Mon erreur

Je passai la matinée à réfléchir aux possibilités qui s’offraient à moi alors que Pinkie faisait de son mieux pour me réconforter. Mon dernier cauchemar avait été le plus dérangeant, et de loin. Je savais que Twilight me cachait quelque chose, mais je n’étais toujours pas en mesure de le prouver. La veille, j’étais persuadée qu’elle avait voulu m’endormir pour m’emmener Celestia savait où.

« Est-ce que tu penses à ce que je pense ? » demandai-je.

Pinkie arrêta de brosser ma crinière. « Eh bien, Dash. J’y pense aussi, mais comment allons-nous faire pour trouver une porte à tambour et dix kilos de pâte à modeler ? »

Je geignis et levai les yeux au ciel. « Non, Pinkie. J’ai besoin de trouver un moyen de prouver au monde que Twilight bidouille mon cerveau. Je vais m’infiltrer dans son labo.

— Oh », répondit Pinkie. Elle sourit et reprit son brossage. « C’est beaucoup plus logique.

— Qu’est-ce que tu comptais faire avec dix… » Je me mordis la lèvre pour m’interrompre. Je ne serais pas plus avancée en subissant une autre de ses tirades. « Laisse tomber, je ne veux pas savoir. » Je me redressai et laissai mes sabots traîner sur le bord du lit. « Est-ce que tu peux occuper Twilight pendant que je serai chez elle ? Genre, en organisant une fête surprise ou autre ? »

Elle pencha la tête, dubitative. « Mais, on vient tout juste de faire une fête.

— Et alors ? Organises-en une autre, dis-je en levant les sabots au ciel. Ça sera comme la fois où tu as fait une fête pour Gummy et que tout le monde s’est mis à t’éviter… mauvais exemple. Tu sais quoi, euh… trouve quelque chose ? »

Pinkie sortit une liste de sa crinière. « Mmh… Le jour de Christophe Coltlomb, la fête de la Science, la fête du Travail, la Journée de l’arbre, la Journée de Celestia, la Journée de la jument, Pâques, le Hearth’s Warming Eve. » Elle eut un large sourire. « L’anniversaire de Spike ! C’est aujourd’hui ! »

Je pris une grande inspiration pour essayer de m’empêcher de parler. Ne demande pas. Ne demande pas comment elle arrive à sortir autant de choses de ses crins, ça ne peut qu’empi… « Pinkie, t’as fait comment pour sortir ce truc de ta crinière ? »

Tout sourire, elle y rangea le bloc-notes et en sortit un diagramme. « C’est simple ! Je la maintiens très volumineuse pour pouvoir m’en servir de rangement. Tu vois ? J’ai fait ce schéma pour me souvenir d’où est rangé quoi ! Une fois, j’y ai perdu des cupcakes pendant une semaine !

— Mmh… d’accord. » Je sautai hors du lit et me dirigeai vers la fenêtre. Il faisait beau ce jour-là, mais j’aurais pourtant souhaité qu’un orage vienne s’accorder à mon humeur. « Combien de temps il te faudrait pour mettre en place une fête surprise et une distraction pour Twilight et Spike ?

— Ça dépend. » Pinkie reprit son bloc-notes et un stylo. « Tu veux un gâteau au chocolat, un marbré ou une tranche napolitaine ? »

Et voilà. Le mal de tête que j’avais oublié depuis quelques jours fait son grand retour. « Pinkie, ça m’est égal. Je vais m’infiltrer dans le laboratoire, tu te rappelles ? Tu peux même faire une tarte à la boue si ça te chante.

— Oh, ce serait amusant ! » Elle jeta son carnet et se mit à sautiller. « Une tarte à la boue pour Spike, saupoudrée de rubis, un… Dash ? »

Je m’éloignai de la fenêtre. « Hein ?

— Tu es sûre que tout va bien ? » Pinkie s’approcha en souriant et m’offrit une sucette.

« Sérieux ? » Je remuai la tête. « Ça ira.

— Tu te souviens quand j’ai cru que vous alliez toutes me laisser tomber, et que j’ai fêté mon anniversaire avec des navets ? Tu étais là pour moi. Tu savais que je n’allais pas bien. » Pinkie rangea la sucette et m’enlaça. « Je te connais, Dash, et tu ne vas pas bien. Souviens-toi que je serai toujours là pour t’aider, d’accord ?

— Merci, j’y penserai. » Je me tournai de nouveau vers l’extérieur et souhaitai qu’il n’y ait pas autant de soleil, pour une fois. Il y avait trop de choses qui n’allaient pas dans ma vie pour que je supporte tout ce bonheur immaculé.

Pinkie se précipita vers un coffre dans un coin et en sortit des serpentins. « Voilà ! Donne-moi une heure et je m’occupe de retenir Spike et Twilight avec une fête d’anniversaire ! Tu devrais en profiter pour jeter un œil sur Tank. Je suis sûre qu’il est inquiet de te voir passer tes nuits dehors. »

Je pris une profonde inspiration en passant la fenêtre. L’air était chaud et humide, et je regrettai qu’il n’y ait pas une petite averse. « Pas de souci, Pinkie. Une heure. Apporte un parapluie – j’ai le sentiment qu’il va pleuvoir. »

Je plongeai, puis remontai directement dans ciel vers la station météo de Ponyville. C’était un petit bâtiment en périphérie du village où l’équipe venait se détendre avant et après une rude journée de travail. Thunderlane ne tarda pas à m’apercevoir. Je m’élevai au-dessus de la structure pour discuter un peu.

« Salut, Dash. Mieux vaut tard que jamais, hein ? lança Thunderlane.

— Très drôle, tête de linotte. » Je levai les yeux au ciel et ris. « Merci d’avoir entretenu le ciel pendant que je faisais une pause loin de tout ça. J’aurais besoin d’un service, par contre. »

En souriant, je pointai la forêt Everfree du sabot, où quelques nuages attendaient que l’on s’occupe d’eux. « J’aimerais qu’il pleuve aujourd’hui, et pas qu’un peu. Je pense qu’il est temps pour la ville de prendre une bonne douche. »

Thunderlane ricana. « Je pensais que tu ne voulais pas d’orage parce que ça t’effrayait comme une petite pou… »

Je le foudroyai du regard. « Finis cette phrase et tu passes le prochain mois en équipe de nuit ! Allez, vas-y.

— Ouah, ton secret est en sécurité, Dash. » Il leva les sabots en signe de capitulation. « Je pensais que ça te ferait plaisir qu’on se taquine comme au bon vieux temps.

— Tu as raison. » Je soufflai un coup et me détendis un peu. En regardant au-dessus de la forêt, je sus que l’orage me donnerait un peu plus de temps pour fouiller la maison de Twilight. « Du tonnerre, des éclairs, peu importe, je veux juste qu’il y ait une grosse averse pour aller avec mon humeur massacrante. Est-ce que vous pouvez vous en occuper d’ici une heure ?

— Sans problème ! » Il bomba le torse et rit. « Si les supérieurs viennent voir pourquoi on a créé un orage sans prévenir, je leur dis comme d’habitude ? On a fait de notre mieux, mais on n’a pas pu l’arrêter !

— Ouais, fichue météo capricieuse de l’Everfree. » Je me tournai vers Thunderlane et compris qu’il regardait mes flancs. « Je suis en haut, moussaillon.

— Pardon, patronne, c’est juste que… » Thunderlane avait soudain les yeux rivés au sol et ne tenait plus en place. « Rien.

— Allez, balance. Tes yeux t’ont déjà trahi. » Je croisai les pattes avant pour lui faire comprendre que je ne comptais pas partir tant qu’il n’aurait pas craché le morceau.

« C’est juste que… » Il prit une profonde inspiration, avant de tout m’avouer : « Eh bien, avant l’accident, je voulais t’inviter au restaurant, mais je me suis dit que tu le prendrais mal si je te le demandais maintenant, car tu penserais que je le fais juste pour être gentil, et… »

Sa voix s’estompa, et je fis de mon mieux pour ne pas rougir, ne sachant que répondre à cette annonce si soudaine. Je remarquai, après quelques instants, qu’il m’observait dans l’attente d’une réponse.

« Écoute, Thunderlane. J’ai déjà des choses à faire là, mais ça te dirait de partager quelques beignets autour d’un café ce soir ? » Je souris et le vis soupirer de soulagement. « En amis ! ajoutai-je rapidement. J’ai déjà assez de choses sur l’esprit en ce moment, mais, eh ! n’oublie pas de nettoyer le ciel avant de venir.

— Ouais, bien sûr ! Je, euh… ouah, l’heure tourne, j’ai un orage à préparer ! » Il s’envola à la hâte en direction de la forêt Everfree.

« Qu’est-ce qu’il est bizarre. » Je secouai la tête, me demandant ce qu’il avait à l’esprit. « Je ferais bien de rentrer. »

L’air humide sur le chemin du retour me donna l’impression de transpirer. Tank m’attendait dans le salon.

« Salut, Tank, désolée de t’avoir laissé seul. J’étais avec des amis. »

Tank sourit lentement et se dirigea vers la cuisine. Sa gamelle était toujours pleine et il lui restait de l’eau. Puis je le vis sortir son gyrocoptère de derrière la porte.

« Ah, c’est vrai ! J’ai promis que je t’emmènerais voler. Écoute, je n’ai pas trop le temps, mais laisse-moi juste trouver ton harnais, d’accord ? Tu pourras voler autour de la maison le temps que je m’absente. »

J’allai à l’étage au pas de course à la recherche de son harnais de vol, avant de me préparer à m’introduire dans le laboratoire de Twilight. Il devait être quelque part dans le coin. Je vérifiai d’abord le tas de chaussettes et de pyjamas sales dans le coin de la pièce. Il n’était ni sous mon lit ni dans l’armoire. Je trouvai aussi une vieille boîte à pizza avec quelques parts à l’intérieur, que je mis à la poubelle pour m’éviter d’avoir à le faire plus tard.

Je vérifiai finalement ma table de chevet. J’ouvris le tiroir et vis le harnais posé sur le journal de rêves que Twilight m’avait donné.

« C’est vrai, marmonnai-je. Je suis censée raconter mes cauchemars et tout le reste là-dedans. Oh, et puis zut, ça ne peut pas faire de mal. »

Je pris le carnet et sortis un stylo, puis je me mis à décrire le vide que j’avais vu. J’écrivis également quelques souvenirs des jours précédents, avant de tout ranger. En regardant la pendule proche, je me rendis compte que j’étais supposée être chez Twilight d’ici une demi-heure.

Le harnais était en bon état et je le descendis. Une fois attaché, Tank se mit à vadrouiller dans la maison. Twilight avait ensorcelé l’équipement de manière à ce que mon compagnon puisse voler autant qu’il le souhaitait.

Des souvenirs de Twilight me revinrent malgré moi. Je me rappelai toutes les fois où elle avait été là pour moi, tout comme sa tendance à toujours faire ce qui semblait juste. Elle savait depuis le début que Tank était l’animal dont j’avais besoin, peu importe qu’il soit super ou cool. Est-ce que Twilight pouvait à la fois être mon amie et me cacher quelque chose ?

« Vas-y, fais quelques tours de chauffe dans le salon, et ne fais pas tomber de lampe cette fois ! » La brave bête ne parvenait pas encore à tourner correctement. Heureusement, la maison en nuage était un terrain d’entraînement adapté.

Tank me salua d’une patte et passa en trombe devant moi. Quelques secondes après, j’entendis du grabuge et me retournai. Il souriait d’un air innocent à côté de la lampe qu’il venait de renverser.

En soupirant, j’allai vers lui pour remettre la lampe à sa place. « Eh, tu t’améliores ; au moins, j’ai des luminaires à l’épreuve de la casse maintenant. » Je le caressai du bout du museau et me dirigeai vers la porte. J’attrapai mes sacoches et y fourrai quelques babioles, m’assurant de laisser un maximum d’espace pour récolter des preuves.

Une fois sur le porche, je devinai la bibliothèque de Twilight au loin. La patrouille météo était également en pleine action, préparant une averse surprise. Un point rose bondissant croisa les deux points violets que formaient Twilight et Spike et les attira au Sugarcube Corner.

« Bien, l’opération Faucon bleu est en marche ! m’exclamai-je. Il est temps de découvrir ce qu’elle me cache vraiment, Twilight Sparnaque ! » Je m’étirai en mettant mes lunettes de vol, prête à m’élancer.

Il ne me fallut que peu de temps pour atteindre la bibliothèque. Je ralentis mon approche pour ne pas manquer la fenêtre du grenier. À peine avais-je eu le temps de m’aligner sur la bonne trajectoire qu’un coup de tonnerre résonna dans tout le ciel. Malgré moi, je me recroquevillai. La fenêtre s’ouvrit avec un grand bruit au moment où je la heurtai, éparpillant de vieux livres un peu partout.

Un éclair illumina tout le grenier, révélant l’ensemble des étagères. Sur chacune d’elles se trouvaient de vieux grimoires. Ceux qui étaient à proximité avaient plus de cinquante ans. J’éternuai à cause de la poussière que j’avais levée et secouai la tête. Les escaliers qui menaient en bas étaient de l’autre côté de la pièce.

Un éclat orange dans mon champ de vision attira mon attention. J’approchai et découvris un grand miroir. Mon reflet se tenait face à moi. Je voyais mon cœur battre à toute allure, faisant légèrement palpiter ma poitrine. « Eh, ce n’est qu’un miroir. Je suis sûre qu’il y a des choses dix fois pires tout en bas. »

La bibliothèque se révéla être vide, et je pris la direction du sous-sol. La porte qui menait au laboratoire se trouvait derrière moi. Elle était verrouillée ; ce fut mon premier test.

Je me rappelais avoir déjà crocheté des portes auparavant, même si je ne me souvenais pas des circonstances exactes. Une part de moi-même était consciente que j’avais déjà rendu quelques visites secrètes à des poneys durant la nuit ; de là à dire si c’était pour dénicher des espions ou chercher à manger, je n’en savais rien. Quoi qu’il en soit, j’étais capable de transformer quelques trombones et un couteau à beurre en un véritable passe-partout. Peut-être que j’avais simplement appris ça dans un Daring Do.

La serrure ne fut pas compliquée à ouvrir, à tel point que je me demandai si c’était un piège ou si on m’observait. Twilight m’avait toujours fait penser à une espionne. Peut-être qu’elle nous le cachait depuis le début.

Je descendis les escaliers en secouant la tête, fermant la porte au passage. Les réponses que je cherchais se trouvaient plus bas. J’allais les rassembler et convoquer les six Éléments pour que nous puissions trouver une explication à tout ça.

La première pièce du laboratoire sentait les produits chimiques. En allumant, je vis des disques de métal branchés à des câbles, des graphiques griffonnés sur des feuilles et tout un attirail de trucs d’intellos. Si je me souvenais bien, elle avait déjà fait passer des tests à Pinkie pour analyser son sens spécial.

Une porte à l’autre bout de la pièce donnait sur un vaste espace de travail. Les murs se composaient de tableaux noirs et des livres étaient empilés un peu partout. Lorsque les lumières s’allumèrent, mon esprit fut saturé par la quantité d’énoncés et de diagrammes.

Le premier tableau représentait, de ce que j’y comprenais, le schéma d’un changelin. Des formules semblaient concentrées autour de sa corne, de ses ailes et de son cœur. Non loin, un pot rempli d’un liquide vert fluorescent contenait ce qui devait être une corne de changelin. Je m’en emparai pour le mettre dans une de mes sacoches.

« Quoi que tu mijotes, Twilight, c’est sacrément flippant. »

Le tableau suivant était recouvert de triangles dans des cercles ainsi que de drôles de signes. Les seules parties compréhensibles parlaient d’échange équivalent. Le reste n’était que des symboles comme C₆H₁₂O₆, CO₂, H₂O, NaCl, et ainsi de suite.

Un autre tableau avait été effacé à la va-vite et réutilisé dans la foulée, mais certaines des nouvelles données avaient été barrées. Il y avait des dessins de rouages et de mécanismes, de drôles d’engins, ainsi qu’un grand portail. À côté du portail, l’astre céleste était représenté. Il était évident, même pour moi, que quelque chose ne tournait pas rond. Equestria était montrée comme orbitant autour du Soleil, alors que même les petites pouliches savaient que c’était le Soleil qui tournait autour d’Equestria et non l’inverse ! Pour couronner le tout, trois autres planètes plus petites avaient été dessinées. Par-delà les planètes, tout un amas de petits rochers était représenté.

Je passai devant les schémas étranges et tombai sur quelque chose de troublant, qui ressemblait à ce que j’avais vu dans certains dossiers médicaux à l’hôpital. Plusieurs traits tordus s’entrecroisaient et faisaient le lien entre le diagramme de deux poneys différents. Par terre, je trouvai l’une des pages de mon dossier. Je la roulai et la rangeai dans ma sacoche.

Le dernier tableau illustrait une plante morte ramenée à la vie. Quelques mots en lien avec la régénération étaient entourés d’encore plus de formules. Il y avait également le diagramme d’une chose nommée “golem”, qui ressemblait fortement à un poney mais qui, selon une note détaillée, n’avait pas d’âme.

« Elle vit vraiment dans un autre monde. Il me reste une porte à ouvrir. »

Je marchai vers la porte en question au coin de la pièce et procédai. Je fus surprise de découvrir que l’autre pièce était très éclairée et que l’air y était pur et frais. Mon esprit s’arrêta net lorsque je vis ce qu’il se trouvait à l’intérieur.

« Tu n’aurais jamais dû venir ici, Dash. »

Je fis volte-face et me trouvai en présence de Twilight, qui se tenait dans l’embrasure précédente. Elle faisait léviter une planche.

« Twilight ! Qu’as-tu fait ? criai-je.

— Tu n’étais pas censée voir tout ça, Dash. Maintenant, tu as deux options. Soit tu poses tes sacoches, tu te couches au sol, et tu me laisses te soigner. Soit… » Elle agita la planche dans les airs. « Je te couche avec ce morceau de bois, puis je te soigne avec ma magie. »

Je déglutis, sentant mon cœur s’emballer sous l’effet de la peur. Ce n’était pas la Twilight que je connaissais. « Que dirais-tu d’une troisième option ? » Je jetai un œil à la pièce que je venais de découvrir et sentis des frissons me parcourir l’échine.

Elle leva un sourcil. « Qu’est-ce que tu proposes ? »

Me remémorant un passage d’un Daring Do, je me tournai et ajustai mes lunettes de vol. « T’as pas un chewing-gum ?

— Mais, enfin, pourquoi tu me demandes une chose pareille ? » Elle fit un pas en avant, s’aidant de la planche pour bloquer le large passage de la porte dans le but de me gêner.

Avec un grand sourire, j’étendis mes ailes, m’apprêtant à contrecarrer son plan et sa magie d’intello. « Parce que je suis d’humeur à casser du flanc et mâcher du chewing-gum… et je n’ai plus de chewing-gum. »

Twilight fronça les sourcils. « Qu’il en soit ainsi. Sache que je fais ça uniquement parce que je tiens à toi. Je ne te perdrai pas une nouvelle fois ! »

La planche fonça droit sur moi, me manquant de moins d’un mètre alors que je m’envolais. Je me dirigeais en plein sur Twilight, mais je dus m’écarter pour éviter un éclair d’énergie qu’elle venait d’invoquer. Je fis le tour de la pièce, poursuivie par le son de la planche.

Twilight s’en servait pour me diriger où elle le voulait. Si elle me touchait, elle me blesserait suffisamment pour m’arrêter ; je commençais à manquer d’idées.

« Dash, je t’en prie ! Je te jure que c’est pour ton bien ! Arrête !

— Non ! criai-je. Tu m’as menti, tu nous as menti à toutes, et je veux que ça se sache. »

J’avançai brusquement vers Twilight et sentis la planche me frôler le flanc. Je l’évitai à la dernière seconde, toujours prise en chasse. Avant que Twilight n’ait eu la chance de réagir, le morceau de bois lui atterrit en pleine tête, la faisant chuter.

Je fis demi-tour et m’échappai rapidement vers la sortie de la bibliothèque. J’entendis un grésillement suivi d’un éclair dans mon dos. Quelque chose me toucha en plein corps, engourdissant mes ailes et les contractant jusqu’à ce que je m’écrase. Dans ma chute, je glissai jusqu’au bas des escaliers, mais je me relevai, déterminée à tout remonter.

Twilight était agenouillée derrière moi, le museau en sang. « Tu vas tout gâcher ! Tu vas te tuer ! »

Elle voulait me tuer, je n’allais pas rester sans rien faire. Tout le monde devait savoir ce qu’elle manigançait. Je gravis les marches à toute allure et sortis du sous-sol. Une fois la porte claquée, je me saisis du couteau à beurre sur le sol pour coincer la serrure, puis je me tournai et frappai de toutes mes forces sur la poignée afin de la casser.

Ça ne retiendrait pas très longtemps une alicorne capable de se téléporter, mais il me fallait juste gagner assez de temps pour trouver une amie. Pinkie était mon premier choix, mais elle avait promis de distraire Twilight. Puisqu’elle avait échoué, Twilight avait dû lui faire subir quelque chose de terrible. Rarity n’était pas très loin, mais elle semblait d’accord pour dire que tout se justifiait tant que la vie d’un être cher était en jeu.

Ça ne me laissait plus qu’Applejack et Fluttershy, sur les bordures du village. La fermière était bien trop honnête à mon goût, et son comportement ne m’avait pas vraiment plu la dernière fois. Je sortis à toute vitesse sous la pluie battante et commençai à courir en direction du cottage de Fluttershy.

Le froid me brûlait les ailes tellement j’allais vite, et je sentis des fourmillements les parcourir. Je parvins à m’en débarrasser et à prendre mon envol. Je volai près du sol détrempé, estimant que mes ailes n’étaient pas encore vraiment remises.

Ce fut à cet instant que la foudre reprit, et je me sentis sursauter à chaque impact. Les grondements sourds du tonnerre emplissaient l’atmosphère. Je supposai que je ne pouvais pas m’en prendre à Thunderlane pour une fois. Les nuages de l’Everfree étaient réputés pour être pratiquement impossibles à contrôler.

Je perçus l’odeur de l’ozone, et mon dos se mit à me picoter. Alors que les crins de ma crinière commençaient à se dresser, je me jetai à terre, poussée par la terreur. Mon instinct me fit comprendre ce qu’il se passait avant même que ça ne se produise. Un autre éclair déchira le ciel tandis que je partais en vrille. Mon aile gauche frôla le sol à la seconde où l’éclair frappa mon aile droite.

La décharge suivit la courbe de mes ailes, les traversant à la recherche de la terre. Mes pattes passèrent par-dessus ma tête lorsque je m’écrasai devant le cottage de Fluttershy. Si je n’avais pas agi aussi rapidement, cet éclair aurait pu me frapper en pleine tête ou atteindre mon cœur. J’avais déjà été touchée par le passé, et ça n’avait rien d’agréable.

J’étais trop effrayée pour déplier mes ailes, et mon dos me faisait bien trop mal pour que j’essaye. Je rampai vers la porte de Fluttershy – pas à cause de la douleur, mais par peur. Comme si ça n’avait pas suffi que Twilight me mente et tente de me neutraliser. Comme si ça n’avait pas suffi qu’elle fasse toute une foule de choses pour me sauver. En plus de tout ça, il fallait que la foudre me tombe dessus et manque de me tuer alors qu’il ne me restait plus qu’un poney vers lequel me tourner.

Mon sabot cogna plusieurs fois contre la porte, avant que je ne me permette d’entrer pour échapper à la pluie. Mes sabots étalèrent de la boue sur le sol propre et de l’eau se mit à ruisseler de mon pelage, se répandant partout où je passais. À mesure que j’avançais, son salon prenait des allures de champ de bataille.

« Bonjour ? Qui est là ?

— C’est moi, D… Dash ! bafouillai-je. Je suis blessée, j’ai besoin de ton aide !

— Oh, non ! » Fluttershy accourut depuis sa chambre à l’étage. Un air d’effroi s’empara de son visage et ses yeux s’écarquillèrent sous le coup de la surprise lorsqu’elle me vit. « Dash !

— Twilight a menti ! Elle a essayé de me tuer avec une foutue planche ! » m’exclamai-je.

Fluttershy s’approcha et commença à examiner mes ailes ainsi que les égratignures que je m’étais faites. J’avais également une plaie sur le flanc que je ne remarquai que lorsqu’elle la toucha. « Oh, Celestia ! Que s’est-il passé ?

— Je viens de te le dire ! » Je la repoussai et rivai mes yeux aux siens. « Twilight a essayé de me tuer ! Je me suis enfuie et j’ai été frappée par la foudre, mais prends un peu conscience de ce qu’elle fait ! Elle a enlevé des poneys et fait des expériences sur eux pour me sauver ! Il y avait des schémas de changelins et de golems et des formules partout !

— Dash, calme-toi, tu me fais peur. » Fluttershy se retrancha dans un coin de la pièce, ses oreilles s’affaissèrent.

« Tout te fait peur ! » Je levai les pattes au ciel avant de frapper le sol sous ses yeux. « Mais j’ai besoin de ton aide ; sois forte pour moi, d’accord ? Twilight me cherche pour m’effacer moi ou ma mémoire, ou Celestia sait quoi. Mais elle est devenue folle ! » Je marquai mes mots d’un sabot. « Elle a un laboratoire rempli de trucs effrayants et d’expériences tordues ! Twilight a même arraché une corne de changelin, c’est juste… »

Je me tournai pour ouvrir mes sacoches et me rendis compte qu’elles n’étaient plus là.

« Euh, Dash ? » demanda Fluttershy. Elle était repliée de peur, peu habituée à me voir dans un tel état.

« Punaise ! Elles étaient là ; j’avais trouvé les preuves et récupéré les papiers qui avaient disparu. Je voulais te les montrer, mais je crois qu’il va falloir que je trouve Celestia ! Je vais me frayer un chemin à travers la tempête, elle seule peut arrêter Twilight ! Tout le monde doit savoir ce qu’elle a fait… »

Je m’arrêtai lorsque je me rendis compte que Fluttershy était recroquevillée dans un coin, terrorisée par mon comportement. Elle me regardait bizarrement, les yeux plissés.

« Fluttershy ? » demandai-je.

Ma respiration ralentit et je sentis mon corps se détendre. Je souris, le regard plongé dans ses yeux bleus. Toutes mes inquiétudes s’évanouissaient, et je compris ce qu’il était en train de se passer.

« N… non ! F… Flutt… »

Mon esprit s’éteignit, et j’eus tout juste le temps de sentir mes genoux heurter le sol.