Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Pourquoi que Twins Memory c'est bien. Aller aux commentaires
09 mai 2015

Hi'.

Je ne prends aucun risque à dire que Twins Memory est une fiction cool. Elle est dans mes favoris et dans les coups de coeur de l'équipe, elle a des avis massivement positifs et j'en passe... mais qu'est-ce qui fait, au juste, qu'elle est bien ?

 

Avant de devoir y répondre, et donc de spoiler pas mal, dressons un tableau général.

Twins Memory est l'histoire d'Aloe, l'une des juments du spa qui sont jumelles parce qu'on peut. Ces derniers temps Lotus (la soeur jumelles, donc) agit bizarrement et c'est en train de saborder leur quotidien. Aloe tente de recoller les morceaux et, dans la foulée, de comprendre ce qui arrive à sa soeur.

Premier point remarquable du récit : le cadre. Twins Memory nous plonge dans le quotidien des bains de Ponyville avec sa propre routine, crédible, les clientes, le repas et le livre de comptes. Rien que pour découvrir ce quotidien la fic' vaut le coup, et on pourrait presque s'intéresser uniquement aux aléas de leur entreprise (que quelqu'un écrive un tel texte sur les frères FlimFlam, siouplait).

Second point remarquable du récit : les personnages agissent. Ça devrait aller de soi mais une routine inviterait au contraire le héros à être passif, et les poneys à faire des trucs inutiles. Ici Aloe se bouge le train dès le départ et chaque geste contribue plus ou moins à l'intrigue, y compris les plus anodins. Quand elle doit s'occuper d'une cliente au lieu de sa soeur ? Elle est aussi pressée que nous d'en finir.

D'où le troisième point remarquable : les détails. Comme toute bonne romance (ou autre texte triste) le texte regorge de petites "attentions", de petits gestes qui expriment les émotions :

"Je passai mon sabot rose le long de sa robe bleue avant de le faire glisser sur sa crinière..."

Phrase tirée du troisième paragraphe du premier chapitre, c'est dire si ça commence tôt. Ce genre de détail se retrouve partout et permet de s'immiscer, pour ainsi dire, d'abord dans la relation fraternelle (mais au féminin) puis dans la relation amoureuse... plus ou moins. Ces détails contribuent surtout, avec les pensées d'Aloe, à l'atmosphère constante du texte qui en fait son principal intérêt.

Mais pour moi ce texte a une quatrième force, et peut-être le plus important à mes yeux, qui en fait même le plus grand intérêt : la relation est équilibrée. Et là je suis forcé de spoiler.

 

Il est temps de spoiler

Le premier chapitre en lui-même aurait déjà fait un excellent one-shot, ouvert certes mais suffisant en ce qu'il posait à lui seul un monde. À la fin Lotus va se lamenter dans une forêt et cela ouvre tellement de possibilités que rien qu'à ce stade le texte a réussi son boulot. Mon hypothèse préférée, à ce stade, était que Lotus était morte et qu'elle hantait toujours sa soeur, vu que cette dernière ne pouvait pas s'en passer. On pouvait penser n'importe quoi, le texte offrait autant d'indices que de questions, perso' j'étais content.

Par la suite Lotus s'avère effectivement morte et celle qu'on voit n'est pas un fantôme mais un changelin, femelle et reine, qui va tomber amoureuse d'Aloe parce que ta gueule. J'avoue qu'avec le recul c'est une bonne question, perso' si des cafards tuent toute ma famille puis qu'une cafarde me sauve la vie, bah j'aurais quand même du mal à tomber amoureux. Mais dans le texte on oublie tout cela volontiers.

Pourquoi ? Parce que c'est bien fait. Au départ Aloe n'est pas plus amoureuse de la changeline que de Lotus et changy' le fait plus par obligation qu'autre chose.

Question de comparer, il y avait eu un autre texte où, en plein assaut de Canterlot, un changelin tue un poney puis est secouru par une jument qui tombe amoureuse va-savoir-pourquoi et le protège. Un peu comme Ripley cachait un alien dans son placard. T'vois. La différence entre les deux textes est que dans ce second l'amour est un coup de foudre, la jument est neuneu' ou alors elle déteste le genre équin, je sais pas. Dans Twins Memory, au départ les deux partis réagissent normalement : "moi, aimer ça ? C't'une blague ?!" Mais ensuite la relation s'installe, forcée par les événements : Aloe désespérée y trouve un refuge, ce que la fic' souligne plusieurs fois, tandis que Chry' vaguement désespérée aussi y voit d'abord une charge, puis une alliée, puis plus que ça.

Bref, que j'approuve ou non, il y a bien une évolution cohérente mise en scène par le texte :

« Je veux revoir ma sœur Chrysalis. » implora-t-elle au bord du déchirement. Elle ne parlait pas d'un simple déguisement, elle voulait revoir sa sœur, comme avant.

On joue en équilibre entre amour véritable et amour mensonger, illusoire, pour d'autres raisons plus personnelles, avec un certain côté tragique si on considère que ces raisons l'emportent. Cet équilibre donne à la romance une toute autre dimension et à chaque geste une double signification.

Et là, comme je le disais, la relation est équilibrée.

Ce qui me déplaît, dans la majorité des fictions (EDIT: comprendre "romances"), c'est qu'un personnage fait tout le boulot pendant que l'autre est zombifié avec autant de libre-arbitre que Twilight durant la saison qu- okay j'arrête mais ouais, l'un des personnages dans le couple sert en général de faire-valoir, de trophée.

Dans Twins Memory, les deux personnages sont actifs et les deux ont des raisons de l'être. Aloe veut retrouver Lotus, maintenir l'illusion en même temps qu'elle apprend à aimer Chrychry' ; et la changeline en retour doit jongler entre cacher sa nature, contenter la p'tite et apprendre à aimer Aloe. Résultat, chacune agit de son côté pour avancer ses intérêts, et tantôt ça passe, tantôt ça casse, dans les deux cas les deux ont leur mot à dire. Une vraie relation, quoi.

— Bien sûr Aloe, j'ai du mal à franchir le pas, tout comme toi. Mais on est ensemble, on peut se serrer les coudes et surmonter ça... ensemble.
— Mais moi je veux retrouver ma sœur. » dit-elle la voix tremblante en se plaquant à moi.

Alors oui, on peut nuancer mais ce qui m'impressionne le plus avec Twins Memory, et qui la met à part de beaucoup d'autres romances que j'ai pu lire, c'est ce rapport de force entre les deux amoureuses, où chacune est vivante, chacune a ses objectifs et chacune agit.

 

Cette relation équilibrée est pour moi le plus important, mais derrière il y a toujours au moins le cadre et l'atmosphère, donc le style.

Pour le cadre, à dire vrai, il perd assez vite en importance. L'histoire de dettes, par exemple, est vite expédiée, on hypnotise le créancier et baste. Toute l'histoire des casernes avec la maire Mare sonne assez creux aussi, même si on voit le lien avec l'histoire (notamment, à ce stade, inquiéter Chrychry'). Le cadre importait surtout dans le premier chapitre, et dans les deux suivants encore avant de devenir très secondaire. Le cadre, surtout, offre un point de vue hors de la romance et de ses enjeux, et fait retomber le texte dans un classique "changelin caché" qui bon voilà ne va pas très loin.

Donc yup, le cadre est un point fort mais qui reste assez inexploité. En même temps, le texte prend vite la forme d'un huis clos, d'un secret entre les deux amoureuses où tout se joue entre elles. Le cadre, du coup, ne devrait pas dépasser les bains et peut même devenir hostile.

La romance, elle, ne faiblit pas du début à la fin. On a des "voix tremblante", des plaquages de corps et toute la panoplie de gestes, mais aussi des pensées :

« (...) Je commençais à m'éloigner pour enfin la quitter. J'aurais dû le faire depuis longtemps, je suis faite pour diriger des empires, ordonner des armées, conquérir des nations. « Ne m'abandonne pas ! » gémit-elle toujours allongée dans coussin.

De l’abattement, non, de l'accablement... ou plus du chagrin, à moins que ça ne soit une dépression. Est-ce que c'était vraiment des émotions ou des états ? De la douleur, pure. C'était la seule chose que je sentais, ça n'était pourtant pas un sentiment ? Je l'avais pourtant bien senti, et même entendu, son cœur qui se brisait. Par-dessus ses pleurs et ses cris, la douleur l'avait frappée au même moment où je l'avais attaqué...

Dégoûtée... écœurée. C'était ce que je ressentais et ce que je pensais de moi en ce moment. Mon cœur aussi me faisait atrocement mal. J'avais pourtant réussi à ouvrir la porte pour voir qu'il faisait noir, le ciel étoilé semblait pourtant m'indiquer que le monde était pourtant impatient de me revoir en son centre. Les étoiles ne brillaient pas aussi fort quand vous preniez la mauvaise décision. Ces milliers d'étoiles qui me scrutaient ressemblaient à mes enfants qui me regardaient, attendant de voir ce que j'allais faire. Les étoiles ne brillent pas quand vous preniez la mauvaise décision...

Si on regarde, on a trois paragraphes avec chacun sa fonction : premier paragraphe, séparation. Second paragraphe, douleur. Troisième paragraphe, hésitation (ou plus précisément, retournement). Donc déjà là chaque paragraphe a son unité et ça c'est cool.

Mais si on note, les deux derniers paragraphes sont crêpés de pensées. Le second n'est qu'un monologue intérieur, tandis que le troisième décrit aussi l'environnement extérieur (les étoiles). Et le paragraphe qui suivra, lui, sera essentiellement descriptif, avec le retour à Aloe. Autrement dit, on a une transition "brusque" au moment de l'abandon, puis une transition progressive des pensées au retour vers Aloe : passage du monologue intérieur à l'observation du monde, au retour. C'est une bonne mise en scène.

Et ce n'est pas le plus important. Le plus important est le lieu où se trouve le paragraphe de monologue intérieur. Aloe est en train de gémir, Chrysalis de se barrer. Soudain, on n'a plus que les pensées de cette dernière. Pourquoi ?

Eh bien, déjà, pour ce côté "tempête intérieur" bien connu des amoureux, qui fait qu'on n'arrive même plus à suivre ce qui se passe autour de soi. Aussi pour ne pas avoir à entendre Aloe gémir, et donc, enfin, pour signifier qu'on est bien parti. Le monologue n'a pas juste pour rôle de causer de la pluie et du beau temps, appuyer sur "pause" et taper la discut' avant de relancer le film : le monologue fait avancer l'action. On est sorti, on est parti, c'est fait, acté. Le personnage a d'excellentes raisons de s'enfermer, à cet instant précis de l'intrigue, dans ses pensées, et c'est ce qu'il fait (sans qu'à un seul instant le texte n'ait à nous le dire).

Donc oui, il y a pas mal de soliloques (et de dialogues) dans ce texte, mais bien placés et pertinents. Les répliques ont du poids, ce sont quasiment des passes d'armes entre les personnages. Les pensées ne sont pas juste un droit de regard, elles participent à l'action.

On les lit parce que ces pensées nous disent ce qui se passe, et pas juste ce qui s'est passé (merci on sait).

 

tl;dr

Donc yup, dire que Twins Memory est cool ce n'est pas difficile. Mais qu'est-ce qui la rend cool ?

À mes yeux en tout cas, trois choses : cadre, activité, style.

Ce cadre qui certes est devenu secondaire et sous-exploité (mais c'est pas plus mal) a permis de donner vie à l'univers, de découvrir un quotidien presque intime et passionnant en lui-même. Une fois encore, quelqu'un écrirait l'histoire de Trixie qui, depuis sa roulotte perdue dans les bois, veut se produire dans je-sais-plus-quel théâtre de Manehattan, et ses tribulations pour y arriver, tant qu'on a son quotidien ce texte serait probablement excellent (risqué mais si ça réussit...)

Cette activité équilibrée entre les deux personnages principaux qui rend la romance non seulement crédible mais qui, en donnant à chacun des intérêts égoïstes au-delà du seul coup de foudre obligatoire, permet une interaction en même temps tragique et omniprésente. Les personnages luttent vraiment pour leur couple et chaque fois que leur relation progresse, il y a un passif derrière pour l'expliquer. Les voir se débattre, à mon sens, est ce qu'il y a de plus touchant.

Tout cela suffirait mais PonyCroc y ajoute le style qui va bien, fait de petits gestes attentionnés partout où il a pu en mettre, et de pensées qui au lieu d'alourdir inutilement le texte le servent au contraire en participant à l'action. Le résultat est assez exemplaire, je suppose, du style à adopter pour une romance.

C'était peut-être un article un peu long juste pour dire ça, mais je me suis réveillé ce matin en me demandant quel texte j'aimerais lire, et bon avec le Manoir c'est celui-là qui m'est venu en tête.

Donc voilà.

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

Ponycroc
Ponycroc : #19259
Hmmm et bien pour le coup, je redécouvre ma fiction… avec bien plus que ce que je voyais au départ. J'apprécie vraiment le geste de présenter ainsi ta vision que tu as de la fiction et le nombre de détails que tu arrives à repérer.

En fait, ce que je redoutais le plus dans la fiction, était de trouver la bonne justification pour que Chrysalis soit obligée de rester avec Aloé lors des premiers chapitres. Cette histoire de code d'honneur était la chose la plus plausible que j'avais en stock. Bon après, on pouvait encore dire qu'elle ne pouvait tout simplement pas se débrouiller toute seule, mais ça aurait fait un peu cloche pour la reine de toute une espèce.

La cadre était vraiment survolée sur la fin, comme tu dis. Je m'en servais principalement pour provoquer des situations de conflit entre Chrysalis et Aloé ou au contraire, pour les rapprocher (les dettes effacées).

J'ai du mal à faire des fictions sur des personnages uniques, c'est pourquoi je me reposais beaucoup sur la ressentie des deux personnages, me permettant ainsi de facilement grossir les situations.

Et pour mon style, ben en fait ça me rassure de voir que ça peu convenir à un genre. J'aime beaucoup les histoires qui reposent sur des dialogues, pourtant j'ai toujours une impression de faciliter quand je vois une fiction qui propose quasi uniquement que ça. Oui, j'ai un avis contradictoire. C'est pourquoi je cherche toujours à montrer le non verbal (comme on le fait tous j'imagine), mais par moment, j'ai surtout peur d'en faire un peu trop. Soit, au final j'ai la confirmation que c'était bien dosé.

Encore merci beaucoup pour une analyse aussi complète, je t'ai toujours dit que je ne pensais pas que cette fiction allait te plaire, mais je m'en retrouve agréablement surpris. En fait, je pensais qu'on allait principalement critiquer Chrysalis d'être un peu trop gentille.
Il y a 3 ans · Répondre
Acylius
Acylius : #19133
Mouais, à condition qu'on puisse se passionner pour des background ponies, ce qui n'est pas mon cas.
Il y a 3 ans · Répondre

Quelques statistiques

L'article a été visualisé 500 fois depuis sa publication le 09 mai 2015. Celui-ci possède 2 commentaires.

Signaler l'article

À propos

Renard râleur, linguiste critique et correcteur, traducteur, littéraire et logicien.

16 fictions publiées
48 chapitres publiés
437 commentaires publiés
10 notes données
62 articles

En savoir plus...

Abonnés (44)

spiritsprint BorralMidnight NightMare lnomsim Toropicana Blackhoof Aladriel IGIBAB bookman AuRon ShiningParadox cedricc666 Br0hoof Derpyna Cesese Evy
Voir tous les abonnés

Nouveau message privé