Les deux scientifiques travaillaient avec ardeur dans l'espèce de laboratoire tiré d'un mauvais roman de science-fiction. Toutes les paillasses étaient couvertes de fioles, d'erlenmeyers, de cous de cygne ainsi que le reste habituel du matériel pour des expériences de chimie. Un poney ne connaissant pas grand-chose dans la matière aurait sûrement pris ce lieu pour le repère d'un vilain quelconque et inintéressant. Il se serait cependant bien trompé. Il s'agissait en réalité de l'un des laboratoires de recherche du royaume d'Equestria. Ceux-ci avaient été construits quelques années avant le retour de Nightmare Moon - et donc de la princesse Luna - afin d'améliorer significativement la qualité de vie des habitants du pays. Aujourd'hui, il n'y a qu'une poignée de chercheurs disséminés dans la dizaine de laboratoires présents dans tout Equestria.
Le plus vieux des deux scientifiques se nommait Stony Flask. C'était une licorne intelligente qui était restée "dans le passé", dans le sens où il faisait souvent des phrases comme quoi "C'était mieux avant". C'est un assez gros problème pour une personne censée faire progresser le monde. C'était un poney sérieux qui ne se laissait aucun moment de pause. Assidu comme personne, il aurait pu mourir en travaillant sans même s'en rendre compte. Depuis le début de sa carrière, il avait fait de nombreuses découvertes qui lui avaient valu de recevoir une certaine notoriété dans le monde de la chimie. Par exemple, il avait réussi à isoler le gène déterminant le type de poney, donc de savoir à l'avance si l'on naissait licorne, pégase ou simple poney terrestre. En bref, Flask était le genre de poney à plus se concentrer sur son travail plutôt que sur ses désirs personnels.
Son assistante était bien plus jeune. Appelée Inno Smart, elle effectuait en réalité un stage dans le but de devenir scientifique à son tour. Elle écoutait attentivement - et sans se plaindre - les demandes du vieux ronchon. Cela ne la dérangeait pas du tout et pensait que c'était un honneur de travailler avec un tel savant. Elle racontait à ses proches qu'elle n'avait jamais vécu d'expérience si intéressante. Elle n'était pas aussi travailleuse que le vieux Stony Flask, mais même lui était forcé d'admettre qu'elle travaillait très bien. Il avait même sorti à un de ses très vieux amis qu'elle ferait de grandes choses dans sa carrière.
Alors que Inno était occupée à faire l'inventaire, Stony, lui, était plongé sur son microscope. Soudainement, il s'écria :
- Ça y est, je l'ai trouvé, ce maudit gène !
- C'est vrai professeur ? s'intéressa la jeune chercheuse en devenir en s'approchant.
- Evidemment, je suis peut-être vieux, mais je ne trompe jamais. Mais venez voir.
Elle se pencha pour regarder à travers l'outil grossissant et découvrit ce qui semblait un gène avec une multiplication. Stony reprit :
- Des mois que nous travaillons sur cet ADN de Parasprite afin d'extraire ce maudit gène de multiplication. Il ne nous reste plus qu'à imprimer la séquence et...
Une feuille sortit d'une machine. Dessus était inscrit une série de lettres dans un certain ordre. La vieille licorne continua :
- Grâce à cette découverte, on va pouvoir faire un bond en avant.
Malgré sa joie d’avoir atteint son but, il se reprit :
- Je parle et je parle, mais il tard. J'enverrais mon rapport demain. Finissez de ranger et allez vous coucher.
Stony sortit du laboratoire, se dirigeant vers le bâtiment servant à loger les scientifiques. A l’extérieur, il remarqua une étrange et intense purée de poix. Il la traversa rapidement, ne s'en souciant guère. Une fois rentré il se lava et partit se coucher. Quelques minutes plus tard, il entendit quelqu'un frapper énergiquement à sa porte. Il ouvrit avec une certaine envie d'engueuler la personne qui l'avait réveillé. C'était Inno. La jeune jument paraissait extrêmement paniquée. Elle s'expliqua :
- Le golem et ses plans ont été volés !
- Comment ?! s'écria le vieux scientifique, paniqué à son tour.
- Je venais de sortir, quand j'ai entendu un grand bruit à l'intérieur. Je suis rentrée le plus rapidement que j'ai pu, mais ils avaient déjà disparu.
- Mais c'est une horreur, il faut absolument prévenir la princesse Celestia.
Inno parut soudainement décontenancée. Elle demanda :
- Vous êtes sûr que vous n'allez pas un peu loin en disant ça ?
- Non, évidemment. J'ai passé tellement de temps sur ce projet. Et puis c'est un travail de première catégorie.
La pauvre et jeune scientifique ne comprenait pas vraiment pourquoi il était dans un tel état, mais décida tout de même qu'il valait mieux suivre les directives. Elle envoya alors un exprès à la princesse.
*****
Ce fut par un parchemin que la princesse Celestia fut réveillée au milieu de la nuit. Elle grogna avant de se relever pour voir qui avait eu l'audace de la déranger durant son sommeil. Elle retira rapidement et sans vraiment faire attention le sceau de cire qui signait le message et le maintenait clos. Elle soupira en voyant le nom de Stony Flask. Encore ce vieux grincheux, pensa-t-elle. A quels propos voulait-il encore se plaindre ? Elle lut l'intégralité de la lettre et fut assez surprise de voir qu'il y avait effectivement de quoi être en colère, enfin, pas de là à réveiller une princesse en plein milieu d'un magnifique et merveilleux rêve, mais quand même. Elle soupira longuement avant qu'une petite idée germa dans sa tête. Depuis quelques temps déjà, elle voulait vérifier quelque chose et elle trouvait que la situation était parfaite pour ce qu'elle voulait faire. Elle se rendormit et décida d'écrire sa lettre quand le matin sera venu.
*****
Le soleil s'était levé depuis longtemps. Je regardai Jade dormir avec un petit sourire en coin. Je plaçai le polochon dans la bouche, leva mon arme et frappa le plus fort que je pus.
- Ah ! hurla-t-elle de peur. Mais ça va pas ? Tu voulais me tuer ou bien ?
- Ce n'est pas toi qui m’as dit hier soir de te réveiller si tu ne te levais tôt pas ce matin ? répliquai-je, toujours avec le même sourire narquois.
- C'est quelle heure? paniqua-t-elle.
- A peine neuf heures.
- Quoi !? Mais pourquoi tu m'as pas réveillé plus tôt ?
- Tu avais l'air si heureuse. Je voulais pas te déranger.
- Et bien j'te dis pas merci !
C'est sur ces mots que la pégase s'envola par la fenêtre. Cela faisait une semaine qu'elle habitait chez moi. En l'espace de quelques jours, elle avait trouvé un travail en tant que postière de Ponyville. Cependant, on l'avait apparemment chargée d'une livraison importante et elle devait partir tôt afin de l'effectuer sans se presser. Il est vrai que c'était salaud de ne pas la réveiller à temps, mais, d’autre part, cela avait été si tentant pour moi.
Je redescendis dans la cuisine et me fis un thé. La maison était toujours aussi calme qu'à son habitude. Je voulais d'ailleurs profiter de ce calme pour m'entraîner à maîtriser la Brume.
Depuis une semaine, lorsque je m'endormais, je rejoignais systématiquement Haze dans l'étrange salle blanche afin qu'il puisse m'éduquer la pratique de cette étrange chose qu'est la Brume. On avait d'abord passé deux nuits à revoir chacun des points théoriques de l'utilisation de celle-ci. En soit, ce n'est pas très compliquer. Tout d'abord, il fallait être calme et ne pas être parasité par des pensées, dirons-nous, inutiles. Cependant, vous savez comment sont les humains. On leur dit de ne pas faire quelque chose et ils le font quand même. C'est vous dire le mal que j'ai eu à passer la première étape. La seconde, quant à elle, était plus simple. Il fallait imaginer l'effet que l'on voulait obtenir avec la Brume. Si l'on possédait une imagination suffisamment développée, on pouvait faire à peu près ce que l'on voulait, dans les limites que le calice avait. Ensuite, il fallait utiliser le calice pour faire apparaître un peu de Brume. Enfin, il ne restait plus qu'à se concentrer uniquement sur l'effet recherché et sur la cible. Haze m'avait bien prévenu que si je laissais mes pensées dériver un peu trop, il risquait de se produire des effets aussi indésirables qu'imprévus.
Je n'avais pas fait que cela cependant. L'arrivée de Jade m'ayant remis d'aplomb, j'avais décidé de reprendre mes créations de verre. Etonnament, j'étais soudainement devenu assez doué et j'avais pu fabriquer des vases ou d'autres objets en verre tout en les vendant à un bon prix. Travailler le verre me faisait oublier tous mes petits tracas, mes craintes, etc.
Une fois que j'eus fini mon thé, je tentai d'utiliser la Brume sur la tasse. Je me concentrai pendant quelques minutes, le regard porté uniquement sur le contenant, pensant que je voulais lui faire pousser quatre petites pattes afin qu'elle se déplace d'elle-même. Je pris le calice entre mes deux sabots et un mince filet de Brume en sorti. Il entoura la tasse et, quand il eut disparu, quatre petites jambes avaient poussé sur ma cible. Celle-ci gambadait joyeusement sur la table, ce qui me fit sourire, mais comme elle ne possédait pas d'yeux, elle tomba et s’éclata sur le sol. J'eus un petit pincement au coeur en voyant ma création "mourir". Je ramassai les morceaux qui restaient et hésitai à les jeter dans la poubelle. Je décidai cependant de quand même le faire en me rappelant que c'était une pensée un peu idiote de vouloir donner des funérailles à une tasse...
On frappa à ma porte. J'ouvris pour découvrir Twilight. Je trouvai cela étrange, car nous n'avions pas décidé de se voir aujourd'hui. Je lui demandai donc :
- Salut Twilight. Tu vas bien ? Tu voulais me dire quelque chose ?
- Oui je vais bien et oui je voulais te parler de quelque chose.
Je m'interrogeai sur ce qui avait bien pu pousser l'alicorne à me rendre visite. Je repris :
- Vas-y, je t'écoute.
- Est-ce que tu vois qui est la princesse Celestia ?
- D'après ce que j'ai appris sur ce monde, je crois que c'est la personne qui dirige votre pays. C'est bien ça ?
- Oui. On a une relation épistolaire. Et comme tu es arrivé dans ce monde, j'ai pensé qu'il était important que je lui parle de toi.
- C'est logique.
- Et donc, ce matin, j'ai reçu une lettre comme quoi elle voulait te rencontrer. Elle a précisé que tu devais venir au plus vite. Si elle l'a dit, c'est que c'est sûrement important.
- Tu as raison. N'empêche, ça doit bien faire quatre mois que je suis ici et elle ne m'a jamais demandé de venir. C'est assez étrange tu ne crois pas ?
- Je pense qu'elle avait ses raisons.
- Mouais... C'est vrai que c'est quand même celle qui dirige Equestria... Bon, j'attends que Jade revienne et nous partirons pour Canterlot.
Une voix nous interrompit :
- POUSSEZ-VOUS, J'ARRIVE VENTRE À TERRE ! cria d'ailleurs l'intéressée avant de se poser toute essoufflée.
- Déjà de retour ?
- Evidemment, avec le retard que tu m'as causé, j'ai dû foncer pour respecter l'ultimatum. Bon, qu'est-ce qui se passe ici ?
- La princesse Celestia m'a convoqué à Canterlot et on doit y aller au plus vite.
- La princesse ?! Tu te rends compte de la chance que tu as ? Rencontré sa Majesté en personne, c'est un de mes rêves de pouliche.
- Ah... Bon, je suppose qu'on ne devrait pas trainer dans ce cas.
J'avais à peine fini de dire ma phrase que la pégase verte s'envola en direction de la gare de Ponyville en criant :
- On se retrouve dans le train !
Je soupirai. Au final, Jade était aussi impatiente qu'Avery. Elle n'arrivait pas à cacher son enthousiasme et agissait toujours avant de peser le pour et le contre. Je saluai Twilight en la remerciant de m'avoir prévenu et je partis prendre mon train. Sur le chemin, j'en profitai pour acheter deux sandwichs afin de casse-croûter durant le trajet
Je retrouvai Jade toute sautillante sur le quai. Je tentai de la calmer quand le train arriva. Nous montâmes et nous assîmes sur une place libre. Les trains de ce monde n'avaient pas grand-chose de différent avec ceux de mon monde. Ils semblaient marcher à la vapeur, prouvant que cette civilisation équestre était déjà bien avancée. C'était un peu mesquin et très peu humble de dire ça, car, de un, ma civilisation n'était surement pas la plus avancée de tous les mondes et, de deux, je ne connaissais pas encore assez Equestria pour émettre un jugement objectif. Je regardais par la fenêtre du train, observant les paysages enchanteurs de ce monde. Tout ici semblait vivre en parfaite harmonie. Les humains auraient pu en apprendre beaucoup des poneys.
Après quelques heures de voyage, nous arrivâmes à Canterlot. Je demandai rapidement mon chemin vers le château avant de me rendre compte qu'il n'y avait qu'un seul palais dans la ville. Sur la route, je me posais des questions sur les raisons qui avaient poussé la personne la plus importante du pays à me faire venir aussi vite. Peut-être avais-je causé un déséquilibre dans le continuum espace-temps, créant une brèche inter dimensionnel avec un monde fandomesque où le moindre petit événement est choisi par des personnes d'une vingtaine d'années ? Naaaan ! Comme si c'était seulement possible ! Comme cela me paraissait assez stupide, je décidai de ne plus y penser.
Les licornes qui vivaient ici semblaient un peu... pompeuses. Elles me rappelaient les stéréotypes des nobles anglais que l'on donne souvent avant de les voir. Comparées à celle que j'avais pu voir à Ponyville, celle-ci était riche et même fière de l'être. Elle s'habillait de vêtements chics et glamour, marchaient en tenant leur tête haute et s'ignorait. De vrai petits bourges. Les maisons étaient placées en ligne et semblaient couter cher. Je n'aurais pas aimé vivre ici. La vie devait y être si ennuyeuse. En y repensant - et en sachant ce qu'il allait m'arriver par la suite comme aventure - il aurait peut-être mieux fallut que j'y vive. Mais c'était trop tôt pour y penser.
Nous arrivâmes finalement aux portes du château de Celestia. C'était un assemblement de grandes tours reliées par des passerelles. Une telle place doit être dur à défendre, me dis-je. Cependant, en prenant en compte la paix qui règne sur le pays... continuai-je. Un garde se tenait devant le portail. Il nous demanda :
- Qui êtes-vous ?
- Je suis Covert Mist et voici Jade Dragoonmail. Nous avons été convoqués au château sur ordre de sa Majesté Celestia.
Le garde nous regarda, puis se tourna vers le poste des gardes pour crier :
- Il y a deux poney qui prétendent avoir été convoqués par la princesse. Je fais quoi ?
- Comment ils disent s’appeler ? demanda un second garde.
- L'un dit être Covert Beast...
- Hum, c'est Mist, le corrigeai-je.
- ... et l'autre Jade Dragooncell, continua-t-il sans se soucier de moi.
- Attends une seconde, je regarde dans le registre... Ah oui, ils sont bels et bien attendus.
- Ok. C'est bon, vous pouvez passer, nous dit-il. La princesse se trouve actuellement dans la salle du trône. Pour vous y rendre, suivez le grand corridor que vous trouverez en entrant par cette grande porte, fit-il en nous pointant ce qui semblait être la porte centrale. Une dernière chose, si vous vous perdez, vous n'aurez qu'à demander votre chemin à un garde.
Je le remerciai et nous entrâmes dans le château. J'eus le souffle coupé par l'architecture. A l'instar des maisons de Ponyville, la forme de ce bâtiment était tout bonnement impressionnante. Je me demandais comment, avec leurs sabots, les poneys avaient pu construire un tel endroit. Je me rappelai alors que la majeure partie de la population de Canterlot était des licornes.
Une fois que nous avions enfin trouvé le bon chemin à travers le dédale de couloir, nous tombâmes - enfin pas littéralement - dans la salle du trône sur lequel était assise une majestueuse et puissante alicorne. Il ne fallait pas être un magicien pour comprendre qu'il s'agissait de sa Majesté Celestia. Par principe et par respect, je m'agenouillai en me présentant pendant que Jade se retenait de sauter partout de joie :
- Salutation, ma reine. Je suis Covert Mist.
Pourquoi l'avais-je appelé "ma reine" ? Sûrement une habitude de mon ancien monde. En tout cas, elle et la pégase me regardèrent avec de gros yeux. La princesse pouffa :
- Twilight ne m'avait pas menti à ton sujet. Tu es vraiment bloqué dans les habitudes de ton monde d'origine.
Je crois que c'est à ce moment-là que Jade vécue le plus grand mindfuck (1) de toute son existence. Entendre de la personne la plus respectée - et surement la plus sage de tout le pays - que je venais d'un autre monde lui donna l'effet d'une violente gifle. C'est pourquoi le seul mot qu'elle arriva à dire dans toute son incompréhension fut un "Quoi ?" d'un ton indéfinissable. Je saisis alors que j'allais avoir un problème sur les bra... sur les membres si je ne lui expliquai pas ce que j'étais vraiment. J'aurais bien voulu sortir un remerciement cynique pour montrer à quel point j'étais dans l'embarras à cause de la petite gaffe de la princesse. Celle-ci continua en ignorant un peu Jade :
- Enfin, tu sais, tu n'es pas obligé de me désigner comme étant une "reine". Fait comme tout le monde et appelle-moi simplement princesse Celestia.
Bien que noble et puissante, elle avait cette aura maternelle. Elle irradiait la pièce d'une lumière douce, chaude et protectrice, celle du soleil en somme. Même dans mon monde, le soleil avait été le guide des espèces, la divinité principale de nombre de religion et il était donc plus ou moins drôle de voir qu'à Equestria, cela était vrai. Je m'exprimai :
-Très bien, Princesse Celestia. Ce matin, vous nous avez demandé de venir le plus vite que possible. Pouvez-vous vous expliquer sur les raisons de cette convocation ?
- Bien sûr. Hier, durant la nuit, j'ai reçu une lettre de Stony Flask, un scientifique respecté. Elle disait qu'il avait été victime d'un vol et qu'il demandait d'envoyer une équipe d'investigation afin de retrouver l'objet dérobé et le coupable.
- N'est-ce pas un peu exagéré de vous déranger pour une chose d’aussi...triviale, dirons-nous ?
- C'est ce que j'ai d'abord pensé. Mais je connais bien Stony Flask et je sais que s'il cela le dérange assez pour nous déranger, c'est que c'est très important.
- Puisque vous le dites, princesse. Je suppose que vous nous avez appelé pour que l'on aille enquêter.
- Parfaitement. Twilight m'a informé de "l'affaire" que tu as résolue il y a quelques temps. Je crois que tu es assez compétent pour t'occuper de cette affaire.
- C'est très gentil de votre part, mais... n'êtes-vous pas sûr qu'il n'y ait personne de plus compétent que moi ?
- Et bien, il y a bien une équipe d'investigation à Canterlot, mais ils n'ont jamais conclu une seule affaire...
- Je vois... C'est vrai que dans ce cas, je comprends que vous vous en remettiez à nous. Jade, je crois qu'on n’a pas trop le choix. On accepte de faire cette enquête.
- Merci beaucoup. Il y a un petit aéronef qui vous attend pour partir. Il vous amènera au laboratoire.
- Un... aéronef ? m'exclamai-je de surprise. Vous avez de tels moyens pour vous déplacer ?
- Oui, pourquoi ?
- Oh, pour rien, mentis-je en essayant de cacher mon enthousiasme. Tu viens Jade, ne faisons pas attendre les scientifiques.
Toujours dans la même incompréhension, elle me répondit :
- D'un autre monde ? Quoi ?
Je pris ça pour un oui et l'emmena vers la sortie, avant de penser que je n'avais aucune indication concernant le lieu de l'embarcadère. Celestia avait devancé mes pensées et un garde se présenta à nous pour nous guider jusqu'à l'aéronef. Une fois là-bas, je fus envahi par un sentiment d'enthousiasme en voyant la machine qui se tenait sous mes yeux. Fan des univers steampunk (2), c'était pour moi un rêve qui se réalisait. L'aéronef était une espèce de bateau porté dans les air par un énorme ballon. Bien qu'il se rapprochât des dirigeables de mon monde, je refusais catégoriquement de faire un rapprochement quelconque entre ceux-là et la machine volante qui était devant moi. Nous montâmes à bord et nous rencontrâmes le capitaine du vaisseau volant. Celui-ci nous souhaita la bienvenue et nous invita à nous rendre dans la salle restaurant lorsqu'il entendit mon ventre et celui de l'autre pégase. J'acceptai l'offre avec un grand sourire pendant que Jade tentait encore de traiter les données.
Alors que je mangeais à m'en faire exploser la panse, ladite pégase me regardait avec ses yeux noirs. Je n'eus même pas besoin d'entendre ce qu'elle allait me dire pour lui avouer :
- Quoi ? Tu es en colère parce que je ne t'avais pas dit que je venais d'un autre monde. Mais tu aurais voulu que je te dise quoi ?
Je pris une carotte pour la faire parler :
- "Salut, moi c'est Covert Mist et je viens d'un autre monde."
J'avalai la racine et continuai :
- Sérieusement. Tu ne m'aurais jamais cru.
- Qu'est-ce que tu en sais ? lâcha-t-elle enfin. Oui ça m'aurait surprise, mais je t'aurais peut-être cru. Mais tu ne penses qu'à toi !
- Quoi !? Excuse-moi de penser que cela paraît impossible que je vienne d'un autre monde. Et puis je ne vois pas le rapport avec le fait que je ne pense qu'à moi. Tu imagines le bordel que ça créerait si on apprenait mon secret. Donc tu n'as pas intérêt à le dégoiser (3).
Mon argument sembla lui faire comprendre ce que je voulais dire et elle ne trouva rien pour rompre des lances (4). Elle lança un petit cri et mangea sa part.
Une fois que nous eûmes finis le déjeuner, nous remontâmes sur le pont. Je sentais le vent sur ma peau, C'est une sensation merveilleuse vous savez. Je comprenais ce que ressentaient tous les pégases maintenant. Je regardais au-dessus de la rambarde pour voir... bah... rien en fait. Nous étions au-dessus des nuages et on apercevait que parfois le sol. Je me demandai où pouvais bien être placé ce laboratoire. S'il y avait de si importantes recherches, il devait être loin des regards curieux. Cependant, il devait avoir un moyen simple et rapide de réapprovisionner en nourritures et en matériels scientifiques. Je m'amusais à imaginer à quoi il pouvait ressembler durant le voyage. Je ne m'intéressai que très peu aux paysages puisque la seule chose que l'on pouvait voir était des nuages.
Il est important de dire que l'aéronef se déplaçait à l'aide de deux hélices placées sur les côtés de l'engin. Grâce à ça, il pouvait avancer très rapidement. Je me demandais avec quel carburant il fonctionnait. Peut-être que les poneys avaient découvert un carburant sain et non polluant ? Si c'était cela, alors j'avais peut-être intérêt à noter le nom de ce fameux carburant et la façon dont on pouvait le produire.
Soudainement, comme émergeant des nuages, un village placé sur la paroi d'une montagne apparut. Au sommet même de la montagne, on pouvait distinguer un bâtiment blanc, mais je calculai rapidement qu'il fallait quand même marcher un bon moment pour l'atteindre. Je devinai aussi qu'il s'agissait du laboratoire. L'aéronef s'amarra à l'embarcadère et le capitaine nous cria de sa cabine :
- Bienvenue dans la cité des vents des Smokey Mountain, Windland. Evitez de vous envoler, les vents sont très puissants, par ici, ria-t-il.
Nous descendîmes et nous fûmes accueillis par une jeune licorne habillée d'une blouse blanche et portant des lunettes. Elle engagea la conversation :
- Bonjour, vous devez être les investigateurs envoyés par la princesse. On nous avait prévenu que vous viendrez, mais je ne pensais pas que vous arriveriez si tôt. Je suis Inno Smart. J'effectue un stage au laboratoire et on m'a chargé de vous y conduire. Mais je peux aussi vous faire un peu visiter le village si vous voulez.
- Vous êtes sûr que l'on a le temps ? lui demandai-je
- Et bien... Je pense que je peux vous dire oui.
- Dans ce cas, pourquoi pas ?
Elle sourit de plaisir et s'exclama :
- D'accord. Suivez-moi, s'il vous plaît.
Elle nous fit marcher dans les ruelles du village pendant à peu près une heure :
- Windland étant toujours entouré d'un brouillard assez intense, il est difficile d'y accéder. Il y a bien une route terrestre, mais ce sont principalement les aéronefs qui s'occupent du réapprovisionnement des marchands. En plus, le chemin de la montagne n’a pas été utilisé depuis des années et il est très dangereux de l’emprunter. Cet endroit n'a pas été créé pour le tourisme, mais il y a quand même quelques lieux à visiter. Par exemple, vous avez le belvédère duquel on peut voir une grande partie de la vallée. Enfin, seulement quand il y a un petit trou dans les nuages. Il y a une grande bibliothèque dont nous nous servons pour archiver les résultats scientifiques de tous les laboratoires du pays. Les habitants vivaient ici bien avant que nous arrivions pour le placer d'ailleurs et, bien qu'ils étaient d'abord réticents à mettre un bâtiment si neuf au sommet de la montagne - sacrée pour les plus superstitieux - ils s'y sont très vite habitués et sont devenus très hospitaliers.
A côté de moi, il me semblait entendre Jade marmonner dans sa bouche des paroles ressemblant à :
- Windland... Windland... je suis sûr d'en avoir déjà entendu parler...
Pour vous décrire à quoi ressemblait le village, il faut vous imaginer une falaise dans laquelle on aurait creusé à même la pierre tous les bâtiments. Ensuite, pour les rues et escaliers permettant d'accéder au différent palier, ils étaient tous faits de bois. Un bois assez spécial cependant pour résister aux affres du temps, du vent et de l'humidité. On pouvait voir que chacune des personnes qui avaient participé à la création de ce village s'étaient réellement investi dedans. Je me demandai cependant pourquoi mettre tant de ferveur dans la construction d'un simple village. Jade, de son côté, paraissait toujours autant plongée dans ses pensées. Je m'approchai d'elle, la surprenant :
- Quelque chose te préoccupe, Jade, sinon ce dont on a parlé plus tôt ?
Elle sursauta avant de m'avouer :
- Oui, y'a bien un p'tit truc qui me dérange, mais je vois pas quoi...
- Fais en pas toute une histoire quand même, me moquai-je gentiment.
- Une histoire ! prit-elle conscience. Désolé, je vais vous laisser. Hum ? Inno ?
- Oui, tu as besoin de quelque chose ?
- Cette bibliothèque, elle est où ?
- Au palier le plus bas. C'est le seul bâtiment normalement, donc tu ne devrais pas te tromper.
Elle partit dans un éclair. Je souris. La connaissant - même si c'est un peu étrange qu'une personne qui vit avec une autre personne dit qu'elle la connaît bien alors que ce n'est pas forcement le cas, quoique cela veuille dire - j'étais presque sûr qu'elle avait déjà entendu un conte ou une histoire au sujet de ce lieu. Il est vrai que ce lieu avait dû en inspirer des histoires et des légendes. Je proposai à la jeune licorne en souriant :
- Et si nous nous rendions au laboratoire maintenant. Si on décide de l'attendre, on va sûrement en avoir pour plusieurs heures.
Elle accepta et me montra le chemin vers le laboratoire. Il fallait monter une pente assez raide pour l'atteindre, pente qui faillit me décourager plus d'une fois vu qu'elle paraissait interminable. Cependant, Inno ne paraissait pas fatiguer le moins du monde. Au contraire, elle s'arrêtait à chaque fois qu'elle partait trop loin devant moi. Après une bonne demi-heure d'escalade que je pourrais qualifier de celles qui me poussent légèrement hors de mes gonds, nous arrivâmes devant un petit complexe de deux bâtiments blancs. Elle m'indiqua lequel servait aux expériences et lequel leur servait à vivre. Puis, elle me conduisit au laboratoire, où un vieil étalon nous attendait, le visage colérique. Il me rappela celui de Carrier et je dus réprimer un petit rire. Il engueula, disons, gentiment la jeune Inno qui ne parut pas trop dérangée par ça et me demanda de commencer l'investigation.
- Bonjour, je suis Stony Flask, bonjour, etc. Si vous vouliez bien commencer, maintenant. J'ai attendu suffisamment longtemps.
Il était aigri comme poney celui-là. Mais je n'allais pas faire mon difficile. En entrant, je remarquai quelque chose très rapidement, tout le laboratoire était bien rangé. Aucune fiole, aucun objet ne semblait ne pas être à sa place et il n'y avait pas non plus la moindre poussière. Ici, on se servait de tout et rien n'était laissé de côté. Si l'on pensait comme ça, on pouvait facilement deviner que les expériences faites ici étaient relativement importantes. Je visitai chaque pièce avec le plus de minutie possible, cependant, il n'y en avait qu'une seule qui avait un intérêt quelconque : le local technique.
Cette salle faisait un peu tâche dans le décor dans le sens où il y avait un bordel pas possible à l'intérieur, mais un bordel organisé m'avait bien expliqué Inno dans un élan de fierté inutile. Je regardai et demandai ce qu'il pouvait bien manquer, car je venais de me rendre compte que je ne savais toujours pas ce qui avait été volé. Et ce que j'entendis ranima la même curiosité que j'avais exprimée à bord de l'aéronef.
- Un golem incomplet et ses plans.
- Un... golem ?
Je tentai désespérément de contenir ma joie. Sérieusement, un golem. Ce monde devenait de plus en plus intéressant. Le golem était ce que la plupart des alchimistes du Moyen-Âge avaient essayé de faire pour de multiple raison : la gloire, l'argent, le fait de vouloir ressusciter un être cher à travers la pierre, voire le fait de vouloir faire de cet être une arme de destruction massive. Mais savoir que dans ce monde une telle prouesse relevant plus du fantastique que de la science elle-même allait être réalisé m’impressionnait tellement que je refusais de m'asseoir pour me calmer. Je me frappai violemment la tête sous l'oeil étonné et un peu apeuré des deux scientifiques.
- Excusez-moi... dis-je. J'ai été un peu pris par mon enthousiasme.
Je continuai mon investigation et je remarquai quelque chose que je n'attendais pas le moins du monde. Des bouts de verre. Normal me direz-vous, mais la façon dont ils étaient placés me dérangeait un peu.
- Inno ? Qu'est-ce que tu as vu hier soir ? l'interrogeai-je. N'oublie aucun détail.
- Eh bien, je m'occupai de faire l'inventaire. Le professeur lui, travaillait sur les gènes de parasprite. Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait presque pas dormi et il touchait au but. Il y arriva enfin et partit se reposer, me laissant finir de ranger. Je nettoyai les paillasses et rangeai tous les composants chimiques. Une fois que j'eue finis, je sortis, fermai la porte à clé et commençai à rentrer vers le bâtiment des dortoirs. A mi-chemin, j'ai entendu un grand bruit. J'ai un peu paniqué et j'ai couru le plus vite possible dans le laboratoire pour voir ce qu'il s'était passé. En entrant, je découvris que le golem et ses plans avaient disparu et que la vitre avait été brisée, surement par le voleur.
- Et tu es sûr de ne pas avoir vu le voleur ni rentrer, ni sortir, si s'enfuir.
- Non, mais je suis quasiment sûr qu'il est rentré par cette fenêtre.
- En la brisant ?
- Evidemment.
- Tu te rends bien compte que ce que tu dis est en contradiction avec les faits.
- Comment ça ?
- Regarde les débris de verre et tu remarqueras qu'ils sont tous dirigés vers l'extérieur.
- Et... et donc ? hésita-t-elle.
- S'il était vraiment rentré par cette fenêtre, les morceaux auraient dû être à l'intérieur. C’est de la logique pure. Comment vous avez pu manquer ça ?
- Attend une petite seconde, m'arrêta le vieux Stony. Ce que tu dis inclus le fait que le voleur...
- ...était déjà présent dans le laboratoire lorsque vous en êtes sortis. Même si on ne sait toujours pas comment il est rentré, on sait au moins qu'il était déjà là...
Mon hypothèse était la bonne, j'en étais sûr. Mais comme je l'avais dit, nous ne savions pas comment le voleur était rentré. Nous ne savions pas non plus où il avait fui après avoir commis son crime. Il me restait pas mal de choses à vérifier, mais je savais que je m'approchais de la vérité petit à petit. Au loin, j'entendis Jade m'appeler :
- COVERT ! J'AI UN TRUC À TE DIRE !
Je sortis pour voir la pégase verte porter un gros livre me sauter dessus. Elle se releva et me montra un texte :
- Il faut absolument que tu regardes ça.
1) Mindfuck : terme argotique anglais pour désigner un élément qui suscite la confusion ou qui désigne quelque chose de déroutant.
2) Steampunk : genre littéraire qui raconte une histoire dans un monde rétro-futuriste. On peut notamment voir dedans de nombreuses machines à vapeur.
3) Dégoiser : terme argotique français signifiant raconter, dire, lâcher le morceau...
4) Rompre des lances : terme argotique français signifiant “s’opposer à” ou “défendre son opinion”.
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