Le silence dans la salle du conseil était pesant, si on exceptait le bruit régulier que faisait le sabot droit du Commandant Tramonstane qui heurtait le bois de rose de la grande table triangulaire. Le pégase n'aimait pas attendre et le montrait bien. Ses ailes couleur bleu glace étaient déployées et de son sabot gauche, il allait souvent à la rencontre de sa crinière outremer, pour chasser une mèche qui lui tombait devant les yeux.
De son côté, la seule autre personne présente dans la pièce, un poney terrestre à la robe aussi rouge que sa crinière était verte, était extrêmement calme. Il s'était renversé sur sa chaise, patte arrière posées à même la table du conseil et avait croisé les sabots derrière la tête. En théorie, il n'avait absolument pas le droit d'agir ainsi car il manquait de respect au conseil par sa tenue, et si l'on considérait le droit canon, on aurait pu le destituer de son poste de membre.
Mais qui aurait été assez idiot pour renvoyer le Chancelier Strawberry, un des trois poneys qui tenait la destinée d'Equestria entre ses sabots, hors du conseil régnant ?
Pas Tramonstane en tout cas qui était bien plus occupé à pester contre le retard du troisième membre que pour reprocher à Strawberry son attitude désinvolte.
En même temps, nota le Chancelier, Tramonstane était un militaire. Sa vie devait être réglée comme du papier à musique. Sortez du rang avec le pégase et vous vous preniez un sabot sur le nez, si le Commandant était dans son bon jour, ce qui était rarement le cas.
Strawberry étouffa un bâillement à peine dissimulé. Tramonstane lui jeta un regard noir par-dessous son casque à crête noir, héritage d'Hurricane, le père fondateur d'Equestria, aux yeux des pégases. Strawberry se demanda fugacement où avait pu passer le célèbre chapeau de Puddinghead, l’équivalent d'Hurricane pour les terrestres. Sans doute sur la cheminée de ses appartements. Ou dans la cheminée elle-même. Oh et puis ça n'avait aucune espèce d'importance.
Le poney nota que la bouche de Tramonstane s'ouvrait et que sa bouche et ses lèvres s'agitaient nerveusement. Sans doute était-il en train de lui reprocher de se laisser aller dans la salle du conseil. Ou peut-être est-ce que le pégase bleu lui chantait une chanson. Comme le cerveau du Chancelier avait une légère tendance à déconnecter ses oreilles de toute réunion qui n'avait pas encore strictement commencée, Strawberry n'était sûr de rien.
Pour donner le change, le terrestre hocha la tête et sourit d'un air idiot, une des choses qu'il savait le mieux faire alors que son esprit vaquait à des choses plus importantes.
Qu'est-ce qu'ils allaient bien pouvoir manger au dîner ?
¤¤¤
Hélios manqua de déraper sur les pavés en tournant un peu trop vite au coin de la rue. Il se retrouva dans une impasse, qui se terminait par une palissade et un amas de caisses et de tonneaux. À gauche et à droite, il était entouré par les murs de grands bâtiments en bois, qui étincelaient de brun sous la lumière du soleil d'été.
L'alicorne distingua une ombre qui se faufilait derrière les caisses. Hélios fronça les sourcils et progressa à pas de loups.
L'odeur du bois chaud s'insuffla jusque dans ses narines, charriant avec elle celle de la poussière.
Hélios se rapprocha des caisses et entendit un bruit de furetage comme si l'on essayait de se cacher à l'intérieur. Hélios ferma les yeux et utilisa sa magie pour déplacer les boîtes.
Quand il releva les paupières, une alicorne adolescente à la robe blanche et à la crinière rose se tenait plantée devant lui.
_'lut papa, bredouilla la jeune jument du bout des lèvres.
_Celestia, la toisa son père d'un air sévère, tu t'es échappée du cours du professeur Regal, n'est-ce pas ? Encore, précisa-t-il en appuyant sur la fin de sa phrase.
_Mais papa... commença à s'expliquer l'alicorne avant que son père ne l'arrête en levant un sabot.
_Je ne veux rien savoir jeune fille. Je vais te reconduire en cours immédiatement. Allez, viens.
Celestia souffla bruyamment par les naseaux pour exprimer son désaccord mais se plia à l'autorité paternelle. La tête basse, elle emboîta les pas de son géniteur.
Hélios resta silencieux le temps qu'ils sortent de la ruelle, comme s'il lui fallait ces quelques instants pour mettre en ordre ses pensées avant de les exprimer à sa fille.
_Je suis déçu Celestia, lui dit-il sans se départir de son air dur. Je pensais que tu aurais arrêté de te comporter comme une petite pouliche. Surtout depuis ce qui s'est passé ces dernières semaines.
_J'vois pas en quoi le fait que les licornes t'aient choisi comme chef a à voir avec que je me tape les cours d'un poney sénile.
_Surveille ton langage, la prévint son père en faisant un écart pour éviter de percuter un couple de passants. Et pour répondre à ta question, tout Equestria va avoir les yeux rivés sur nous, les poneys, les pégases, les licornes... il va falloir bien se comporter. Prends exemple sur ta sœur.
_Y en a que pour Luna de toute façon, maugréa la jeune alicorne en donnant un coup de sabot dans un pavé descellé qui alla rouler contre un mur. Vous l'aimez plus que moi parce que c'est la plus petite.
_Ne dis pas n'importe quoi, la reprit Hélios, ta mère et moi, nous vous adorons toutes les deux et tu le sais. Mais tu es l'aînée, Celestia, c'est sur toi que Luna doit pouvoir compter si elle a des problèmes. Tu es son modèle. Tu ne crois pas que ça vaut le coup de se comporter un minimum correctement ?
_Mouais, dit l'adolescente, plus pour clore la conversation que pour réellement s'accorder avec son père.
Pour la première fois depuis qu'il avait retrouvé sa fille aînée cet après-midi, Hélios esquissa un sourire et passa paternellement son sabot dans la crinière rose de la chair de sa chair.
Celestia protesta pour la forme tout en sachant très bien qu'elle aimait au fond d'elle-même ce genre d'attentions de la part de son père.
Hélios et sa fille marchèrent sans un mot jusqu'à ce que le couple se retrouve à un croisement en L.
L'alicorne mâle gratta son abondante crinière évanescente feu du bout du sabot, cherchant dans quelle direction aller pour rejoindre au plus vite l'école de Celestia.
Canterlot poussait à la vitesse de l'éclair. C'était une ville-champignon, il n'y avait pas d'autre mot.
Les rues semblaient grandir d'elles-mêmes, des nouveaux bâtiments sortaient de terre à chaque instant et Hélios avait la drôle d'impression que s'il ne mettait pas à jour ses plans et ses cartes toutes les heures, il pourrait se perdre en bas de leur maison.
L'alicorne fit un effort de concentration avant de se souvenir d'être passé devant l'enseigne de telle boulangerie, il y a quelques minutes, alors qu'il galopait dans les rues à la recherche de son aînée. Hélios poursuivit donc sa route tout droit, sa fille toujours à ses côtés. Ils ne dirent plus rien jusqu'à ce qu'ils arrivent à l'école de Celestia, en réalité, un ancien débarras qui avait été transformé en salle de classe par le professeur Regal.
La licorne attendait son élève sur le pas de la porte, la toisant d'un regard plus noir encore que celui que lui avait jeté plus tôt son père. L'adolescente bredouilla de vagues excuses avant de passer la porte, la tête basse. Regal eut un mouvement du museau l'air de dire « décidément ».
_Votre fille à un potentiel immense, lança-t-il à l'adresse de l'alicorne, quel dommage qu'elle le gâche en faisant la pouliche.
Hélios ne dit rien, se bornant à souhaiter une bonne journée à son enfant, d'un discret geste du sabot. Sur le chemin du château, il se dit que Regal n'avait pas tort.
Celestia avait toujours été une enfant douée mais depuis quelques mois, les choses se passaient mal.
Ce n'était probablement rien d'autre que la crise d'adolescence, et si les choses avaient été normales, ni Hélios, ni son épouse ne se seraient inquiétés plus que ça.
Mais la situation était loin de l'être normale, que ce soit par la guerre contre les griffons ou la charge au conseil que venait d'accepter Hélios.
Et la dernière chose dont il avait besoin, c'était une fille qui faisait le mur pour courir les rues ou jouer dans les champs.
Au moins, Luna se tenait tranquille, elle. Ou du moins encore.
Hélios croisait les sabots pour qu'elle leur laisse encore un peu de temps avant de faire sa crise elle aussi.
Les cloches flambant neuves de Canterlot sonnèrent trois fois, leur bronze renvoyant l'écho à travers toute la ville. Hélios jura et pressa le pas jusqu'au château.
Arriver en retard pour sa première session au conseil, ça risquait de donner une mauvaise image. Et pas sûr qu'ils soient très compréhensifs au problème Celestia.
La destinée d'Equestria devait un peu plus importer au conseil que les fugues de la jeune alicorne.
¤¤¤
Le Commandant Tramonstane avait épuisé sa réserve de jurons quand Hélios pénétra finalement dans la salle du conseil.
_Vous voilà enfin, lâcha-t-il à l'adresse de l'alicorne qui venait s'asseoir à la table triangulaire. Vous nous faisiez encore attendre et nous étions prêts à commencer sans vous.
_Une réunion extraordinaire du Conseil des Trois qui commence à deux, ça aurait été un peu bizarre, vous ne croyez-pas ? demanda Strawberry, renversant sa chaise en avant et la remettant droite.
_Je suis navré de mon retard Commandant. Chancelier je vous prie de m'excuser également, formula Hélios avec politesse.
Le poney à la robe rouge lui fit un signe compréhensif du sabot alors que le pégase continuait à regarder Hélios avec dédain. Il n'aimait pas l'alicorne, pour tout un tas de raisons. D'abord parce que Tramonstane était le genre de personne à détester son prochain tant qu'il n'avait pas fait ses preuves. De par son éducation et son esprit militaire, le Commandant Suprême des pégases n'estimait un poney que s'il s'était distingué sur le champ de bataille ou par des actes glorieux.
La politique et la bonne marche d'Equestria le forçaient à travailler avec le Chancelier Strawberry, qui, quand il arrêtait d'être fainéant, se révélait un des plus brillants administrateurs que Tramonstane n'ait jamais connu, d'une grande aide pour régler les multiples petits soucis administratifs que l'esprit martial du pégase refusait de concevoir.
Mais dans le cas d'Hélios, c'était différent.
L'alicorne leur avait été imposé, simplement parce que le prince Bronze des licornes lui avait confié temporairement le pouvoir de lever le soleil, juste avant de partir en campagne. Si Bronze n'avait pas été tué à la guerre contre les griffons, les choses aurait été différentes.
Hélios s'était donc retrouvé en possession d'un des grands pouvoirs du clan des licornes, ce qui au fond, n'aurait fait ni chaud ni froid à Tramonstane si Hélios avait bel et bien été une licorne. Mais il était une alicorne, ce qui changeait les choses du tout au tout. Le Commandant ne connaissait pas les alicornes, il constatait juste qu'il s'agissait d'une race entre le pégase et la licorne, qui disposait non seulement des pouvoirs magiques conférés par sa corne mais aussi de l'habileté pégase de fouler les nuages et de les modeler.
C'était trop hors case pour l'esprit rigoureux du militaire.
_Alors commençons la réunion, j'aimerais rentrer à Stormpit avant de mourir sur place de vieillesse, dit Tramonstane en retirant son casque et en le posant à même la table. Chancelier, régent solaire Hélios, dit-il en appuyant sur le mot « régent », suite à notre grande victoire et à la mort du Seigneur-Plume Gabriel, nous venons de recevoir de la part des plénipotentiaires griffons une demande de cessez-le-feu, que j'ai accepté de signer.
_Vous comptiez nous en parler un jour Commandant ? demanda Hélios, mi-surpris, mi-choqué.
_C'est ce que je suis en train de faire. Et dois-je vous rappeler que selon les lois du conseil, c'est au représentant des pégases, donc moi-même de traiter des affaires militaires ?
_Un armistice est de la diplomatie, c'est du ressort des licornes, rétorqua Hélios.
_Et depuis quand vous occupez-vous de la politique extérieure d'Equestria ? Vous avez le pouvoir de lever le soleil mais le roi Aurum reste le seul habilité à...
_Calmez-vous tous les deux, intervint Strawberry en levant son sabot droit en signe de paix. Un armistice est du ressort à la fois des pégases et des licornes. Tramonstane, vous avez raison sur la forme mais je vous rappelle que Sa Majesté le roi Aurum est toujours alité. C'est son fils qui devrait être assis à cette table mais la bataille de Trois Pics nous a privés de sa présence. Le régent solaire Hélios est à mon sens, tout à fait capable d'assurer l'intérim, le temps qu'Aurum se rétablisse. En attendant, je propose Commandant, que vous poursuiviez votre exposé.
Tramonstane eut un reniflement méprisant, comme à chaque fois que Strawberry parlait vrai. Le poney terrestre arrachait toujours son respect de façon étonnante.
_Donc, reprit le pégase couleur glace, officiellement, les combats sont suspendus entre nous et la Horde Griffonne. Nous avons donc le choix de préparer une convention d'armistice et de capitulation pour la Horde qu'ils signeront sans discuter. Ou bien nous pouvons pousser notre avance jusqu'au bout et briser les griffons une fois pour toutes.
_Vous voulez reprendre les combats ?
_Théoriquement, un cessez-le-feu peut reprendre à n'importe quel moment. Nos troupes sont encore motivées et fraîches, nos premières lignes ne sont plus qu'à quelques kilomètres des nuages de la Horde.
_Nous avons gagné, souligna Hélios. Pourquoi poursuivre la guerre alors ?
_Pour mettre à terre les griffons et leur arracher les ailes pour de bon, répliqua Tramonstane d'un ton sans appel. Ils nous ont combattus durant trois ans, des pertes immenses, de chaque côté. Maintenant, nous avons les sabots sur leur gorge. Au point où nous en sommes, je propose de finir le travail.
_Vos propos me choquent, dit Hélios en se passant les sabots sur le museau. Vous venez de le dire vous-même, nous sortons d'un conflit de trois ans, qui a fauché la fleur de notre jeunesse, nos élites... et vous voulez continuer cette folie ?
_Faire le sale boulot aujourd'hui nous préservera de le faire plus tard, dit le Commandant, abattant son sabot sur la table pour appuyer ses propos.
_Vous voulez poursuivre la guerre mais vous avez accepté de signer un cessez-le-feu ? C'est assez curieux à entendre, Commandant, intervint Strawberry.
_Je ne vous cache pas que je préférerais danser sur les tripes chaudes des griffons à l'heure où je vous parle mais le Seigneur-Aile Gver m'a personnellement demandé de lui laisser trois jours, le temps qu'il se charge des funérailles de son fils. Je lui ai donné ma parole d'officier qu'il pourrait dire adieu au Seigneur-Plume Gabriel. De toute façon, trois jours, ça ne change pas grand-chose, la victoire est déjà nôtre. Nos pégases en profiteront pour prendre un peu de répit. Et la question se pose toujours. Soit dans trois jours, nous signons une paix à conditions avec la Horde, soit nous effaçons son nom des livres d'Histoire. Cette décision-là ne m'appartient pas, voilà pourquoi je la soumets au Conseil.
_Il ne faut pas pousser notre avantage plus loin, déclara l'alicorne. Les griffons sont prêts à nous tendre la patte, nous serions idiots de refuser. Nous pourrions même en faire des alliés, plutôt que des ennemis.
_Des alliés ? s'étrangla Tramonstane. Et pourquoi pas donner un siège au Seigneur-Aile pendant que vous y êtes ? Je sais que le conseil commence à accepter n'importe qui à sa table mais je jure que moi vivant, pas une plume de griffon ne passera ces portes !
_Il le faudra bien pour signer les accords de paix, dit d'une petite voix le Chancelier Strawberry. À moins que nous allions signer à GrandNid mais ce n'est pas important au final.
Le poney à la robe rouge s'éclaircit la gorge.
_Je sais qu'en tant que responsable de la politique interne d'Equestria je n'ai qu'un avis facultatif à donner sur cette affaire, mais je penche personnellement du côté du régent. La paix est enfin là au bout de trois ans de lutte, il nous faut la signer. Cela dit Commandant, je comprends vos inquiétudes concernant le futur de notre nation. Je pense que le mieux à faire serait de sanctionner durement la Horde pourquoi pas en lui confisquant des biens et des territoires afin de l'affaiblir. Ainsi, si dans le futur, Gver ou un un autre Seigneur-Aile levait encore une fois ses griffons contre nous, nous pourrions écraser GrandNid en quelques semaines, plutôt qu'en plusieurs années.
_Ce n'est pas dénué de sens, avoua Tramonstane après un temps de réflexion. Quoiqu'il en soit, nous avons trois jours pour réfléchir, n'est-ce pas ?
_J'irai consulter le roi Aurum afin d'avoir son avis sur la question, affirma Hélios, rassuré à l'idée que Tramonstane acceptait le concept de la fin de la guerre. En fonction de ce que Sa Majesté nous dira, nous pourrons rédiger le traité de paix.
Tramonstane et Strawberry hochèrent le museau de concert, pour donner leur accord.
Le pégase remit rapidement son casque, expliqua qu'il laissait son secrétaire à disposition du conseil pour les détails et déployant ses ailes, il fila par la grande fenêtre et monta en direction du ciel jusqu'à n'être qu'un point dans l'horizon.
Hélios le regarda s'éloigner. Quand il baissa les yeux à nouveau, il découvrit que Strawberry s'était levé à son tour et préparait ses papiers.
_Ne vous en faites pas trop pour Tramonstane, lui dit le poney en roulant quelques parchemins. Il finira par vous apprécier.
_Je n'ai pas spécialement besoin que le Commandant m'apprécie, Chancelier, répliqua d'un ton un peu froid l'alicorne.
_Ce que je veux dire par là, c'est que le Commandant est moins tête de mule, si vous me passez l'expression, qu'il n'en a l'air. Il est juste... martial.
Le terrestre rangea ses feuilles dans le sac de cuir qu'il portait au flanc.
_Il faut que je rentre à Manehattan avant la nuit ou mon compagnon va me tuer, gloussa-t-il. Il ne comprends pas vraiment le concept de devoir d'Etat.
Hélios nota mentalement que de son côté lui, n'avait pas ce problème. Aztarté était une épouse des plus compréhensives sur ce sujet-là.
_Comment va le roi Aurum d'ailleurs ? demanda Strawberry en fermant la sangle de son sac. Je n'ai pas pu lui rendre visite depuis des mois.
_Toujours très malade, expliqua Hélios. Et la nouvelle de la mort du prince Bronze ne l'a pas aidé, bien au contraire. Les licornes-médecins se donnent du mal mais c'est comme si Sa Majesté avait perdu toute volonté de vivre.
_Plutôt triste, grimaça le terrestre en ébouriffant sa crinière verte. Mais je suppose que ça doit faire quelque chose de perdre son enfant. Surtout son fils unique.
_J'imagine, dit Hélios, frissonnant d'horreur à l'idée que Celestia ou Luna soient arrachées à son affection.
_J'irai bientôt au chevet de Sa Majesté, assura le terrestre en cheminant jusqu'à l'entrée de la salle. Portez les salutations des poneys au roi des licornes, entendu ?
Hélios hocha la tête et Strawberry s'en alla avec un sourire satisfait. Resté seul dans la salle du conseil, l'alicorne alla se déplacer jusqu'à la grande carte parcheminée d'Equestria affichée au mur.
Elle était encore incomplète mais semblait se préciser de jour en jour. On y avait tracé les premières grandes villes, comme Manehattan ou Stormpit mais aussi les colonies importantes, comme St Petershoof ou Stalliongrad. Le régent nota que le cartographe n'avait oublié ni le Tartare, ni l'Elysium. L'alicorne sentit l'amertume envahir sa bouche à la pensée et de la prison et de la haute montagne. S'il y avait bien deux lieux qu'il aurait aimé voir oubliés du tracé, c'étaient bien ceux-là.
Les cloches sonnant quatre heures le tirèrent hors de ses pensées. Il ne pouvait pas rester planté ici tout l'après-midi, il devait encore voir de nombreuses choses pour le compte du roi Aurum. Ou du prince Bronze techniquement sauf que la licorne n'était plus là pour recevoir son rapport.
Il ne fallait pas non plus qu'il oublie d'aller chercher ses filles à la sortie des classes.
Qui avait dit qu'être régent solaire et père était simple et facile à la fois ?
¤¤¤
La chaleur étouffante de l'après-midi avait fait place à un orage qui noyait Equestria sous la pluie. C'était la manière pégase de signifier leur joie après une grande victoire militaire. Symboliquement, le ciel pleurait la mort des vaincus. Concrètement, envoyer de gros nuages noirs au-dessus de civils était aussi une façon de se passer les nerfs après une dure guerre.
Un éclair zébra l'horizon et la duchesse Ira se mit à compter mentalement. Un, deux, trois... elle ne s'était jamais souvenue de la méthode exacte à appliquer mais elle savait que plus l'espace entre l'éclair et le bruit du tonnerre était court, plus l'orage était proche. Le fracas lui parvint aux oreilles alors qu'elle arrivait à quinze. C'était vingt tout à l'heure. Les pégases rapprochaient les nuages de la ville.
Elle se força à se détourner de ce spectacle hypnotique pour relire l'éloge funèbre qu'elle lirait à l'enterrement de son cousin Bronze. Techniquement, petit, petit, petit, petit-cousin mais cousin de sang quand même.
La jument sourit à la pensée de voir la couronne des licornes ceindre sa tête.
Bien sûr, pour l'instant, elle n'était encore rien de plus qu'une membre éloignée de la famille royale mais elle en était la seule encore vivante. Le jour où le vieux Aurum mourrait, et il faisait un pas de plus vers la tombe chaque jour, ça serait Ira qu'on viendrait chercher pour s’asseoir au conseil et présider à la destinée de sa patrie, avec le chef des pégases et des poneys communs.
Ira savait déjà quelles mesures elle prendrait pour préserver sa race de l’abâtardissement et remettre les licornes là où leur rang leur demandait d'être, au centre.
En tant que pure descendante de la princesse Platinium, fondatrice d'Equestria, Ira pouvait le jurer.
Nouvel éclair. Un, deux, trois...
Le tonnerre résonna si fort qu'il fit tinter les vitres de ses fenêtres.
L'orage se rapprochait, pour le plus grand plaisir de la licorne.
¤¤¤
Aztarté se mordilla la lèvre inférieure, un de ses tics quand elle était nerveuse. Elle n'aimait pas l'orage. Elle en avait une peur bleue pour être honnête. C'était comique d'un certain côté : elle était une alicorne dans la force de l'âge, aux puissants pouvoirs magiques, l'épouse du régent solaire d'Equestria, la mère de deux adorables filles... et elle était toujours terrorisée par les tempêtes.
C'étaient les éclairs, surtout, qui lui mettaient une boule dans le ventre. Voir ces lignes jaunes brisées se détacher devant elle, dans un flash, transportant avec elles une énergie et une puissance qui donnait le vertige. Aztarté savait qu'il n'y avait aucune chance pour que cela arrive, mais avait tout le temps peur qu'un éclair ne foudroie Hélios, Celestia ou Luna. C'était une des raisons pour laquelle elle interdisait aux siens de sortir dehors pendant un orage.
Luna suivait le spectacle malgré tout, le museau collé aux vitres de la cuisine, celles qui donnaient sur les environs. La petite alicorne essuyait régulièrement la buée à même le sabot et glapissait de plaisir à chaque éclair, tentant de deviner où le prochain tomberait. Sa sœur aînée, Celestia, affichait un air plus blasé, allongée sur le sofa familial, tournant distraitement les pages d'un roman de gare.
Aztarté et Hélios avaient eu une longue conversation quand son mari était rentré peu après la tombée de la nuit et le début de l'orage, sur les problèmes que leur posait Celestia depuis quelques temps. Il fallait qu'ils trouvent le moyen de régler ça avant que cela n'empire. Et aussi simplement parce que leur fille était mal dans sa peau et qu'ils n'aimaient pas ça.
Hélios lui, travaillait encore malgré l'heure avancée, dans son bureau, à mettre des notes au propre. Son mari se tuait au travail, se dit Aztarté. Il n'aurait pas dû accepter la charge de régent de la part du prince Bronze. Il devrait redonner ses pouvoirs au roi Aurum ou à une autre licorne, n'importe qui. Mais Aztarté avait une mauvaise impression, comme si ça ne pouvait qu'empirer. Déjà, à l'Elysium, leurs ennuis avaient commencé quand Hélios avait accepté un poste à la cour.
Peut-être que son époux n'était pas fait pour les responsabilités officielles. Ou en tout cas, pas sans recevoir avec tous les malheurs, les malédictions et les conspirations des environs.
Mais peut-être qu'Aztarté se faisait juste du mauvais sang à cause de l'orage. Oui, ce devait être ça.
Trois coups secs furent frappés à la porte de leur demeure. Intriguée, Aztarté alla ouvrir, laissant Luna béate d'admiration devant le spectacle de l'orage. L'alicorne ouvrit la porte pour découvrir une licorne qui se protégeait de la tempête du mieux qu'elle le pouvait avec sa magie, portant en sabot une lettre avec le cachet officiel royal. Aztarté reconnut un des principaux pages du château.
_Sa Majesté le roi Aurum est mourant ! affirma la licorne. Il demande la présence de tous les poneys d'importance et du régent auprès de lui.
Alors qu'elle grimpait les escaliers pour prévenir son mari, prenant au passage, le manteau de celui-ci dans la bouche pour le lui donner, Aztarté se dit que finalement, orage ou pas orage, elle avait peut-être eu raison de se faire du mauvais sang.
Ne serait-ce que pour la forme.
¤¤¤
La chambre royale puait. Hélios avait beau savoir que Aurum à cause de son âge et de sa maladie ne contrôlait plus son corps, et que les serviteurs faisaient leur possible pour le laver et brûler de l'encens aux quatre coins de la pièce, il arrivait malgré tout à cette conclusion.
Ça ne rendait guère justice au roi Aurum par ailleurs et l'alicorne se sentit honteux d'avoir ainsi sauté à la conclusion. Aurum avait été sans doute le plus grand dirigeant licorne d'Equestria depuis la princesse Platinium et Clover le Sage eux-mêmes. Il avait scellé des accords d'amitié encore valables aujourd'hui, il avait permis l’expansion pacifique de la nation au delà de ses frontières et ses concepts politiques avaient été si novateurs que le clan des terrestre en avait appliqués certains sans attendre, sans même les reformuler.
Et maintenant, la vieille licorne était dans son lit, avec la vie qui le fuyait par toutes les pores de sa peau. Plusieurs fois, Aurum avait levé des yeux enfiévrés vers la petite demi-dizaine de licornes qui étaient dans sa chambre et avait tendu le sabot dans le vide, appelant son fils. Le fait que les licornes-médecins avaient rappelé au vieux monarque que le prince Bronze n'était plus de ce monde n'avait pas empêché Aurum de répéter plusieurs fois l'opération.
Puis, vers quatre heures du matin, le roi des licornes sembla s'affaiblir encore plus. Il pâlit et les poneys présents dans la pièce jurèrent encore longtemps avoir vu la crinière d'Aurum passer de leur célèbre jaune à un blanc filasse en quelques secondes.
Trop faible pour parler à tous, Aurum fit signe à un des médecins de faire l'écho de sa voix.
_Nous, Aurum III, roi des licornes et membre du conseil régnant d'Equestria, répéta la licorne-médecin, nous déclarons par ce qui suit nos dernières volontés. Puisque notre fils bien-aimé le prince Bronze est mort avant nous, notre couronne reviendra...
Aurum s'interrompit pour expulser de ses poumons un liquide verdâtre. Trop pendue aux lèvres du vieux monarque pour être dégoûtée, l'assemblée le vit à peine.
_Notre couronne reviendra donc, à celui que notre fils a choisi comme héritier.
Les licornes s’entre-regardèrent, échangeant des messes basses.
_Nous vous enjoignons à protéger Equestria du mal par tous les moyens possibles, y compris de votre vie. Que cette guerre contre les griffons soit la dernière que connaisse notre peuple et que la discorde nous épargne de sa cruelle...
Aurum s'interrompit une nouvelle fois pour tousser mais la crise fut grave. Agité de convulsions, crachant et s'étranglant, Aurum finit par s'immobiliser dans son lit après une dernière plainte.
La licorne-médecin lui tâta le pouls et lui ferma les paupières.
_Le roi est mort, vive le roi, lança quelqu'un dans l'assemblée.
_Le roi est mort, vive le roi ! répétèrent les licornes.
Puis elles se mirent à réfléchir. À qui revenait la couronne en fin de compte ? Le roi avait désigné l'héritier de son fils mais le prince Bronze n'avait jamais techniquement eu lui-même d'héritier. Tout juste un régent pour le remplacer le temps qu'il revienne de la gue...
Tous les regards convergèrent vers Hélios. Ce dernier déglutit.
Commencer la journée par chasser sa propre fille dans toute la ville pour la ramener à l'école, arriver en retard au conseil, discuter d'un traité de paix et finir désigné roi des licornes à quatre heures du matin par celui qu'il servait encore il y a quelques instants... Hélios avait connu des journées plus calmes.
¤¤¤
Du bout de ses serres noires, Gver, Seigneur-Aile des griffons, caressa la tête de la dépouille de son fils. Gabriel semblait si paisible, se dit le maître de GrandNid. Il avait sur le bec une expression de paix qu'il n'avait pas affichée depuis qu'il était enfant.
Sauf que les enfants ne tombaient pas à la guerre.
Malgré son duvet, Gver frissonna et alla jusqu'aux grands braseros qui entouraient la couche mortuaire de son enfant. Il se saisit d'un tisonnier et fouilla dans le récipient en métal pour exciter les braises et nourrir le feu.
C'était étrange au fond. La logique aurait voulu que ce soit Gabriel qui se charge de tout ce cérémonial à l'attention de son père et non l'inverse. Qu'avait dit Clover, il y a plusieurs siècles déjà, une des rares licornes pour laquelle l'ensemble des griffons avaient de la considération ?
En temps normal, le fils enterre son père. À la guerre, c'est l'inverse.
La citation ne devait pas être tout à fait exacte mais Gver s'en accommoderait. La mort était quelque chose que les griffons connaissaient depuis longtemps, pour ne pas dire toujours. Ils étaient un peuple de guerriers implacables et jusqu'il y a encore peu, le monde tremblait au moindre de leurs cris de guerre.
Gver avait vu sa famille décimée par les conflits et avait été élevé dès sa sortie de l’œuf dans une atmosphère martiale. C'était tué ou être tué, dévorer pour ne pas l'être.
Plus jeune, il avait été d'accord avec cette philosophie. Maintenant, c'était plus compliqué.
C'était en mûrissant que Gver avait réalisé la grande faiblesse de la Horde. Elle qui ne reposait que sur le combat, elle ne pouvait pas prospérer en temps de paix. C'était la raison pour laquelle les griffons passaient leur temps dans des guerres intestines, dans le seul but de sacrer leur chef, Seigneur-Aile.
Quand le destin et surtout, une formidable victoire militaire lui avait permis de devenir maître de GrandNid, Gver s'était appliqué à unifier pour de bon tous les clans dans un même creuset. Leur fournir un but, une vision d'ensemble, quelque chose à atteindre pour que la Horde reste unie.
Mais la nature belliqueuse des griffons s'accordait mal avec de tels objectifs politiques. Gver avait alors trouvé une sorte de compromis, lançant la Horde aux trousses d'un ennemi commun qui cimenterait dans son sang l'alliance griffonne.
Ils avaient tout d'abord balayé l’État Libre des Ânes en quelques semaines seulement avant de poursuivre sur leur lancée en renvoyant les tribus des chiens diamants jusque dans leurs grottes.
La Horde avait été au sommet de sa puissance, ce qui avait permis à Gver de réformer et de centraliser son pouvoir sans que les autres clans ne protestent, ivres de succès.
C'était quand Gver avait prévu de transformer le poste de Seigneur-Aile en charge héréditaire qu'il s'était dit qu'une nouvelle grande victoire pousserait les griffons à entériner sa décision.
Restait à choisir son adversaire. Gver avait longtemps pesé le pour et le contre, hésitant à lâcher ses troupes sur les zèbres ou sur les poneys. C'était finalement Equestria qui avait été choisie car ses pégases éliminés, les griffons seraient les maîtres suprêmes des cieux.
Maintenant, quand le Seigneur-Aile levait les yeux au-delà de GrandNid et voyait le campement pégase en faire le siège, il se disait que finalement, il aurait dû choisir les zèbres.
Gver arrêta de fouiller le brasero et revint auprès de son enfant. Il compara les plumes blanches de Gabriel avec les siennes, si grises et si brillantes qu'on aurait dit une armure de fer.
Eh bien armure ou pas, la mort de son fils avait blessé le Seigneur-Aile plus profondément qu'il ne l'avait jamais été.
Le maître de GrandNid se passa la serre sur le bec, réfléchissant à qui serait le nouveau Seigneur-Plume de la Horde, maintenant que Gabriel n'était plus là. La tradition voudrait que ce soit la fille de Gabriel mais la petite Gabia était tout juste sortie de l’œuf, elle était trop jeune pour assister son grand-père dans sa tâche.
Sans compter que les autres clans devaient valider le choix du Seigneur-Aile, et que Gver n'était pas sûr que son peuple le suive dans ce choix. Peut-être que s'ils avaient gagné au Trois Pics...
Gver secoua la tête pour chasser cette pensée de son esprit. C'était idiot. Si la Horde avait gagné au Trois Pics, Gabriel serait encore là et le problème ne se poserait même pas.
La seule chose qui réchauffait un peu le cœur de Gver, c'était que Gabriel n'était pas tombé seul. Il avait emporté avec lui le prince Bronze, le fils du roi des licornes. Mais d'un autre côté, cela voulait dire que le monarque des licornes lui aussi, avait la mort de son enfant à honorer.
Est-ce qu'Aurum passait également la nuit auprès du corps froid de son fils ? Est-ce que lui aussi avait le sentiment qu'une partie de son corps lui avait été arrachée à vif ?
Ennemi ou pas ennemi, Gver aurait aimé être à côté d'Aurum pour qu'ils puissent partager leur douleur.
Trois jours. Le chef des pégases lui avait accordé soixante-douze heures pour traiter la dépouille de son fils selon la coutume griffonne, des premières ablutions à l'eau de pluie au grand bûcher funéraire.
Gver savait que les chefs de clans se divisaient sur la marche à suivre.
Certains étaient partisans de signer la paix tant qu'ils le pouvaient, d'autres se drapaient dans leur fierté martiale et crachaient sur l'idée même d'armistice, et encore plus de capitulation.
Mais c'était à Gver de décider en fin de compte. Il restait le Seigneur-Aile et on respecterait son autorité.
Quand il avait vu son fils tomber à la bataille des Trois Pics, Gver avait senti ses plumes le hérisser, et s'il s'était écouté il aurait lancé l'ensemble de la Horde dans une charge punitive dévastatrice. Mais le bon sens avait repris le dessus, des vieux souvenirs de guerre, des conseils de stratégie de la part de son propre père, quand il n'était qu'un petit chef de clan. Celui de faire attention à son tempérament explosif, celui que se partageaient bon nombre de griffons.
Gver avait ravalé sa colère et compris qu'une attaque-suicide ne servirait en rien les intérêts de GrandNid. L'important était de protéger la Horde du malheur à venir, et le griffon se préparait déjà mentalement à apposer sa signature sur un traité de paix sans conditions. Ou même avec conditions si ça faisait plaisir aux poneys, il voulait juste que ça s'arrête.
Au bout de quatre-cinq ans d’existence et de trente en tant que Seigneur-Aile, Gver avait enfin compris ce qu'un de ses oncles, sur son lit de mort après avoir été grièvement blessé en pleine bataille par son héritier afin d'accélérer le processus de succession, avait baptisé l'absurdité de la guerre.
Quel dommage qu'il ait dû passer par la mort de son fils pour le concevoir vraiment.
¤¤¤
Quand ses domestiques vinrent la réveiller, Ira roula sur le côté abandonnant le confort de ses draps de soie à regrets. Elle s'assit au bord de son lit, laissant ses servantes lui enlever sa chemise de nuit et l'aider à se préparer. On lui apporta une bassine d'eau tiède, et une éponge qu'Ira se passa plusieurs fois sur le visage. Jamais d'eau froide au réveil. Ça donnait peut-être un coup de fouet, mais c'était surtout très mauvais pour la peau d'être sollicitée ainsi de bon matin. Ira tenait beaucoup à son pelage gris perle et aurait détesté l'abîmer ainsi.
Elle avait une image à soigner tout de même.
Ses ablutions terminées, ses domestiques lui tendirent sa robe de chambre griffée de ses initiales. Ira en rabattit les pans et noua la ceinture. Elle passa ses sabots dans sa crinière acajou et se leva de son lit.
Elle trottina de sa chambre jusque dans son salon, prenant quelques minutes comme à chaque fois devant la galerie de portraits qui bordait le couloir. Les portraits de la famille royale des licornes.
La famille d'Ira, dont les racines remontaient à la princesse Platinium, la fondatrice d'Equestria. D'autres auraient protesté en argumentant que le Commandant Hurricane ou le Chancelier Puddinghead avaient eux aussi aidé à hisser le premier drapeau equestrien. Mais Ira connaissait la vérité. Les licornes étaient légitimes par le sang. Du temps des trois tribus, seule celle des licornes disposait d'une autorité incontestable, par son hérédité.
Les pégases plaçaient le plus haut gradé à la tête de leur clan et les terrestres eux, élisaient purement et simplement leur dirigeant ! Comme si on pouvait faire confiance au peuple pour décider de sa propre destinée !
Ira eut presque un haut-le-cœur à l'idée que les licornes agissent ainsi. Et puis quoi encore ? Elles étaient de la race des seigneurs, elles devaient dominer. C'était dans l'ordre naturel des choses. Cette égalité de droits, prônée par les terrestres et les pégases était une idiotie.
En un sens, Ira comprenait l'idéal griffon, s'il n'avait pas été aussi brutal et barbare.
Un peuple devait dominer pour survivre. Les plus forts en haut de l'échelle.
Son majordome accueillit Ira avec une courbette et lui tira sa chaise. La licorne s'assit confortablement sur son coussin et laissa son serviteur lui verser un grand bol de café et déposer sur la table naperonnée de dentelle, le plateau de croissants chauds.
Ira s’apprêtait à étaler de la confiture sur sa première viennoiserie quand elle remarqua que son majordome avait ajouté une note manuscrite sur le plateau. En toutes lettres, la licorne put lire « le roi Aurum III est décédé cette nuit à quatre heures. »
Ira oubliant brusquement toute son éducation aristocratique, se mit à battre des sabots de plaisir. Oui ! Enfin le vieil oncle était mort ! Enfin, enfin, enfin !
Enfin la couronne lui arrivait à elle parce que Bronze avait eu la bonne idée de mourir contre les griffons ! Ira caressait ce rêve depuis qu'elle n'était qu'une pouliche. À quoi cela pouvait-il servir d'être dans la famille royale si ce n'était pas pour exercer soi-même le pouvoir ?
La licorne arrêta sa manifestation de joie, saisie d'un doute. De la patte, elle fit revenir auprès d'elle son majordome.
_Alfred, commença-t-elle d'un ton pincé, si mon oncle est mort cette nuit, comment se fait-il que je n'ai pas été prévenue ?
_Je crains que Sa Majesté ne soit morte de façon très subite, mademoiselle.
_Je sais. Ce que je veux savoir c'est pourquoi les pages ne sont pas venus me chercher cette nuit pour me conduire à son chevet. Après tout, je suis la nouvelle reine.
_À vrai dire mademoiselle... hésita le poney.
Le regard noir que lui jeta sa maîtresse le força à finir sa phrase.
_... Sa Majesté a désigné l'héritier du prince Bronze comme nouveau roi.
_Mon cousin n'a pas d'héritier, répondit Ira, toujours aussi tendue, faisant passer son amertume par une gorgée de café.
_C'est pour ça que les licornes pensent au régent solaire comme nouveau roi.
_Au régent Hélios ? s'étrangla Ira, crachant le café qu'elle avait en bouche sur la table.
_C'est cela même mademoiselle, répondit Alfred, tamponnant discrètement les flaques de café avec un torchon pour les éponger.
_Mais, mais, mais, mais... balbutia la licorne en se prenant la tête entre les sabots d'incompréhension, mais ce n'est même pas un membre de la famille royale. Je suis la dernière du sang de Platinium. La couronne doit être à moi. À moi et à personne d'autre !
_Assurément mademoiselle, dit Alfred en continuant imperturbablement sa tâche.
_Hélios n'est même pas une licorne, c'est une... c'est un bâtard de pégase et de licorne ou je ne sais quoi ! Il n'a eu le poste de régent solaire que parce que mon cousin lui a temporairement accordé le pouvoir de lever le soleil !
_Oui mademoiselle.
_Ça n'a pas de sens. Je suis la souveraine légitime des licornes.
_Certes mademoiselle.
_Hélios n'a aucun droit sur le trône.
_Tout à fait, mademoiselle, dit le majordome en finissant d'éponger la dernière tache sur la nappe.
_Je vais faire valoir mes droits, monologua Ira plus qu'elle ne s'adressait à son domestique. La couronne est mienne et me sera due.
_Absolument mademoiselle.
Tandis que la licorne continuait à soliloquer, Alfred se préparait à apporter à nouveau la cafetière à sa maîtresse. Le poney était au service d'Ira depuis suffisamment d'années pour savoir que l'aristocrate oubliait beaucoup de choses quand elle était en colère.
Mais sûrement pas de le punir s'il ne lui resservait pas un bon petit-déjeuner dans les minutes qui suivraient.
_Je vais briser ce roturier d'Hélios, tu entends ? Je ne me laisserai pas priver de mon trône parce que je suis l'héritière légitime d'Aurum ! Je suis la licorne la plus noble d'Equestria, pas une ponette du commun ! Honnêtement Alfred, est-ce que je suis une ponette du commun ?
_C'est incontestable mademoiselle, répondit le majordome sans réfléchir.
_Pardon ? s'étrangla Ira de rage et de surprise mêlée. Est-ce que tu peux répéter ?
Alfred sentit une suée froide envahir son dos et souiller sa livrée.
Oups.
¤¤¤
Versant de l'eau fraîche dans un verre posé près de ses sabots à l'aide de sa magie, Aztarté regarda son mari dans les yeux, mi-inquiète, mi-effarée.
_Tu n'as quand même pas accepté, si ?
Hélios aurait voulu répondre par une longue et puissante tirade pour convaincre sa femme, mais il avait la bouche pleine d'un sandwich aux hellébores, ce qui aurait considérablement nui au sérieux et à la compréhension de son argumentaire. L'alicorne se borna donc à hocher la tête en un « mmm mmm », qu'il voulait explicite.
Aztarté roula des yeux et releva la bouteille avant que le verre ne déborde.
Il faisait beau et chaud en cette matinée à la lisière de la forêt. Hélios, Aztarté, Celestia, et Luna avaient décidé de partir faire un pique-nique à l'extérieur de Canterlot depuis plusieurs semaines déjà, et les événements de la nuit n'y avaient rien changé. Aztarté pouvait se révéler être une jument des plus obstinées quand il s'agissait de respecter l'agenda.
Hélios avait déployé la nappe familiale sous l'ombre d'un grand arbre, et lui et sa femme mangeaient tranquillement pendant que leurs filles jouaient au ballon en attendant de passer au dessert, seule partie du pique-nique qui les intéressait vraiment.
Hélios avala le plus vite possible pour répondre à son épouse :
_Disons qu'il ne s'agit pas que j'accepte ou pas, je dois le faire, c'est tout.
_Tu es régent solaire, dit sa femme en pointant l'astre du sabot, c'est déjà un gros travail. Pourquoi est-ce qu'ils veulent te donner encore plus de boulot ?
_C'est pas « ils » chérie, c'est les joies de la succession licorne. Bronze est mort, il n'y a plus personne dans sa famille qui peut prendre directement la couronne, c'est moi qu'il a choisi comme régent avant de partir à la bataille des Trois Pics, voilà, c'est sur moi que ça tombe.
_Tu es régent, Hélios, souligna Aztarté en utilisant sa magie pour donner son verre à son époux. Ça veut bien dire que tu n'auras pas le poste à vie, non ?
_Je n'ai pas encore discuté des détails, je t'avouerais mais j'ai une réunion prévue cet après-midi avec les barons licornes. Je verrai avec les nobles comment ça se passe.
_Et pour la lune ? C'est toujours aux prêtres de s'en occuper, n'est-ce pas ?
Hélios titilla sa crinière du bout du sabot, comme à chaque fois qu'il cherchait comment formuler une phrase délicate sans brusquer sa femme.
_Eh bien oui même si en théorie...
D'un geste circulaire du sabot, Aztarté fit comprendre à son époux de faire court.
_La tradition veut que ce soit la femme du régent qui soit en charge de la lune, dit Hélios dans un seul souffle.
_Moi ? s'étonna Aztarté alors que son mari opinait du chef. Moi, régente lunaire ? Tu es sérieux ?
_C'est une histoire de symbolique, expliqua son mari. Les licornes sont assez attachées à tout ça, et aiment bien quand le pouvoir astral reste au sein d'une même famille. Les prêtres ont soulagé Aurum du contrôle de la lune pendant qu'il était malade, parce que Bronze avait refusé d'endosser les deux mais maintenant que le roi est mort lui aussi...
_Moi, régente lunaire, répéta Aztarté, pouffant à moitié.
_T'es pas obligée d'accepter, la prévint son mari. Et je ne demande pas une réponse tout de suite. Mais les licornes vont espérer que tu dises oui, c'est certain.
Aztarté pouffa une nouvelle fois en secouant la tête, ce qui agita son évanescente crinière noire.
_Je vais y réfléchir, déclara-t-elle après avoir déballé un nouveau sandwich et l'avoir pris en sabot.
Le couple ne dit rien pendant quelques minutes, profitant de la caresse du soleil sur leurs robes, et du plaisir d'un repas simple. Quelque chose leur disait que si Hélios se retrouvait pour de bon au conseil, ils n'auraient plus très souvent l'occasion de partager un petit pique-nique.
Hélios et Aztarté regardèrent leurs filles taper dans le ballon avec entrain. Celestia avait beau dire le contraire quand elle était de mauvais poil, ce qui ces derniers temps arrivait à peu près tout le temps, elle adorait jouer et s'occuper de sa petite sœur.
Luna, qui ne voyait pas plus grande idole que son aînée, était toujours ravie que sa sœur joue avec elle, même pour quelque chose d'aussi simple qu'un jeu de balle.
C'étaient ces moments-là qu'Aztarté et Hélios préféraient. Quand ils étaient une famille ordinaire, loin des complications politiques, loin des histoires de guerre ou de succession. Quand on aurait pu les prendre pour une famille de poneys communs, exception faite de leurs cornes et de leurs ailes.
L'Elysium et tout ce qui s'y était passé, c'était si loin et si proche à la fois.
C'était peut-être mieux d'oublier mais c'était difficile. Les robes d'Hélios et d'Aztarté avaient guéri de leurs cicatrices mais celles de leurs âmes étaient encore vives.
Pourtant, le couple devait avancer. Il devait bien ça à ses enfants.
Hélios reprit le fil de la conversation pour l'orienter vers un sujet plus léger. Sa femme le suivit sans sourciller. Ils avaient encore le temps de parler politique. Parler de choses sans réelle importance, c'était déjà moins sûr.
De leur côté, Celestia et Luna étaient plongées dans leur jeu de ballon. Celestia aimait le sport pour une raison simple, ça lui permettait d'expulser le trop plein d'énergie qu'elle avait dans le corps. Quand elle avait la balle au sabot, elle n'avait plus à penser au fait que son père était toujours au travail, au fait que tous les autres poneys se retournaient sur leur passage, intrigués par leurs cornes et leurs ailes, au fait que ses os lui faisaient mal en poussant, que sa crinière n'était que des bêtes cheveux roses et ne flottaient pas comme ceux de son père et de sa mère, que son flanc était toujours blanc.
Luna elle, se moquait de tous ces problèmes du moment qu'elle pouvait jouer avec sa grande sœur, ou dormir entre ses deux parents quand elle avait fait un cauchemar. Aussi parce qu'elle était trop petite pour les traiter et même les concevoir.
La plus jeune des alicornes voulant renvoyer le ballon vers sa sœur contrôla mal son sabot, et mit trop de force dans sa patte. Luna vit la balle décoller jusque dans les arbres et se perdre dans la forêt.
_Bien joué Lu, la sermonna Celestia en se passant le sabot sur le visage. Tu ne peux pas faire un peu attention quand on joue ? C'est au moins le septième ballon que tu nous paumes !
_Mais Tia, balbutia tant bien que mal Luna, c'est pas ma faute je...
_Laisse tomber, lui répondit Celestia en replaçant un amas de mèches roses derrière son oreille. J'y vais, déclara-t-elle en rejoignant l'orée du bois, sinon, on en a pour la journée.
_Mais Tiiiiia, protesta sa petite sœur au fur et à mesure que Celestia se rapprochait des arbres, papa et maman veulent pas qu'on aille dans la forêt, ils disent que c'est dangereux et...
_Fais pas le bébé Lu, lui répondit vertement Celestia. J'en aurai pas pour longtemps. Papa et maman font pas gaffe de toute façon, dit-elle en pointant de la patte ses parents plongés dans leur conversation.
Ignorant la nouvelle protestation de sa cadette, Celestia rentra la tête dans les épaules en passant sous les branches des arbres dont l'extrémité des feuilles caressèrent sa robe. La jeune alicorne sentit la mousse s'enfoncer sous ses sabots, et l'odeur de l'humus venir jusqu'à ses narines à chacun de ses pas.
Les poneys terrestres avaient fait un beau travail avec les bois d'Evercon. Les arbres étaient sublimes et la forêt grouillait d'animaux tous plus mignons les uns que les autres, régulièrement nourris par les patrouilles ponettes qui s'aventuraient dans les bois. C'était idiot d'ailleurs que leur parents interdisent à leurs filles de se promener dans la forêt. Evercon était entièrement sous contrôle, rien ne pouvait arriver.
Celestia se dit qu'elle aimerait bien avoir une maison dans les bois. Ou un palais. L'image d'un palace de rondins s'imposa facilement dans l'esprit de l'adolescente. Un endroit à elle, rien qu'à elle.
Elle inviterait Luna aussi, qui restait sa petite sœur adorée, même si elle avait ce côté bébé de temps en temps. On verrait pour ses parents.
Par contre, pour tous les autres poneys, ceux qui les regardaient d'un drôle d'air à Canterlot, ils pouvaient s’asseoir sur leurs invitations, Celestia ne leur ferait même pas l'honneur de leur fermer la porte au nez !
Ils n'avaient qu'à mieux se comporter avec eux d'abord ! Et puis de quel droit est-ce qu'ils les regardaient bizarrement ?
Juste parce qu'ils étaient des poneys, des pégases et des licornes ordinaires et la famille de Celestia, des alicornes ?
S'ils se comportaient ainsi, Celestia n'osait même pas imaginer comment ils devaient voir les zèbres , les ânes et les autres races d'Equestria, dont le professeur Regal leur parlait régulièrement.
L'alicorne n'avait jamais rencontré d'âne, ni de zèbre, mais si ces derniers étaient corrects, Celestia ne voyait pas pourquoi elle les aurait rejetés.
C'était un peu plus dur pour les griffons qui les avaient attaqués et tué de nombreux papas des camarades de classe de Celestia et de Luna.
L'alicorne jura en fouillant du sabot un bosquet. Nom d'un foin, Luna avait réussi à l'envoyer très loin cette fois. Mais où était le ballon ? En plus, Celestia jouait contre le temps. Ses parents ne discuteraient pas indéfiniment et il y aurait bien un moment où ils appelleraient leurs filles pour manger la glace. L'alicorne ferait bien d'être aux côtés de sa sœur à ce moment-là ou ça chaufferait pour son flanc. Les parents avaient la patte leste quand on leur désobéissait.
L'œil de Celestia nota une touche de rouge. Ah, voilà. Elle l'avait trouvé finalement.
L'adolescente fouilla du museau pour dégager le ballon du sous-bois où il s'était fiché. C'était plein d'épines et Celestia dut faire attention à ne pas se piquer le museau. Elle finit par abandonner en plantant ses dents à même la balle et secoua la tête pour sortir la balle de son piège.
Elle sentit un sentiment de joie aussi profond que futile quand elle parvint à ses objectifs.
Le ballon toujours en gueule, Celestia commença à rebrousser chemin. Ce fut au bout de cinq bonnes minutes qu'elle se rendit compte qu'elle s'était perdue.
Tous les arbres se ressemblaient, la mousse avait la même couleur partout et rien ne l'aidait à retrouver son chemin.
L'adolescente émit un grognement de protestation. Luna allait bien se moquer d'elle.
Quoiqu'il faudrait déjà que Celestia sorte d'Evercon pour ça.
Se laissant guider par le hasard, l'alicorne finit par apercevoir un grand pilier qui se détachait non loin, entre deux arbres. Elle ne se souvenait pas d'être passé devant, mais c'était un point de repère malgré tout. Et perdue pour perdue, elle pouvait bien se permettre d'être curieuse.
En s'approchant, Celestia découvrit qu'il n'y avait pas qu'un seul pilier. En fait, il y en avait quatre, chacun de grandes colonnes de pierres brisées, dévorées par le temps et la mousse. Placés aux quatre coins de ce qui faisait penser à un petit bassin rectangulaire asséché, ils étaient recouverts d'inscriptions que Celestia ne connaissait pas. Des lettres gravées et des dessins en relief.
Intriguée, Celestia posa la patte sur la dalle de pierre du bassin et tapa du sabot. Un son d'écho, étouffé par le bassin parvint jusqu'aux oreilles de l'adolescente.
Il y avait du vide en-dessous. L'alicorne y apposa son oreille et ferma les yeux. Elle entendit quelque chose couler tout en bas. Un ruisseau ? De l'eau ?
Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, Celestia sentit quelque chose se poser sur son épaule et elle bondit de surprise. Dans son sursaut, elle en lâcha le ballon qui alla rouler jusqu'à l'extrémité du bassin. Elle se retourna pour découvrir son père, un air sévère planté sur le visage.
_On retourne dehors, dit simplement Hélios, faisant bien comprendre à sa fille qu'il aurait tout le temps de lui faire la leçon hors d'Evercon.
Sentant très bien qu'elle aurait le dessous dans cette affaire, Celestia se força à fermer la bouche, et à baisser la tête tout en suivant son père qui la guidait jusqu'à l'orée de la forêt.
Ni elle ni son père ne virent une serre jaune dépasser de la petite ouverture laissée par un pan écroulé des murs du bassin, s'emparer du ballon avant de disparaître à nouveau dans les profondeurs de la terre non sans avoir rebouché le trou par un amas de lierre.
Le bassin était redevenu aussi calme que quelques minutes plus tôt.
Et plus rien ne troublait la quiétude d'Evercon.
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