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Ponykrieg

Une fiction écrite par BroNie.

Chapitre 4-5

Par télékinésie, Twilight Sparkle traça quelques notes sur le parchemin déroulé sur sa table de travail, entrecoupant ses abréviations de sigles et de petits schémas explicatifs. Elle avait toujours fonctionné ainsi. Ses brouillons étaient au moins aussi complexes et obscurs que son travail final était limpide et clair. Même à l'époque de l'école pour licornes surdouées, la Princesse Celestia avait eu besoin de venir demander à son étudiante elle-même des éclaircissements pour décoder ses prises de notes.

Twilight sentit son cœur se gonfler de tristesse quand elle songea à son mentor. Non, elle devait se forcer à penser à autre chose sinon, elle serait encore partie pour pleurer pendant des heures et son travail n'avancerait pas. Prenant une grande inspiration, la licorne violette vida ses poumons, expulsant dans le même temps sa tristesse. Ça ne marchait qu'un peu mais c'était mieux que rien.

Twilight reprit le fil de sa lecture.

La lutte par où s'épuise et périt une matière humaine qui était faible de nature, cette même lutte trempe les forces de celle qui était forte ; en outre, la lutte pour l'existence fortifie encore cette souche forte par élimination des éléments plus faibles. L'enfance des grandes races connaît toujours les orages de la guerre – même l'enfance des Hindous métaphysiciens.

La licorne fronça les sourcils quelques secondes avant de tracer ses observations immédiates sur son parchemin. Ce livre qu'elle étudiait depuis quelques semaines, cette Genèse du XIX° siècle, par cet humain anglais, Houston Chamberlain allait beaucoup plus loin dans ses idées sur la race que celles de Gobineau. Mais Twilight ne s'en lassait pas d'étudier les humains.
Ou plutôt, elle ne pouvait plus s'en lasser, ce qui était différent.

La licorne était intelligente, c'était une de ses principales qualités et il ne lui avait pas fallu longtemps pour qu'elle sente que quelque chose sentait mauvais dans ces théories. Peut-être parce qu'en Equestria, on était élevé avec l'idée globale qu'un poney ne valait ni plus, ni moins qu'un pégase ou qu'une licorne, était juste différent et rien d'autre mais ces idées humaines, sur le racisme et l'eugénisme, si elles stimulaient l'esprit intellectuel de la jument, lui glaçaient les tripes.

Twilight sentait les dangers de ce mode de pensée.

Elle avait l'impression que son cerveau souffrait à chaque grande phrase de Gobineau ou de Chamberlain sur les races et sur la supériorité des humains blancs. Mais d'un autre côté, sa curiosité naturelle la poussait à continuer ses lectures. Après tout, qui était-elle pour juger des essais sur les humains ? Chamberlain n'écrivait pas sur les poneys, n'est-ce pas ?

Enfin, tout ceci était plus une fuite en avant qu'autre chose. C'était déjà le cas depuis la mort de Celestia et le début de la guerre mais la boulimie littéraire de la licorne avait encore augmenté d'un cran après le départ de Spike.

Twilight et son assistant avaient eu une dispute. Si on pouvait coller un mot sur le fait de se crier dessus l'un l'autre pendant dix bonnes minutes sans s'arrêter, de déambuler dans la bibliothèque, de frapper les étagères de rage et d'en renverser le contenu, "dispute" aurait été adéquat.

Spike avait expliqué à Twilight que Sweetie Belle, la petite sœur de Rarity avait disparu en compagnie de ses camarades à la recherche d'Applejack et que la licorne comptait sur son amie pour partir à sa recherche.

Spike avait insisté sur le fait que la diplomate devant se rendre en Europe pour une mission secrète, elle comptait tout particulièrement sur Twilight pour aider sa sœur à retrouver la route de Ponyville.

La première impulsion de Twilight avait été d'enfiler son sac et de partir galoper aux quatre coins d'Equestria remettre la patte sur les Croisées de la cutie mark. Mais quelque chose l'avait arrêté, quelque chose l'avait poussée à affirmer d'un ton mordant à Spike qu'elle s'en serait bien chargée si ce n'était pas pour le compte de Rarity.

Le bébé dragon avait réagi au quart de tour. Spike avait le sang chaud, ce n'était un secret pour personne, encore plus quand le sujet de la conversation tournait autour de la licorne pour laquelle il avait le béguin. Du côté de Twilight, cette dispute fut comme une purge, l'occasion de vider par la parole des mois et des mois de souffrance intérieure, qu'elle n'arrivait à faire sortir de son corps que la nuit en sanglotant contre son oreiller ou en se roulant en boule sous la douche.

Une fois la tempête passée, Spike n'était plus là.

Il avait levé les bras au ciel, vociféré qu'il retrouverait Sweetie Belle tout seul, sans l'aide de Twilight.

La licorne violette avait senti quelque chose se déchirer en elle quand le dragon avait claqué la porte de l'arbre-bibliothèque en jurant. Juste avant de partir pour de bon, il avait regardé celle qui l'élevait depuis qu'il était sorti de l’œuf et avait dit qu'elle le décevait terriblement.

Twilight s'était déjà coupée du monde extérieur depuis trente mois. Le départ de Spike avait brisé le dernier lien qui l'attachait à Equestria. La licorne s'était plongée dans une spirale de connaissances, d'essais à dévorer, de théories sur les humains.

Elle s'était noyée dans le travail, colmatant les trous de son âme par la fatigue et le savoir.

Mais depuis quelques jours, ça allait de moins en moins bien. Twilight mangeait de moins en moins, ne prenait même plus la peine de passer un coup de balai dans l'arbre ou de faire son lit correctement. Du matin au soir, elle avait le museau collé à sa table de travail, dévorant essai racial sur traité eugéniste, jusqu'à s'endormir sur place, se réveiller quelques heures plus tard, prendre des notes et continuer à travailler.

Twilight résuma la pensée de Chamberlain en quelques abréviations avant de passer au paragraphe suivant.

Mais il s'en faut qu'il suffise d'hommes braves pour produire cette « surabondance » qui caractérise la vraie grandeur. Des races comme les Grecs, les Romains, les Francs, les Souabes, les Italiens et les Espagnols de l'époque brillante, les Maures, les Anglais, des anomalies comme les Aryens de l'Inde et comme les Juifs, sont dues à un régime endogénique prolongé : elles se font et se défont sous nos yeux.

Un bruit de casse tira la licorne hors de sa lecture. Elle tourna la tête vers la fenêtre la plus proche de son bureau et vit qu'elle était brisée, une pierre reposant sur le sol, des éclats de verre tout autour. De l'extérieur, montait une clameur et des bruits de protestation qui intriguèrent assez Twilight pour la décider à quitter sa table de travail pour approcher de la fenêtre cassée.

Elle jeta un coup d’œil à l'extérieur et vit une foule compacte de poneys, criant et vociférant. D'après les cris qui se dégageaient de la masse, la licorne crut comprendre que les habitants de Ponyville en voulaient à Luna.

Ce simple fait alluma un doux feu intérieur dans le cœur de Twilight. Se pouvait-il qu'Equestria se décide enfin à prendre les choses en sabot et à faire ce qu'il fallait faire contre l'Impératrice ?

"Assez de privations !" entendit-elle. "La paix ou l'abdication !" criaient d'autres.

Twilight poussa un gloussement de plaisir tout enfantin. Incapable de résister, elle fonça au dehors, la lumière crue de l'extérieur brûlant ses yeux habitués depuis des semaines à la lueur des chandelles de l'arbre-bibliothèque. Et la première chose que remarqua Twilight, c'était que les poneys étaient beaucoup plus nombreux qu'elle ne l'aurait cru au premier abord.

Ponyville était une petite cité mais il était clair que les poneys qui défilaient devant l'arbre-bibliothèque en direction de la grande place venaient de tout Equestria. De la foule s'élevaient des accents manehattaniens, des timbres de Fillydelphia, des expressions de Las Pegasus.

Sans trop savoir pourquoi, Twilight se joignit au mouvement. Peut-être un besoin de s'aérer la tête après toutes ces heures passées à l'intérieur. La licorne se baigna dans la contestation, nourrit son âme du rejet de Luna. Elle ne savait pas pourquoi la foule était en colère et elle s'en moquait.

Mais voir et surtout sentir des milliers de poneys qui en voulaient à celle qui avait provoqué la séparation de Twilight d'avec ses meilleures amies était quelque chose de trop bon pour que la licorne cherche à protester.

Les poneys se rassemblèrent devant l'hôtel de ville où le maire de Ponyville apparaissait au balcon, tentant désespérément de se faire entendre de la foule en colère. La jument, d'habitude à la tenue si respectable avait sa crinière grise abîmée et donnait l'air de s'agiter pour rien.

_S'il vous plaît ! supplia le maire en joignant ses sabots en un geste de prière, laissez-moi parler !

_C'est vous qui allez nous écouter madame le maire ! rugit un des poneys, plus fort que les autres, prenant de fait, le rôle de porte-parole alors que le reste de la foule se mettait à se taire. On en a assez des privations de nourriture, de l'effort de guerre. On veut la paix !

Plusieurs poneys dans la foule reprirent "la paix" en écho, comme un mantra.

_C'est ce que nous voulons tous ! répondit le maire. Mais ce n'est pas en vous retournant contre Sa Majesté Impériale que...

_On se retourne pas contre Luna, rétorqua le poney porte-parole, on a juste assez de mourir de faim et de devoir envoyer toute notre nourriture aux humains. On en a assez de savoir que les nôtres se battent dans des conditions horribles, se tuent les sabots dans les usines et les champs allemands alors que la Triplice est en train de perdre. Ça sert à quoi un effort de guerre si y a plus de guerre ?

_Je comprends votre colère, expliqua le maire du mieux qu'elle le put par dessus les vivats qui avaient faits écho à la question rhétorique du poney. Mais c'est le mauvais moment pour demander à changer les choses de fond en comble. Sa Majesté Impériale a déjà fort à faire et...

_On s'en moque du procès de la licorne, elle avait eu raison en plus ! Si on avait tout arrêté il y a un mois, peut-être que les humains seraient pas en train d'essayer de nous envahir !

Le procès de la licorne ? Intriguée, Twilight demanda des détails à son voisin de foule.

_Tu n'as pas suivi ça ? lui répondit un grand étalon à la robe rouge et à la crinière or. Une des diplomates de Luna a essayé de faire signer la paix dans le dos de l'Impératrice. Ça l'a mise en colère et elle veut l'envoyer sur la lune avec grand procès et tout. Mais pendant que ça dure, l'Impératrice s'occupe pas des anglais et des français qui campent de l'autre côté des Alpes, ni des italiens qui vont prendre Trente et nous isoler dans les montagnes.

_Cette diplomate, demanda la licorne d'un ton fébrile, elle s’appellerait pas Rarity ?

_Possible, répondit le terrestre. Ça doit même être ça. Pourquoi, c'est important ?

_Pour moi, ça l'est, répliqua Twilight alors qu'elle sentit toute la rancœur qu'elle avait envers Rarity se muer en admiration. Le procès se tient à Canterlot ?

L'étalon hocha la tête avant de rediriger son attention sur le duel verbal qui opposait le porte-parole poney au maire. Twilight sentit un grand sourire idiot barrer son visage. Rarity n'avait pas trahi. Au contraire même. Sa mission secrète en Europe c'était cette histoire de paix !

Oh Celestia, qu'est-ce que Twilight était contente ! Et horriblement gênée de lui en avoir voulu. Et embarrassée de s'être disputée à son sujet avec Spike.

Et effrayée à l'idée que Luna expédie son amie sur la lune.

En fait, le cocktail d'émotions que ressentait Twilight était si intense et si contradictoire que la tête lui tourna et qu'elle utilisa machinalement un sort de soin pour ne pas vaciller. Puis elle tomba en arrêt.

La magie.

Elle avait une foule en colère, au bord de l'explosion et une amie en danger à Canterlot. Twilight avait toujours voulu se tenir hors de la guerre pour ne pas souiller la mémoire de la Princesse Celestia. Peut-être que si elle y entrait pour la terminer, ça ne comptait pas vraiment ?

Twilight ferma les yeux, sentant la magie inonder son corps. Elle relâcha lentement ses ondes magiques dans la foule, comme un virus qui passa d'un poney à l'autre. Un simple sort qui jouait sur l'esprit. Avec de la concentration et une cible précise, on pouvait pratiquement forcer un poney à agir contre sa volonté. À petite dose en revanche et sur une grande variété de sujets, le charme donnait un petit coup de pouce au sentiment qui dominait la foule. Le sort était souvent utilisé par les supporters des équipes de sport pour rendre leurs encouragements plus vifs.

Mais ça marchait aussi ici, comme quand il s'agissait de pousser une foule déjà au bord de la révolte dans le soulèvement le plus total.

Twilight en eut la confirmation quand le porte-parole, lassé des échanges stériles avec le maire, brandit la patte en direction de la silhouette de Canterlot qui se détachait dans le lointain et hurla :

_Allons demander à Sa Majesté Impériale de participer un peu à un grand effort de paix !

La foule éclata de rire et se mit à suivre l'orateur comme un seul poney. Twilight se joignit à la cohue. C'était un gros coup de poker. Soit Luna tombait aujourd'hui, soit sa répression serait terrible sur tous les equestriens qui avaient osé la défier.

Mais le licorne se disait que quitte à mourir un jour, autant tenter la chance aujourd'hui. Parce que ça en vaudrait la peine.

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fredericdu2375
fredericdu2375 : #6268
purée enfin twi entre dans la danse alors que depuis le début elle ne faisait que de la figuration et a lire ces horreur
Il y a 3 ans · Répondre
Spirit
Spirit : #3312
Viva la Revolution ! Et vivement la suite !
Il y a 4 ans · Répondre

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