Hi'.
Dans un éclair de lucidité, je viens de réaliser que le principal problème des fics', c'est que des gens les lisent. Et je vais arrêter cette blague là sinon quelqu'un risque de croire que je suis sérieux.
Non non.
En fait, récemment je suis devenu disciple de Luna, plus qu'avant, et j'ai passé quelques nuits à dessiner sur ma tablette pas du tout faite pour ça. Et si en écriture c'est moi qui ai écrit la Bible, en dessin je n'en suis encore qu'à donner des leçons à Léonard de Vinci. Et parce que je ne suis pas du tout narcissique, une fois un dessin accompli je passe en général minimum dix minutes à ne plus rien faire d'autre que de regarder l'image sur mon écran. Notamment parce que je suis trop épuisé pour m'en rendre compte.
C'est durant l'une de ces contemplations intenses, à repasser dans ma liste la tê- dan sm... fatigue. À repasser dans ma tête la liste de tout ce qui ne va pas -- ouais ouais dix minutes -- que je me suis dit "en fait le principal problème c'est ça", tel détail parmi un millier d'autres.
Pourquoi celui-là ?
Parce que c'est le problème le plus visible, d'une part, donc le plus dommageable pour le dessin en général ; et parce que c'est aussi celui que je serais le plus à même de corriger.
C'est le principe du "stade de développement".
Tous les pédagogues connaissent ça. C'est l'idée que l'élève, écolier, étudiant, apprenti, c'que-tu-veux, en est à un certain stade de développement. Il maîtrise certaines techniques, il en découvre quelques autres et pour tout le reste c'est mort. L'idée est d'évaluer le stade auquel se trouve on va dire le fanficer, et de ne se concentrer que sur les techniques qu'il découvre. Parce que celles qu'il maîtrise bah pas besoin d'y revenir... et celles qu'il ne connaît même pas, il ne risque pas de les comprendre.
Ce qui nous amène à la critique.
Une critique peut être subjective : on se contente de donner notre avis de lecteur. Et, positive ou négative, cette critique est bonne à prendre. Surtout si elle est argumentée, mais eh. Cela dit, la plupart des gens qui critiquent ont pour but d'aider l'auteur à s'améliorer. Notamment en lui montrant ce qui ne va pas, et quand tout va bien, ce qui pourrait être mieux. Le risque étant qu'en se concentrant là-dessus, le type en face le prenne mal. Surtout quand derrière vous aimez pas la fic'.
Une première technique pour éviter ça est la technique du "oui mais". Riez pas, j'ai mis plus d'un an et des poneys à la mettre au point. C'est en fait un code social qu'on acquiert en général minimum à l'adolescence et qui montre que je devrais sortir plus souvent.
Si on se contente de dire ce qui ne va pas, ça donne l'impression que tout va mal. Comme aux informations, en fait. C'est un phénomène psychologique naturel blablabla... l'homme a tendance à voir le verre à moitié vide et on doit faire avec. Au moment de dire ce qui ne va pas, donc, il faut rappeler à l'auteur que son texte est bien. Sauf s'il n'est pas bien. Une critique est donc en général structurée en "J'ai trouvé tout ça bien mais il y a ça... mais dans l'absolu ça reste bien". On perd beaucoup de temps à dire des évidences mais on a évité un malentendu, yay.
Maintenant, comme on est des poneys, la partie qui nous intéresse c'est le "mais".
Dans une critique subjective, où on se contente de dire pourquoi on aime / on n'aime pas, l'objectif est d'empiler la liste exhaustive de tout ce qui nous passe par la tête. Genre "j'aime pas les fics' au présent" ou "c'est nul Twilight a pas d'ailes" et autres raisons tout à fait valables. Parce qu'argument Moon.
Une critique objective, cependant, ne peut pas se permettre ça.
Déjà parce que ça prendrait trop de temps...
Mais surtout parce que l'auteur ne peut ni aborder tous les problèmes à la fois, ni aborder tous les problèmes tout court.
Prenons une fic' que j'aime. "Le Manoir". C'est une fic' que personnellement j'apprécie (pour son ambiance, ses personnages et l'originalité de traitement d'une intrigue autrement assez... classique) mais, c'est indéniable, ça reste un texte "de débutant".
... Okay le Manoir n'est pas encore sur MLP Fictions, espérons que ce sera vite corrigé.
Là j'ai choisi de donner le lien du GoogleDoc, qui a deux chapitres de retard, donc on ouvre le chapitre 7 et qu'est-ce qu'on voit ? Que la mise en page n'est pas justifiée est qu'il n'y a pas d'espace entre les paragraphes (et répliques). Ça et la taille du chapitre mais passons.
À la lecture simplement de la première demi-page, voire du premier paragraphe, quelqu'un pourra-t-il deviner où Derpyna devrait s'améliorer ?
Si vous avez répondu "partout", vous n'êtes pas critique.
Comme on l'a dit, l'auteur a un "stade de développement". La première étape est donc d'évaluer ce stade. Et ce n'est pas facile du tout, parce que la seule chose qu'on a pour faire cette évaluation, c'est... ben le texte.
Un exemple de technique que Derpyna maîtrise, c'est l'unité. Cela va vous sembler bête mais son premier paragraphe ne traite que d'un seul objet : la rencontre avec Maud. Plus précisément, ce que voient les deux autres juments. Oui je sous-entend que vous avez ouvert le GoogleDoc, chapitre 7, et que vous avez l'exemple sous les yeux. Et oui, c'est une excuse pour vous faire découvrir un peu cette fic'. Arrêtez de râler.
L'unité n'est pas quelque chose d'évident. Beaucoup de débutants ne comprennent pas l'utilité des paragraphes, autre que de "faire joli". Ici, chaque phrase du paragraphe participe au tout (ce regard sur Maud) et offre une progression de phrase en phrase : elle apparaît ; on décrit son pelage ; on décrit ses habits ; on décrit son expression. Puis on décrit la réaction des deux juments, et leur regard. L'ensemble du paragraphe nous a donc mis dans les sabots de ces deux juments, nous a fait vivre la rencontre selon leur point de vue. Et ça, quand on débute, c'est dur.
Un exemple de technique que Derpyna ne maîtrise pas, c'est l'enchâssement de phrases. Je n'ai pas vraiment de termes pour ça mais si vous regardez bien, toutes les phrases sont simples, en mode "sujet - verbe - complément", avec très peu de variation.
Le résultat est une narration assez monotone (monotonie brisée par l'ambiance, hein), répétitive dans sa structure. Essayons d'enchâsser les phrases :
La mystérieuse jument s'avance lentement jusqu'à apparaître dans la pâleur lunaire, par les fenêtres (...) Sa petite robe bleue tranchée pâlit moins que sa coiffure améthyste et que le gris de son crin. Même son regard turquoise reste indéchiffrable et sans expression, si bien que face à elle Derpy et Lyra restent figées. (...)
On dit la même chose de façon plus compliquée.
Alors bien sûr, Derpyna peut faire compliqué. N'importe qui le peut. Mais ce n'est pas le but. Il faudrait tout un article pour expliquer ce qu'on a fait là mais en gros, on a effectivement "enchâssé" les phrases, on les a mélangées afin de rebondir de l'une à l'autre. J'ai du mal à le résumer ici alors imaginer ce que ce doit être pour un débutant. À la lecture du texte, je pense que l'auteure du Manoir ne maîtrise pas ça.
Et lui demander de maîtriser ça serait "trop demander". Comme demander à un écolier de me coder tout seul Half Life 3, moteur de jeu compris, d'ici à Noël. Ou me demander de faire des traits expressifs en dessin.
L'idée est celle du "nain sur l'épaule d'un géant". On apprend des techniques et ce sont ces techniques qui permettent de passer à l'étape suivante. Là, Derpyna ne saurait même pas par où commencer pour tenter d'enchâsser les phrases. Exiger ça d'elle serait stupide.
Et en plus ça pourrait démolir l'ambiance.
Non ça ce sera pour plus tard. Et Derpyna est la preuve que ce plus tard arrive. Avant le Manoir, elle a écrit Cauchemar (non pas celui-là, l'autre) et vous savez quand je parlais d'unité ? Ben paf. Au début de Cauchemar, l'unité n'était pas maîtrisée, ni les transitions, ni... wow la liste est longue. À la fin de Cauchemar, tout ça était maîtrisé et appliqué pour le premier chapitre du Manoir.
Allez voir ce premier chapitre, premier paragraphe : vous ne notez rien ? Bah l'unité n'est pas respectée. On a un seul paragraphe pour deux objets différents ("la journée est belle" et "Derpy voit un nuage"). Yup, Derpyna a maîtrisé l'unité en cours de route. Et ce n'est pas tout. Dans ce premier chapitre, on a toute une mise en scène, avec annonce du nuage, relance, etc... pour avoir vu le premier brouillon de ce chapitre, cette mise en scène n'y était pas. Derpyna l'a apprise avec cette fic'.
La courbe de progression de Derpyna est une véritable flèche montante.
...
Oooookay j'ai un peu dévié du sujet.
On a identifié une technique que l'auteure maîtrise : inutile de revenir dessus (à part pour la partie "oui" du "oui mais"). On a identifié une technique que l'auteure ne maîtrise pas : inutile de la mentionner (à part pour troller), elle y peut rien.
La fic' nous dit à quel stade se trouve le fanficer, et une fois qu'on a déterminé le stade, il nous reste les techniques que l'auteur est en train d'apprendre, mais qu'il ne maîtrise pas bien.
Alors, pendant que je parlais, vous avez deviné quelle technique Derpyna devrait tenter de maîtriser maintenant ?
Chacun son avis, voici le mien.
Pendant la demi-page de ce début de chapitre sept, le manoir lui-même n'est jamais décrit. On a les trois personnages mais aucune mention du lieu où elles se trouvent, du décor. Maud apparaît "dans la lumière de la lune" comme si elles étaient en plein air. En arrière-fond, donc, on sait juste qu'il fait nuit.
Ce que Derpyna fait juste, c'est de se concentrer sur ce qui importe. Ici, en l'occurrence, les personnages. Mais même alors, il faut rappeler constamment au lecteur où on se trouve, poser et reposer le décor, et l'exploiter. Si vous regardez mon exemple pour "l'enchâssement des phrases", j'ai utilisé le mot "fenêtres". Rien que cela rappelle aux gens qu'on est dans une maison. Et pour un huis clos, bah... c'est un peu utile.
On en arrive au titre de cet article.
Quand je critique, je soulève souvent plusieurs problèmes. Il m'arrive alors de dire "mais ça c'est accessoire" ou "c'est un détail mais"... Ce n'est pas pour faire joli. C'est vraiment que certaines choses méritent plus d'attention que d'autres.
Jusqu'alors mon critère était ce qui nuisait le plus au texte. En bref, le défaut que j'avais le plus remarqué, qui était revenu le plus souvent. Par exemple le manque de ponification d'Humanity Online ou les participes présents du Village.
Mais, quand je joue les relecteurs, mon critère est plutôt "là où tu as le plus de chances de t'améliorer". Dans le cas du Manoir, Derpyna sait faire des descriptions et de la mise en scène, il faut juste qu'elle porte un peu d'attention au décor. Ce n'est pas évident mais c'est dans sa "zone proximale de développement", elle en est à ce stade.
Dans un cas comme dans l'autres, quand on critique une fic', je m'aperçois qu'il y a en général un problème qui prime sur tous les autres. Le plus important, la priorité. Le problème qui occupe la moitié de la critique, le problème sur lequel on insiste bien en conclusion de message. Donc pour les gens qui veulent jouer à la critique "objective" (autant que possible), le moule pourrait ressembler un peu à ça :
Oui... (ce qui va dans la fic', deux-trois choses) mais... (ce qui ne va pas, deux-trois choses)
1) J'ai lu (ou pas) et aimé (ou pas)
2) J'ai trouvé que ça ça ça allait bien
2.1) Mettre en avant UN point fort de la fic'
3) Mais...
4) J'ai trouvé que ça ça ça n'allait pas
4.1) Mettre en avant UN point faible de la fic'
4.2) Tenter de voir comment améliorer ça
5) Donc...
6) Insister sur le plus important (ce qu'on a mis en avant)
Une bonne critique se doit de tenir compte du niveau de l'auteur en face. Ne pas lui mentir, ne pas avoir peur d'avoir une opinion non plus... et s'il n'y a rien à dire, ne rien dire, aussi. Mais au moment de signaler des pistes d'amélioration (aka des problèmes), n'oublier ni de rassurer l'auteur sur son niveau ni de tenir compte dudit niveau de l'auteur.
Non que ça vous soit très utile mais j'avais envie d'en parler, maintenant vous m'excuserez je dois retourner contempler mes dessins dix minutes de plus, je vous souhaite bonne nuit à vous et, fanficers,
à vos plumes !
L'article a été visualisé 569 fois depuis sa publication le 10 décembre 2014. Celui-ci possède 14 commentaires.
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Comme Vuld par ailleurs, autant c'est louable de vouloir donner des conseilles, mais venant de la part d'un type adulé par plein de gens qui ne sait que renvoyer que du caca quand il s'agit de commenter les autres, ne donne aucune estime etc... Ça passe mal. Et je commence même à me dire que tout ça n'est qu'une histoire d’égocentrisme (aucun coup de coeur, abonné à personne...).
Mais il faut que ça reste du domaine du conseil, et non pas de la moquerie, c'est un outil donc Vuld a bien fait mais encore faut-il que les gens en usent à bon escient.