Je supposais qu’il y avait quelque chose d’apaisant dans la saboticure, même si le moindre contact avec la fourchette de mon sabot me faisait me crisper et glousser. Lorsque ce fut terminé, mes sabots avaient l’air plus en forme que jamais.
Sont-ils vraiment plus en forme que jamais, ou ai-je juste oublié la dernière fois qu’ils ont été si soignés ? Curieusement, je me souvenais d’événements comme le jour où Fluttershy avait obtenu sa cutie mark, mais il m’était impossible de dire si on s’était revues depuis l’accident. Elle affirmait que ça avait été le cas plusieurs fois, mais, pour autant que je me souvienne, c’était la première.
Quoi qu’il en soit, lorsque les cauchemars revinrent me hanter cette nuit-là, elle était à mes côtés dans le lit. Ça me gênait vraiment de l’admettre, mais je m’effondrai en larmes dans ses pattes.
Le pire, ce n’étaient pas les cauchemars. C’était de sentir que je n’étais pas normale. J’avais tout un tas de réactions : je pleurais, je fuyais, ou je souriais aux autres. Chaque fois, ça ne signifiait rien. Fluttershy m’avait réconfortée, puis chanté une berceuse, et je restais là à fixer le mur. Je ne me sentais pas triste ni en sécurité, je ne ressentais… rien. C’était bénéfique, d’une certaine manière, puisque je réussis à dormir le reste de la nuit sans cauchemarder.
Au matin, je mangeai quelques galettes d’avoine et du bacon de tofu. Le sirop d’érable n’était pas aussi sucré que dans mes souvenirs. Le petit-déjeuner fut calme et nous ne parlâmes presque de rien. Avec tout ce qui me pesait sur l’esprit, je trouvais plus facile d’ignorer Fluttershy et les animaux et de finir de manger rapidement. La tête ailleurs, j’ouvris la porte et sortis. Je tombai museau à museau avec Derpy, qui distribuait le courrier. En la voyant, je me demandai si elle pourrait m’apporter quelques réponses claires. Elle était du genre à aider les autres à faire face à l’adversité jusqu’à ce qu’ils s’en sortent.
« Désolée, je ne t’avais pas vue », dit Derpy.
Mes poumons s’emplirent de l’air matinal. « Non, c’est de ma faute, Derpy. J’avais pas mal de choses en tête. Tu es sur le retour de ta tournée ?
— Eh oui, Dash. Longue nuit ?
— Oui, répondis-je.
— Tu veux en discuter ?
— En fait, ouais. » Je la suivis, après qu’elle eut posé le courrier de Fluttershy, sur le chemin qui menait en ville. « Je pense qu’il y a un certain nombre de choses qui me gênent, mais tout a commencé avec mon accident. Tu as vu ce qu’il s’était passé ?
— Oh. » Derpy détourna le regard un instant, et j’eus l’impression qu’elle ne savait pas si elle devait répondre.
« S’il te plaît ! Tout le monde me traite comme si j’étais différente, comme si j’allais devenir folle si j’apprenais la vérité ! » Je levai les yeux du chemin et les plongeai dans les siens. « J’ai besoin de savoir pourquoi on me traite différemment. »
Derpy me regarda avec un maigre sourire. « Bon, si tu tiens à le savoir, je vais te raconter. » J’acquiesçai en guise de réponse. « Tu as convié tous tes amis, la patrouille météo, et les pouliches à venir assister à ta nouvelle acrobatie. Tu t’étais entraînée pendant des semaines et tu étais enfin prête à la réaliser à vitesse réelle.
— Moi tout craché, et ensuite ? demandai-je.
— Eh bien… tu as été frappée par la foudre après avoir fait un sonic rainboom. Tout est allé très vite ; tu étais censée créer un cumulonimbus et en faire sortir une tempête en passant au travers. Tout ce que j’ai vu, c’est une traînée noire qui tombait du nuage, puis je t’ai entendue t’écraser près d’un groupe de spectateurs. »
Je sourcillai, essayant de me représenter la sensation que devait procurer un crash à une telle vitesse. Je m’étais déjà écrasée avant, mais jamais aussi vite. Alors que nous traversions le pont menant au village, je vis l’endroit où je m’entraînais pour mes cascades.
« Et puis, une foule de poneys s’est précipitée pour t’aider, mais Twilight nous a tous tenus à l’écart. Tu n’avais pas l’air de bouger ou même de respirer. Quand je t’ai revue, tu étais dans le coma… est-ce que ça répond à ta question ? »
Je regardai à nouveau Derpy et lui souris. « Oui, j’avais juste besoin de l’entendre de la bouche de quelqu’un qui ne risquait pas de tout édulcorer. Ça t’arrive de tomber sur des poneys qui ne te disent pas tout de peur que ça te blesse ? »
On poursuivait notre chemin vers la place centrale. « Bien sûr. Parfois, ce sont les mensonges censés nous protéger qui blessent le plus. » Elle s’arrêta devant le bureau de poste, puis elle sortit un muffin de sa sacoche. « Tiens, il faut que j’y aille, mais tu en as plus besoin que moi. »
Je souris en voyant le muffin, me léchant déjà les lèvres. « Eh, merci ! »
J’attrapai la friandise et y goûtai sans plus tarder. Je recrachai le morceau l’instant d’après. « Berk ! Je déteste la myrtille ! »
Derpy leva les sourcils. « Pourtant, ç’a toujours été tes préférés. »
Le gâteau dans mon sabot se fichait de moi. C’était mon goût préféré d’après quelqu’un qui n’avait pas été blessé à la tête récemment ; pourtant, je trouvais ça infect. Je pris une autre bouchée pour être sûre, dans un geste déterminé, mais, une fois encore, le goût horrible de la myrtille assaillit mes papilles.
« Désolée, Derpy. Je ne les aime plus. Merci quand même. »
Elle haussa simplement les épaules et mangea le reste du muffin avant de retourner à son travail. Après l’avoir saluée, je remarquai Applejack de l’autre côté de la place. Je m’approchai pour mettre une nouvelle théorie à l’essai.
« Bien l’bonjour, Dash. Contente de t’voir. Comment ça va aujourd’hui ? demanda Applejack.
— Bien. » Je souris et m’appuyai sur l’étal de pommes. « Tu te souviens que tu m’avais dit que je pouvais te parler de tout ? »
Applejack me rendit mon sourire et réajusta son stetson. « Bien sûr, sucre d’orge, qu’est-c’qui te tracasse ?
— J’ai besoin que tu me le dises : à quel point mon accident était grave ? »
Elle jeta un rapide coup d’œil alentour avant de me regarder. « Dash, t’allais vite quand t’es tombée. Qu’est-c’qu’y a d’plus à savoir ? J’suis pas acrobate, j’en sais rien pourquoi c’est arrivé.
— Et si tu me disais quelle acrobatie je tentais ? répondis-je. Est-ce que je respirais une fois à terre ?
— Tu f’sais un autre rainboom, et bien sûr qu’tu respirais, t’es là pour en témoigner, non ? Pourquoi ça t’intéresse tout à coup ? »
Je grimaçai et fronçai les sourcils. Je voulais m’énerver, mais je ne semblais pas capable d’activer ce mécanisme. Elle me mentait sans complexe, elle était déloyale, mais je restais apathique.
« Ça m’intéresse parce que tu me traites comme une pouliche. Tu es l’Élément de l’Honnêteté et tu ne peux même pas m’avouer que j’ai été frappée par la foudre en faisant un rainboom et que je me suis écrasée si vite que je ne respirais plus !
— Et alors ? Tu veux des conseils pour mieux faire la prochaine fois ? Ou qu’je te dise qu’tu m’as fait peur quand t’as failli mourir en f’sant une acrobatie débile ? Est-ce que ça, ça va t’faire aller mieux ? » Applejack remua la tête, usant de cette diversion pour essuyer quelques larmes.
« Non ! » Je frappai du sabot sur l’étal lorsqu’elle essaya de cacher son regard sous le rebord de son stetson. « Tous les jours, je sais que quelque chose ne va pas, mais je ne sais pas quoi. Toutes les nuits, je fais des cauchemars. Et tout le monde, surtout mes amis, me traite comme si je n’allais pas bien, comme si je n’étais pas Dash ! Je veux que tu me traites normalement, comme avant. Je veux que tu me traites comme la seule personne capable de te battre dans une compétition de l'Iron Pony et de faire un rainboom en moins de dix secondes ! Et arrête de me traiter comme si j’allais me précipiter pour me blesser avec une autre acrobatie débile ! »
Applejack déglutit et respira quelques instants. Elle ne me lâchait pas du regard. « J’suis désolée, d’accord ? Si tu veux la vérité, tu l’auras, et j’te dirai tout comme c’était. Comment on peut régler ça, Dash ? J’veux aussi qu’tout soit comme avant, mais comment j’peux te convaincre que tout va bien si t’es pas capable de t’convaincre toi-même ? »
Je m’affalai sur l’étal avec un soupir de défaite. « Punaise, si seulement je savais. »
Elle posa doucement un sabot sur mon épaule et me murmura à l’oreille : « Écoute, sucre d’orge, t’as traversé beaucoup d’choses ces derniers temps. Pourquoi t’irais pas chez toi souffler un peu, et on verra plus tard pour que tout r’devienne comme avant, OK ?
— T’as raison. » Je levai la tête et m’écartai de son stand.
En regardant alentour, je remarquai que quelques poneys s’étaient alignés derrière moi pour acheter des pommes. Ils étaient tous drôles à regarder partout sauf vers moi. Je voulais m’énerver contre eux, qui en faisaient tout un cinéma ; je voulais me moquer d’eux, qui faisaient comme s’il n’y avait pas une jument en train de craquer devant un étal de pommes.
Je secouai la tête et pris mon envol, abandonnant la place du marché. Il ne me fallait jamais très longtemps pour rejoindre ma maison étant donné qu’elle planait au-dessus du centre de Ponyville. Je tapai mes sabots contre la partie extérieure du nuage pour les décrasser, puis je rentrai.
Tank se tenait près de sa gamelle dans la cuisine, et je m’empressai de lui donner la nourriture pour tortue que Fluttershy m’avait donnée. Je dénichai un bout de laitue encore frais que je lui donnai aussi. Avant de le laisser manger, je tapotai un peu sa carapace, puis je me retirai sur le canapé.
Mes douleurs et mes souffrances s’estompèrent lorsque je me fus installée ; je soupirai. Un jour de repos était peut-être bien ce qu’un doc… ce dont j’avais besoin. L’équipe n’était pas venue me déloger ce matin-là, ils avaient certainement géré la météo sans moi.
Mes yeux se posèrent sur la table basse, où plusieurs tomes de Daring Do étaient éparpillés. Je me penchai pour mieux voir les titres. Après un court instant, je me décidai à en choisir un qui ne me disait rien : Daring Do et l’Invasion des profanateurs.
Je me mis à lire. Pendant un moment, ce fut très apaisant, jusqu’à ce que je me rende compte de ce que subissait Daring Do et les pouliches qu’elle essayait de sauver. Le comte Vlad avait pour projet de s’emparer de la ville natale de Daring, Los Pegasus. Il avait trouvé un moyen de remplacer les poneys par des copies sous son contrôle. C’étaient un peu comme des changelins, sauf qu’ils ne pouvaient évoluer qu’une fois, lorsqu’ils prenaient l’apparence d’un poney. C’étaient des copies exactes de poneys aussi longtemps que leur maître l’exigeait.
Mon esprit s’affola lorsque je saisis ce que ça impliquait, et je me trouvai rapidement à prendre des notes. Sur un petit carnet jaune, je relevai tous les signes que Daring Do cherchait pour démasquer les copies. Elle devait tous les capturer avant qu’ils ne s’échappent et sauver les vrais poneys.
Ma liste s’était allongée lorsque j’arrivai au dernier chapitre du livre ; Daring faisait face à Vlad. Un combat épique s’ensuivit où l’on apprit que Daring Do était en fait une copie depuis le début. Vlad avoua qu’il avait tué la vraie, espérant faire de sa copie une alliée. Mais un incident avait effacé le programme auquel elle obéissait ; de fait, la copie de Daring était tout aussi héroïque que l’originale et voulait livrer Vlad à la justice.
Je ne finis pas le livre. Je n’y arrivais pas. Mon cœur battait à tout rompre, et, pour la première de la journée, je fus heureuse de ne ressentir aucune émotion. Je regardai la liste que j’avais posée sur la table basse.
Daring trouve des dossiers médicaux falsifiés ; les poneys sont remplacés avant de quitter l’hôpital de Los Pegasus. Les copies absorbent les souvenirs de leurs victimes mais ont du mal à avoir de nouveaux souvenirs. Daring ne sait plus qu’elle s’est taillée à la patte ; son sang était de la mauvaise couleur. Les copies ont le sang orange. Daring a découvert le plan de Vlad parce que les copies ne comprennent pas les émotions. Les copies ont peur de la foudre, car Vlad s’en est servi pour les créer. Daring n’était qu’une copie, la vraie a été tu…
Je m’étais arrêtée d’écrire lorsque mon esprit avait commencé à faire des rapprochements. C’était ridicule de croire que j’étais un changelin, car je ne me nourrissais pas d’émotions. En fait, je ne les ressentais presque pas ; les seules qui semblaient exister étaient la peur et la frustration. Et les deux étaient en rapport avec Twilight et les hôpitaux. Les éclairs, eux, étaient bien concrets, mais les choses que l’on m’avait faites lorsque j’étais inconsciente m’inquiétaient bien plus.
Il me fallut une demi-heure pour en trouver le courage, mais je me décidai à utiliser cette liste pour savoir si j’avais été copiée. Au moins, si j’apprenais que je n’étais pas une copie, je dormirais mieux le temps de quelques nuits.
La solution la plus rapide et la plus fiable était de me couper pour vérifier la couleur de mon sang. D’après le livre, s’il était rouge, j’étais un poney ; s’il était orange, j’étais une copie.
Je rejoignis la cuisine en prenant soin de ne pas marcher sur Tank, qui faisait un peu d’exercice. Je me rendis compte que je ne l’avais pas emmené voler depuis un moment ; je me promis de le faire dès que possible.
Je fouillai de-ci de-là jusqu’à trouver le rouleau de bandage que Fluttershy m’avait un jour donné, ainsi qu’un couteau. La lame était tranchante ; je ne perdis pas de temps pour l’aligner sur ma patte avant gauche, juste au-dessus du sabot.
Je comptai nerveusement jusqu’à trois et fermai les yeux. La lame glissa dans ma chair. Ça brûlait ; je me mordis la lèvre pour étouffer un gémissement de douleur alors qu’une plaie profonde s’ouvrait. À contrecœur, je jetai un œil pour voir la couleur de mon sang. Il était rouge.
Je ris pour évacuer un trop-plein de nervosité, puis je collai ma patte blessée sous les yeux de Tank, tout excitée. « Il est rouge ! Je ne suis pas une copie ! » Tank pencha la tête et leva une paupière. « Allez, Tank, ça veut dire qu’il ne me reste plus que quatre trucs à vérifier ! »
En regardant la liste, je me rendis compte que je ne pouvais pas vraiment vérifier celui des émotions, de l’électricité, ou le dernier. Tout ce que je pouvais faire, c’était m’assurer de l’authenticité de mon dossier médical.
Peut-être que je pourrais demander à une infirmière de me l’apporter pour le comparer avec ce que j’ai vu en m’infiltrant ?
Je pris le rouleau de gaze jaune de Fluttershy. Il y avait même de petits papillons roses dessus ; je ne pus m’empêcher de me demander pourquoi elle m’avait offert un objet destiné aux pouliches. Nous avions toujours été comme des sœurs, je pris donc ça pour une coïncidence.
Je fis trois fois le tour de ma patte avec la gaze et la coinçai sur elle-même. Une fois ma plaie pansée, je mis la liste dans ma sacoche et partis pour l’hôpital. Le soleil était déjà presque couché ; à cet instant, je pris conscience qu’il m’avait fallu toute la journée pour finir le livre. J’atteignis l’hôpital et vis Nurse Redheart travailler à son bureau en passant les portes.
Les battants se refermèrent lorsque je me tournai pour regarder au-dehors. J’ai complètement déconnecté en venant ou quoi ? Étonnamment, je ne me rappelais pas si j’étais venue en marchant ou en volant. J’étais convaincue d’avoir atterri près du centre et marché, mais mes sabots étaient impeccables.
« Bonsoir, Dash. Qu’est-ce qui vous amène ? » demanda-t-elle.
Je souris avant de montrer l’affiche qui listait les droits des patients. « J’aimerais accéder à mon dossier médical. »
Redheart me donnait l’impression que j’étais juste une patiente de plus, posant une question inintéressante de plus. C’était une bonne chose que je n’aie jamais joué au poker contre elle.
« Très bien, Mlle Dash. Je reviens dans un instant. »
Lorsqu’elle fut partie, je me félicitai de ma démarche. Soit elle m’apportait le vrai dossier avec tout le bla-bla médical, soit elle m’apportait un faux dossier qui ne mentionnait pas ces opérations. J’allais enfin obtenir des réponses, mais, soudain, je ne fus plus si sûre que ce soit une bonne chose. S’il est modifié, ça veut dire que je suis une copie ! Bon… peut-être que ce sera le vrai et que je me suis juste cogné la tête, au final !
Tandis que j’attendais qu’elle revienne, je rivai les yeux sur la pendule, regardant l’heure avancer. À chaque seconde qui passait, j’imaginai un souvenir m’échapper ou une émotion me fuir pour toujours. Plus je me prenais pour une sorte de robot et plus mes cauchemars devenaient réalistes.
Redheart revint au beau milieu du duel de regard qui m’opposait à la pendule. « Le voici, Mlle Dash.
— Oh, merci. » Je m’en saisis avec la bouche et allai me poser sur une chaise voisine ; je l’ouvris et fis défiler les pages avec mes sabots.
Les premières pages ressemblaient beaucoup à ce que j’avais vu. Des trucs à propos de mon arrivée, de mes blessures, et tous les résultats des tests. Je me souvenais aussi d’un graphique avec quelques lignes écrites à côté, mais il n’y était plus. Il me semble que ça parlait d’EVG, ou d’EGE, quelque chose avec des e en tout cas. Où était-il passé ?
En continuant, je remarquai que la note de Nurse Redheart avait également disparu. Je savais qu’elle disait que j’étais passée au bloc, c’était tout l’intérêt de mon infiltration ! Mais elle n’était nulle part. D’après la nouvelle note laissée, j’avais passé un mois dans le coma et m’étais miraculeusement réveillée après une visite de Twilight.
Le reste du dossier contenait des données de physique aérodynamique et les traces de l’hospitalisation pour mon aile cassée. J’avais pour habitude d’être suffisamment forte pour ignorer les petites blessures.
Je fronçai les sourcils, sentant le poids de leur trahison m’écraser. Je m’avançai et laissai tomber le dossier à terre. L’hôpital avait menti. Twilight avait menti. Ils ne m’avaient pas seulement caché des choses, ils avaient aussi changé ce qu’il restait pour le faire correspondre à leurs mensonges. J’avais désormais la preuve que des graphiques et la note de Redheart avaient été retirés. Même l’écriture illisible des docteurs était tout à coup devenue propre et ordonnée.
Mon regard glissa jusqu’à mon bandage, qui laissait transparaître une grosse tache orange. « Oh, non ! criai-je.
— Dash, tout va bien ? » demanda Redheart. Elle fit le tour du comptoir et s’approcha avec de grands yeux inquiets, un rictus sur les lèvres.
« Reculez ! m’exclamai-je. Mon sang est orange ! Je ne suis pas réelle ! »
Redheart appuya sur un bouton qui se trouvait sur le mur. « Dash, calmez-vous, s’il vous plaît. Dites-moi ce qu’il y a. »
Je continuai de reculer pour m’éloigner d’elle. « Vous avez menti, Redheart ! Ce n’est pas mon vrai dossier ! Et puis, mon sang est orange, comme dans le li… non, attendez ! Il reste encore des choses sur la liste.
— Dash, je vous en prie, vous êtes confuse. Je ne veux pas que vous vous blessiez. » Un docteur licorne l’avait rejointe. Il m’observait, prêt à se jeter sur moi.
« L’orage, j’en ai carrément peur. Et les émotions ? Est-ce que la peur compte ? Ou c’est de la colère ? Peut-être qu’ils ressentent les émotions, mais qu’ils ne savent pas ce qu’elles veulent dire ! » Je regardai successivement les deux poneys. « Pourquoi vous ne me dites rien ? Qu’est-ce que je suis ? »
La porte s’ouvrit derrière moi et je fis volte-face. Deux aides-soignants baraqués barraient la sortie de l’hôpital.
« Maîtrisez-la ! » ordonna Redheart.
Tous resserraient leur étau sur moi. Les terrestres à la porte furent les premiers à bondir. Je leur tournai encore le dos, j’en profitai donc pour donner une ruade à l’un d’eux en plein visage. Je pris appui sur ce dernier et m’envolai au-dessus de Redheart.
La corne du docteur luisait ; je me tournai et je sentis mes sabots arrière l’atteindre en pleine tête. Ce mouvement me permit à la fois de changer de direction et de le déstabiliser. Il ne restait plus qu’un terrestre pour m’empêcher de sortir. Je me faufilai aisément sur le côté et m’enfuis.
J’entendais l’équipe médicale qui m’avait prise en chasse. Il n’y avait pas de pégase parmi eux, mais ils s’attendraient sûrement à ce que je rentre chez moi. Il fallait que j’aille autre part, avant qu’ils ne trouvent un poney capable de me rattraper. Je volai à travers la ville à toute vitesse, et je parvins à semer mes poursuivants. J’atterris abruptement et bruyamment sur la terre devant le Sugarcube Corner.
Ma respiration était rapide et saccadée. Ce n’est pas possible, ça doit être un malentendu. Ce n’est qu’un livre. Twilight a sûrement dû faire quelque chose d’illégal pour me sauver et a pris peur. Je suis sûre que c’est pour ça que mon dossier a été modifié ! Et le sang, il n’est pas orange… ça devait être à cause de l’éclairage ! Ou bien de ce fichu bandage !
Je levai les yeux au ciel, me rappelant mon incapacité à créer de nouveaux orages.
Non, je n’ai pas peur de l’orage, j’ai peur de mourir ! Derpy m’a dit que j’ai été frappée par la foudre ! Je vous en prie, je ne veux pas être une copie !
À cet instant, alors que je m’apprêtais à rentrer dans le Sugarcube Corner, la porte s’ouvrit en grand. Apple Bloom et Sweetie Belle sortirent, suivies d’une Pinkie Pie bondissante. « Cette fête va être fun… Fun ! Fun ! Fun ! FUN ! FUN ! FUN ! »
***
« Reculez ! Toutes autant que vous êtes ! criai-je.
— FUN ! FUN ! FUN ! »
Au moins une vingtaine de Pinkie Pie couraient dans toutes les directions autour de l’étendue d’eau. Une d’elles sauta sur mon parasol, et je dus le secouer pour la chasser. Elle essayait de passer au travers pour m’atteindre !
Elles continuaient de sautiller en tous sens en criant : « Fun ! Fun ! Fun ! » Elles avaient détruit la balançoire, la chaise longue que j’avais amenée, et renversé la glacière, qui contenait toutes mes boissons.
Je ne voyais rien d’autre que des Pinkie Pie. En train de nager, de sauter, de dormir, de grimper, de s’exclamer… et de crier au nom de l’amusement.
« Eh, Dash ! Viens jouer ! »
Je tirai le parasol vers le bas pour me cacher.
« Dash ! Réveille-toi, Dash ! »
***
Quelque chose me heurta le museau, me ramenant à la réalité. « Dash ! Qu’est-ce que tu fixes comme ça ? C’est un jeu ? Il y a un lutin dans mon naseau ? demanda Pinkie.
— Je suis une copie. Je viens de l’étang-miroir », déclarai-je d’un air abattu.
Pinkie tournait autour de moi en sautillant. « Oh, un mystère à élucider ! Mmh… Tu ne peux pas être une copie parce que l’étang-miroir est scellé. Mais peut-être que tu es un changelin ! On devrait aller chercher de la peinture noire et… »
J’attrapai Pinkie par la crinière et la tirai jusqu’à ce que son museau bute contre le mien. « Comment tu as su ? »
Pinkie pencha la tête. « Su quoi, petite bécasse ? »
Je pointai l’hôtel de ville du sabot. « Quand tu étais avec les autres Pinkie. Comment tu as su que tu étais la vraie Pinkie et pas un clone de l’étang ? Comment tu as su que Twilight ne te renverrait pas ?! »
Pinkie sourcilla et ses épaules s’affaissèrent. « Oh, Dash… Je ne savais pas. J’ai juste fait de mon mieux et espéré que ça suffirait. Est-ce que… Dash, ça va ?
— Pinkie, je viens de l’étang-miroir. »
Pinkie gloussa. « Mais, Dash, tu es unique. »
Je la relâchai et pris une grande inspiration. « Tu m’as vue me crasher, Pinkie ? » Elle acquiesça. « Et je suis morte, pas vrai ? Je suis sûre que Twilight a fait une copie de moi, d’une manière ou d’un autre, avant que je meure ! »
Pinkie sourcilla une nouvelle fois et ses crins commencèrent à perdre en volume. « Je… est-ce que tu as essayé d’en rire ? »
Je laissai sortir un petit rire sans joie. « Non, ça m’a échappé, Pinkie.
— Tu es mon amie, Dash. Tu es la seule Dash, et je ferai n’importe quoi pour te le prouver ! » Pinkie m’enlaça, presque au point de m’étouffer. Je tournai la tête et vis Redheart ainsi que Doctor Stable au loin, parlant à des poneys qu’ils croisaient sur leur chemin. L’un d’eux finit par leur indiquer notre direction.
« Tu ferais n’importe quoi, Pinkie ? »
Pinkie se recula et je la poussai à l’intérieur du Sugarcube Corner. « Eh bien, oui, Dash. Les amis sont là pour ça. »
Mon cœur battait encore la chamade quand je jetai un œil dans le magasin vide. « Promesse Pinkie que tu ne les laisseras pas m’embarquer ! Je ne veux pas être renvoyée à l’étang, ou effacée, ou je ne sais quoi !
— Mais tu n’es pas… »
Je fis volte-face et la regardai droit dans les yeux. « Et si je suis un clone ? Ou s’ils pensent que j’en suis un et qu’ils me renvoient quand même ?! Promets-moi, ou je m’en vais. » Je pris la direction de la porte d’entrée avec l’intention de m’envoler.
« Croix de bois, croix de fer, si je mens, je mange mon fer. » Elle mit ses sabots sur ses yeux fermés, puis me regarda. « Je ne sais pas ce qu’il y a, mais tu es en sécurité avec moi. Personne ne touche à mes amis. »
Je détournai le regard vers Pinkie. Elle avait un large sourire malgré sa crinière tout aplatie, qui tombait de chaque côté de son visage. Avant même que son sens spécial n’ait pu se déclencher, je la serrai plus fort que je n’avais jamais serré quelqu’un auparavant. « Oh, merci. »
Pinkie se remit d’aplomb lorsqu’elle vit mon sourire. « C’est parti, allons chez moi ! Tu seras en sécurité avec Gummy ! »
Nous montâmes les escaliers jusqu’en haut. L’appartement de Pinkie couvrait tout le dernier étage. C’était comme une tour dans un château médiéval, mais en plus rose et débordant de boîtes remplies d’accessoires de fête. Elle ferma la porte derrière nous.
Pinkie avait des lits superposés, ce qui me semblait étrange puisque je n’avais pas souvenir que quelqu’un ait déjà dormi chez elle ; elle était préparée à tout. « Tu peux prendre celui du haut, Dash. »
Je voletai jusqu’à mon lit et me roulai en boule sous les draps. Elle me lança Gummy, qui rampa jusqu’à ma patte et se blottit contre moi.
Rassurée par l’appartement de Pinkie, je me laissai aller et pleurai. Pinkie avait dû fouiller mes affaires, car elle sauta sur mon lit avec le bloc-notes jaune. « Eh, ça va aller, Dash. Regarde ta liste ! Tu ne peux pas être une copie puisque ton sang est rouge, bécasse ! »
Je regardai ma patte tandis qu’elle retirait le bandage jaune, dévoilant le sang rouge encore suintant au-dessous. Je vis la tache orange sur la compresse et gloussai.
« Et puis, je pense que je m’en souviendrais si on t’avait tuée et remplacée par un double maléfique ! Tu n’as même pas de moustache. Tout le monde sait que les doubles maléfiques ont une moustache ! Et puis, ta liste dit qu’ils ne ressentent pas d’émotions, mais tu es très émue là. »
Plus elle divaguait sur les raisons qui faisaient qu’elle était ma meilleure amie et mieux je me sentais. Je commençais même à la croire, le sourire aux lèvres.
« Et le premier point est trop bête ! » Pinkie jeta le bloc-notes dans une pluie de confettis. « Qui voudrait changer ton dossier mé…
— Pinkie Pie ! s’exclama une voix familière. Ouvre. Il faut que je parle avec Dash. »
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