CHAPITRE 8 - Origines

Lors du tout début de l’univers, dans ce que l’on peut appeler en riant d’un air nostalgique le Passé, les premières formes de vie équiformes apparurent par accident dans un coin reculé de la galaxie, connu sous le nom de secteur Hasbro, sur la lointaine planète Zacherle V. Ils étaient très différents de la plupart des formes actuelles, plus lourds, plus costauds, avec de plus petits yeux et un gros museau. L'évolution exerça ensuite son emprise sur eux, comme à son habitude. Ils devinrent plus fins, plus petits, et leur personnalité et leur caractère devint de moins en moins intéressants ( pour un observateur extérieur, du moins, car les poneys, eux, n’avaient rien remarqué, étant trop occupés à faire du shopping et des défilés de mode, surtout à partir de la troisième génération ).

Il y eu des poneys avec des ailes, des cornes, des ailes et des cornes, des poneys marins, et certains commencèrent même à marcher sur deux pattes, à devenir touts roses et à avoir des mains, mais au bout d’un moment, l'espèce revint à l’essentiel, quadrupèdes, avec les trois formes que nous connaissons aujourd’hui. Cependant, ces nouveaux poneys portaient en eux ce que les spécialistes de la génétique appellent le “gène Faust”, et l'espèce explosa, se répandant comme jamais. Les autres planètes prirent bonne note de ce succès et copièrent sans vergogne le résultat très probant de Zacherle V, et des formes de vie très similaires fleurirent un peu partout dans la galaxie. Et c’est ainsi que les poneys, ou en tout cas les formes de vie équiformes, devinrent l’un des groupes les plus réussis et courants de l’univers. Les formes les plus anciennes ( générations, comme on les appelle parfois ), sont très loin d'être majoritaires, mais elles existent encore ça et là.

Nos poneys font donc partie de l'espèce originale, venant de la lointaine planète Zacherle V, mais la vérité est qu’ils sont une reproduction parfaite réalisée par la déesse-princesse Celestia, dans le carde du développement de son projet favori, la planète magique dont nos héros se sont si inutilement échappés.

***

La raison de leurs désagréments actuels était allongée sur un matelas, joyeusement occupée à composer des chansons, en prévision de toutes les circonstances qui nécessiteraient des chansons. Malheureusement, personne ne respectait à leur juste valeur tous les efforts qui lui étaient nécessaires pour retenir par coeur autant de textes, comme elle le faisait. Ses amies paralysées par la peur, devant un ennemi qui se dissiperait en se moquant de lui ? Elle avait une chanson. Besoin de convaincre une amie de lui donner un ticket pour le Grand Galoping Gala ? Parée. Coincés dans une fissure recouverte par un énorme rocher, sans aucun espoir de secours ? Et bien, elle y a travaillé. Ce genre de sujet est un peu plus malaisé à traiter, certes, mais elle se devait d'être préparée à toutes les situations. Un jour, elle avait à moitié composé une chanson pour une amie qui avait peur de traverser un petit ravin, et si l’effet persuasif avait bien fonctionné en condition réelle, elle regrettait tout de même de ne pas avoir pu trouver la fin de son texte.

“C’est pas parce qu’on est bloqués

Qu’on ne peut pas rigoler !

Enfermés pour toute la vie ?

Laisse chanter tata Pinkie !”

Elle s'arrêta. Non, c'était pas du tout le bon ton. Et les couplets rythmés et répétitifs ne convenaient pas. Elle se frotta le menton de son sabot, et regretta l’ancien compositeur officiel. Ce nouvel écrivain n’a pas le talent pour écrire des chansons qui sauvent des vies, sans parler des derniers chapitres vraiment bâclés, de ces ruptures du quatrième mur maladroites et lourdes et de ces auto références à tout va. Si seulement…

Le cours de ses pensées fut interrompu par Applejack, qui ouvrit le rideau de perles de sa chambre temporaire.

- Sucre d’orge ?

- Salut ! » Pinkie bondit, non sans rappeler silencieusement à l’auteur qu’elle n’en avait pas encore fini avec lui.

- Je crois qu’il faut qu’on parle. » La fermière avait l’air sérieuse.

Pinkie pencha imperceptiblement la tête et ses oreilles s’affaissèrent « A propos de quoi ? »

Applejack l’entoura amicalement de son sabot. « Va, va, pas besoin de t'inquiéter, je n’suis pas en colère, ni rien… Je m’disais juste que… Je sais pas, comme si je n’te connaissais pas comme je pensais t’connaître. » Elle fit une pause, s’assurant que le message était bien passé, puis continua. « Et le plus important, c’est que je veux te connaître. Tu débarques avec toutes tes histoires invraisemblables, et d’un coup, le monde est différent, et j’me retrouve entourée de trucs que je n’veux même pas chercher à comprendre. Mais j’en ai besoin, et… et bien, je voudrais que tu m’raconte ton histoire, Pinkie. Comment t’en est arrivée avec nous ?

Pinkie baissa un peu la tête. « Désolée de vous avoir jamais rien raconté de tout ça… » Elle recut une bourrade du sabot libre d’Applejack.

- Tu t’est déjà expliquée, bécasse, et je te pardonne. » Répondit la ponette en riant. « Je comprend. J’suis juste...curieuse.

Pinkie se leva, et il sembla à la fermière qu’une musique s’élevait dans l’air. Un morceau puissant, lent et entraînant, auquel répondit la ponette rose.

“L’Univers est tellement grand,

Visiter seule te prendrais toute ta vie.

Voici l’histoire de ton guide, son nom est…

Un sabot orange s’introduisit dans sa bouche. Ses amies avaient appris que c’était à peu près la seule façon d'arrêter Pinkie en plein élan. La propriétaire du sabot se mit à rire.

- Désolée, sucre d’orge, mais j’voudrais que tu parles, cette fois. J’ai pas envie de louper quelque chose que t’aurais pas su mettre en vers.

Pinkie fit la moue. « Elle est vraiment bien, celle là. Ça fait des siècles que je travaille dessus.

- Et ben, t’a qu’à l'enregistrer pour l’écouter quand on sera toutes ensemble.

- T’as raison ! Et on fera une FÊTE DE RETROUVAILLES !!

- Ça c’est certain. Mais s’il te plaît, Pinkie, je veux savoir ce que tu as vécu.

- Okie dokie lokie ! » Elle approcha son visage. « Mais tu est bien sûre de ne pas vouloir de chanson ?

***

- J’adore ce vaisseau ! Il a peut être un coeur en or, mais ce bébé a des plumes en acier ! Yeee-ha !

- Il n’a pas de plumes, mon pote ! » La voix joyeuse d’Eddie réduit à néant l'accès de bonne humeur de Zaphod.

- Tais toi ! Tu vois bien ce que je veux dire, il vole sur des ailes de coolitude !

- Pais d’ailes non plus, El Capitano ! Voulez-vous un plan ? Vous pourrez découvrir de nombreuses fonctionnalités, que je vous invite à partager et apprécier ! Partager !

- Eddie, si tu me parle encore une fois de cette stupide histoire de partage, je branche tes circuits logiques sur la plus grande image que je peux trouver et te met sur traduction automatique. » Le silence fut immédiat. « C’est mieux !

Il toucha du sabot l’endroit ou Rarity l’avait giflé. « Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué. » Dit-il, haineux, se parant d’indignation outrée pour cacher son désarroi; « L’un d’entre nous devait revenir au vaisseau afin de préparer notre fuite, et j'étais le seul à pouvoir effectuer ce travail. » Il souffla. « Je veux à présent entendre vos excuses.

Rarity frappa son sabot sur le sol ( une manière distinguée et un peu désuète de se rouler par terre de fureur ), et claqua la porte de sa chambre. Fluttershy la suivit, mais Dash resta, toujours sur son rush d’adrénaline.

- Bon, j’ai droit à un verre, moi ?

Zaphod se détourna du terminal, laissant le vaisseau dériver dans un coin du vide spatial en bordure galactique. Cet endroit était, par une coïncidence stupéfiante, le centre exact de l’univers, ce qui ne faisait dans les faits absolument aucune différence. Tout ce qui pouvait être fait ou à faire en ce lieu s’est déjà produit lors du commencement de l’univers, et comme pour les meilleures fêtes, personne n’a jamais essayé de reproduire l'évènement. D’autant plus que nous sommes techniquement toujours en train de nettoyer le précédent Big Bang.

- Bien sûr, ma jolie. Hé, Marvin !

- Vous saviez que pendant que vous vous amusiez à vous mettre en danger de mort là dehors, je me corrodais à un rythme catastrophique ? J’envie ce morceau de moi qui est maintenant ailleurs; il me faudra encore quelques millions d’années pour disparaître complètement.» Marvin soupira. « Je viens à nouveau de perdre quelques molécules d’oxyde de fer. Veinardes.

- Tais toi, Marvin. Prépare nous quelques douzaines de verres, veux-tu ?

- L’heure de ma stupide tâche quotidienne, c’est ça ?

- Fiche nous la paix, avec tes histoires !

- J'ai le regret de vous informer que je ne suis pas autorisé à vous fournir des boissons alcoolisées pendant que vous pilotez un vaisseau. » Il s'arrêta un instant « Je ne le regrette pas parce que je m'inquiète pour vous, vous voyez, mais parce je regrette chaque instant de ma misérable existence. Je ne voudrais pas vous donner de fausses impressions.

- TRÈS BIEN, comme tu veux, va faire… ce que tu fais d’habitude.

La voix de Marvin s'éloigna alors qu’il quittait le pont, fredonnant un air de sa composition qui allait du lugubre au déprimant.

- C’est quoi son problème ? » Demanda Dash, les sourcils froncés sur son visage cyan.

« Il est toujours comme ça ? » Elle se leva sur ses sabots. « Devrais-je aller lui parler ?

- Ne vous fatiguez pas. L'androïde paranoïde est défectueux. Les techniciens du vaisseau se sont essayés à l’intelligence artificielle, mais ils ont raté leur coup pour Marvin et Eddie. » Il montra le terminal derrière lui. « Je sais pas lequel est le pire, le prozac informatique ici ou le suicidaire métallique là bas.

- Alors...vous ne pouvez rien faire pour lui ?

- Jamais essayé. De toute façon, je suis sûr qu’il en jouit, à un certain niveau. J’ai connu des chats comme ça… BON. » Il se leva et fit coulisser l’un des panneaux du mur, révélant un large éventail de boissons en tout genres. « Que voulez vous ?

Rainbow étudia les bouteilles avec prudence. Il y en avait de toutes les couleurs, au moins trois qu’elle était certaine de ne jamais avoir goûté, et un flacon dont semblait vouloir sortir de petits fantômes bleuâtres. « Qu’est ce que vous avez de plus fort ? » Elle ajouta ensuite rapidement « Mais qui n'entraîne pas la cécité, la paralysie ou la folie.

Zaphod regarda le bar, sceptique. « Pour la cécité, on a sûrement du matériel médical pour remplacer les yeux sur ce vaisseau.

- Vous avez quoi ?

- Oh, oui, on peut faire toutes sortes de choses ici. Tiens, ça me rappelle une histoire marrante. J’avais rencontré une jument, très sympa, sur une planète marécageuse, j’avais bu quelques verre bien chargés avec elle, et il a fallu remplacer ses yeux, mais elle est partie avant qu’on ait pu effectuer les calibrations ! Ses yeux finissaient toujours par regarder dans des directions bizarres. Un genre de strabisme, tu vois ?

- Et ensuite ?

- Oh, elle ne pouvait pas venir avec moi. Elle avait une fille, paraît-il. » Il leva les yeux des boissons qu’il était en train de préparer. « Qu’est ce qu’il y a ?

- Rien, rien. » Non, pensa Dash, non, c’est pas possible.

***

Alors que d’un coté de l’univers, un betelgeuséen évoquait quelques petites histoires sur sa vie, une autre, à l’autre bout, en racontait les moindres détails. C’est ce que nous pourrions appeler une coïncidence, mais que Oolon Colluphid appellerait lien de causalité quantique, dans son dernier ouvrage, “Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la mécanique quantique, mais que vous ne vous êtes jamais demandé en raison d’éléments fortuits menant à cet état de fait.”

Applejack s'effondra sur le matelas, secouée d’un fou rire difficilement contenu, alors que son amie rose lui contait exploit après exploit. Elle avait déjà expliqué comment elle avait été engagée dans le guide après avoir erré dans les bureaux des rédacteurs en chef, le lendemain d’une soirée particulièrement arrosée qui l’avait laissée là sans aucun souvenir de la raison de sa venue. Elle avait ensuite narré ses innombrables aventures, à la recherche d’une planète qui avait en réalité disparu de cet espace temps, par un tour de passe-passe temporel, et comment elle avait finalement été envoyée enquêter pour le guide sur Equestria.

- Et nous étions là, ce marchand stupide essayant de trouver un carburant assez abondant pour qu’on ne s’écrase pas comme une crêpe sur Equestria. Nous allons dans la soute, et tout ce qu’il trouve, c’est une énorme cuve de flocons d’avoine, et il disait “est ce qu’on pourrait mettre ça dans le réservoir ?”. Et je lui ai dit “Des flocons d’avoine ? Tu est fou !” mais tu sais quoi, ça a fonctionné ! On est remontés un peu, mais il a finalement dû me lâcher avec une capsule de sauvetage, j’ai atterri en mer et j’ai été secourue par des poneys marins !

- Des quoi ?

- Tu en verra un jour. Peut être. Quoi qu’il en soit, je devais trouver un endroit où vivre pendant que je faisais mes recherches !

- C’était il y a combien de temps ?

- A peu près deux ans avant que je n’arrive à Ponyville. J’ai voyagé pendant une longue période, à rechercher des informations de fond. Je ne voulais pas passer pour une étrangère une fois que je me serais installée. Tu ne te rend pas compte à quel point il est rude de passer d’un univers technologiquement évolué à un petit village sans un seul ordinateur !

- Twi’ n’a-t-elle pas un de ces ordi-truc dans son sous-sol ?

Pinkie eut un rire dédaigneux, à sa manière joyeuse. « Techniquement, oui, c’est un ordinateur, mais bon, tu vois ce que je veux dire, aucun poney à Equestria n’a encore fait de recherche en aéronautique, pour te dire. Sais-tu ce qu’il m’a fallu faire pour obtenir le matériel pour construire mon petit engin volant ? Je te le dit, il y a plusieurs fois où vous avez eu de la chance d’avoir un alien pour amie !

- Par exemple ? » Il y avait dans la voix d’Applejack un soupçon d’offense.

- Et bien, par exemple, personne ne savait ce qu’était un parasprite ! Ça aurait pu très mal tourner. J’ai entendu parler d'une planète où ils ne savaient pas ce que c’était, et à la fin du mois, ce n’était plus qu’une énorme boule recouverte de parasprites, et avec quelques poneys dessus ! » Raconta-t-elle en riant.

- Et ensuite, que t’est-t-il arrivé ?

- Et bien, je suis venue à Ponyville, puis Twilight est arrivée et nous a toutes réunies, puis on a eu des tas d’aventures, puis on a fait cette fête l’autre soir, puis je vous ai dit le lendemain que j'étais une étrangère, puis nous nous sommes échappés d’Equestria et c’était tout “BOOOOM ! CRASH ! WHAPOOOM !”, puis il y a eu “WHOOOSH” et la planète est revenue mais on ne pouvais pas revenir, puis ce gros vilain vogon a jeté nos amies du vaisseau, elles ont été récupérées et on est allés à l’étoile de Barnard, puis nous avons fait du stop, et on a rencontré l’étudiant, puis tu est venue et tu m’a demandé de raconter ma vie, puis je l’ai fait et ensuite je t’ai dit ça. Puis je t’ai dit ça. Puis je t’ai dit ça.

Applejack se redressa, alors que Pinkie était bloquée dans sa boucle sans fin. Elle était réticente à arrêter la ponette rose, car d’un côté elle semblait parfaitement heureuse ainsi, et de l’autre, cela semblait un bon moment pour réfléchir. Cet univers était bien au delà de sa compréhension, mais paraissait être de toute façon dénué de tout bon sens, donc être un peu à la masse ne posait pas vraiment de problème grave. Elle était une jument simple, mais elle ne ferait pas l’erreur d'être stupide. Ses pensées s’interrompirent quand elle se rendit compte que Pinkie ne parlait plus.

- Ne va tu pas me dire que tu viens de me dire quelque chose ?

Le rire qui lui répondit était aussi authentique que le grognement de mécontentement d’un capitaine vogon. « Idiote, je viens de te le dire, donc je ne pense pas avoir besoin de te répéter cette partie de l’histoire !

On entendit un “clop” alors que le sabot d’ Applejack rencontrait une partie de son visage, qui commençait à être habituée à ce traitement. Si la semaine se poursuivait sur le rythme des deux derniers jours, elle finirait par avoir une couche de cal sur la joue droite.

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Le Guide du Routard Galactique possède de nombreux articles traitant de l’acte de copulation, qui occupe curieusement une grande partie du psyché de tout individu conscient de lui même. Il y a en effet au moins un article pour chacun des mots clés “sexe”, “copulation”, “rapport sexuel”, “fornication”, “mariage”, “coït”, “accouplement”, “faire l’amour”, “faire l’amour vache”, “réunion privée”, aux cotés de nombreux autres qui, en substance, décrivent tous la même chose. Il possède en outre d’autres articles sur la “masturbation”, la “branlette”, l’”astiquage”, le “cloppage”, etc. En bref, n'importe qui souhaitant un guide complet et compréhensif pour l’assouvissement de ses plus bas instincts ne pourrais pas trouver meilleur compagnon que le Guide.

Dans au moins un de ses articles sur le sujet, il note qu’il est courant pour deux êtres, qui ne se connaissent pas forcément, de se livrer à certaines activités lorsqu’ils sont suffisamment imbibés d’alcool, ou qu’ils viennent d'échapper à un danger mortel. Ces deux cas s’appliquent à Rainbow Dash et Zaphod Beeblebrox, qui ont en plus le luxe d'êtres techniquement compatibles, et pratiquement identiques dans leur morphologie. Il semble donc à ce stade que de nombreuses choses soient possibles, et qu’une bonne part d’entre elles soient de nature peu recommandable à un jeune public. Heureusement, dans un souci d’accessibilité, l’auteur a décidé que ces évènements ne se dérouleraient pas. La sécurité de l’innocence du lectorat est donc assurée pour le moment.