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La distance. Aller aux commentaires
15 novembre 2014

Hi'.

Quand je suis arrivé sur MLP Fictions, mon premier article était pour dire que commenter sur le site était... compliqué. Je pensais à des questions abstraites mais de façon plus pratique, bêtement, il y a déjà que dans un commentaire on ne peut pas clairement citer des passages de texte.

Du coup, quand AuBe me fait remarquer que "Le Cours du siècle" aurait pu s'arrêter à la réplique de Celestia et que la dernière phrase ne sert à rien, et que pour lui répondre je devrais citer le texte à tout va, bah sans passer par un article ma réponse se résumerait à "oui, c'est vrai, c'est même ce que prévoyait le plan à la base". Autant dire que niveau discussion c'est un peu mort.

Alors qu'en fait, derrière cette question anodine (et la remarque de BroNie que bon, le rapport entre le texte et "le cours des choses" est pas évident), il y a tout un mécanisme littéraire.

Ouais, on va parler de la distance.

La distance c'est quoi ?

Imaginez le dialogue suivant :

"Applejack pense que tu es une tarte."
"Tu m'as traitée de tarte ?!"
"Ah non ! C'est Applejack qui le dit, c'est pas moi !"

On vient de se distancer des propos d'Applejack. Elle dit un truc et on signale bien que "c'est pas moi c'est elle !" La distance en gros c'est ça.

En apparence, la "distance" est l'ennemi juré de "l'identification". L'identification c'est quand le lecteur se met à la place de tel ou tel personnage. Il se met à interpréter l'histoire à travers le point de vue de ce personnage. Mais l'identification ne signifie pas que le lecteur approuve : c'est juste qu'on est en train d'avoir la version de ce personnage. Bêtement :

"Oui c't une tarte ! J'lui explique trois fois comment s'servir du harnais et elle arrive encore à m'l'endommager, j'suis désolée p'tit sucre mais y a pas moyen !"

Durant le court temps de cette réplique, le texte a voulu que vous vous identifiiez à Applejack. Vous la lisez et pour la lire vous devez adopter, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, son point de vue : endommager les harnais est une raison suffisante pour traiter les poneys de tartes. Et ensuite, si vous avez de la sympathie pour je sais pas mettons Dash allez (c'est la mort de l'originalité là) vous vous distancierez la seconde d'après.

En d'autres termes, on peut passer le texte entier à suivre Applejack qui s'entête à être fâchée contre Dash (le texte veut donc qu'on s'identifie à Applejack) tout en désapprouvant son attitude parce que c'est elle la tarte (le texte veut donc qu'on se distancie d'elle, et est totalement de bonne foi). Et si les tartes ne vous suffisent pas, pensez à Sombra : on vous met dans les sabots d'un despote sadique mais, du simple fait qu'on veut choquer, le texte vous dit "t'as vu c'est mal". Prise de distance. C'est la différence entre :

1a) Applejack était furieuse. Toutes ses copines étaient contre elle ! C'étaient toutes des tartes, se dit-elle en remontant le chemin de la ferme, la tête basse.

1b) Applejack était furieuse. Aucune de ses amies ne l'avait soutenue. Elle remontait seule le chemin de la ferme, avec un mauvais goût de trahison.

Dans les deux cas l'identification est la même : on a accès aux pensées d'AJ, on est avec elle sur le même chemin à faire exactement la même chose. Mais en (1a) on dit qu'elle a tort, t'as vu, même qu'elle baisse la tête, si c'est pas une preuve ça... et en (1b) on dit qu'elle a raison, t'as vu comme les autres sont méchantes, si c'est pas une preuve ça...

Oui. Le texte vous dit quoi penser. J'espère que vous vous en étiez rendu compte depuis le temps.

Prenons un exemple concret. Dans "Testing testing 1 2 3", au début on a Twilight qui veut faire la leçon à Rainbow Dash. Au bon sens du terme. La leçon tourne court et Dash se met à accuser Twilight d'être nulle. Twilight se défend et on est un peu d'accord parce que bon, c'est quand même Twilight qui a essayé de l'aider. Ou alors vous êtes du côté de Dash et vous vous dites que c'est Twilight qui sait pas expliquer. Ce que je peux comprendre. Ouais... je peux parfaitement comprendre. Ahem je reprends ! Ce qui m'intéresse, c'est qu'au plus fort de la dispute on a les deux juments face à face, à égale hauteur, à voix égale, et toutes deux interrompues par Fluttershy.

Yup. La mise en scène vous dit "elles ont tort toutes les deux". Et effectivement, à la fin on découvre qu'étudier c'est cool (t'avais tort Dash) mais qu'il faut savoir s'adapter (t'avais tort Twilight). Punaise que cet épisode est bien fait.

Inversement, dans FO:E il n'y a pas de prise de distance. LittlePip a raison ta gueule. Il y a même des poneys qui pleurent tellement qu'elle est gentille (authentique) et chaque fois qu'on la critique, pour les mauvaises raisons, c'est une excuse pour la glorifier. En fait, on lui donne même des états d'âme juste pour qu'elle paraisse encore plus "je poutre ta mère". Et c'est une volonté de l'auteur : que son personnage soit exemplaire. C'est fait exprès. Et c'est super, super, super super super super (...) SUPER énervant.

Bien.

Ce râlage passé, est-ce qu'on a compris ce qu'est la distance ?

La distance, ou "prise de distance", c'est donc ce que le texte vous dit d'approuver ou non. Tout comme Fluttershy vient voir Dash pour lui dire ce qu'a raconté Applejack, le texte vient vous raconter cette histoire et peut vous faire "c'est pas moi c'est l'histoire". C'est ce qu'en logique naturelle on appelle la "prise en charge", à qui on attribue le propos. Bref.

Maintenant qu'on sait ce que c'est, la question c'est : comment on la met en scène ?

Tout d'abord, choisissez qui le lecteur est censé approuver et qui il est censé désapprouver. Par exemple, dans "Le Cours du siècle" on voudra qu'il approuve la classe et qu'il désapprouve Celestia. Notre objectif à partir de désormais est de mettre le maximum de distance entre le lecteur et Celestia.

Pour cela, donc, déjà on abandonne le récit à la première personne. C'est bête mais c'était une option (penser à "Melodrama" par exemple). Mais ce n'est pas suffisant. On va carrément s'interdire d'accéder aux pensées de la princesse. On la regardera faire mais pas une fois, pas une seule fois on ne suggèrera même ce qu'elle pense. Alors que pour le reste des personnages ? Pas de problème !

2a) Cette idée fit rire Celestia. Elle secoua doucement la tête.

2b) « Mais c'est stupide ! » Grogna Ringabell. Elle en voulait moins à la princesse à présent qu'elle ne cherchait à prouver qu'elle avait raison.

Celestia rit. Pourquoi ? Okay elle désapprouve merci on sait, elle secoue la tête. Mais alors pourquoi elle rit ? Le texte ne vous le dira jamais. Jamais. Jamais ! Tu mourras sans jamais avoir la réponse ! Notamment parce que moi-même je ne suis pas bien sûr. Je sais que c'est lié à son vécu mais ce qu'elle a vécu exactement... eh.

Par contre, Ringabell pas de problème. Le grognement est expliqué de long en large, tu lis en elle comme dans un livre ouvert. Que ce soit Nitpick ou les écolières, tout est détaillé et ce sont même les seules pensées détaillées.

Car oui, à ce niveau-là d'autres personnages ont leurs pensées scellées.

Vous ne voyez pas lesquels ? Très bien. Je pense à deux personnages : la maire et la mascotte.

Ce n'est pas tout à fait vrai pour la maire : au départ on dit qu'elle rit de la naïveté de ses concitoyens. Mais on ne dit pas ce qu'elle sait (que Celestia visite fréquemment les poneys) et on ne peut le savoir que si on additionne deux et deux (Celestia connaît déjà Nitpick). Maintenant regardez ce passage :

2c) ... tandis que la maire allait saluer Celestia. Elle regarda la vieille jument plaisanter avec la princesse, supposa que c'était normal puis paniqua en voyant l'alicorne venir vers elle.

Comparez le comportement de la maire et de Nitpick. C'est le jour et la nuit ! La première va rencontrer Celestia et plaisante, la seconde panique quand Celestia vient vers elle. Ça dure tout juste une phrase mais l'opposition est complète. Or, on n'a accès qu'aux pensées de Nitpick. On sait pourquoi elle stresse. On ne sait pas pourquoi la maire, elle, est si détendue. On peut seulement s'en douter.

Mais si la maire est vieille (et sait donc des choses que les habitants ne savent pas), la mascotte (monsieur Kiwi) est une autre paire de manches.

Et là j'ai envie de dire que ça aurait peut-être été plus clair si, au lieu d'un lapin, j'avais utilisé un chat.

2d) Elle regarda du côté de la cage en verre où la mascotte, monsieur Kiwi, continuait de se rouler dans la paille pour faire disparaître l'odeur du savon.

2e) Elle s'arrêta devant la cage de monsieur Kiwi qui grignotait alors, insouciant, et qui cessa pour se tourner face à l'alicorne. Le lapin hésita, s'approcha et regarda le sabot posé contre le verre.

Je passe le moment où le lapin "ronronne". Ici encore, on nous dit qu'il veut faire disparaître l'odeur du savon mais c'est tout. Et quand Celestia vient le voir, le lapin hésite et regarde le sabot : qu'est-ce qu'il pense ? On n'en sait rien. Même Angel est plus facile à décoder.

Il y a donc, dans "Le Cours du siècle", tout un jeu déjà au niveau de l'accès aux pensées. Il y a ceux qu'on peut comprendre et ceux qui sont mis à distance, qui ont leur monde à eux, loin du nôtre, qui sont mis en scène comme des étrangers.

Bien.

C'était une technique pour la mise à distance. Quelle autre technique on pourrait avoir ?

Le discours.

Tout comme le narration peut être à la première ou à la troisième personne, tout comme la narration peut avoir accès à telle pensée et pas à telle autre, la narration vous rapporte le discours des personnages. Et le discours peut être plus ou moins indirect.

Cela signifie que, pour mettre de la distance entre nous et le discours du poney, on pourrait simplement choisir le discours indirect.

2c) ... tandis que la maire allait saluer Celestia. Elle regarda la vieille jument plaisanter avec la princesse, supposa que c'était normal puis paniqua en voyant l'alicorne venir vers elle.

Que se sont dites la maire et la princesse ? Vous ne le saurez jamais. On vous dit juste qu'elles "plaisantent" et c'est tout. Plus indirect, comme discours, c'est difficile. Et donc oui, c'est une mise à distance. Mais pour l'essentiel, "Le Cours du siècle" fait le choix de quasiment tout mettre au discours direct. Du coup, la mise à distance au travers du discours est plus... subtile.

3a) « Les bébés naissent dans les choux. Le chou cherche ce qu'il y a de meilleur dans la terre et l'accumule en son coeur… »
Un poids de déception s'abattit sur la pouliche...

Ici on entend parler Celestia, puis soudain points de suspension et vous ne saurez jamais la suite. Naturellement vous vous êtes dit "ouais mais non c'était juste que son discours était trop long" et il y a de ça, mais c'est aussi que la pouliche a arrêté d'écouter. Et vous aussi, par la même occasion. Si vous regardez bien, plus tard on n'a pas peur des pavés.

Autre exemple ?

3b) « Je crois qu'il serait temp- »
Elle fut coupée.
La princesse l'avait arrêtée et lui offrait un regard à l'amabilité infinie.

La technique est la même. Nitpick dit quelque chose et se fait couper par Celestia. Traduction : Celestia désapprouve. Et comme le texte a laissé Nitpick se faire couper, le texte désapprouve également.

Disons les choses autrement : il y a un temps de parole, et en règle général celui qui parle le plus est celui qu'on favorise. Repensez aux débats minutés. Cela dit, on peut inverser la technique, et c'est ce que fait "Le Cours du siècle" : noyer la parole pour rendre le propos inintelligible. Vous ne voyez pas ? Le "tl;dr" ("too long; didn't read" -> "trop long ; pas lu"). Le personnage est libre de parler abondamment, un peu comme un poisson est libre de se débattre dans son filet. On le regarde s'enfoncer un peu plus.

3c) C'était tellement insensé que les petites ne savaient plus quoi dire.

C'est comme dans un débat, quand l'autre a tellement tort que c'est même plus la peine d'argumenter. Le type te fait un pavé de trois pages et toi tu te facehoof parce que la quantité changera rien au fait qu'il a tort. Parce qu'il a tort, hein, précisons-le. C'est mon exemple je fais ce que je veux.

Donc.

D'un côté on ne donne accès qu'aux pensées de la classe.

De l'autre on joue sur le discours pour décrédibiliser la parole de Celestia.

Si on additionnait les deux ?

Dit autrement, qui approuve Celestia ? Pour Nitpick c'est clair et net : jusqu'au dernier mot elle ne l'envisage même pas. Pour la classe ce l'est relativement aussi : on passe la majorité du texte à démontrer qu'elle a tort. Mais un mouvement se fait à la fin où elles jouent le jeu de la princesse, et où le discours offre des répliques égales, qui s'enchaînent, jusqu'à ce que la question de Ringabell fasse tout dérailler. Même alors, le raisonnement du texte est le suivant : ce sont des écolières, des petites. Elles sont naïves. Pas pour rien que Punchline est là.

Il n'y a, en fait, qu'un seul personnage qui approuve vraiment, et c'est le seul personnage dont on peut supposer qu'il se fiche complètement de la discussion. C'est monsieur Kiwi. De "circonspect", on pourrait dire, tête penchée, le lapin passe soudainement à un ronronnement improbable sous les caresses de Celestia. C'est la seule fois de tout le texte où le texte prendra le parti de Celestia.

Le reste du temps, le schéma c'est : "Celestia parle", "la narration désapprouve". À chaque fois que Celestia dit quelque chose, la narration qui suit est censée dire à quel point c'est absurde. Je vous rapporte à (3c), mais l'exemple le plus parlant est... la dernière phrase.

Si vous avez suivi ce qui précède, un enjeu du texte est le droit à la parole. Pas seulement la possibilité pour les personnages de parler, mais le crédit qu'on apporte à leur discours.

Si le texte s'arrêtait à la dernière réplique alors cette réplique aurait du poids. On serait obligé d'écouter Celestia parce que rien ne viendrait contrecarrer son discours. Elle aurait, littéralement, "le dernier mot". Et, on l'a vu, le texte s'acharne à faire exactement le contraire. Donc on répète le schéma. Celestia dit quelque chose ? On va narrer à quel point non c'est faux, et suggérer que la toiture a du mou. Avec du discours indirect, question de bien dire qu'on a arrêté d'écouter. Le dernier mot, c'est Nitpick qui l'a, et c'est "sénile".

Vala'.

Je te laisse imaginer de répondre ça dans un commentaire, sans la mise en page d'un article. Bonne chance.

"Le Cours du siècle" prend parti contre Celestia. Tout vous dit de ne pas la croire, toute la mise en scène est faite pour la discréditer, à commencer par la réponse elle-même. C'est ce qui a cours dans ce texte. C'est comme ça qu'il fonctionne. Et pour la discréditer il y a tout un enjeu quant au droit de parole. À la fin, désolé de reformuler, Nitpick lui dit "ta gueule", de façon très polie mais en gros c'est ça. Et si vous regardez bien, même Celestia a ses moments de silence :

4) Les poneys n'en mangent pas assez pour atteindre la petite. Et puis… »
Elle se tut.

Qu'est-ce qu'elle allait ajouter. Eh bien, en gros, que s'il y a trop de feuilles, la petite en grandissant va manquer d'oxygène. Et que donc, dans les choux trop gros, il y a des petites pouliches mortes. Je te laisse imaginer l'ambiance si elle avait expliqué ça.

Ce qui m'intéresse, dans ce texte, c'est qu'il n'y a pas de censure. Si Celestia veut dire un truc, c'est la dirigeante d'Equestria, elle peut. Mais quoi qu'elle dise, on ne l'écoutera pas. Et c'est elle-même qui, à la fin, au lieu de maintenir sa position cède soudain et avoue avoir raconté nawak. Oublions même de savoir qui a tort ou raison (rappelez-vous : Celestia a tort). Ça n'a jamais empêché celui qui avait tort de s'entêter, bien au contraire. Alors pourquoi Celestia cède ?

Pourquoi est-ce qu'elle ne cède pas dès le départ ?

Et là, il faut revenir à (2c) :

2c) ... tandis que la maire allait saluer Celestia. Elle regarda la vieille jument plaisanter avec la princesse, supposa que c'était normal puis paniqua en voyant l'alicorne venir vers elle.

Cet article parle de distance, alors quelle est la distance entre Celestia et la vieille jument ? La maire vient la saluer, elles plaisantent, bonnes copines ! Quelle est la distance entre Celestia et Nitpick ? C'est carrément la panique quand elle essaie de l'approcher. C'est dû au stress, c'est dû au rang, Nitpick met de la distance entre la princesse et elle, "simple professeure de bourgade paumée". Comparez :

5a) Elle lui sourit, enchantée.
« Nitpick, c'est un plaisir de te revoir. » Se réjouit la princesse.

5b) Celestia sourit aimablement et hocha la tête...

Celestia arrive en mode keupine, elle tutoie, elle retrouve une vieille jeune amie, c'est limite si elle n'apporte pas le pack de bières avec elle. Nitpick lui impose une fin de non-recevoir et on passe à (5b) : Celestia se tait, se contente de hocher la tête et reprend son rôle de princesse.

Ce n'est pas la seule fois dans le texte où Celestia joue à ça. Dès qu'elle entre dans la classe, elle parle aux écolières, et le texte insiste maladroitement là-dessus :

5c) Demanda-t-elle, amicale, mais vraiment amicale, avec le même ton qu'elle employait auprès de la professeure.

Ce que le texte cherche à dire, ici, est qu'elle s'adresse aux écolières comme à des égales. Elle cherche, là encore, à abattre la distance, à "se rapprocher" d'elles, quitte à se promener parmi les bancs. Et rebelote avec monsieur Kiwi. Elle passe la moitié du texte à vouloir gagner la cage pour aller caresser le lapin. C'est une lecture assez littérale de la "distance" : c'est la Celestia de "Melodrama", elle veut être proche des poneys. Elle est programmée génétiquement pour ça.

C'est pour ça qu'elle va voir les poneys dans leurs villages, c'est pour ça qu'elle accepte de dire ce qu'elle pense devant une classe et que quand Ringabell, qui se sent trahie par une amie, lui dit qu'elle a tort, elle a cette réaction :

5d) Celestia s'arrêta, surprise, presque choquée, et se renfrogna. Pour la classe, pour l'enseignante, pour la petite foule dehors qui essayait de guigner aux fenêtres, ce froncement ne signifiait pas grand-chose...

Qu'elle ait raison ou tort, Celestia est en train de se confier. Pourquoi est-ce que la réaction de Ringabell ne s'appliquerait pas à la princesse ? Parce que c'est une princesse ? Parce que c'est une adulte ? Ce n'est pas parce que le texte ne donne pas accès aux sentiments de Celestia que cette dernière n'en a pas !

Derrière l'histoire absurde, derrière la question du préjugé (au sens de "juger avant d'avoir entendu l'autre"), derrière les luttes pour la parole il y a simplement l'enjeu d'une alicorne qui essaie de se rapprocher des poneys, mode "Grand Galloping Gala" et qui supporte que ceux-ci la confinent dans un palais (premier paragraphe du texte) mais qui pète soudain un câble quand une pouliche lui refuse un répit. C'est l'histoire d'une jument qui n'est qu'une jument.

Et à ce titre, si le texte se finissait sur sa réplique, alors le lecteur finirait tellement proche de Celestia qu'elle serait quasiment en train de lui parler dans le creux de l'oreille. Une phrase plus tard, non seulement elle est partie (comme son absence au départ) et remise dans le moule du "les princesses vivent dans les palais" mais surtout elle repart seule. Ouais vous vous êtiez en train d'écouter Nitpick alors vous avez raté ce détail banal, normal : elle repart seule.

Donc.

Je résume parce que tl;dr.

La (mise à) distance c'est le texte qui dit au lecteur "untel a raison, untel a tort" et qui le pousse dans ce sens. C'est le texte qui se distancie de tel ou tel personnage, de ce qu'il fait, dit, pense.

Il y a une tonne de manières de mettre en scène la (mise à) distance. Le type de narration, le type de discours... qui on laisse parler, qui on écoute... il y a juste trop de techniques pour toutes les passer en revue.

Mais la (mise à) distance couvre beaucoup d'autres aspects, dont la distance entre les personnages, leurs relations. Et parfois, un texte peut s'intéresser à la façon dont les poneys mettent à l'écart une jument (et son discours), pas par méchanceté, juste parce que c'est ainsi que vont les choses.

Je sais, c'est un pavé, mais quitte à faire un article autant être aussi complet que possible. J'espère avoir répondu à la question et que ce soit le cas ou non, fanficers,
à vos plumes !

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Vuld
Vuld : #7697
@AuBe Pas gratuit. Littéraire. C'pas pareil.
Oui on pourrait mettre un point. J'ai essayé. Mais "étrangement" ça ne passe pas. Quelque chose comme :

"... de remonter sur son char et quand celui-ci eut disparu, Nitpick restée devant l'école se... à craindre que la princesse ne soit sénile."

Je ne peux pas m'y résoudre (et je n'élaborerai pas tout ce pan-là du texte). Mais je note. Si c'est bancal, c'est bancal, c'est juste que tant que je ne verrai pas comment mieux reformuler la même chose, je ne changerai pas.
Il y a 3 ans · Répondre
AuBe
AuBe : #7691
__________________________________________________
- il y a 5 actions à la suite avant même Nitpick, ce peut être trop
- on voit mal le rapport entre tout cela et la crainte de Nitpick
Ces deux derniers points peuvent se résumer en un seul. La phrase conclut à la pensée de Nitpick mais les deux tiers n'y contribuent pas. On pourrait faire... on pourrait... faire...
...
Okay je sèche.
__________________________________________________

On pourrait mettre un point. ^^

Comme tu l'a souligné, la dernière phrase est scindée en deux tiers de Celestia et un tiers de Nitpick, avec la partie Nitpick qui clôt le texte.
Sauf que.
A la dernière réplique de Celestia, le lecteur comprend confusément qu'il vient de lire une information importante, impression renforcée par le fait que cette phrase est le résumé de la fic.
À ce moment-là, le lecteur bascule du côté de Celestia (parce qu'on veut encore y croire même si le texte est d'un autre avis depuis le début) – et c'est d'autant plus facile que le début de la phrase a Celestia comme sujet actif (« Elle lui dit encore au revoir, salua la maire et prit le temps de le faire pour deux autres poneys dans la foule avant de remonter sur son char »).
La deuxième partie nous dit que non, on est bien dans les pensées de Nitpick, et que ce sont ces derniers mots qui sont importants. Sauf qu'ils sont montés avec un participe présent et donc dépendants de la partie avec Celestia.
Et donc la phrase apparaît bancale, parce que la partie dont le sens te dit qu'elle est la plus importante (les pensées de Nitpick) est construite d'une façon qui signifie qu'elle est moins importante (participe présent dépendant du sujet/verbe correspondant à Celestia).
(et je ne sais pas si je suis claire, j'avais fait un argumentaire plus lisible il y a cinq minutes mais internet l'a mangé)

Du coup, si on met un point après « char », et qu'on fait une deuxième phrase avec « Celestia rentre à Canterlot » et « Nitpick pense que la princesse est sénile », peut-être que ça rééquilibrerait un tantinet.

Mais je reconnais que c'est du pinaillage gratuit.
Il y a 3 ans · Répondre
Vuld
Vuld : #7660
Si c'est une question purement formelle alors :

"Elle lui dit encore au revoir, salua la maire et prit le temps de le faire pour deux autres poneys dans la foule avant de remonter sur son char qui reprit le chemin de Canterlot, laissant Nitpick craindre que la princesse ne soit sénile."

On peut identifier 3 à 4 problèmes :
- "dans la foule" peut être de trop
- "remonter" et "reprit" répète la même syllabe au début
- il y a 5 actions à la suite avant même Nitpick, ce peut être trop
- on voit mal le rapport entre tout cela et la crainte de Nitpick
Ces deux derniers points peuvent se résumer en un seul. La phrase conclut à la pensée de Nitpick mais les deux tiers n'y contribuent pas. On pourrait faire... on pourrait... faire...
...
Okay je sèche.
"Dans la foule" est important et "deux/dans" explique ce choix. Le "re-" s'avère nécessaire, j'ai pu louper un verbe mais après m'être fait la liste ce sont ceux-là qu'il faut. Clairement le problème se situe à "qui reprit le chemin de Canterlot" mais je ne vois pas comment reformuler.
Et même à la fin, clarifier le rapport ne semble pas avisé.

C'est difficile de résumer exactement ce qui s'est passé dans la tête de Nitpick mais deux choses :
- Celestia agit dans cette phrase comme au départ avec la maire, signal pour Nitpick que rien n'a changé (ça invalide le "j'ai menti" de Celestia)
- Tant que Celestia est présente, Nitpick pense trop au respect dû au rang pour vraiment penser à mal. Elle lui cherche des excuses ou ne comprend juste pas. Une fois Celestia partie seulement la prof' peut librement conclure à la perte de neurones.
Autrement dit c'est vraiment le fait que le char emporte la princesse qui fait conclure ça à Nitpick, et pas juste tout ce qui a précédé. Il y a bien un lien logique, mais caché.

Alors oui, je comprends que la phrase soit mal faite, il y en a un paquet d'autres (j'en ai cité une) qui mériteraient d'être réécrites. Mais là en l'état, difficile de vraiment y retoucher vis-à-vis des intentions d'écriture.
Il y a 3 ans · Répondre
AuBe
AuBe : #7650
En réalité mon lapin, hum, renard, ma réflexion initiale était la suivante : "Cette dernière phrase se termine par le mot "sénile" et clôt le texte sur une note négative pour la princesse Celestia, ce n'est certainement pas un hasard."
Effectivement non, mais je n'étais pas sûre d'obtenir un aussi long article si j'avais dit ça dès le départ. Quoi que. (tu es très bavard, toi, pas vrai ?)

Néanmoins je maintiens. Distance ou non, je trouve que la phrase a un problème de rythme (et d'esthétisme, sans que je puisse clairement expliquer pourquoi, c'est subjectif), ce qui fait tomber la conclusion un peu à plat.
Il y a 3 ans · Répondre

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Le cours du siècle

À propos

Renard râleur, linguiste critique et correcteur, traducteur, littéraire et logicien.

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