Le Guide du Routard galactique décrit la planète Gagriflex comme l’un des endroits les plus dérangeants de l’univers connu. Ses habitants sont vaguement equiformes, mais avec des pattes trop longues, et une expression permanente d’adoration béate sur le visage. Culturellement, cette race toute entière se consacre à aimer tout ce qui est différent d’elle, dans une forme de xénophilie sans borne inégalée dans la galaxie. Les gagriflexiens commandent chaque année des milliards de tonnes de magasines extra-gagriflexiens, des centaines d’heures de shows télévisés extra-gagriflexiens, et des montagnes de souvenirs venants de planètes étrangères. Quoi que les dirigeants choisissent à adorer, le peuple l’adore.
Tout touriste en visite sur Gagriflex pourrait profiter de la première journée de séjour, mais aucune personne saine d’esprit ne peut supporter longtemps l’admiration sans limite de tout un peuple pour chacun de ses faits et gestes. La moyenne de survie d’un touriste sur la planète avant son suicide est de trois jours, après quoi les autochtones se rassemblent en masse autour du cadavre pour profiter pleinement de sa fantastique décomposition.
Logiquement, le tourisme n’a donc jamais vraiment décollé sur Gagriflex, ce qui est dommage, car c’est au demeurant un très bel endroit. De vastes océans que la flore aquatique fait scintiller d’un bleu profond, des montagnes de bauxite d’une beauté inégalée se dressent au milieu de plaines de soie, peuplées d’une faune presque trop parfaite. Toutes ces merveilles ont été proprement ignorées par les gagriflexiens, qui ont préféré s'intéresser au reste de l’univers plutôt qu’à chez eux.
***
Le soleil se levait tandis que le Cœur-En-Or atterrissait sur le sommet d’une montagne, et que le ciel indigo se parait à l’horizon d’un rouge chaleureux. A l’intérieur du vaisseau, Zaphod se frottait les sabots avec excitation. Il aimait Gagriflex.
Il avait pour l’occasion lavé sa longue crinière, et les rayures vertes et bleues brillaient, ce qui n’allait pas du tout avec le vinyle orange et jaune de sa veste. Il portais un collier en or serti de pierres précieuses à chacun de ses cous, et ses lunettes de soleil étaient bien en place. Il sourit largement, et le micro avec lequel il avait remplacée une de ses dents brilla dans la lumière.
- De quoi ai-je l’air, Marvin ?
- D’un imbécile » répondit le robot, qui avait encore les trois dernières journées à compter les olives à cocktail en travers de la gorge.
L’une des têtes de Zaphod se tourna vers lui et renifla avec dédain.
- Bah ! Tu n’en sais rien !
- J’en sait plus que vous ne pouvez l’imaginer. Selon le logiciel de mode dont je suis équipé, et que je déteste, soit dit en passant, cette tenue est presque aussi horrible que ma propre existence. » Il fit une pause. « Qui l’est énormément. » précisa-t-il.
- Ça s’appelle : “avoir l’air intéressant”, bébé, et je n’attend pas de toi que tu comprennes le concept. » Zaphod ferma la dernière des quelques quatre-vingt poches qui recouvraient sa veste. « Maintenant, ou sont ces belles dames ? »
***
Les trois “belles dames” tenaient pour l’instant une discussion dans la chambre qu’avait prise Fluttershy, laquelle avait l’air soucieuse.
- Je ne sait pas comment nous allons les retrouver. L’univers est un endroit immense.
- Ma chère, je suis sure que Zaphod va nous aider, une fois qu’il aura compris ce qu’il nous faut. » Rarity soupira. « D’ailleurs, nous n’avons pas le choix. Nos amies sont là dehors et on peut parier qu’elles vont chercher à nous retrouver. Il reste notre meilleur espoir d’être trouvées. Si il est vraiment président, alors il doit être capable de diffuser un message. » Dash fronça les sourcils
- Je n’ai toujours pas confiance en lui
- Bien sur que non, ma chère, mais allons le voir tout de même. Ça ira peut être mieux ce matin. » La licorne se tourna et sortit de la pièce. Fluttershy la suivi après avoir lancé un regard d’excuse à Dash. Celle-ci les rejoint en traînant des sabots en en grognant
- Me traiter d’étalon…
- Bonne journée ! » Déclara la porte du pont. Elles la passèrent et trouvèrent Zaphod, qui se tenait devant un immense écran. Il leur fit un large sourire brillant.
- Bonjour mesdames, premier arrêt dans votre fantastique visite du cosmos, bienvenue à Gagriflex ! » L’écran s’alluma, révélant le paysage qui se trouvait autour d’eux. Zaphod sourit aux trois ponettes émerveillées en leur tendant trois petits flacons. « Vous devrez mettre ces poissons dans vos oreilles si vous voulez venir avec moi.
***
Pinkie se tenait au bout de la rangée de vaisseaux, un grand gant en mousse enfilé sur un de ses sabots, le pouce levé avec optimisme. Twilight lui demanda :
- Pinkie, au nom de Celestia, qu’est ce que c’est ?
- Ça s’appelle une main ! Certaines créatures en ont, et dessus, il y a une chose qu’on appelle un pouce, et un pouce levé signifie que tu veux faire du stop ! On en a pas, nous, alors je me sert de ça ! »
Elle agita joyeusement sa patte devant le visage de Twilight qui s’écarta. Applejack revint, un stylo souvenir d’un stand touristique dans la bouche. Il y avait écrit dessus le sempiternel "‘I ♥ l’Etoile de Barnard", ce qui prouve que le mauvais goût n’a pas de frontières, même dimensionnelles.
Pinkie attrapa le stylo et commença à griffonner sur sa serviette. Puis elle la brandit. ‘‘Université de Maximegalon ou rien !’’ y était écrit en grosses lettres, et en y regardant de plus près, elle semblait avoir été utilisée de cette façon puis lavée de nombreuses fois.
- Maintenant, on a juste à attendre que quelqu’un nous emmène !
- Et quand on y sera, on pourra faire des recherches sur où le vaisseau a le plus de chances de ne pas aller ?
- Exactement. Et tu va aimer l’université, Twilight, il y a la bas des squillions de livres que plus personne ne lit ! » Le visage de la licorne s’éclaira, mais elle demanda :
- Des squillions ?
- Oui, à peu près quatre squillions, pour être exacte.
Et ils attendirent. Pinkie était devant, la patte levée avec son pouce dressé. Son autre patte tenait le coin droit de la serviette, tandis qu’Applejack tenait le coin gauche, avec un air de patience résignée.
Une heure passa. Pinkie n’avait pas bougé, son expression d’espoir enjoué restant inchangée. Applejack avait échangé sa place avec Twilight deux fois, elle commençait à ressentir des débuts de crampes dans la patte, et son sang froid se désagrégeait de plus en plus vite.
- Euh, sucre d’orge ?
Pas de réponse
- Sucre d’orge ?
Pinkie se tourna lentement et silencieusement vers elle, son sourire guilleret figé sur son visage en un rictus presque effrayant.
- Des centaines de ces choses nous sont passées devant. Y’en a, je veux même pas savoir c’que c’est. Pourrait-on…essayer autre chose ?
A ce moment précis, et en raison de certaines lois de la causalité narrative, une créature s’arrêta sur le quai et leur proposa de monter à bord. Il faisait environ cinq pieds de haut et sa peau était lisse et violette. Deux bras, deux jambes, et une bouche déformée en un sourire légèrement trop large pour paraître normal. A la réflexion, ça aurai pu être bien pire. Il ne portait rien d’autre qu’une écharpe sur laquelle on pouvait lire, si on y trouvait un quelconque intérêt : ‘Equipe d’Ultra Cricket de Brock de l’UMM’.
L’Ultra Cricket de Brock est un jeu impliquant l’interaction complexe entre des athlètes professionnels. Le principe du jeu est d’utiliser divers accessoires de sport pour frapper son adversaire très fort, puis de s’enfuir l’air de rien. Il est pratiqué dans cette dimension par le genre de déséquilibrés qui jouent au bowling armés d’un calibre 9.
L’entité violette et improbable demanda au groupe d’une voix traînante :
- Vous allez à double M, les poneys ? Montez, je vous emmène !
Sans attendre de réponse, il traîna la patte en direction d’un vaisseau. Celui-ci n’était pas exactement minable, mais il avait l’air clairement vieux. Il paraissait assez grand pour contenir tout le groupe, et on pouvait voir plusieurs autocollants collés sur la carlingue :
‘Le Freesprokling n’est pas un crime !’
‘Votez Beeblebrox’
‘In UMM we trust’
- Est-ce qu’on va…monter avec lui ? » demanda Spike d’un ton hésitant.
- Bien sûr ! C’est un étudiant !
- Oui, mais de quelle espèce est-il ? » Twilight fixait la créature qui était en train de chercher ses clés sur un trousseau.
- Comme je l’ai dit, c’est un Étudiant !
***
Peu après la fondation de l’Université de Maximegalon, un étudiant en master de Jouer à Dieu, option Fainéant Irresponsable, se lança dans un projet visant à créer quelque chose capable d’étudier à sa place, et c’est ainsi que l’espèce des Quaerens Scientiatem apparut. Il s’agissait du prototype parfait de l’étudiant : capables de survivre pendant plusieurs années en se nourrissant de nouilles et de bière, s’intéressant uniquement à tous les jeux inutiles qui lui tombent sous la main, génial sauf lors des périodes d’examen, et certainement pas opposé aux blagues à la légalité approximative, à toute heure, et en toute saison. Ils traînent sur le campus pendant plusieurs années, assistent occasionnellement aux cours, réussissent ou pas leurs examens, et généralement, s’amusent.
Ils représentent à présent la quasi-totalité de la population de l’Université, car ceux qui sont assez riches pour payer une formation à Maximegalon ont en général les moyens d’envoyer un larbin à leur place..
C’était avec l’un de ces étudiants que nos héros venaient d’embarquer. Il revenait de sa migration annuelle de ‘détente’. Ce voyage était fait chaque année par tous les membres de l’espèce, qui en partant croyaient dur comme fer y trouver une aventure introspective unique, et qui revenaient généralement avec de graves dommages au foie, moins d’argent, et une nouvelle page dans leur casier judiciaire (si tout va bien). Cet individu était le seul de son groupe à avoir échappé à l’incarcération et transportait à bord de son vaisseau d’intrépides ponettes endormies et un dragon, prêts à servir l’intrigue du prochain chapitre.
***
Zaphod menait silencieusement les trois amies au milieu de la roche nue de la montagne sans nom. Un panorama d’une beauté inimaginable, partiellement caché par des nuages laiteux, s’étendait des centaines de mètres en contrebas.
Zaphod ignora tout cela. « Il y a quelque chose de bien mieux juste derrière. » assura-t-il.
Rainbow s’envola et pris de l’avance en regardant autour d’elle, et elle fut donc la première à voir.
- OH MON DIEU !
Rarity et Fluttershy arrivèrent à la crête, regardèrent la ville à l’horizon, et leurs mâchoires tombèrent. Zaphod s'assit paresseusement près d’elles et leur montra…ça.
- Alors, mesdames, qu’est-ce que vous en dites ?
C’était une statue, mais le mot ne lui fait pas vraiment honneur. Parler de ‘colline’ est déjà un peu plus réaliste.
- La ressemblance n’est pas mal, hein ? » Zaphod sourit en voyant leurs expressions abasourdies. Il avait passé beaucoup de temps sur Gagriflex, étant la seule personne à avoir un ego suffisamment immense pour le supporter, et cela avait laissé des traces, dont cette statue devant eux. Elle le montrait sous l’une de ses poses favorites, assis, l’une de ses têtes regardant vers le lointain d’un air rêveur, et l’autre suivant la direction de son sabot tendu avec un regard espiègle qui disait « Qui est génial ? Vous êtes géniaux, mais pas aussi géniaux que moi. Oh, non, n’y pensez même pas. Je suis…juste super. » aussi connue comme sa pose numéro 1. Construit en granite et entièrement peint de couleurs criardes, ce monument se dressait au-dessus de la ville. C’était un spectacle horrible, un témoignage d’un égo tellement démesuré qu’il arrivait à considérer cette statue comme une preuve de sa grandeur.
Rarity était sous le choc. Encore une fois, ce poney tout à fait grossier agissait comme si l’univers entier lui appartenait. C’était peut être le cas, à la réflexion, mais ça ne justifiait pas un tel comportement. Elle se savait être la licorne la plus magnifique de Ponyville, mais elle était certaine que personne ne savait qu’elle savait. Pourtant, elle resta polie.
- C’est…joli. Qui a fait ça ?
- Oh, ce sont ces espèces de girafes, là en bas. Ils savent reconnaître les belles choses quand ils en voient. » Il prit un air d’humilité affligé : « Nous n’allons pas descendre. Ils pourraient s’exciter. Je ne peux pas limiter mon charisme tant que ça, et je n’aime pas attirer l’attention. » Il observa les trois ponettes du coin de ses quatre yeux, qui le regardait d’un air de morne incrédulité. « Ah, je plaisante ! Qui veux venir avec moi et les entendre dire qui est le meilleur ?
A ce moment, une voix retentit depuis le ciel au-dessus d’eux.
- Ok, Beeblebrox, restez là. Vous êtes en état d’arrestation.
- Oui, on vous a eu cette fois, Big Z, monsieur le président, chef ! On vous a bien en vue !
- C’est vrai ! On a quelque petits bébés à bord qui pourraient vous faire mal, donc vous feriez mieux de ne pas bouger !
- Ouais !
***
Certains sentiments sont universels. Personne dans le cosmos, à la vue d’un véhicule ayant l’air officiel, avec feux clignotants et occupants armés, ne peut retenir un sentiment général d’inquiétude. Le citoyen le plus respectueux de la loi ne peut s’empêcher de se sentir criminel, bloqué à un feu rouge a côté d’un véhicule de police, et cherchera toujours à détourner le regard l’air de rien, faisant tout pour ne pas ressembler à un hors-la-loi. L’Encyclopedia Galactica décrit cela comme “une partie naturelle de notre psychologie, un sentiment universel de culpabilité lorsque l’on est confronté à une figure d’autorité.” Le Guide du Routard Galactique, lui, le définit comme “une partie naturelle de notre psychologie consistant à ne pas vouloir se faire tirer dessus ou arrêter, surtout quand on sait que ces cochons n’attendent que l’occasion de vous faire sortir de votre voiture et de fouiller dans vos affaires, de trouver des trucs médicaux dans votre boîte à gants et d’en tirer des conclusions foireuses.” Cet article est suivi d’une note de l’éditeur indiquant que le Guide est actuellement à la recherche d’un nouvel écrivain dans le domaine des transports, en attendant une évasion du Centre de Détention pour Ursa Mineur.
Cela dit, il est encore plus facile de se sentir coupable lorsqu’un croiseur de police armé jusqu’aux dents vous fait directement face et vous déclare en état d’arrestation. Pourtant, Zaphod, même si il est coupable jusqu’au bout des sabots, se sent toujours lésé lorsqu’on essaye de lui faire comprendre qu’il a fait quelque chose de mal. Même les joueurs notoirement optimistes du système Morzell ne pariaient pas sur une arrestation en douceur.
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J'ai beaucoup de mal à comprendre la fin de cette phrase. é.è"