Octavia prit une bouchée de son sandwich, mâchant vigoureusement, se concentrant sur cette action. Durant la semaine qui était passée depuis la mort de sa mère, elle avait appris à faire attention à la moindre de ses actions : chaque pas, chaque respiration, chaque mot qu’elle prononçait. Cela l’aidait à éloigner les souvenirs indésirables de son esprit. Bien sûr, peut-être que ça paraissait fou, mais cette obsession lui avait permis d’aller de l’avant plus facilement.
Pour rendre les choses encore pires, elle s’était totalement perdue dans la réalité. La guerre faisait rage à travers tout le pays, mais elle ne s’en souciait pas : elle ne faisait pas attention aux informations, enfermée derrière son mur. Son père lisait le journal en silence chaque matin, puis le passait à Tom, qui faisait de même. Ni elle ni Vinyl ne s’intéressaient aux informations; aucune ne les réclamait, c'est pourquoi aucun des étalons ne leur racontait quoi que ce soit. Il arrivait certainement quelque chose de terrible à Equestria, pensa Octavia en prenant une gorgée de thé, le chaud liquide la revigorant légèrement, assez pour démarrer la journée. Elle était amusée de voir à quel point elle était désintéressée par le monde autour d’elle, mais pas assez amusée pour en avoir quelque chose à foutre.
La jument grise sourcilla à une telle pensée. Depuis quand est-ce que je jure comme ça ? pensa-elle, regardant Vinyl, qui avait déjà plongée dans ses céréales (Beurk, des céréales... se renfrogna Octavia), essayant de na pas faire trop de bruit. Bien sûr. Vinyl. Un petit sourire apparu sur le visage d’Octavia quand elle se rappela tout le temps qu’elle avait passé avec la jument durant cette semaine, à se pardonner ses erreurs passées, à lui parler, la câlinant et lui murmurant de douces absurdités dans les oreilles, à faire de la musique ( La violoncelliste était très contente de l'habitude qu'elle avait de toujours prendre son violoncelle avec elle, tout comme Vinyl qui prenait sa nouvelle guitare, “Ce petit bébé” avec elle à Chicoltgo), et, également, faire de la musique... Dans l'autre sens du terme.
Octavia rougit et pressa sa joue contre celle de Vinyl. Ayant l’habitude d’une telle intimité, la pianiste grommela juste quelque chose d’indistinct et continua son repas. Tavi est vraiment... Octy-ienne ces derniers temps,pensa la licorne en se remplissant l’estomac avec le délicieux mets.Non pas que ça me dérange, en fait... C’est bien qu’elle se sente mieux, conclut Vinyl, avalant les céréales et se blottissant contre sa violoncelliste, qui ronronna de plaisir.
C’était bon d’être ensemble, pensèrent-elle à l’unisson. Seules, elles ne'étaient rien. Mais ensemble, elles étaient tout - elles s’aimaient plus que tout au monde, et même plus que tout au monde.
« Intéressant, » une voix masculine les interrompit dans leur échange d’affection, les deux jument se tournèrent vers la source de ce bruit. Alexandro posa le journal sur la table et le poussa vers Tom, qui avait déjà étendu son sabot pour l’atteindre. C’était sans compter sur Vinyl qui attrapa le journal avec sa télékinésie et regarda la première page.
Octavia regarda sa jument avec un regard concerné et vit une expression sombre apparaître sur le visage de Vinyl quand la licorne blanche posa le journal. « Vinyl, qu’est-ce que... » commença-elle avec précaution, ne sachant pas si elle voulait connaître la réponse.
« Manehattan a été envahi par les griffons » répondit Alexandro à sa place, une expression grave sur son visage rappela soudain à Octavia que son père était effectivement vieux et épuisé, fatigué de son train de vie; et, bien sur, la mort de Sofia ajoutait quelque traits argentés à sa crinière déjà grise.
Octavia en eut le souffle coupé et ferma sa bouche avec un sabot sous le choc. Vinyl l’étreignit, caressant son dos doucement, tout en étant elle-même touchée par cette révélation.
« Que... Qu’est-ce qu’il va arriver à notre maison alors ? Et le bar où tu travailles, chérie ? » se demanda tout haut la violoncelliste, ne recevant aucune réponse. Mais aucune réponse n’était nécessaire: tout le monde dans la salle à manger savait très bien que cela ne voulait dire qu’une chose : leur maison n’était plus, tout comme le bar, et tout le reste, toute la cité de Manehattan était juste une ombre du passé pour eux, à ajouter à leur collection. Avec les griffons patrouillant autour de la ville, leur foyer était hors d’atteinte.
Un moment de contemplation silencieuse passa, interrompu seulement par Vinyl qui tournait les pages dans un espoir désespéré d’occuper son esprit avec autre chose, n’importe quoi d’autre, mais sans lien avec la guerre. Guerre, guerre, guerre, sport, guerre, guerre... hein ? Les oreilles de la pianiste se levèrent et elle laissa sortir un cri de surprise.
« Quel est le problème chérie ? » demanda Octavia avec inquiétude, regardant la jument blanche, qui avait l’air surprise mais... d’une bonne façon ? Qu’'est-ce qui pourrait être bien dans les informations ? se demanda-elle avec une lueur d’espoir dans les yeux.
Vinyl passa le journal à sa jument, toujours un peu abasourdie par la nouvelle. Ça ne peut pas être vrai... C’est juste trop beau pour être vrai, surtout maintenant...
L'INTERDICTION DU FILLY-FOOLING ABROGÉE, Octavia lut le titre, sa queue frémit un peu lorsqu'elle continua. Son Altesse Royale Princesse Celestia à fait de l’impopulaire interdiction des relations homosexuelles, ou, comme elle sont appelées, “colt-cuddling” et “filly-fooling”, une partie de notre riche histoire. Face à la pression exercée par les plus jeunes générations, Son Altesse Royale a décidé qu’il était préférable d’'invalider la loi concernant l’homosexualité. De plus, une expérience sociale à pris place en Coltifornia : dans cet état, qui est connu pour son nombre élevé de poneys homosexuels, le mariage pour les personnes de même sexe est devenu légal. Le premier couple du même sexe a déjà été marié, et les experts disent que ce mouvement sera suivit par d’autres poneys au fur et à mesure que l’expérience s’étendra à travers Equestria. Cette décision est une conséquence logique due aux innombrables protestat-
La violoncelliste arrêta de lire, ses yeux s'écarquillèrent. Son esprit était occupé par cette unique pensée. Filly-fooling. Légal. Mariage homosexuel. Légal. Cette nouvelle était tombée comme un éclair de lumière dans un vide ténébreux, montrant aux deux poneys musicaux que peut-être, juste peut-être, il y avait une quelconque justice dans ce monde après tout.
« Vinyl ?... » murmura la jument grise, un large sourire s’affichant sur son visage, un authentique sourire de bonheur, un sentiment qu’elle n’avait pas ressenti depuis des jours. « Est-ce que ça veut dire que ?... »
« Oui, Tavi. » répondit la pianiste avec un sourire affectueux, s'approchant de sa violoncelliste pour la câliner. « Nous n’avons plus à nous cacher maintenant. »
Pendant ce temps, les deux étalons avaient fini l’article à leur tour, et s’échangeaient des regards entendus. Alexandro prit la parole en premier, plaçant un sabot sur l’épaule de sa fille.
« Octavia, je suis très content que votre relation ne soit plus illégale, » commença-il, le ton de sa voix était doux et attentionné, « Mais tu dois comprendre que, même si vous allez être acceptées dans la société officiellement, vous pourriez ne pas toujours être acceptées de facto. Certains poneys sont toujours très conservateurs et vont faire parler d’eux encore pour un long moment. » dit-il aux jeunes juments, son cœur fondant un peu lorsqu'il remercia Celestia d’avoir écouté ses prières et d’avoir donné à sa fille et sa compagnet une chance de vivre leur vie librement, sans être constamment menacées par le sabot de la justice.
« Nous nous en rendons compte, Père, » répondit Octavia, une larme de joie coulant le long de sa joue. « Mais c’est tellement bien... » Vinyl acquiesça, adhérant silencieusement aux paroles de sa jument. « C’est tellement bien de pouvoir enfin exprimer nos sentiments librement, sans être menacées... Je ne comprends juste pas pourquoi Celestia nous ferait une telle faveur, à nous tous. » dit-elle fermement, ne désignant pas juste elle et Vinyl, mais tous les couples homosexuels à travers Equestria, qui, aujourd’hui, soupiraient de soulagement et échangeaient des sourires heureux avec leurs partenaires.
« La guerre. » dit Tom, posant le journal sur la table. « Equestria a besoin de soldats, et la plupart des soldats sont des pégases. Les pégases sont bien plus ouverts d’esprit que nous le sommes; en fait, la majorité des pégases de Cloudsdayle sont bisexuels, ce qui, jusqu'à aujourd’hui, les faisait hors la loi et les empêchait de servir dans l’armée » expliqua l’étalon sans émotion. « Maintenant le problème est réglé. Le gouvernement gagne de nouveaux soldats, les pégases gagnent la liberté de se marier avec qui bon leur semble, car Cloudsdayle fait techniquement partie de la Coltifornia. »
Octavia fronça ses sourcils en entendant les explications simplistes, bien qu’élaborées, de son frère. « Il fallait que tu ruines tout, n’est-ce pas ? » demanda-elle sèchement, ses yeux lançant des éclairs à Tom, qui se leva simplement, avant de faire une petite révérence à Alexandro et de partir.
Le silence régna sur la pièce pendant un moment alors que les deux juments réfléchissaient à l’information qu’elles venaient de recevoir. Elles échangeaient des regards, et aucun mot n’était nécessaire.
« Donc... » commença Vinyl avec précaution. « Maintenant qu’on ne peut plus retourner à Manehattan, et qu’on a toute les deux besoin d’un travail... »
Octavia regarda son père, qui gloussa et hocha sa tête. « J’ai compris, » dit-il avec un sourire. « Je pense que j’ai un appartement de libre à Los Pegasus, en Coltifornia...”
Il n’avait pas fini sa phrase que Vinyl et Octavia lui sautèrent dessus, l’enveloppant dans une étreinte assez forte pour briser ses os.
« Merci, Père. » murmura Octavia, brossant son museau contre le sien - un signe d’affection qu’elle aurait normalement caché.
« Merci, Alexandro ! » s’exclama Vinyl. « Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela représente pour nous ! »
« Oh, mais je peux. » Alexandro gloussa et se leva, se libérant de l’étreinte. « Je vais vous laisser récupérer vos affaires pendant que je vais faire quelques arrangements nécessaires. » Avec ça, il fit un clin d’il et sortit de la salle, laissant les deux juments seules.
Alors que la porte se ferma derrière lui, Vinyl attira Octavia dans un baiser passionné, que la violoncelliste retourna de bon cœur. Elles ne pouvaient pas se rappeler la dernière fois qu’elles avaient partagé un baiser si fort, mais cela n’importait plus maintenant. Ce qui importait était le fait que le reste suivrait, sans être interrompu par quoi que ce soit, ou qui que ce soit. Elles étaient libres d’exprimer leurs sentiments, et c’était tout ce dont elles avaient besoin.
« Les choses s’améliorent, Tavi » murmura doucement Vinyl alors qu’elles cessèrent de s'embrasser, caressant la magnifique crinière noire d’Octavia. La jument grise souriait avec joie. Le soleil s'introduit dans la pièce, couvrant les deux amoureuses, les réchauffant, mettant leurs problèmes dans un coin reculé de leur esprit pour qu'il se concentre sur le présent. Et le présent semblait radieux, tout comme le futur.
« Les choses s’améliorent. »
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