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L'objectivité. Aller aux commentaires
05 mars 2016

Hi'.

Ceux qui étaient là pour le stream d'hier ont pu m'entendre déblatérer sur quelque chose qui pour moi va de soi et qui touche directement à la manière dont on commente les textes. La question fondamentale est de savoir "si" on peut être objectif sur un texte, ce que ça veut dire, et si oui alors "comment".

Alors allons-y.

 

C'est quoi, être objectif ?

Si je dis "j'aime les poneys", je suis subjectif. C'est une opinion personnelle. D'autres peuvent ne pas aimer les poneys.

Si je dis "Spike est un dragon", c'est objectif.

Ce n'est pas un fait. Ce n'est pas la vérité. La vérité on ne la connait pas, la vérité n'a aucune importance. "Spike est un dragon" est également une opinion, mais c'est une opinion imposée à tout le monde. Vous vous devez d'avoir cette opinion. Vous pouvez avoir une autre opinion, genre "non Spike est une machine à laver" mais vous êtes juste là pour faire 'èch le monde, vous êtes subjectif.

Dans tous les cas, on parle d'opinions. Certaines opinions sont subjectives (= personnelles), d'autres sont objectives (= communes).

C'est important parce que certains vous diront que telle chose est objective alors que pour vous elle ne va clairement pas de soi. Genre "mais ce texte est génial ta gueule t'es trop con" où la personne en face de vous est vraiment, sincèrement persuadée qu'elle est objective. Que ce n'est pas juste son avis personnel. Essayer d'être objectif, c'est avoir la prétention que l'opinion qu'on donne va s'imposer à tous. C'est extrêmement fort. Et risqué.

Testons :

1. Dans It's about time, Twilight voyage dans le temps.
2. Le double-épisode du Crystal Empire était pourri.
3. Les deux étoiles filantes que voit Applejack symbolisent ses parents (morts)

Qu'est-ce qui est objectif ? Qu'est-ce qui est subjectif ? La plupart d'entre vous devraient répondre (1) et (3), parce que le (1) c'est un peu dans le synopsis et le (3) c'est confirmé par le studio. Et là vous venez de répondre à la seconde question.

 

Comment on est objectif ?

En se donnant des règles.

Par exemple, dans le fandom on a la règle du "canon" : séparer ce qui est officiel de ce qui ne l'est pas. C'est pour ça que les gens se déchirent pour savoir si le comic IDW est canon ou pas. Le canon définit ce qui est objectivement le cas dans FiM, et tout le reste est réduit à de la subjectivité : les gens sont libres d'accepter ou de rejeter l'opinion.

Mais que se passe-t-il si quelqu'un utilise une règle différente ?

Eh bien, prenons "It's about time". Est-ce que Twilight a voyagé dans le temps ? D'après la théorie des mondes possibles, non. J'introduis une nouvelle règle (les mondes possibles) et d'après cette règle ce n'est pas du voyage temporel, donc je peux sans autres dire non. Et pourrir la vie aux gens.

Les gens vont me répondre que je suis subjectif parce que j'introduis une règle de nulle part et c'est justement ça l'intérêt de l'objectivité : une communauté se met d'accord sur un ensemble de règles, et va juger les opinions à l'aide de ces règles. C'est ce que fait la science : on utilise la méthode scientifique, un ensemble de règles, pour (in)valider nos connaissances. Si quelqu'un décide d'utiliser des règles différentes, il peut obtenir des résultats complètement différents.

Ce sont les règles qu'on adopte qui décident de ce qui est subjectif ou objectif, de si une opinion est personnelle ou commune.

Et comment on décide des règles ? En général on n'est même pas conscient qu'elles existent. Votre oeil filtre les couleurs, donc pour vous tel objet est vert et point barre. Votre corps a fixé des règles pour vous, alors que la science va vous dire "non mais c'est des fréquences d'ondes... y a pas vraiment de couleurs..." De même, tout le monde a peur du noir. C'est instinctif, un vieux mécanisme de survie. Donc objectivement pour nous, parce qu'on suit cette règle, l'obscurité fait peur. Et la nuit c'est pas bien. Alors que d'après les règles de la science, c'est complètement subjectif !

C'est aussi pour ça que la logique est si importante. La logique est pour ainsi dire la science des règles. Et autant on peut s'inventer toutes les règles qu'on veut, autant notre cerveau est programmé d'une certaine manière, à travers l'évolution : l'humanité partage une logique propre à elle, des règles "universelles" qu'on n'a toujours pas cernées.

Donc il y a des règles qu'on ne connait pas qui nous font préférer certaines règles plutôt que d'autres et ces règles-là, dont on est conscient ou non, nous font décider si telle opinion est objective ou non. Facile.

Ce qui nous amène aux textes.

 

Les règles d'un texte

Tout le monde se forme une opinion sur un texte. Et on dira que ces opinions sont subjectives. Mais alors comment se former des opinions objectives d'un texte ? Avec un ensemble de règles. Quelles règles choisir ?

La littérature est la science des textes. C'est son boulot de trouver de telles règles.

Alors entendons-nous. Il y a des tas d'autres manières, des tas d'autres paquets de règles qui doivent exister pour évaluer un texte. Par exemple l'ad populum : "Les gens aiment le texte donc il est bon." Paf. C'est une règle, si vous la suivez vous pouvez objectivement dire quel texte est bon, quel texte est mauvais et même comparer les textes entre eux avec la facilité d'un statisticien.

Mais moi je suis un littéraire. Donc on va parler des règles de la littérature.

Et c'est là que ça va devenir (encore plus) technique.

Quand on parle de "texte", pour la littérature ce mot désigne purement et uniquement de l'encre sur du papier, ou à notre époque des octets dans un fichier d'ordinateur, des pixels sur votre écran. N'importe quel support pour y aligner des mots, pour y former des phrases, mais un support uniquement. Ce n'est que dans un second temps que le texte va raconter une histoire, dire quelque chose : il faut pour cela l'intervention de l'esprit humain.

texte + lecteur = histoire

D'autre part ces mots ne viennent pas de nulle part, quelqu'un a dû les y disposer. Ce quelqu'un est celui qui a écrit l'histoire, d'où d'intéressantes questions philosophiques mais surtout :

auteur + histoire = texte

Ce que la littérature essaie de dire par là est qu'on ne peut pas observer l'histoire, l'histoire n'existe pas. L'histoire est fondamentalement subjective. Ce qui est objectif, c'est le texte. Ce qui est objectif, c'est le lecteur. Ce qui est objectif, c'est l'auteur. Ces trois choses-là, oui, on peut les observer, et c'est une condition nécessaire pour la science afin de déclarer une chose objective : qu'elle soit observable.

La littérature se sépare donc en trois écoles, chaque école se dévouant à étudier la littérature sous l'angle de l'auteur, du texte ou du lecteur. Ceux qui s'intéressent à l'auteur vont étudier ses journaux, ses notes, ses brouillons, les entrevues qu'il a données, tout ça : afin de comprendre comment à partir de l'histoire qu'il voulait écrire il a obtenu son texte. Ceux qui s'intéressent au lecteur, en retour, vont étudier les réactions, commentaires, la diffusion, le type de public... afin de comprendre comment, à partir du texte, le lecteur y a vu telle ou telle histoire.

Et ces deux histoires, celle imaginée par l'auteur et celle qu'y voit le lecteur, peuvent être radicalement différentes. Ils n'y lisent simplement pas la même chose, ce qui vaut aussi d'un lecteur à l'autre.

Et enfin il y a mon école, celle qui a décidé qu'il y a le texte et rien que le texte.

Étant de cette école, je me moque éperdument de ce que l'auteur me dira sur son texte. Enfin non, ça me permet d'évaluer mes règles mais fondamentalement c'est au texte, et uniquement au texte, de me dire ce que l'auteur avait en tête. Et de même, je me bats les steaks mais d'une force de ce que pensent les lecteurs. Une fois encore, ça me permet d'évaluer mes règles mais fondamentalement c'est au texte, et uniquement au texte, de me dire ce que le lecteur est censé y voir.

Et là je sais que je viens de vous balancer pas mal de pavés alors faisons une pause.

 

L'analyse de texte

Quand vous êtes à l'école, en cours de français, on vous barbe avec l'histoire de l'auteur, les dates tout ça, qu'y avait les guerres de religion et qu'est-ce qu'on en a à cirer. Puis, durant l'examen oral, on vous demande de remettre le passage dans son contexte. Pourquoi ? Pour avoir une idée de l'auteur et du lecteur.

Mais maintenant disons que vous avez complètement oublié d'étudier et on vous donne tel passage :

... Celestia retomba durement sur les rochers. Sombra se posa derrière elle avec un sourire féroce. L'alicorne tenta de se relever mais ses pattes la trahirent et elle retomba sans forces.

Elle regarda autour d'elle ses pauvres gardes qui se battaient encore. Rainbow Dash se débattait face à trois ombres qui la lacéraient de toutes parts. La crinière arc-en-ciel était déchirée. Plus loin, Fluttershy reposait sur le sol, gémissante, et une Rarity épuisée la protégeait avec l'énergie du désespoir. Un dôme de magie bleu clair les recouvrait toutes deux. Le dôme diminuait sous les coups des ombres maléfiques.

Le regard de la princesse s'arrêta un instant sur son ancienne élève, la princesse de l'amitié, Twilight Sparkle dont elle avait été si fière. La jeune jument était en train d'achever un garde solaire à terre. Le sourire de la jument était atroce.

Celestia sentit l'ombre de Sombra sur sa nuque...

Voilà. Vous avez votre texte. Vous ne savez absolument pas qui l'a écrit. Vous savez que ce n'est pas Vuld parce que Vuld n'écrit pas comme ça -- et vous pouvez objectivement le prouver -- mais ça pourrait même être une traduction anglaise de Parfetin_Konu8821 pour ce que vous en savez. Et idem, à part que ce sont des bronies vous ne pouvez pas prédire qui va lire ce texte.

Donc. Qu'est-ce que vous pouvez dire sur ce texte ?

Le premier réflexe est de paraphraser. Et là pour résumer ben les gentils sont en train de perdre. Ce qu'on vient de faire, là, c'est d'exprimer une opinion personnelle : en tant que lecteur, on vient de créer l'histoire. Ça, c'est notre histoire. Et on va se demander ce qui dans le texte nous a fait la créer. Par exemple, c'est la guerre. Comment vous le savez ? Ben... ben regardez le texte :

"gardes" - "battaient" - "débattait" - "lacéraient" - "déchirée" - "protégeait" - "dôme de magie" - "coups" - "achever" - ...

Ou encore, ça va mal. Comment on le sait ? Idem, regardez le texte : "durement", "trahirent", "pauvres", "gémissante"... ce qu'on fait là s'appelle des "champs sémantiques", c'est un outil de la littérature pour analyser le texte. Relever tous les mots qui ont une même idée en commun (la guerre, le fait-que-ça-va-mal, etc...). Des outils comme ça on en a un tas d'autres qui vont vous permettre de comprendre pourquoi vous avez lu telle histoire dans ce texte.

Mais.

En même temps que vous faites ça, vous pouvez appliquer ces mêmes outils pour voir s'il n'y a rien dans ce texte qui nuit à l'histoire que vous avez vue. S'il n'y a rien qui va à l'encontre de cette histoire. Comme, je ne sais pas moi, tous les lieux communs :

"retomber durement" - "sourire féroce" - "retomber sans forces" - "avec l'énergie du désespoir" - "achever un X à terre" - "sentir X sur sa nuque"...

Mais enfin là ce passage de texte est en train d'empiler tous les poncifs éculés qu'il peut trouver et nous les rabâche pêle-mêle n'importe comment. On répète "retomber" deux fois, on a une énergie du désespoir pour pas de raison, "dôme" également répété deux fois et on nous précise la couleur du dôme parce que c'est clairement ce qui est essentiel là tout de suite... et puis bordel, "sentir une ombre sur sa nuque" ?! T'avais à ce point plus d'imagination ?

Comprenons-nous. Si le texte était comique, tout ça serait positif. Parce que là en fait cette scène essaie tellement de faire snif qu'elle en fait rire. Mais d'après l'histoire qu'on en a tirée nous, le but du texte est d'être très sérieux au contraire, on veut vraiment y croire au drama. Et donc ce qu'on vient de relever est contre-productif.

On pourrait s'arrêter là, mais on n'a fait que la moitié du travail.

Et si le texte était véritablement comique ?

Peut-être que nous sommes un "mauvais" lecteur, peut-être que l'auteur voulait faire une comédie. Donc on refait la même chose. On applique les mêmes outils d'analyse, cette fois dans l'optique de voir ce qui dans le texte produit une histoire comique, inversement ce qui l'empêcherait.

Dans ce qui l'empêcherait, par exemple, il y a le fait que tout est du point de vue de Celestia. Or -- et limité à ce seul passage -- Celestia a été fière de Twilight. Et on voit Twilight faire des trucs qui clairement ne doivent pas lui plaire. Présenté ainsi, l'effet est celui de la trahison, et le lecteur étant mis à la place de Celestia va le ressentir aussi comme une trahison. Pas vraiment de quoi rire.

Donc non, on peut dire objectivement, d'après nos outils d'analyse, que le passage veut faire du drama entre défaite et trahison. Et ces mêmes outils d'analyse nous permettent alors de dire ce qui, dans ce passage, va à l'encontre de cet objectif. Mais tout ça, d'après nos outils, se trouve dans le texte et uniquement dans le texte.

 

tl;dr

Donc oui. On peut être objectif.

Mais cela ne signifie pas qu'on énonce une vérité vraie. Seulement que, d'après un ensemble de règles précis, on obtient tel résultat. Et pour refuser ce résultat il faut soit pouvoir l'invalider avec ces mêmes règles (non mais "sentir l'ombre sur sa nuque" c'est une métaphore), soit rejeter les règles elles-mêmes (de toute manière j'ai 93% de gens qui aiment).

Est-ce que ces outils sont fiables ? Eh, ils valent ce qu'ils valent. Et il est très facile de mal les appliquer. Notamment en s'arrêtant en milieu d'analyse parce qu'on est un planqué.

Mais surtout, ces outils n'ont pas pour but de dire si les gens doivent ou non aimer un texte. Ça, c'est une demande de la société à laquelle fondamentalement la littérature ne peut pas vraiment répondre. La littérature, mon école en tout cas, peut seulement déduire du texte l'histoire que le texte veut raconter, et de là déterminer si le texte y arrive.

Et donc pour ceux qui n'ont pas tl;dr l'article, (2) est objectif.

Pour ceux qui ont tl;dr je rappelle que les avis subjectifs ont tout autant sinon plus d'intérêt, l'important c'est de commenter ou d'écrire, donc fanficers,
à vos plumes !

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PhoenixBleu
PhoenixBleu : #35327
Bon, je suis largement du même avis que @Inobi et @Brocco

Tout d'abord, moi aussi ayant un parcours scientifique, j'ai tiqué à ta définition des règles scientifiques. En science, contrairement à un dessin animé mettant en scène des poneys multicolores, les règles que l'on s'applique, on ne les choisit pas comme ça sous prétexte qu'elles nous plaisent ou non ! On les déduit de l'observation et/ou de l'expérimentation. Et cette ou ces expérimentations doivent être reproductibles pour pouvoir valider ces règles. Mais je vais pas faire deux heures sur le sujet.

Tu fais un bon article...un bon article où tu définis TON objectivité. Et ça se voit très vite puisque tu choisit une école. Tes analyses sont objectives pour toi, mais demeurent subjectives d'un point de vue extérieur.

Alors, tu reconnais que les autres écoles ne sont pas fausses mais ont juste des approches différentes. Donc, si tu ne les prends pas en compte, comment affirmer que tu es objectif ? Oui, tu l'es, mais encore une fois pour toi !

Alors, tu dis aussi que tu te réfère à cette école parce que tu n'a accès qu'aux textes. Ben heureusement qu'en science on ne prends pas en compte seulement ce que l'on a sous le pif parce que ce qu'on irait pas loin comme ça. Tu ne prends pas en compte certains éléments, tu le reconnais ? Alors comment affirmer que c'est de l'objectivité ?

Si l'auteur est bon, ses intentions se retrouvent facilement dans son texte. Ouaip...et si le lecteur est pas sensible au message ou passe totalement à côté parce qu'il n'a pas les bonnes références ? Et si j'applique cette règle, de ce que je peux en déduire de ton texte, tu veux faire passer Ton ressenti pour une règle générale. Mais tu vas me dire que je suis nul, à côté de la plaque que j'ai rien compris...mais je croyais que si l'auteur était bon, tout coulait de source, non ?

Pour en revenir au COURT extrait du texte que tu nous propose, explique moi à quel moment cela devient risible, parce que moi je suis à la ramasse là ! (mais je suis sûrement une pauvre tanche) Déjà, juger un texte sur 3 – 4 pauvres lignes, mais bon.... Après qu'il soit classique, sans originalité, bof, maladroit, sans talent ou je ne sais quoi...a la limite, je pourrai comprendre, mais risible ? Franchement, ça laisse un goût désagréable, un jugement fait, non pas sur le style, mais sur le sujet de l'histoire, et plus subjectif que ça !

Et puis, comment au final parler de règles quasiment graver dans le marbre quand même des produits officiels se contredisent l'un l'autre ? Comment vouloir mettre des règles, presque à la limite un dogme pour quelque chose de purement ludique ? C'est avant tout un plaisir, un amusement. Chacun à ses préférences et si on commence à parler de fics canons ou pas selon à quoi elles se réfèrent, ça peut aller loin ! Parce que si être objectif c'est de suivre un canon, franchement c'est pas terrible. Chacun à ses goûts, ses préférences...et malgré toute l'honnêteté possible, cela joue, ne serais-ce qu'inconsciemment. Alors affirmer que l'on peut être objectif...

Personnellement, je n'essaye même pas d'être objectif car c'est impossible, trop de paramètres entrent en jeux. J'essaye juste d'être le plus juste possible dans ma critique car je peux moi même me planter, je suis moi même faillible, je suis pas omniscient.

Pour finir, je paraphraserai une de tes tirades dans ta réponse à @Inobi : Cet article reflète ton opinion et je suis sûr que pour toi c'est objectif. Mais pour toi !
Modifié · Il y a 2 ans · Répondre
Brocco
Brocco : #35318
Un article très intéressant mais sur un sujet ô combien glissant. Comme @Inobi, je ne suis pas vraiment client de l’argument de l’objectivité possible. Pis, je m’en méfie un peu car j’ai l’impression (subjective) que, pour les plus malins, c’est un outil bien pratique pour maquiller un argumentaire fait au final plus d’arguments d’autorité que d’autre chose. Et c’est d’ailleurs un truc que j’ai parfois retrouvé dans cet article, mais j’y reviendrai ensuite.

Bon, comme Inobi, j’ai aussi un poil sauté au plafond sur la partie "scientifique" mais je pense que c’est plus un problème de formulation. Comme c’est écrit, tu sous-entends qu’un scientifique peut décider d’utiliser d’autres règles juste parce que youpla-boum-ce-matin-il-en-avait-envie. Certes, je pense que tu sais très bien comment cela marche réellement mais si l’on doit en suivre ta logique, seul le texte doit primer. Et là, il me fait tiquer même si on est de l’ordre du détail.

Non, pour aborder un point plus précis, j’ai beaucoup apprécié le point sur les trois écoles, ce qui me permet de mieux comprendre ton point de vue. Pourtant, il y a quand même un truc qui me dérange beaucoup : ok, nous avons grosso-modo trois écoles qui s’intéressent aux trois "variables" de la littérature (je sur-simplifie hein). Et là, ma question est la suivante : pourquoi aucune école ne réunit les trois variables ?

Je pense être capable de trouver moi-même la réponse à cette question : parce que c’est trop compliqué et trop "subjectif" (en effet, comment vraiment appréhender tout ce qui se passe dans la tête de l’auteur ET des lecteurs). Par conséquent, tu choisis la troisième école, ce qui a sa pertinence, mais cela signifie aussi que du coup, tu refuses de fait de prendre en compte deux variables majeures dans ton étude. Au mieux présupposes-tu (objectivement ?) que la variable "auteur" et la variable "texte" sont peu ou prou équivalentes. Rien que ça, je pense que cela doit faire un sacré débat.

Mais encore, comment toi, lecteur, arrive à te débarrasser de la variable "lecteur" dont tu représentes un sous-échantillon ? Car même si tu présentes ta démarche comme étant scientifique, voire "neutre", ce n’est pas ce que l’on voit dans ton texte. Qu’est ce qui te permet de définir objectivement que le "texte est en train d'empiler tous les poncifs éculés" ? Quel est l’outil d’analyse objectif qui permet de repérer et les poncifs éculés, et leur empilement ?

Que tu notes par exemple les répétitions est aisé, car on peut les voir selon une méthode relativement simple, en faisant par exemple un rapport entre le mot étudié et le nombre de mots total dans le paragraphe. Mais comment étudier une notion plus complexe comme celui du "concept éculé" qui tient lui plus du bagage culturel (subjectif) que de l’analyse neutre ?

De même, qu’est ce qui te permet objectivement de dire que "cette scène essaie tellement de faire snif qu'elle en fait rire" ? L’accumulation de "snif" apparemment "raté" mène donc forcément au rire et il est impossible de le ressentir de façon neutre ? Ou bien est-ce un biais dû à ta personnalité ? L’expérience m’a par exemple montré que tu as souvent tendance à prendre à la rigolade certains types de textes. J’ai donc l’impression d’avoir ici un gros "biais lecteur" plutôt qu’une analyse réellement objective du texte.

Enfin, on pourrait parler de l’échantillon en lui-même. Est-il pertinent d’analyser séparément un morceau de texte plutôt que son ensemble ? Si cet échantillon est représentatif de l’ensemble du texte pourquoi pas, mais dans ce cas il faut le démontrer, auquel cas il y a sinon un autre gros biais et donc un manque certain d’objectivité.

Bref, tout cela résume sans doute pourquoi je n’aime pas (subjectivement) du tout l’argument d’objectivité. Il y a trop de biais là-dedans pour que qui que ce soit puisse honnêtement se définir comme objectif, ou bien cela demande un sacré melon.

Personnellement, je préfère dire que "j’essaye de tendre vers l’objectivité", c’est-à-dire que j’ai essayé de diminuer au maximum les biais dans mon analyse mais que je ne nie pas qu’il en reste toujours. C’est au final bien plus proche de la démarche scientifique : même si l’on présente un résultat, on met aussi énormément en avant tous les défauts de la méthode utilisée pour y parvenir (limites de l’outil, paramètre non pris en compte, manque de connaissances, etc.).

Penser comme cela n’empêche pas la discussion. Mieux, au moins cela ouvre plus de possibilités de dialogue par rapport à quelqu’un qui se définira comme étant "100% objectif" et tendra donc à camper sur ses positions.
Il y a 2 ans · Répondre
Vuld
Vuld : #35316
@Inobi t'es un scientifique tu peux donner les réponses à tes propres questions.

Okay alors dans le désordre :
- Les autres écoles ne sont pas fausses, ce sont juste des approches différentes punaise, mec, sérieux quoi.
- À quoi j'ai le plus accès sur ce site ? Honnêtement ? Au texte.
- Les intentions de l'auteur si l'auteur est bon elles se retrouvent dans le texte.
- Ta définition de l'objectivité est mauvaise.
- Le texte.
Je reviens sur ces deux derniers points.

1. Quelle objectivité ? Qu'est-ce que tu appelles "qualité" ?
Du point de vue de la littérature, la qualité dépend du rapport "fond/forme". Du point de vue de la méthode, le fond c'est l'intention du texte, ce qu'il essaie de produire, et la forme c'est les effets du texte, ce qu'il produit. Si on arrive à retrouver l'intention du texte -> le fond correspond à la forme. Si les effets correspondent à l'intention -> la forme correspond au fond.
Et oui, ça signifie qu'un texte à l'intention triviale, du point de vue littéraire, peut être de qualité. C'est quand l'intention devient complexe, et donc difficile à transcrire, que le texte, littérairement, devient intéressant. C'est quantifiable en termes d'hypothèses de lecture (valides) et à nouveau, il faut que les effets arrivent à suivre.

Tout au plus tu es en train d'opposer sciences dures et sciences humaines, c'est ton opinion et je suis sûr que pour toi c'est objectif.

2. Qu'est-ce qui est mesurable à part le texte ?
Parce que des interprétations il peut y en avoir une infinité, et même pour un simple mot (théorie du prototype, contextualisation) l'effet pourra diverger. Si je te dis "chien" tu n'as déjà pas la même notion en tête que moi. Mais le fait, matériel, qu'il y a le mot "chien" d'écrit, ça, c'est mesurable. Et ça vaut pour tout le texte. C'est l'unique chose sur laquelle les gens peuvent s'entendre avant d'analyser.
À partir de là tu demandes seulement quelle est la validité des règles, et là je suis tenté de te répondre ~3'000 ans d'expérimentation.
On a des modèles scientifiques pour la grammaire (aka la syntaxe), comme pour le discours (aka macro-syntaxe), on a des modèles pour la communication et on a toute une tradition de figures de style. Les trucs qu'on raconte aux gosses genre la focalisation, tout ça, ce sont tous les outils d'analyse à disposition du littéraire !
C'est quoi cette question, "les éléments qualitatifs mesurables", c'est le texte bon sang ! Le texte ! C'est pas pour rien, à chaque fois que l'élève te sort une interprétation de nawak tu lui demandes où dans le texte il a vu ça. Et oui, une fois que tu as validé une hypothèse de lecture tu peux tout à fait juger de l'efficacité du texte par rapport à cette hypothèse.

Il en va de même si tu essaies d'étudier l'auteur et le lecteur. Pour rappel, on n'arrive toujours pas à lire les pensées. Tu n'as accès qu'à ce que l'auteur a dit, et lui-même ne sait probablement pas comment son texte fonctionne ou ce qu'il voulait vraiment. Tu as encore moins accès à un lecteur en général artificiel vu qu'on parle d'une masse de gens, on a déjà du mal à prédire comment les gens vont voter alors réussir à déterminer toutes les inférences qu'ils ont faites sur un texte ?!
Jusqu'à ce que tu puisses mettre un encéphalogramme sur la tête de l'écrivain et réussir à donner du sens à ce que la machine te renvoie, la méthode littéraire reste la plus fiable.

Et si tu es un foutu scientifique tu sais qu'une méthode est valide tant qu'une autre méthode n'a pas donné de meilleurs résultats.
Non mais je rêve...
Il y a 2 ans · Répondre
Inobi
Inobi : #35315
Je suis de formation scientifique, et le postulat de base de "choisir ses règles" me pose un problème pour parler d'objectivité.
Quelles sont les preuves que le système que tu utilise soit le plus approprié ? Quelles sont les raisons qui font que les deux autres méthode d'analyse ne soit pas utiliser ?
L'analyse du texte hors des intentions de l'auteurs me semble (et je suis subjectif) ignorer une partie de ce qui fait le texte.
De plus, quels sont les éléments qualitatifs mesurables qui permettent de juger de la qualité d'un texte ?

Je fais parti des gens qui pensent l'objectivité face à une oeuvre est impossible. Au delà des choses facilement mesurable, comme le respect des règles de grammaire et d'orthographe, la qualité ressenti d'un texte n'est pas quantifiable, car soumis à jugement.

Et j'aimerais savoir en quoi (2) est objectif ? Le terme "pourri" pour un jugement de valeur, et tu affirme cela sans aucune preuve. Quels sont les éléments qui font que cette affirmation est vraie ?

Et je ne peux pas accepter le "Donc oui. On peut être objectif." quand tout le texte demande d'accepter le "dans mon école" sans preuve que les autres écoles sont fausse et donc invalide.

PS : je n'ai pas pu être là pour le live, je travaillais.
Il y a 2 ans · Répondre
GhostPonyRider
Il y a 2 ans · Répondre

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Renard râleur, linguiste critique et correcteur, traducteur, littéraire et logicien.

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