- Sainte Belgique, man ! Vous devez écouter cette musique toute la journée ?
- Oui.
- Même le week-end ?
- Oui.
- Le vendredi soir ?
- OUI.
- Belgique. » Zaphod n’avait même pas de pose ou d’expression pouvant retransmettre les émotions qu’il ressentait. La pose trois cent quarante-deux, qu’il utilisait durant sa campagne lors des visites d’orphelinats, ne montrait pas toute la pure pitié qu’il éprouvait à cette instant. Cette sensation ne lui était pas familière, et elle ne devait pas l'être. Il fit donc de son mieux pour la chasser de son esprit. Il en conclut, dans une tentative désespérée de conserver son sang-froid, qu’il avait dû mal comprendre la situation.
- Pas toute la nuit, si ?
- TOUTE. LA. NUIT.
- Et vous ne pouvez pas passer autre chose ?
- NON.
- Même pas un peu de Disaster Area ?
- NON.
- Toute la nuit ? Tous les jours ? La même chanson ?
- OUI ! PAR LA POLKA, OUI !
- Belgique. » La Pitié s’installa pour un long séjour sous le crâne de Zaphod, et les autres émotions se dressèrent sur les bancs du sénat mental, observant la nouvelle venue. L'Incrédulité Volontaire se rassis dans un accès de colère, et ne se manifesta plus. L’Oubli Intentionnel aurait sans doute pu ramener Zaphod à la réalité, mais la Pitié menait pour l’instant la danse, et Zaphod ne ressentait qu’elle.
La musique était très importante pour lui, c’était une grande part de ce qui faisait la première impression; et l’idée d'écouter la même chanson pour toujours lui était épouvantable.
- J’ai un vaisseau… Je suis sûr de pouvoir faire quelque chose ! Je suis Zaphod Beeblebrox, bébé ! » Tant qu’il gardait un certain contrôle sur son équilibre mental, son ego restait la pièce maîtresse de son esprit. Il se combina avec la Pitié pour engendrer une alliance connue sous le nom de “complexe du héros”. « Relax, tout le monde ! Tout va bien, maintenant ! Votre président, propriétaire de l’endroit le plus hype de l’univers selon le concours du magazine Playbeing, est ici pour vous aider à régler vos problèmes ! Il y a maintenant un bon frood sur le coup, YEEEE-HAAA !
Pose quatre-vingt neuf; héroïque et confiant, prêt à aider. Mais cela n’eut pas l’effet désiré, et les autochtones le regardaient à peine.
- Et qu’est ce que vous vous attendez à faire ? » Rarity paraissait épuisée.
- Nous avons tout essayé. Nous vivons ici depuis des décennies. » Le responsable local, lui, semblait à bout de forces.
Zaphod cogitait dur. « Ces bestioles aiment vraiment cette musique ?
- Ils viennent toujours à elle. Je suppose qu’on peut dire ça, oui.
- Et comment viennent-ils ? Ils ont l’air joyeux ?
- Écoutez, c’est très marrant, j’en suis sûr, mais j’ai des choses à faire et je n’ai pas le temps de regarder un maudit poney étranger jouer aux héros. Mon conseil : regagnez votre vaisseau avant qu’il ne se fasse manger, en plus de tout ce qu’il y a à l'intérieur.
- Reste cool, bro. Moi et mes dames… » Indicat-il d’un balayage du sabot. « Nous sommes sur le coup !
Rarity intervint. « Mes dames et moi…!
- Euh, nous voudrions vraiment vous aider. Je veux dire, si cela ne vous dérange pas, bien sûr. » Fluttershy leur fit son Plus Beau Sourire. Rien dans l’univers connu ne dissipe mieux les tensions que le Plus Beau Sourire de Fluttershy, qui mérite tout à fait ses lettres majuscules.
- Ouais, on s’en occupe. » Rainbow sourit, confiante.
Le visage de leur hôte s’adoucit. « Croyez moi, nous avons tout essayé. Partez d’ici. Comme je l’ai dit, j’ai des choses à faire, et j’ai assez perdu de temps à tout vous expliquer.
- Ne t'inquiètes pas, nous ne resterons plus longtemps dans tes pattes, mon pote. Juste une chose, puis-je avoir une copie de cette chanson ? » Il lui fit un sourire d’une blancheur de pub pour dentifrice.
- Qu’allez vous en faire ?
- Je crois que j’ai un plan tellement frood que je n’arrive même pas à IMAGINER à quel point je suis cool !
***
- Donc j’suppose qu’on doit aller sur cette planète, Medius, maintenant ? » Applejack faisait de son mieux pour garder la situation sous son contrôle. Pour autant qu’elle pouvait en juger, son petit groupe était composé d’une psychotique par intermittence, d’une folle irrépressible et d’un enfant. « Comment on va y aller ? » Enfin, elle se souvint d’elle même, une fermière qui n’avait pas la moindre idée de ce qui pouvait bien se passer.
- Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiien. » Pinkie rangea le Guide… quelque part. « Je suppose qu’on pourrait encore faire du stop, auprès d’étudiants qui iraient faire un projet de recherche là bas ?
- Et quelles sont les chances que ça arrive dans les jours qui viennent ? » Applejack avait passé une patte autour du cou de Twilight. Twilight, pour sa part s’était prostrée par terre dans sa frustration et tripotait de ses sabots le plus utile des outils, une serviette.
Pinkie commença à marmonner dans sa barbe. « Nombre d'élèves… Thèmes de recherche possibles… Mener une…
- N’essaye pas de brouiller la question avec des maths fantaisistes ! Dis-moi clairement, c’est probable, ou pas ?
- Oh, pas vraiment. Il y a beaucoup d’endroits à étudier.
- Très bien. Quelles sont nos options, alors ?
- Je crains qu’on doive soit payer un taxi, soit trouver un moyen de persuader un des étudiants de faire un voyage là bas.
- Ah ? Et qu’as tu à l’esprit ? Qu’est ce qu’on a à leur offrir ?
Pinkie cligna rapidement des yeux et répondit d’une voix faible et rauque « Oh, tu sais bien…
- Euh, je peux pas dire ça, non…
Pinkie agita sensuellement la croupe et un sourire s’agrandit sur ses joues. « Les étudiants peuvent être terriblement solitaires…
Le sourcil gauche d’Applejack se crispa. « Est-ce-que tu…
- Je pense qu’on pourrait leur faire passer du suuuuuuuuper bon temps !
Le froncement de sourcil d’Applejack s’intensifia encore.
- Y’a pas moyen, Pinkie.
- Je dis juste…
- NON !
- Mais…
- NON !
- C’est juste que…
- NON !
- Je ne suis pas…
- NON !
- Mais Applejack…
- On ne f’ra PAS un truc pareil !
- Mais je le faisait tout le temps à Ponyville !
- Tu faisait QUOI ?
- Et tu me rejoignais une fois sur deux !
- Je faisait quoi ?
- Tu est venue à beaucoup de mes fêtes !
Applejack était soudain perdue. « Hein ?
- Je pensait juste que si on allait à une fête chez des étudiants solitaires, et qu’on en faisait une vraie bonne Pinkie Fiesta™, on pourrait se faire des bons amis, et on pourrait peut-être leur demander des faveurs !
Le silence régnait.
- Hé, tu t’attendait à quoi, Applejack ? » Le visage de Pinke était tout à fait innocent. Pas le moindre signe de compréhension ne traversa son visage.
Applejack regarda dans les yeux de son amie avec suspicion, guettant le soupçon de gaieté, l’indice que Pinkie s’était jouée d’elle. Elle était à la fois agacée et soulagée de ne pas le trouver. « Peu importe. Allons juste trouver une fête remplie de futurs nouveaux amis généreux. » Elle avait le désagréable sentiment que quelqu’un se fichait d’elle, et que si ce n’était pas Pinkie, c’était l’Univers tout entier. Elle commençait d’ailleurs à sérieusement détester l’Univers.
Dans son hypothèse que l’Univers entier se fichait d’elle, Applejack avait en réalité raison. Pas dans ce cas particulier, parce que l’Univers n’a pas beaucoup de subtilité, mais plutôt dans la mesure où tous les acteurs de notre histoire sont en réalité les cibles, ou au moins les victimes collatérales, d’une vaste blague. Tel est le lot de tout être tentant de donner un sens et un but fini à un univers infini.
***
- Vous en voyez, en bas ? » Flutteshy regardait le désert, qui semblait tout de suite plus menaçant. Personne n’avait expressément dit que les parasprites étaient carnivores, mais c’était une idée difficile à ébranler.
Dash voletait quelques mètres au dessus d’elle, attentive au moindre mouvement. « Rien. » Elle se laissa tomber sur le sable. « J’espère que ton idée fonctionnera réellement.
- Bien sûr que ça va marcher, bébé ! » Zaphod s’était équipé d’une paire de lunettes, et avait lissé sa crinière vers l’arrière, lui conférant ce qu’il estimait comme étant une aura d’intelligence et de fiabilité. « J’ai pensé à tout !
- Si ça ne marche pas, nous aurons quelques explications à donner à ces pauvres poneys. Je me sent déjà épuisée d’avoir écouté cette musique une heure, je ne veux même pas savoir comment ils se sentent.
Ce ne fut en grande partie qu’une terne promenade vers le vaisseau, dont le récit ne vaut pas grand chose. Le seul moment d’action survint juste avant l’embarquement dans le Coeur en Or, lorsqu'une petite boule bleue arriva innocemment sur le côté et dévora en dix secondes à peine tous les parasols de Zaphod.
- SAINTE BELGIQUE !
Au dessus , le parasprite vomit un nouvel ami, entièrement développé, et rouge vif. Il enchaîna avec un troisième, blanc, celui-ci. Les trois descendirent rapidement vers nos poneys paralysés de terreur.
Normalement, ça serait un excellent moment pour insérer une pause publicitaire; c’est un instant de tension mineure qui peut être facilement reproduit de l’autre côté de la pause. De nos jours, beaucoup de médias ont supprimé les coupures pub, ce qui peut résulter à voir deux fois le même évènement, apparemment sans raison.
Au dessus , le parasprite vomit un nouvel ami, entièrement développé, et rouge vif. Il enchaîna avec un troisième, blanc, celui-ci. Les trois descendirent rapidement vers nos poneys paralysés de terreur.
Tous les quatre galopaient vers le vaisseau, qui avait heureusement échappé à l’attention des parasprites de la région. Zaphod sauta à travers la porte, et celle-ci eut à peine le temps de lui dire bonjour qu’il s'était déjà relevé et criait.
- EDDIE ! Monte en altitude, par Zark !
- Ça roule, mon pote !
- Dash, met ce disque dans un des lecteurs, tout de suite !
- Lequel ?
- N’importe ! Eddie ?
- Toujours là !
- Peu importe le lecteur , je veux qu’il soit capable de lire ce disque, ou bien je tiendrais ce vaisseau pour personnellement responsable !
- Ok mon pote, lecture d’une piste musicale, qu’est ce que vous voulez que je fasse ?
- Met le aussi fort que tu peux ! Assure toi que la moitié du continent puisse l’entendre !
- Je suis légalement tenu de vous rappeler que vous avez eu des ennuis la dernière fois que vous avez réglé le volume aussi fort sur une planète habitée.
- Tais-toi, Eddie, ces bâtiments vont tomber de toute façon. Et ça n’a pas les mêmes niveaux de basse que mes musiques froods habituelles. Si tu ne la joue pas maintenant, je te jure que…
On n’entendit jamais la fin de sa menace.. Un mur solide de Polka passa à travers le vaisseau, interrompant toutes les conversations. Des centaines de milliers de parasprites cessèrent leur vol et se tournèrent vers le Coeur en Or..
- PROTÈGE NOUS DE CE VACARME, EDDIE ! » Le cri de Zaphod était parfaitement inaudible, et pourtant, le niveau sonore chuta instantanément et laissa place à un silence de mort.
- Zark merci que j’ai laissé Eddie installer cette update de lecture labiale. » Zaphod jeta un premier regard autour de lui. Rarity et Dash se tenaient ensemble dans un état second, les yeux vides. Fluttershy, elle, s’était mise à l’abri sous un canapé, la tête entre les pattes. L'étalon avait perdu son audition naturelle il y a de nombreuses années, après avoir écouté le premier accord joué par Zabbs Martocki, le meneur du groupe Disaster Area ( le même destin s’abat sur tout ceux qui fréquentent leurs concerts, ce qui implique que le premier titre est le seul à être entendu ). Son ouïe était à présent remplacée par un module cybernétique, et il s’était bien remis du choc précédent. Ses compagnes organiques n’avaient pas cette chance.
- Hé, bébé, tu va bien ? » Il se tenait au ras du sol, parlant doucement à la masse frissonnante jaune et rose sous son canapé. Il n’obtint pour toute réponse qu’un faible couinement.
- C’est OK, bébé, le bruit est parti ! Ton héros l’a fait disparaître !
Il en résulta un autre bruit pitoyable, mais cette fois, un oeil unique, embué de larmes, émergea au dessus d’un sabot.
Il a été déclaré précédemment que rien n’apaisait mieux les tensions qu’un sourire de Fluttershy. C’est peut-être vrai, mais on n’a pas encore observé de plus grande puissance dans l’univers connu qu’une larme de Fluttershy, fraîchement versée suite à une à une douleur aiguë et une grande terreur.
Le coeur de Zaphod, dont la possibilité de l’existence fait encore débat au sein plusieurs blogs publics sur l’ether-net, était presque brisé. « Hé, bébé, je suis désolé. Tu va bien ?
Il pu voir une petite tête remuer légèrement.
- Tu es blessée ?
La tête gigota de nouveau.
- Tu es blessée gravement ?
Les deux yeux larmoyants émergèrent de la crinière rose.
Zaphod se leva. « Eddie ?
- Oui, El Capitano ?
- Je veux la baie médicale prête, avec le truc qui répare les oreilles et des petits tranquillisants très doux que tu cachait depuis que ces pouliches sont arrivées. » Il regarda les deux autres ponettes, qui allaient beaucoup mieux. « Prépares-en pour trois, tant que tu y est ! Ensuite, trace nous une route qui couvrira toute la surface de la planète avec cette musique. Ne va pas trop vite, ou bien ces insectes ne pourront pas nous suivre. Après, arrête-toi au dessus d’un coin bien vide. Je prendrais le relais à partir de là.
Maintenant, priorité une : amener la jaune, Fluttershy, à la baie médicale. Priorité deux : trouver ce maudit robot et avoir une petite discussion avec lui.
Priorité trois : boire jusqu’à oublier ce regard plein de larmes qui le fixait en ce moment. Et ensuite, encore un peu plus.
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