Le gris. Je ne voyais que ça.
Depuis un temps qui me semblait infini, je flottais dans un océan de gris, traversé ici et là par des formes floues, parfois colorées, parfois ternes. Comme des ondes qui passaient et qui repassaient sans s'arrêter devant moi à moins que je sois en fait en mouvement et que c'étaient elles qui étaient immobiles. Aucune idée. Ce que je savais par contre, c'est que je n'étais pas morte. C'était un sentiment d'une certitude absolue, impossible à expliquer avec des mots mais qu'on comprenait pleinement sans même y penser. Un peu comme quand on était amoureux en fait. C'était quelque chose qui était enraciné au plus profond des tripes et qui courait dans les veines à chaque pulsation de cœur.
Je n'étais pas morte.
En fait, c'était comme si j'étais plongée au fond de l'eau. Je voyais flou, j'entendais mal mais j'étais bien là.
Mais je ne pouvais pas rester au fond. Je me devais de revenir. Après tout, j'étais Rainbow Dash.
Ca faisait plusieurs fois que j'essayais de briser cette espèce de torpeur qui m'emprisonnait sans succès. Je luttais, comme engluée dans de la barbe à papa liquide mais je n'arrivais pas à me dégager.
C'était plus qu'énervant.
Les formes revinrent et un écho diffus parvint à mes oreilles. Est-ce qu'on essayait de me parler ? Je tentai d'ouvrir la bouche et de répondre quelque chose, n'importe quoi.
Rien. Aucun son ne sortait de ma gorge, je forçai en vain.
Un doute qui se changea bien vite en peur panique se mit à me frapper : et si devais rester comme ça à vie ? Coincée dans cet espèce d’entre-monde, à voir et ressentir en partie les choses, sans jamais pouvoir agir ?
D'un côté, ne pas mourir sonnait vachement cool...mais si c'était pour rester bloquée dans cet état, ça donnait tout de suite beaucoup moins envie.
Le plus bizarre dans tout ça, c'était que je ne sentais même pas mon corps. J'étais comme hors de lui ou si les sensations me parvenaient avec un temps de retard.
Quelque chose me lança dans ma patte avant droite, là où j'avais été brûlée. La douleur était quelque chose de commun pour les pégases de compétition. On ratait tous un enchaînement un jour ou l'autre en se faisant bien mal et d'une manière plus générale, les muscles et les tendons du corps demandaient grâce après quelques figures intensives. Le truc c'était de prendre cette douleur et de la surmonter. De s'en nourrir pour aller encore plus loin, plus vite. C'était dépasser ses limites.
Et c'était bien ce que je comptais faire ici et maintenant. Du mieux que je le pus, je me concentrai sur ma jambe carbonisée, me repassant la scène où Spitfire me l'avait transformée en grillade. Je m’efforçais de sentir à nouveau la caresse des flammes, les nerfs qui grillaient vif, la graisse qui fondait sur les os.
Je pense que je hurlais plusieurs fois. Mais comme aucun son ne sortait de ma bouche, ça n'avait pas dû des masses s'entendre.
Je vis un trouble dans le voile flou qui recouvrait ma vue. Comme un caillou jeté au centre d'un lac. Sans pouvoir me l'expliquer, je sentis que j'étais sur la bonne voie. Alors je continuai. Je rassemblai toute ma force pour que mon corps revive sa douleur.
Parce que tant que j'avais mal, c'était la preuve que j'étais en vie.
Et soudainement, aussi facilement qu'il était resté en place pendant un temps infini, le voile se déchira. Je crevai la surface de cette bulle intérieure et m’asphyxiai de réalité. Je sentis l'air entrer dans mes poumons, des éclats de voix parvenir à mes oreilles, une odeur d'éther, ma langue pâteuse coller à mon palais, des draps serrés comme une camisole de force recouvrir mon corps jusqu'au cou...et surtout, une douleur inimaginable, atroce, dans la moindre parcelle de mon corps. J'avais mal aux ailes, aux côtes, à la poitrine, la tête me tournait avec une furieuse envie de vomir et la géhenne de ma patte me mettait les larmes aux yeux, brouillant ma vision. Mais j'étais enfin sortie de cette prison qu'était devenue mon corps.
Des poneys en blouse blanche m’entourèrent et me pressèrent de questions. Il fallut quelques secondes à mon cerveau pour reconnecter mes neurones et à mes oreilles pour me traduire ce qu'ils me disaient.
J'analysai rapidement la géographie des lieux, notai que je n'étais pas seule à avoir été mise dans un lit dans cette grande pièce froide aux murs d'acier et aux boulons apparents. L'élément le plus probant sur la destination des lieux était sans conteste la bannière blanche accrochée au mur devant moi, frappée de deux sabots rouges pour former une croix, symbole des forces du service de santé d'Equestria. Là où j'étais, ok. Qui j'étais, ok, je n'étais pas amnésique non plus. Ni ce qui m'étais arrivé, je n'étais pas devenue complètement idiote depuis ma blessure. Non en fait, il n'y avait qu'une seule interrogation qui trônait dans mon esprit.
Serrant les dents jusqu'à me les briser tant ma patte me faisait mal, je m’efforçai d'ouvrir la bouche et de poser la seule question qui valait le coup d'être posée dans une situation pareille :
_Est-ce que je suis toujours géniale ?
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