Hi'.
Voilà une semaine que je replanche sur Icorne, pour réécrire les passages qui me bloquaient (sans surprise, un dialogue) et à présent que c'est fait j'arrive doucement au bout du premier quintile du premier chapitre de la première partie ouais ce texte va être long.
Durant cette énième réécriture je me suis rendu compte à quel point je me reposais sur la présupposition pour produire mes effets et donc même si je sais que parler des dialogues (et comment les rendre aussi crédibles que vivants) serait la priorité, j'ai envie de discuter plutôt de ça.
En commençant en douceur par ce passage :
« Oh, Blueblood, c'est si mignon ! Mais ce sont juste des ornements. Plus aucun poney n'y prête d'attention. »
« Oui. » Gronda mon neveu. « Même plus vous. »
J'avais du mal à conserver mon sourire après cette gifle.
Les deux répliques ne sont là que pour le contexte. Celestia fait sa Celestia, Blueblood fait son Blueblood : c'est la dernière phrase qui m'intéresse. Et pour ça je vais devoir vous parler de pragmatique.
Dans le langage, il y a ce qui est dit explicitement, noir sur blanc, genre "la pierre est bleu" signifie que la pierre est bleue.
Mais à côté de ça il y a aussi, et constamment, énormément de non-dit, d'implicite. Typiquement : "j'ai vu ton amante sur le trottoir" en dit un peu plus que juste le fait d'avoir rencontré une personne familière. On sépare cette information supplémentaire en trois catégories :
- L'implication : c'est juste une conclusion nécessaire et absolue. Impossible de la nier. L'exemple canonique est "Rarity a tué Tom" qui implique que Tom est mort. Il est mort. Il ne va pas revenir dans trois épisodes il est mort. L'implication est aussi forte que si on l'avait dite explicitement. Dans le cas de l'amante, le mot "trottoir" implique qu'ils étaient en extérieur. À moins qu'il y ait des trottoirs dans les maisons ?
- L'implicature : c'est une conclusion qui n'est pas nécessaire. C'en est une parmi une infinité, qui peut être niée. L'exemple canonique est "il pleut" qui peut signifier par exemple qu'on n'ira pas pique-niquer. Dans le cas de l'amante, "j'ai vu" peut signifier "j'ai parlé à" mais ce n'est pas nécessaire, on peut se tromper en le supposant.
- La présupposition : ce n'est pas une conclusion. C'est une information nécessaire pour que ce qui est dit soit vrai. L'exemple canonique est "tu veux prendre quel nounours pour aller chez mémé ?" pour dire à un enfant qu'il va aller chez mémé. Dans le cas de l'amante, bêtement, pour qu'on puisse dire "j'ai vu ton amante" il faut que "tu" aie une amante. Si on nie la présupposition, on nie ce qui est dit (et on traite l'autre de menteur).
Ce sont là, normalement, les trois moyens de sous-entendre quelque chose dans un texte. Celui qui m'intéresse est la présupposition parce que, comme l'exemple le montre, elle permet de sous-entendre des choses parfois énormes et pleines de conséquences. Soyons clairs là en ce moment y a un gars qu'est en train de passer un mauvais quart d'heure (pour dire le moins).
La présupposition permet de forcer la personne en face, dans notre cas le lecteur, à accepter des choses qu'il pourrait autrement nier. On court-circuite son raisonnement parce que, pour comprendre la phrase, il doit d'abord supposer l'information vraie. L'information vraie lui permet d'interpréter la phrase et à ce stade il est mis devant le fait accompli. À noter que l'implicature, elle aussi force un peu le lecteur. Mais plutôt que de le mettre devant le fait accompli, l'implicature veut que ce soit "lui" qui en vienne à cette conclusion. Pourquoi ? Parce que si la conclusion vient de lui elle n'en sera que plus forte. "Eh, c'est toi qui l'a dit."
Bon okay, la présupposition ça existe c'est génial. Pourquoi j'en parle ?
Pas vraiment pour ce qu'elle permet de faire. Il y a des tas d'effets sympas qui ne sont qu'une variation de "mettre le lecteur face au fait accompli". Cela dit, on peut regarder l'effet particulier qu'a la présupposition dans le passage cité au départ :
J'avais du mal à conserver mon sourire après cette gifle.
Quelle est la présupposition ? La gifle. Il y a des tas d'autres présuppositions (le fait qu'elle sourie, par exemple) mais celle-ci est la seule qui, littérairement, nous intéresse parce qu'elle produit un effet. Je me suis amusé à comparer avec une version où la gifle est explicitement dite :
Ce fut une gifle. J'avais du mal à conserver mon sourire.
Et une version un peu moins explicite :
Cette gifle faillit me faire perdre le sourire.
La version purement explicite est typique d'une écriture kilométrique : on réfléchit en même temps qu'on écrit et, ne serait-ce que pour faciliter l'enchaînement, on a tendance à tout mettre noir sur blanc. Le résultat est que tout est au même niveau et, du coup, le texte en devient monotone. Ici Celestia fait juste la liste de ce qui s'est passé. Il y a un effet, mais c'est plus un effet de violence : on se prend vraiment la gifle en pleine face.
La version un peu moins explicite est presque problématique parce qu'on ne comprend pas bien à quoi se rapporte la gifle. Moins qu'une présupposition ici c'est une question de référence. On a l'impression qu'il y a une vraie gifle qui vient de tomber de nulle part et on se retrouve à déduire (implicature) que non, c'est la dernière réplique de Blueblood. Bref, maladresse.
La version présupposée, elle, met en scène la réaction de Celestia. Cette dernière essaie de "garder le sourire", de cacher la gifle qu'elle vient de se prendre. Il est donc normal qu'elle mette cette information en arrière-fond, qu'elle la sous-entende. Mais elle a quand même envie qu'on sache qu'elle l'a mal pris. La présupposition incarne son état d'esprit.
Donc super, on a vu un effet possible de la présupposition. Woohoo, c'est la fête.
Plus sérieusement.
Ce qui m'intéresse est que, comme dit, la présupposition force le lecteur à admettre une information comme vraie. Ici on lui dit que la dernière réplique de Blueblood est une "gifle", et le fait que ce soit une présupposition réduit les chances que le lecteur questionne cette vérité. Or, si on regarde la réplique de Blueblood, les trois mots "même pour vous" sont plutôt innocents. On ne s'aperçoit pas, normalement, de tout ce qu'il y a de blessant là-dedans.
La vérité c'est que j'ai énormément de mal avec les dialogues. Celui entre Celestia et Blueblood a été un parcours du combattant, où je m'entêtais à faire cohabiter le caractère canonique des personnages avec les exigences de mon plan, le tout sans me perdre en des suites interminables de répliques rachitiques. Inversement, j'avais peur que les passages narratifs entre les répliques ne repoussent le lecteur (ce qui arrivera de toute manière mais ce n'est pas une raison). Bref, je bloquais. Quand je relisais le passage, j'avais juste envie de fermer le document.
Puis, à la quatrième réécriture, je sors ça, et soudain le dialogue me passionne. Pourquoi ? Parce que la présupposition révèle tout ce qui est en train de se passer derrière, tout ce qu'on aurait pu manquer.
Celestia n'est pas juste en train de dire que "quelque chose est mignon", elle est en train de se payer la tête de Blueblood, mode bien troll. C'est un peu tout ce qu'elle a fait depuis le début de la conversation et jusqu'à présent Blueblood subit, c'est un véritable punching ball. Donc Celestia continue et lui fait "l'habit n'a pas d'importance" à un gars pour qui les apparences font tout. Et là Blueblood riposte.
Les gens jugent, pour autant que j'en sache, les dialogues sur deux critères : ils doivent être "crédibles" et ils doivent être "vivants". Je ne sais pas si "ils doivent être emplis d'émotions" est inclus dans le second point ou est à part mais passons.
Crédible signifie que c'est quelque chose qu'un être vivant normalement constitué devrait pouvoir dire. C'est aussi là que les gens râlent si les personnages ne parlent pas "comme qu'ils parlent dans le show".
Mais que signifie "vivant" ? C'est pour moi la boîte noire des dialogues. Mes personnages sont des philosophes dans une expérience de pensée, quand ils parlent ils parlent de questions abstraites et assez vastes. Cela donne des dialogues assez... euh, distants, détachés, dépourvus de la moindre émotion ? Les personnages raisonnent et ne font rien d'autre.
Je pensais pendant longtemps que pour rendre un dialogue vivant, il fallait le faire porter sur des questions concrètes et de détail. C'est, bêtement, un personnage qui va se mettre à dire "vous trouvez pas qu'il fait froid ?" Préoccupation mondaine qui montre qu'il est fait de chair et de sang. Mais c'est prendre le problème à l'envers.
Ma seconde approche, développée notamment avec un texte où Twilight princesse doit gérer un cas de justice, était la motivation du personnage. Tant que Twilight ne servait qu'à poser des questions, mode "je dois comprendre pour faire mon boulot", ses répliques étaient d'une platitude effrayante. Je lui ai alors donné une motivation, en lui faisant prendre parti pour un camp, et du coup tous ses dialogues n'allaient plus viser à se renseigner mais uniquement à faire gagner ses convictions. Elle a une "arrière-pensée".
Cette seconde approche reparaît dans Icorne au travers de la présupposition. Mes dialogues ne me plaisent vraiment, et n'arrivent à m'impliquer que quand, derrière, je peux deviner les arrières-pensées des personnages. Ou essayer de les deviner. Au moins savoir qu'il y en a.
Normalement, j'aurais tendance à écrire ça :
« Oh, Blueblood, c'est si mignon ! Mais ce sont juste des ornements. Plus aucun poney n'y prête d'attention. »
« Oui. » Gronda mon neveu. « Même plus vous. »
J'avais du mal à conserver mon sourire.
Bon, normalement j'écrirais le récit à la troisième personne -- et donc pas question de présupposition puisque le narrateur n'est pas censé savoir comment elle le prend -- mais en me contentant de ça, plutôt que de mettre le lecteur devant un fait accompli, j'aurais cherché à le pousser à se demander "pourquoi ?" Pourquoi elle aurait du mal à conserver son sourire ? Quelque chose que Blueblood a dit, mais on ne voit pas quoi. De la gêne ? De l'impatience ? Ou bien c'est même le ton du neveu qui pose problème, elle en a juste marre de son arrogance ?
C'est au final le hasard (et les réécritures) qui m'a fait user d'une présupposition, et tout le reste du dialogue fonctionne sur le même principe.
« C'était comment ? »
« J'étais libre. »
Mon but était qu'il reste, mais je n'avais plus le coeur à mentir.
Quand je dis même principe ce n'est pas pour rire, ici c'est littéraire. Deux nouvelles répliques, l'air de rien, puis une phrase un peu cryptique de Celestia (faute de contexte) mais dont la présupposition est que Celestia a l'habitude de mentir. Et aussi qu'ici elle dit la vérité. Sans la phrase qui suit, on ne se rendrait pas compte de tout ce que son "j'étais libre" essaie vraiment de dire.
Et, de façon intéressante, on n'a pas ces commentaires pour Blueblood. Seulement les réactions de Celestia. Or Blueblood aussi carbure pendant qu'il parle. Il en a marre de se faire troller, donc il riposte. Plus loin il demande "c'était comment" et si le dialogue est bien fait alors il ne pose pas la question juste par curiosité, pour faire la conversation. En fait, Celestia donne l'enjeu : "qu'il reste". En supposant que Celestia ne se trompe pas, alors Blueblood pose la question pour justifier son départ... ou pour se donner une raison de rester.
Au final je ne sais toujours pas ce qu'est un bon dialogue. Ça reste l'un de mes points faibles et une grande lacune dans mes textes. Mais je pense qu'on peut au moins détailler un peu le côté "vivant" à l'aide de la présupposition.
Les personnages ont, quand ils parlent, une arrière-pensée. La difficulté est que, justement, c'est une arrière-pensée. On peut le faire dire explicitement, comme si on s'adressait à des gamines de six ans mais ça donne des dialogues pas très crédibles. Inversement, si comme moi on cherche à cacher les intentions question de bien reproduire les défauts de communication de la vie courante, le lecteur va louper les enjeux et potentiellement ne même plus comprendre ce qui se dit.
Mon but à moi est de me reposer sur l'implicature : donner assez de contexte pour que le lecteur en vienne, de lui-même, à deviner les intentions réelles du personnage.
Mais si on est un brin plus réaliste et moins suicidaire alors la présupposition est le meilleur compromis. La présupposition est une bonne manière de laisser paraître les intentions du personnage sans avoir à les dire explicitement. Et une fois encore, le but n'est pas que le lecteur sache clairement quelles sont ces intentions. Il doit juste pouvoir faire confiance au texte pour savoir qu'il y en a.
« Les temps changent, et les goûts également. Il père de mon père aurait ri de me voir voiler le quartier. Inutile de vous montrer rustre. »
Je me renfrognais.
« Et toi ingrate, Honeydew. Les temps changent, c'est chose avérée, mais doivent-ils changer si vite ? »
La nièce d'Appletone s'empourpra, et si je n'avais pas été sa princesse et suzeraine, j'aurais amèrement regretté mes mots.
Celestia se renfrogne parce qu'on traite quelqu'un de rustre. Elle réplique en disant "et toi ingrate", et la jument en face a le visage rouge. La réplique qui suit explique qu'Honeydew est vraiment pas contente de ce qu'a dit Celestia, et on peut deviner vaguement que ce n'est pas à propos des temps qui changent.
Tout ce qu'on sait est que Celestia, en disant "ses mots", a insulté Honeydew. Elle elle le sait. Elle vient d'envoyer une pique pour remettre la jument à sa place et on peut seulement spéculer du pourquoi. Le texte donne des indices, mais c'est tout. L'important est qu'ici on sente que quelque chose se joue.
Que ce soit la narration ou le dialogue, un bon texte cherchera à dire plus qu'il ne dit noir sur blanc. La présupposition fait exactement cela, en forçant le lecteur à accepter quelque chose comme vrai sans avoir eu à le dire directement.
Je n'ai jamais aimé ça, j'ai envie que mon lecteur devine par lui-même, mais force est d'admettre que la présupposition permet vraiment de donner une toute autre dimension à ce qui se dit, une dimension que le lecteur ne devinerait jamais autrement, ou trop difficilement :
« Excusez-moi, » je demandais soudain à voix haute, « voulez-vous bien nous laisser je vous prie ? »
Ce n'était pas une demande.
Cela justifie également la narration autour des répliques. On dit souvent au débutant de "décrire qu'est-ce que les gens font" ou de "rappeler le décor" et parfois, en luxe, d'en "profiter pour montrer ce qu'ils ressentent". Ici, j'observe que j'utilise massivement la narration qui suit une réplique pour laisser entendre tout ce que, justement, cette réplique sous-entend. C'est ce qui, finalement, aura réussi à rendre mon dialogue un tant soit peu "vivant".
...
Bon et il y a toute la question de réagir à ce que dit l'autre mais ça ça attendra que je m'en remette à nouveau, fanficers,
à vos plumes !
L'article a été visualisé 597 fois depuis sa publication le 23 août 2015. Celui-ci possède 6 commentaires.
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Edit : J'ai parcouru vite fait tes articles en quête de conseils sur les interventions, le ton donné par le narrateur, sans trouver. Tu as fait quelque chose comme ça ? Si non, ça pourrait être très intéressant.
Je suis de toute manière injuste en parlant de roue de secours. Si tu prends Asylum, dont je n'arrête pas de chanter les louanges, il y a énormément de discours indirect libre dedans.
Maintenant, comme tous les outils de la littérature, le discours indirect peut être... mal utilisé.
Et là on en revient au "ne le dites pas, montrez-le". Si ton but est de dire que Dash est triste, le chemin le plus rapide est d'écrire "elle était triste". C'est clair c'est net et ensuite on s'amuse à faire des variations du type "elle broyait du noir dans un monde de douleur et de tourments interminables roulée en boule dans son petit coin avec son doudou dans les pattes". Tu as dit la même chose en plus de mots.
Maintenant, applique la même logique pour dire que Dash accuse les autres. Le chemin le plus rapide est d'écrire : "elle en voulait aux autres" et encore plus direct... "c'était la faute des autres". On nous dit ce que pense Dash, noir sur blanc, cash, et forcément ça aide à l'identification puisqu'on sait exactement ce qu'elle pense, mais je me retrouve en position de simple observateur.
C'est d'autant plus frustrant que ce "c'était la faute des autres" est autant un discours de Dash vers Dash que du narrateur vers le lecteur. Et si le narrateur s'adresse à moi, je m'attends à devoir lui répondre. Or là il me dit juste "c'est la faute des autres". Ouais. Okay.
Le plus emblématique de ce que j'essaie de dire est la question : "Alors, pourquoi elle pleurait ?"
C'est une question rhétorique. À aucun moment on ne pose la question sérieusement. La réponse sur laquelle on doit sauter sans réfléchir est qu'elle pleure "parce qu'elle est triste" ou "parce qu'elle souffre". C'est l'unique raison d'être de cette question.
Imagine un peu que le lecteur prenne le narrateur au sérieux, s'arrête sur la question et y réfléchisse. Pourquoi Dash pleure ? Bon à part l'évidence ? Bah le paragraphe ne donne aucune réponse. Elle se sent trahie par ses idoles ? Elle s'en veut de les accuser ? Elle s'en veut d'y avoir cru ? Elle a envie d'y croire encore ? Il y a une infinité d'implicatures, texte, donne-moi un indice !
Pour un lecteur comme moi, l'intervention du narrateur peut être frustrante parce que son potentiel n'est que rarement exploité. C'est l'occasion pour le narrateur de poser des questions au lecteur, de le faire intervenir, de lui montrer le texte sous un nouvel angle. Mais c'est en général utilisé simplement pour accentuer combien c'est triste / romantique / horrible. Woo. Hoo.
Elle s'assit sur le bord de la route, sous la pluie, sans la sentir. L'eau ruisselante masquait avec merveille ses larmes. Des poneys s'arrêtaient le temps d'un regard inquiet qu'elle renvoyait avec haine. Qu'est-ce que Lightning Dust avait de plus qu'elle ? Les poneys la laissaient là, reprenaient leur trot. Pourquoi n'avait-elle pas réussi ? Elle restait seule sur le pavé.
C'était de leur faute.
J'ai un peu reformulé mais c'est le même texte. J'ai conservé les deux passages où on accède aux pensées de Dash, avec les deux questions "kisonlapourlintrigue". Qu'est-ce que j'ai rajouté ? Deux descriptions innocentes, l'air de rien. Qu'est-ce qu'elles changent ?
Elles répondent à la question.
Dash, dans le prochain paragraphe, va chanter ses louanges tellement qu'elle sent bon tellement qu'elle est la meilleure. Elle va en vouloir à l'équinité de ne pas reconnaître sa toute-puissance. Mais le texte, le narrateur, l'air de rien, est en train de dire : voilà pourquoi tu as échoué. Voilà ce que Dust a de plus que toi. Les pensées de Dash sont au clair, directes, les réponses sont suggérées.
Tu peux inverser du reste.
Elle s'assit sur le bord de la route, sous la pluie, sans la sentir. L'eau ruisselante masquait avec merveille ses larmes. Des poneys s'arrêtaient le temps d'un regard inquiet qu'elle renvoyait avec haine. Dans ses yeux se posaient une question rageuse. Mais c'était sa faute si elle avait échoué. La question était là, qui l'obsédait, la taraudait. Mais elle avait échoué parce qu'elle ne savait pas faire le chihuahua.
Ce n'était pas leur faute. Était-ce ce qu'elle pensait ? Elle, la gagnante des Young Flyers, elle qui seule avait passé le...
Désormais les pensées de Dash sont inaccessibles, on ne sait pas ce qu'elle pense vraiment, et la réponse du texte est directe, catégorique. Le texte est en train de tonner ses quatre vérités mais on n'est pas dans la tête de Dash, et si cela nous empêche de nous identifier, cela donne une toute autre dimension à la question finale : "alors, pourquoi elle pleurait ?"
Soudain cette question est sincère. Le texte lui-même n'arrive pas à savoir ce qui se passe dans sa tête.
Mais oublions ces effets-là et la volonté de faire réfléchir le lecteur. Revenons-au au divertissement "moi veux me sentir triste".
Elle s'assit sur le bord de la route, sous la pluie, sans la sentir. L'eau ruisselante masquait avec merveille ses larmes. Des poneys s'arrêtaient le temps d'un regard inquiet qu'elle renvoyait avec haine. La rage mêlée aux pleurs avait un goût abject. Son visage, un air misérable. Ses pattes tremblaient animées du besoin d'essayer encore, paralysées par le poids de sa défaite, par le nom de sa rivale Lightning Dust. Et les poneys s'éloignaient. Et elle restait seule. Sans force.
C'était fini.
C'était trop difficile d'admettre que c'était fini. Elle luttait encore, au creux de son coeur, pour y croire un peu. Elle faisait brûler les souvenirs de ses médailles, de ses exploits, les pesait au refus de Spitfire, et il ne lui restait plus rien. Absolument plus rien. Plus rien, désespérément.
Tavu j'ai même mis des répétitions, et pis du désespoir et pis du coeur et des trucs qui brûlent. Non plus sérieusement, et surtout pour les romances, celles-ci sont beaucoup faites de petits gestes, de petites attentions, de regards qui ne semblent rien.
Au final aucun procédé ne permet autant l'identification que l'accès direct aux pensées du personnage. Mais celui-ci est tellement employé, pour un peu tout et rien, comme par défaut, que j'en suis venu avec l'habitude à décourager de l'employer -- ne serait-ce que pour pousser les gens à expérimenter d'autres choses, avant d'y revenir forcément.
Bref. Pas assez subtil, je suppose.
"Alors bon, là je ne t'apprends rien (tu le fais avec les larmes) mais tu continues à faire des "c'était de leur faute" où le personnage (ou le narrateur) parle directement au lecteur et qui, pour moi, est une roue de secours faute de mieux. "
Pourquoi tu considères le discours indirect libre (ou ce qui s'en approche en tout cas) comme une roue de secours ? J'ai tendance à trouver ça immersif, dans le cas d'un récit en point de vue interne... Pas assez subtil ?
Je comprends parfaitement, et pour certaines tournure j'aurais fait beaucoup mieux avec cette technique.
Après je commence, et je trouve aussi que je suis trop direct, voilà pourquoi je me débrouille mieux avec les descriptions et non les émotions. Il faut que je m'améliore à fond dans ce domaine si je compte faire du triste. ( Ce que je compte faire ).
J'avoue que ( attends je fais quoi là? Je cherche des excuses? non non ça va pas là ) j'y ai passé 30 secondes à écrire alors que je disais qu'il fallait y réfléchir. Il était aussi 4H du mat quand j'ai finit d'écrire ce com...
À noter que tu restes encore assez direct. J'applique ce que j'appelle la "concaténation" et qui explique à 40% pourquoi mes phrases peuvent parfois devenir imbuvables.
Si tu prends : "elle s'assit sur le bord de la route, il pleuvait, et pourtant elle s'en fichait", tu as là trois informations séparées. 1) Elle s'assied 2) il pleut 3) elle s'en fiche
La concaténation consiste à dire ces trois informations "en une". Ce qui va forcément mettre une information en avant pendant que les autres seront... sous-entendues.
"Elle s'assit sur le bord de la route, insensible à la pluie."
Pour qu'elle soit insensible à la pluie il faut qu'il pleuve, check. Ensuite l'insensibilité peut être due à autre chose : elle a un super k-way ! Non bien sûr, on en déduit (implicature) que c'est émotionnel.
Alors bon, là je ne t'apprends rien (tu le fais avec les larmes) mais tu continues à faire des "c'était de leur faute" où le personnage (ou le narrateur) parle directement au lecteur et qui, pour moi, est une roue de secours faute de mieux. Appliquons ça au second paragraphe :
"À la Young Flyer competition, elle avait plus à tant qu'elle avait déplu à certains. À présent seule dans la rue elle se sentait remise à sa place, à se chercher une coupable."
À aucun moment tu ne dis ici "c'est de la faute à tous ces jaloux" et du reste ce n'est pas le but. Le but est d'en arriver à l'effet de ta dernière question : pourquoi elle pleure ? Parce qu'elle a beau accuser les autres, elle s'accuse avant tout elle-même. La phrase ne va jamais jusqu'au bout, ne dit jamais les choses clairement parce qu'elle même ne va jamais jusqu'au bout et n'est pas claire avec ses sentiments.
Une fois encore, le principe est de "concaténer", ça vient de la philosophie selon laquelle on doit dire le plus de choses avec le moins de mots. Une partie du travail de réécriture consiste à se débarrasser de l'inutile pour conserver le coeur du message.
Attention aussi à ne pas tomber dans la "facilité". Alors oui, les quatre stades sont kweul et la pluie ça fait beau mais ce sont des clichés et s'ils n'ajoutent rien alors ils font juste soupirer. Et quand je dis "cliché" je ne dis pas que c'est évitable :
"Les passants lui jetaient des regards"
"Les passants ne faisaient pas attention à elle"
Que ce soit l'un ou l'autre, on pourra dire que c'est un cliché parce que ça a déjà été dit et fait. Souvent. Mais ça laisse quand même peu d'alternatives pour exprimer la tristesse. Et si tu ne parles pas des passants il y aura toujours un malin comme moi pour dire "et comme par hasard, ce jour-là pile, la rue est vide !" Quoi que tu fasses, c'est un cliché.
Alors autant les exploiter.
"Les regards des passants étaient pleins de son échec."
Bon okay là c'est peut-être concaténé un peu fort, et ça ne parle pas de sa rivale, mais l'idée est là. On concatène, on sous-entend au maximum pour, au final, obtenir le maximum d'effet.
C'est tout bête mais, en analyse du discours notamment, c'est fondamental : ce que tu dis a plus de force si tu forces l'autre à le dire à ta place. Tu l'as, au sens propre, impliqué dans ton histoire.
Et tant pis si en expérimentant 90% de nos phrases sont incompréhensibles, on fera mieux la prochaine fois.
Tu dis à la fin qu'on dit souvent au débutant de montrer ce que ressent le personnage. Je ne sais pas comment tu le sous entends, mais je vais l'illustrer quand même. Imaginons ici que RD a loupé son examen pour devenir un wonderbolt :
Rainbow Dash était triste, elle avait échouée.
C'est naze ( désolé pour ceux qui le font, on l'a tous fait :D )
Si on veut dire que Rainbow Dash est triste, tu ne le dis surtout pas. Tu le montre, tu le sous entends mais JAMAIS au grand JAMAIS tu le dis.
Elle s'assit sur le bord de la route, il pleuvait, et pourtant elle s'en fichait. La pluie faisait un travail remarquable pour masquer ses larmes. Des poneys s'arrêtaient de temps en temps pour l'observer, inquiets, mais elle les rejetais d'un regard haineux. Qu'est ce que Lightning Dust avait de plus qu'elle? Pourquoi n'avait elle pas réussi?
C'était de leur faute. Ils avaient peur, oui , ils avaient peur qu'elle, Rainbow Dash, la gagnante de la Young Flyer competition ( je mate le show en VO, deal with it ), le seule poney pouvant franchir le mur du son et faire le Sonic Rainboom, leur prenne la place. ( j'avoue que cette phrase est plûtot longue ) .
Le problème ne venait pas d'elle, mais de Spitfire. Alors, pourquoi pleurait elle?
Voilà, c'est bourré de faute et pourrait sans aucun doute être dit mille fois mieux ( je débute seulement désolé :/ )
Mais c'est toujours mieux que 10 pauvres mots. J'aurais pu continuer et la faire passer tous les stades de Ross ( denial, anger, bargaining, depression, acceptance ) mais je voulais juste présenter un exemple. Je trouve qu'on loupe beaucoup de choses que l'on pourrait montrer et faire ressentir au lecteur en utilisant la première méthode. Ici on apprends ce qu'a fait RD dans son passé, qui lui a fait passer ses exams, comment elle le prend et surtout, contre qui elle a perdu et ce qu'elle ressent envers cette personne.
Tout ça pour dire qu'il y à une infinité de manière de décrire une scène, et qu'en général, la plus directe est souvent la mauvaise ( mais pas toujours ). Je trouve ça dommage de voir beaucoup de gens ( moi le premier ) faire cette erreur.
Je vais aussi parler très rapidement des histoires tristes, je n'ai d'expérience dans ce domaine qu'a force de lire, donc pas énormément de chose, n'ayant accès qu'au procédé final .
Avant tout, pour ceux qui ont la chance d'être anglophone : [lien] . Ceci est un topic vraiment très intéressant et beaucoup plus approfondis de ce que je vais dire. ( j'en fais référence donc ).
Si on veut écrire une histoire triste, la chose la plus importante ( encore plus que l'histoire ) est les personnages et leur développement ( idem pour les romances IMO ) . Vous devez avant tout rendre vos personnages vivant ( d'où la raison d'en parler ici ). Il faut que le lecteur puisse s'identifier ( au mieux ) au personnage ou simplement ressentir des choses pour lui .
Pour commencer, reprenons la même histoire au dessus ( encore elle? Mais qu'est ce qu'elle a pu faire pour que tu jettes ton courroux sur elle? ).
Il faut d'abord que l'histoire soit de son point de vue ( pas forcément première personne ) pour que l'on puisse savoir ce qu'elle ressent.
Revenons en arrière, RD a un but : devenir Wonderbolt.
Elle va donc tout faire pour s'accrocher à ce rêve, quitte à tout laisser derrière elle. Imaginons qu'elle ai dû faire des sacrifices pour y arriver niark niark niark . Par exemple, je sais pas moi, qu'elle est dû quitter Ponyville pour cause financières dû aux prix du concours. Elle vit donc en hotel et est au bord de la faillite.
On va donc la suivre pendant plusieurs chapitre s'entraîner vivre sa vie toussa toussa. D'ici là, le lecteur n'a eu qu'une chose sur quoi ce concentrer, ce foutu exam.
Viens le moment fatidique, le lecteur est en mode : ça fait 2 chapitres que j'attends ça et toi, RD, toute ta vie. Tu peut y arriver! Fonce, donne tout et éclate moi cette foutue LD!
Sauf que la, BIM elle loupe. On passe alors le passage au dessus et le lecteur va ressentir exactement la même chose que RD ( si c'est vraiment bien fait ). Bingo! le lecteur chiale maintenant comme une pucelle.
Je parlais du fait que les personnages sont plus importants que l'histoire, c'est vrai. Mais il ne faut pas non plus la négligée. Un schéma caractéristique des histoires tristes est : le personnage a un but - il met tout en oeuvre pour le réussir - il le foire. Si vous voulez faire un truc encore mieux, répéter phase 2 et 3.
RD récupère grâce à la magie du Deus Ex Machina une seconde chance. Elle refoire.
Ici elle est inconsolable, elle se rend compte que c'est de sa faute blablabla. Elle se rend compte aussi qu'elle ne possède plus rien, qu'elle à rejetée ses amis et que Scootaloo ne la voit plus comme une idole. Elle est aussi sans travail et a la rue.
On pourrait par exemple finir sur une jolie lettre avec une magnifique corde et un mignon petit tabouret...
Bref je voulais faire quelque chose de concis pour présenter cette dernière partie ( sans trop reprendre ce qui est dit dans le topic de FimFiction ). J'espère que vous aurez apprécier :)
Et désolé (principalement pour Vuld) tout le monde de pondre un pavé dans les commentaires d'un topic/tutoriel, notamment pour un faire un aussi, mais je le trouvait approprié pour discuter de ça.
Sur ce, Blaxbone rend l'antenne. A vous les studios!