Acte II : Un nouveau Monde

XX h XX, X xxxx, an 999 999[...ERREUR], Ère [ERREUR]

Lentement, la respiration reprit son cours... les muscles se réchauffèrent, le cœur accéléra à nouveau, et le module de stase s'ouvrit lentement, laissant échapper une légère brume froide. Un court instant se passa avant que la jument à la robe d'un gris légèrement réfléchissant et à la crinière tout aussi grisée et lisse finisse par ouvrir faiblement les yeux, ainsi que tousser. Elle ne bougeait pas, reprenant conscience de son environnement sombre, à peine éclairé sur une paroi par une intense lumière dorée venue d'un hublot. Ses muscles affaiblis tâchaient de se remettre d'un temps conséquent d'immobilité.

Par d'infimes gestes, elle essaya de se dégager en se laissant dériver par l'impesanteur. Elle étira lentement ses bras et ses jambes, se déliant les sabots avec douceur. De longues, longues minutes passaient, le temps que son corps s'active un peu, alors que ses yeux bleus parcouraient l'habitacle de la fusée. Elle tâcha de dériver jusqu'à une console de commande, près d'un hublot, afin de regarder l'état de son voyage, et où elle en était rendue.

Quelle ne fut pas sa faiblarde surprise, l'esprit encore flou, quand elle remarqua un joli monde luxuriant, relativement près de l'astronef, possédant une belle lune bien blanche et baignant dans la douce chaleur d'un Soleil doré. Cependant, même si beaucoup de détails et de souvenirs semblaient manquer dans sa tête, elle prit conscience que ce n'était pas la X-22F qu'elle aurait dû atteindre... cette dernière ne possédait pas de lune en orbite. L'Ingénieure Mala s'était donc retrouvée devant une toute autre planète insoupçonnée, et dont rien qu'à l'apparence, semblait infiniment plus accueillante que X-22F.

Visiblement, l'ordinateur de la fusée avait déjà commencé à se rapprocher de la planète, Mala se laissa alors dériver jusqu'à celui-ci pour tâcher de consulter le résumé de vol, reprenant lentement des capacités cognitives plus poussées. L'appareil semblait en bien mauvais état, usé, empli de dysfonctionnements techniques et visuels, une majeure partie était incompréhensible et illisible. Ce qui la choqua d'abord fut la date...

«Qu'est-ce que... ? « An... neuf, neuf, neuf, neuf, neuf, neuf... » ? Mais... le compteur d'années est bloqué au maximum... Combien de temps j'ai.. dormi ? »

Quand elle fut assez proche de la planète, elle tâcha d'expulser la sonde qui était en réserve, afin que cette dernière reste en orbite et lui fournisse quelques menues informations avant de songer à poser le sabot ici-bas... la plupart des données ne passa pas, si ce n'est une cartographie satellite très sommaire de là où la fusée était censée se poser. Il n'y avait pas non plus la moindre trace de technologie à la surface... un éden vierge, se disait Mala.

L'astronef commença d'ailleurs sa rentrée en atmosphère, à la verticale, les boucliers thermiques du dessous déployés. Mala s'était réinstallée faiblement à un poste, attachée, alors que l'appareil rougeoyait sous l'intense chaleur de la rentrée. La descente était moins dure que le décollage, mais restait assez dure à encaisser, surtout vu l'état à peine éveillé de Mala.

La fusée traversa une épaisse couche de nuages gris, alors que la vitesse de chute avait bien du mal à descendre, par freinage insuffisant, ça commençait à être dangereux. L'appareil brûla toute sa magie pour tenter un freinage d'urgence via une répulsion... jusqu'à l'impact, tout de même plutôt violent, au beau milieu d'un pic rocheux, couvert de neige.

Cependant, l'impact écrasa Mala dans son siège, ce qui la blessa. Un peu de sang bleu sombre coulait de sa bouche, et son bras gauche semblait très mal en point, certainement une fracture. Mi-consciente par le choc, elle défit d'abord sa ceinture avec son sabot valide, et tomba sur le sol dur de l'astronef, grimaçant de douleur. Elle se traîna à plat-ventre vers l'écoutille, mais dût s'arrêter avant, épuisée et la gorge sèche. Suffisamment réveillée depuis un moment, elle se concentra et arriva à faire venir une réserve d'eau potable de la soute jusqu'à elle... elle sentait la magie abonder sur cette planète, réellement. Elle but comme elle put avec sa télékinésie, bien qu'après tout ce temps, l'eau ne soit pas très agréable à boire. Mais au moins, le fait que la magie soit sur-abondante allait beaucoup l'aider pour progresser sur ce nouveau monde, même avec un bras cassé.

Opérant principalement à l'aide de télékinésie, elle ouvrit l'écoutille, et un vent violent ainsi que des flocons de neige lui allèrent au visage, le froid la fouettant. Elle continua de se traîner jusqu'au bord, pour admirer le paysage... du haut du pic, elle voyait de grandes étendues enneigées, un Soleil qui perçait faiblement à travers la masse de nuages gris, et une légère chute de flocons.

Néanmoins, il fallait qu'elle se soigne avant de partir en exploration... et qu'elle s'habille, vu la température pas franchement des plus chaudes. Elle se reposa dans la soute de l'astronef échoué, récupérant de maigres forces, mangea, et enfin commença à s'occuper de sa fracture. Avec l'aide de la magie, et un peu de souffrance, elle put faire, en l'espace de deux jours, de quoi pouvoir marcher à nouveau. Des jours qu'elle trouvait assez courts, d'ailleurs.

Quelque peu rétablie, elle se confectionna, grâce à divers tissus qu'elle trouva en soute, de sommaires vêtements chauds, en cape et capuche. Elle n'allait pas déambuler en combinaison spatiale, ce serait trop inconfortable et entravant. Elle s'équipa également d'un petit paquetage à mettre aux flancs, afin de pouvoir emporter diverses petites choses... des rations, de quoi transporter un peu d'eau, des jumelles, ainsi que son catalyseur de magie à fixer à la base de la corne... même si elle n'en n'avait plus besoin, vu la quantité de magie présente, elle se dit que le garder à portée pouvait toujours servir.

Ainsi équipée, elle partit faire face au monde extérieur... le temps était un peu plus clément, malgré les températures plutôt basses. Ce devait certainement être l'hiver. Veillant à bien sceller l'écoutille en partant, elle commença d'abord à explorer le pic où elle s'était posé. Il était plutôt isolé, et laissait une vue très lointaine, ce qui était arrangeant. Prenant son temps, elle le descendit, et pensa à faire de quoi se souvenir de la position de sa fusée, qui ne redécollerait sûrement jamais.

Ses expéditions furent longues, lentes, mais elle n'avait que ça à faire. Après une journée complète d'exploration, elle tomba sur un camp installé à base de tentes rudimentaires, mais emplies de tapisseries, l'apercevant depuis des collines à l'herbe verglacée. Un signe de forme de vie ! S'armant de ses jumelles, Mala observa le camp depuis sa position, et quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit... des licornes. De véritables licornes. Toutes aussi colorées et variées les unes des autres, bien plus variées que sur Vitranis. Elles semblaient aussi un peu plus... petites, physiquement parlant, leur cou était plus court que le sien, tout comme les oreilles. Mala ne le savait pas encore, mais elle venait de rencontrer une tribu de poneys à l'origine d'une fondation d'un important futur royaume...