chez les griffons. Z'êtes pas doué. Et quand enfin vous partez dans le bon sens vous découvrez que la sortie de Maretigny est en travaux ! Et que vous ne pouvez pas l'emprunter !
Outre de vous éviter de rager, un plan va faire trois choses pour vous.
Déjà, il va vous dire où se trouve l'entrée d'autoroute, et dans quel sens la prendre. Ensuite, il vous permettra d'évaluer le temps de trajet, tout ça... enfin il vous révèlera que Maretigny a deux sorties d'autoroute, donc zen.
En écriture, c'est pareil. Vous avez une idée de texte ? C'est votre destination. Dans votre tête il y a les grandes lignes, genre "tuer Zecora avec une cuillère", vous savez où vous voulez aller donc bah allez-y, faites-vous plaisir, rien ne vous empêche de vous visser sur votre siège pour taper votre texte comme ça vous vient, et s'il y a une difficulté en cours d'écriture vous inventerez sur le moment. C'est ce que j'appelle le "freestyle". Je l'ai fait, je le fais encore, la majorité des gens font comme ça, c'est flemmard, c'est suicidaire et c'est cool.
Faire un plan consiste, au contraire, à expliciter votre projet, à le détailler par avance de sorte à 1) éviter les embûches, 2) améliorer votre histoire et 3) vous donner de la marge pour dévier. Je le considère donc comme un filet de sécurité, à la manière d'une carte routière qui vous évite de tourner trois fois au rond-point de Maretigny parce que "la petite gare" vous voyez pas où c'est.
Ce n'est pas nécessaire d'en avoir un, avec l'habitude -- et de la fierté mal placée, ou de la flemme -- on finit par s'en passer mais, et surtout quand on débute, ça aide. Beaucoup.
Donc on va faire un plan.
Comment qu'on fait ?
Mettons-nous en situation.
Je pourrais utiliser le projet Hydre comme exemple, vu que les participants passent plus d'un mois à planifier justement leur chapitre, mais compliquons-nous la vie et faisons-moi plaisir, on va ressortir les vieux cartons et utiliser un vieux projet de fic' : "Spike bouffe Twilight."
On veut écrire cette histoire, notre point de départ c'est "Spike a dévoré Twilight", on décide que ça s'est passé la nuit au Golden Oak (on est encore en S2) et que le texte commence le matin suivant, quand Spike se réveille.
Freestyle ! On s'assoit et on se met à écrire ! Alors euh il se réveille, y a du sang plein partout ! Okay non c'est nul, on peut faire mieux... vous savez quoi ? La chambre est nickel propre, le lit est fait sans un pli et plus la moindre trace de Twilight. Ouais, on vient de décider sur un coup de tête que durant la nuit Spike a tout nettoyé. Et question d'en rajouter, on décide désormais qu'il est inconscient de son acte. Du coup on écrit, il cherche Twilight, il fouille le Golden Oak, allez ! C'est l'occasion de se payer la visite complète de la bibliothèque ! Et puis euh... ouais allez paf ! On décide qu'il trouve les anciens draps de lits, propres, en train de sécher dehors, oh et puis tiens, on va mettre un placard à balai qu'il n'ose pas ouvrir, parce que c'est là qu'il a rangé les os ! Ah ah ah je suis trop foooort...
Et là j'ai calé.
Ouais ouais j'avais effectivement, à l'époque, scribouillé le début de la fanfic', mode freestyle, avant de caler à ce point précis. Pourquoi ? Parce qu'à ce stade la suite logique c'est que Spike aille chercher le mane6, que ces dernières se mettent à chercher Twilight et blablabla... tout cela pour arriver à Rarity qui inviterait Spike à dormir chez elle, pour le second meurtre de l'histoire.
Je voulais donc aller du point A, où Spike a fini de fouiller la bibliothèque, au point B, où Rarity invite Spike chez elle. Et j'avais masse d'événements entre les deux à inventer.
C'est ce que j'appelle une "transition".
La "transition", c'est le passage d'un événement à un autre. Les transitions les plus évidentes sont celles d'un lieu à l'autre, ou un saut dans le temps, par exemple "le soir venu" ou "une fois arrivées au Sugarcube Corner"... mais il y a un tas d'autres transitions dans un texte, entre les événements cette fois. Par exemple, dans un dialogue, le fait de changer le sujet de la conversation : "au fait, tu parlais de..." ou "en parlant de tapis, tu es toujours avec Fluttershy ?" Ici de même, avec Spike qui doit aller chercher le mane6, on fait une transition de type "il alla chercher le mane6, mais même avec leur aide Twilight restait introuvable". Ceci est une transition, et c'est le genre de moment où on dit à l'auteur : "trop vite, ralentis, stop, sérieux tu me fais quoi là ?!"
La transition est une solution de flemmards. Légitime, parfois nécessaire mais en général c'est juste que le passage à écrire barbe l'auteur et du coup il expédie pour arriver la partie qui l'intéresse. Et quelque part le lecteur lui en est reconnaissant. Imaginez qu'on doive se taper :
"Spike alla chercher Pinkie Pie. 'Twilight a disparu !' Lui dit-il et la ponette s'exclama : 'Oh non ! Il faut la retrouver !' Puis Spike alla chercher Applejack. 'Twilight a disparu !' Lui dit-il et la ponette s'exclama : 'Oh non ! Il faut la retrouver !' Puis Spike..."
Même en y mettant les formes, bordel ! Vous pouvez pas faire plus ennuyeux ?! Alors oui, résumer ça par "Spike alla chercher le mane6 et bientôt toutes se retrouvèrent dans..." c'est une façon cavalière d'épargner ça au lecteur. Et le lecteur vous en est reconnaissant. Mais ça reste une solution de flemmards.
Parce qu'en planifiant le texte on pourrait éviter ce désastre.
Ici le plan dans ma tête disait : "Spike fouille la bibliothèque -- Spike réunit le mane6 -- le mane6 ne trouve personne -- Rarity invite Spike chez elle". Ça a l'air tellement bien écrit comme ça que eh, le plan dit que tout va bien ! Nein ! Le plan ne vous dit rien. Détaillez-le et vous verrez que ça coince.
Spike fouille la bibliothèque. Comment ? Il va vraiment se faire chaque pièce de la bibliothèque pour constater qu'elle n'est pas là ? "Spike fouilla la cuisine mais Twilight n'était pas là. Alors il fouilla la cave mais elle n'était pas là. Alors il fouilla..." Au nom de Luna !
Maintenant rappelez-vous quand on a écrit le début en freestyle, c'est exactement ce qu'on a fait : Spike a passé en revue chaque pièce du Golden Oak. Sauf le placard à balai. En fait, et sur le moment, j'ai planifié le texte de telle sorte que chaque pièce joue un rôle, avec deux grands axes : les traces de vie de la veille, pour souligner le quotidien coupé brutalement ; et surtout la propreté anormale des lieux, jusqu'aux draps pendus dehors en train de sécher. Chaque pièce apporte des indices sur ce qui s'est passé, et à chaque fois les indices sont un peu différents.
Par exemple, mon plan me dit que je vais devoir fouiller la cave ? Bien ! L'occasion de réveiller Owloviscious, qui pourrait incarner la bonne conscience de Spike. De le confronter aussi aux recherches de Twilight, moyen de dire "elle serait jamais partie comme ça". Ou alors les ténèbres ravivent des souvenirs de la nuit. Il y a un tas de choses à faire et pas juste "Spike fouilla la cave mais ne trouva rien". Le plan nous confronte par avance à ce moment, il nous dit qu'on devra y passer, on peut donc par avance décider de ce qu'on peut en faire.
Au lieu de, sur le moment, se dire "weh non la flemme j'abrège".
Revenons donc au moment où j'ai bloqué. Si j'avais planifié mon texte, j'aurais su qu'à ce moment de l'histoire Spike devait aller chercher le mane6, et que je n'avais rien de prévu sur le moment. J'aurais pu prévoir un milliard de choses pour rendre ce passage intéressant ! Et si, au lieu d'aller chercher le mane6, c'était l'une d'elles qui venait ? Et si c'était Zecora ? Et s'il recevait une lettre de la princesse Celestia ?
Mais ce n'est pas tout.
À ce stade le fait de planifier nous pousse à réfléchir, à détailler, à voir comment rendre intéressant un passage qui ne l'est pas. Mais le plan est aussi censé nous avoir forcé à décider, par avance, de toute l'histoire.
Si si, rappelez-vous.
On est parti avec l'idée que "Spike bouffe Twilight". Alors dans les grandes lignes, l'intrigue c'est Celestia amoureuse de l'empereur dragon Rage qui veut lui faire un cadeau. Aka Spike. Woohoo, en oubliant qu'à ce stade l'intrigue est plutôt plate ça ne nous dit surtout pas comment l'histoire va évoluer et finir. On se doute que Spike va confronter Celestia, et puis y aura un volcan ou peu importe, tout cela est extrêmement vague ! Même si, admettons-le, la bataille finale entre Spike dopé par toutes ses victimes et Rage sorti du Tartare devrait être épique... bah pour y arriver à part en alignant les cadavres on n'a pas vraiment de... de plan, justement. Ce serait bien d'en avoir un.
Mais... mais on pourrait se passer du plan complet, non ?
Je veux dire, qu'est-ce qui nous empêche de planifier seulement à court terme ? Le reste du texte il viendra quand il viendra, c'est dans longtemps... où est l'intérêt ?
L'intérêt, cher lecteur fictif qui pose les questions qui m'arrangent (ceci était donc une transition, pour les plus attentifs), est de pouvoir préparer le terrain.
Par exemple, disons qu'à un stade de mon histoire où Spike a bouffé Twilight, Spike revienne de l'Everfree s'attaquer à Fluttershy. Dash intervient et repousse Spike, non sans se faire blesser gravement. Bon. Sachant que cet événement va se produire -- c'est planifié -- qu'est-ce qu'on pourrait faire pour le "préparer" ?
Eh bien, trente-six mille choses. Lorsque le mane6 a été rassemblé et qu'il a échoué à trouver Twilight, Rainbow Dash peut la première proposer l'idée du meurtre sordide, et suggérer que ça arrivera aussi à Fluttershy vu qu'elle vit près de l'Everfree. Elle "rigole", bien sûr, poussée par ses lectures aventureuses, et elle n'en pense pas un mot, mais c'est sa manière de gérer le stress -- et ça dit au lecteur que Flutty' est en danger. Ça reviendra plus tard, quand Spike ira voir Fluttershy, alors que le village le rejette. Sachant que la routine "là où va Spike les poneys meurent" se sera installée, le lecteur se dira que Flutty' est en danger. Spike ne lui fera rien cette fois-là mais Flutty' pourra dire "ne croise pas Dash". Enfin, vu que Spike s'est réfugié dans l'Everfree, on peut même faire en sorte que, plus tôt dans l'histoire, Dash l'y poursuive (pour lui parler ou pour lui taper dessus, au choix).
Ce sont toute une série de petits événements ou de détails qui ont pour but de mettre le lecteur en condition pour cette scène. Les sentiments de Dash envers Spike, de Spike envers Dash et de Dash envers Fluttershy... et ainsi de suite. Ces sentiments, on n'en parlera quasiment pas sur le moment, mais ils auront été bien exposés avant. Et de même, le texte nous aura dit "Fluttershy est en danger, il faut la protéger", au point qu'un autre poney pourra lui avoir proposé de déménager. Voire, ses animaux le lui auront suggéré...
C'est ce que j'appelle "introduire" un élément.
Introduire, ou annoncer, ou préparer un élément / événement, c'est donner des indices au lecteur. Spike reçoit une lettre de Celestia au départ ? Même si elle est destinée à Twilight, c'est une manière de dire au lecteur "eh, y a Celestia". Et si le texte est bien fait, ce signal "Celestia va servir à quelque chose" ne sera pas en vain. La lettre elle-même peut trahir la culpabilité de la princesse.
Introduire un élément ne signifie pas qu'on révèle tout. Spike reçoit une lettre, est-ce que ça donne le rôle que joue Celestia ? Non. C'est juste un détail pour la rendre présente, qui sera renchéri plus tard par la présence de Philomena -- sortie de nulle part, et qui épiera Spike. Là le lecteur pourra se rappeler la lettre et pourra se demander si Celestia ne se doute pas de quelque chose. Ce sont des indices des choses à venir ou, pour revenir à la comparaison de la route : ce sont des panneaux le long de la route, annonçant les prochaines villes, les intersections, etc... ça ne nous dit pas à quoi ressemblera le prochain village, juste qu'il arrive dans tant de kilomètres.
Pourquoi est-ce que, plus tôt, je proposais que Zecora soit celle qui vienne au Golden Oak ? Parce que, plus tard dans le texte, Spike est censé trouver refuge chez elle.
Un plan sert également à cela.
Un plan me permet, en amont du texte, 1) de détailler la façon dont les événements vont s'enchaîner, de résoudre les difficultés, 2) d'éviter les solutions de facilité ou de fortune inventées sur le moment (soupir...) et 3) de préparer, tôt dans le texte, les événements à venir.
Bon.
Je sais que je vous ai perdus.
Inutile de mentir, vous vous étiez venus pour parler de planification et voilà que je vous parle de "transition" et "d'introduction d'éléments"...
Donc revenons à des choses simples.
Un texte est composé de différents niveaux. Il peut être composé de chapitres, eux-mêmes composés de parties, elles-mêmes composées de je sais pas de pages, elles-mêmes composées de paragraphes, eux-mêmes composés de phrases... et, à l'inverse, les phrases forment des paragraphes qui forment des pages qui forment des parties qui forment des chapitres qui forment votre texte. Et on va appliquer le plan à tous ces niveaux. Yup.
Alors bien sûr, si vous en êtes à planifier votre texte phrase par phrase c'est que vous avez déjà commencé à écrire. Mais j'ai effectivement fait des plans page par page d'un texte, et suffisamment détaillé pour que ce plan me dise à quoi servirait chaque paragraphe. C'est le cas notamment pour Lesson none. À vous de voir jusqu'où vous voulez aller dans le détail mais plus vous détaillerez, plus vous éviterez les mauvaises surprises.
Et bien sûr, vous n'avez pas à suivre le plan à la lettre. C'est juste un plan, si à l'écrit quelque chose coince vous allez l'adapter. Mais plus un plan sera détaillé, plus il sera facile d'en dévier sans se retrouver à faire n'importe quoi. Mon plan dit que Zecora vient trouver Spike ? Arrivé là je me dis que Zecora ne serait pas du genre à s'inquiéter, elle va donc plutôt conseiller à Spike... d'aller voir à la mairie ? Okay mon plan est foutu à ce stade... à moins que... j'avais dit que Philomena apparaîtrait, alors si ce piaf était au sommet de la mairie... quand Spike arrive... et qu'il se dit "si le phoenix de Celestia est là alors Twilight s'y trouve forcément !" Ouais ouais ça passe bien ! Paf, mon plan m'a dit comment retomber sur mes pattes.
Mais pour qu'un plan soit vraiment utile il faut que vous ayez ce réflexe de vouloir détailler.
Et il faut aussi que vous ayez au moins une notion vague de comment fonctionne une histoire.
Le plan minimal qu'on m'avait donné, à l'école, c'était ça :
"Situation initiale -- Problématique -- Développement -- Dénouement -- Situation finale"
Les deux situations au début et à la fin c'est notre point A et notre point B, c'est bien gentil mais poubelle. Donc le plan qu'on va répéter sans arrêter, la "structure" pour être plus précis, c'est "problème -- solution".
En gros, un texte pose un problème. Dans notre cas, "Spike a bouffé Twilight", c'est un problème, si si je vous jure. Mais ce peut être "Fluttershy trouve un parasprite" ou "Rainbow Dash doit passer un examen"... si le texte n'a pas de problème, alors il n'y a aucune raison de le lire. Même le slice of life pose un problème, genre "Dinky n'a pas de doudou !" Mec, il faut lui trouver un doudou, la survie de l'univers en dépend !
Et bien sûr, puisqu'on pose un problème, il faut une solution. Même si cette solution c'est "tous les poneys meurent", merci le grimdark... Ou alors on joue de la musique, ou bien on utilise la mémoire photographique de Dash... Ou encore on écoute une voix d'ascenseur, on écrit une rime pourrie et on gagne ses ailes ! Ouais laissez-moi une seconde de râlage : Magical Mystery Cure a un plan déséquilibré, au sens où la solution c'est "leur rappeler qui elles sont entre elles" et que donc le problème est résolu vers la moitié de l'épisode. Ça et le développement se résume à une chanson de deux minutes. La voix d'ascenseur, les ailes, toussa, c'est rajouté en vrac à la fin pour pas d'raison. À l'inverse on crache sur Equestria Girls mais son plan est en béton armé -- même si le passage photoshop est un peu trop vite expédié.
Là où je veux en venir, c'est que ce principe du problème-solution s'applique à tous les niveaux.
Prenez Consortium. Au niveau du texte, problème ? Les poneys sont assiégés. Solution ? Tous les poneys meurent. Bon okay je connais pas encore la solution. Mais maintenant, le texte est divisé en arcs. À chaque fois, problème ? "Stable Steel invite une jument chez lui" ; "Kind Knight aime pas les piqûres" ; "y a un dolmen". Solution ? Mort, mort, mort... quoi ? C'est Consortium. Les arcs ont eux-mêmes des chapitres et chaque chapitre pose un problème et se doit d'en donner la solution. Genre machin doit rencontrer les pégases, résultat il accepte sa mission. Voilà, tout le chapitre parlait de sa rencontre, problème réglé. Et idem à l'intérieur des chapitres, pour chaque paragraphe... si si, chaque paragraphe pose un problème à résoudre. Un paragraphe décrit une chambre ? Le problème est de connaître la chambre. À la fin du paragraphe vous la connaissez.
Il faut donc appliquer la structure "problème-solution" à tous les niveaux. À chaque fois, et pour ce niveau, un problème doit se poser et être résolu. Mais le problème du niveau supérieur doit également y être posé. Plus précisément, les problèmes qui se posent au niveau des paragraphes, par exemple, ne sont que des parties du problème posé au niveau du chapitre.
...
Okay j'écrirai un article sur la motivation ou la tension d'un texte, là je sens que vous avez décroché. Mais, dans l'idéal, lorsque vous listez les événements dans votre plan, demandez-vous s'ils posent un problème. Spike va chercher le mane6 : quel est le problème ? Il n'y en a pas. Zecora arrive, quel est le problème ? Je décide que Spike ne veut rien lui dire sur la disparition de Twilight. Et la scène s'achève quand la lettre de Celestia, qui arrive entre deux, le force à avouer qu'elle n'est plus là.
La structure "problème-solution" est un moyen simple d'évaluer un plan. Cela et le degré de détails : plus vous détaillez un plan, plus il vous sera utile.
Alors mine de rien, faire un plan c'est simple : listez les événements, détaillez-les, paf c'est fait.
Mais mine de rien, faire un plan c'est compliqué. Parce qu'il y a les transitions à retravailler, parce qu'il y a des tas d'éléments à introduire, parce qu'il faut s'assurer que partout le lecteur ait un problème à résoudre, là, sur le moment, qui soit en lien avec l'intrigue... alors oui, mine de rien, expliquer comment faire un plan peut donner la migraine.
Vous savez quoi ? Le freestyle c'est bien aussi. Et personne -- à part un certain grognard -- ne le reprochera vraiment, fanficers,à vos plumes !

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