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Shattered Prism

Une fiction traduite par System.

Mon dossier médical

Il était bientôt l’heure de manger lorsque je me réveillai sur le canapé de Twilight. D’après mon expérience, il était plutôt confortable. Ça n’avait sûrement rien d’étonnant, compte tenu du temps qu’elle y passait à lire des livres. Les canapés luxueux n’étaient sans doute qu’un petit avantage parmi d’autres pour une alicorne comme Twilight.

Je me glissai hors du divan et m’étirai les muscles. Twilight vit que je venais de me réveiller et s’approcha pour me saluer.

« Bonjour, la marmotte. Est-ce que ton mal de tête va mieux ? » demanda-t-elle.

Je penchai la tête sur le côté ; je ne me souvenais pas du mal de tête. Je me rappelai m’être arrêtée ici, avoir vu un Daring Do, puis m’être assouplie. « Sûrement. Mais je ne sens rien pour le moment. Tu dois être une meilleure infirmière que tu le crois. »

Twilight esquissa un sourire chaleureux et rougit. « Dash, il n’y a pas de quoi. Je suis juste contente que tu viennes lorsque tu as des problèmes de mémoire ou de migraine.

— Eh, Twi… » Je me rassis sur le sofa tandis que j’essayais de retrouver des bribes de mon accident. « Je n’ai toujours rien qui me revient à propos de l’accident. Je sais que tu as dit que c’était normal d’avoir de l’aphasie…

— Amnésie, Dash, corrigea Twilight.

— Ouais, ça. Tu peux pas au moins me redire ce qui est arrivé ? Les seuls souvenirs que j’ai l’impression d’avoir, c’est la peur d’être opérée et être en train de manger de la bouillie d’hôpital. »

Elle s’assit à côté de moi avec un air qui signifiait qu’elle s’apprêtait à m’enlacer. Je levai un sourcil et elle se souvint que je n’étais pas vraiment du genre à faire dans le sentiment. « Tu essayais une nouvelle acrobatie. Tu t’es méchamment cogné la tête, mais cela n’a pas nécessité de chirurgie. Tu étais dans le coma, et j’ai utilisé un sort pour t’aider à en sortir. C’est tout. »

Une vague de réconfort me traversait à mesure qu’elle prononçait ces mots. C’était rassurant de savoir que j’étais normale. « Merci. Je devrais y aller. J’ai beaucoup d’entraînement en vue si je veux rejoindre les Wonderbolts. » Je lui souris et voletai vers la porte.

Dans mon élan, je vis un autre poney dans la pièce du coin de l’œil. Je tournai la tête en m’attendant à ce que la tâche orangée se révèle être Applejack. Je me trouvai face à mon reflet, qui me dévisageait, un simple bout de crinière orange se démarquant. Je gloussai et ouvris la porte avec la bouche.

« Tu me préviendras si tu fais encore des cauchemars ? demanda Twilight.

— Sérieux, Twi, tu t’inquiètes trop. Tu l’as dit toi-même, c’était qu’un petit coup sur la tête ! » Je lui adressai un dernier sourire avant de franchir la porte, la refermant dans la foulée. J’inspirai profondément l’air frais, puis je tournai le regard vers le soleil couchant.

Lorsque je pris mon envol, je me sentis dans mon élément. Le vent fouettait ma crinière et ma queue. Chaque battement d’ailes me faisait un peu plus frissonner. Il n’y avait rien de plus agréable que de voler, et même Celestia n’aurait pu m’en empêcher. J’appartenais au ciel, et, si mes meilleurs amis ne s’étaient pas trouvés à Ponyville, j’aurais vécu à Cloudsdale.

Je baissai les yeux et vis la quiétude de Sweet Apple Acres ; le dîner n’avait pas eu lieu à l’extérieur ce soir-là. Un pommier voisin n’avait pas encore été débarrassé de ses fruits, je décidai donc de m’installer sur les branches hautes. Applejack ne m’en voudrait probablement pas si je mangeais quelques pommes étant donné qu’elle avait plusieurs centaines d’arbres.

Les pommes écarlates étaient délicieuses ; j’essayai de me souvenir de la dernière fois que j’en avais mangé une. Je n’avais pas le souvenir d’en avoir mangé avant. Vue sous cet angle, ma perte de mémoire me donnait la chance de revivre tout un tas de premières fois.

Je jetai quelques trognons et fouillai autour de moi pour trouver encore quelques fruits de choix.

« Mais qu’est-c’qu’y s’passe ? Qui est dans l’pommier ? » cria Applejack.

Je me retins de rire et me figeai. La raison me disait d’arrêter, mais j’adorais embêter Applejack. Elle était vraiment rabat-joie parfois. Il fallait qu’elle se détende un peu et qu’elle fasse plus souvent la sieste.

« Je sais qu’y a quelqu’un. C’est toi, Flitter ? Dash ? Derpy ? » s’enquit-elle.

Je m’éclaircis la voix et prit un ton plus grave. « Tu chauffes.

— Thunderlane ? »

Je ne pus me retenir une seconde de plus de rire. Malheureusement, je perdis l’équilibre en me saisissant les côtes et je tombai de l’arbre. Il n’y avait qu’un ou deux mètres, mais je parvins à freiner ma chute avec mes ailes. Dès que je fus à terre, je me remis sur mes pattes et le rire me reprit.

Applejack souffla et secoua la tête. « Dash ! Qu’est-c’que j’t’ai dit à propos de rôder dans l’verger ? Tu peux manger autant de pommes que ça t’chante, mais m’fais pas craindre une autre invasion de fruit bats ! »

Je me relevai et m’époussetai un coup, les yeux rivés aux siens. « Eh, si ce n’était pas aussi drôle, je ne m’amuserais pas à accrocher de fausses chauves-souris dans les pommiers ! » Elle ne me lâchait pas du regard. « Allez, tu sais que tu m’aimes bien. »

Applejack soupira. « Tu veux manger un morceau ou tu comptes traîner dans mon verger toute la nuit ? Enfin, si t’en as envie. »

Je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils en me mordillant l’intérieur des lèvres. Il y avait quelque chose dans la pitié qui m’agaçait. Je ne voulais pas que les autres soient sympas avec moi parce que j’avais eu un accident. Je voulais qu’ils soient sympas parce que j’étais cool. J’étais sûre que, si nous organisions une compétition de l’Iron Pony le lendemain, elle aurait été jusqu’à me laisser gagner pour que je me sente mieux. « Non merci, j’ai déjà mangé quelques pommes. Prends soin de toi, d’accord ?

— T’inquiète pas pour moi, Dash. Sache juste que tu peux m’parler d’tout. »

Elle ne fait que rester polie. Respire un grand coup. Elle ne sait pas que tu détestes être traitée comme une mourante, alors dis-le-lui simplement. « Merci, A.J. Dois y aller ! » Je décollai d’un coup d’aile et pris la direction de ma maison, de l’autre côté du village. Il était tard, je n’avais plus qu’à me trouver un livre ou une petite occupation.

Le village défilait rapidement sous mes yeux et le soleil était pratiquement couché. Je vis un attroupement sur la place centrale et dénichai un petit nuage proche sur lequel me poser. En bas, une douzaine de poneys étaient regroupés autour d’une pouliche blessée et de Twilight. Lorsque je parvins à m’installer confortablement, mes oreilles se dressèrent pour écouter ce qu’il se disait.

« Tu vois, Twist ? » Twilight lui tenait le sabot et l’enveloppait de sa magie. « Ça ne fera pas mal. »

La pouliche était à terre. En regardant aux alentours, je remarquai une charrette et me demandai si la petite avait été renversée ou si elle en avait glissé.

« D’accord, madame Twilight », répondit Twist. Elle était assise et avait un sabot sur sa tête qui recouvrait une grosse bosse.

La corne de Twilight se mit à luire, recouvrant la crinière rousse de la blessée de son aura violette. La pouliche se détendit nettement alors que le relief sur son front rétrécissait, puis disparaissait. Quelques instants après, Twist avait l’air complètement remise.

« Merci, Twilight ! » Elle se redressa de suite pour aller la serrer dans ses pattes, avant de rejoindre ses parents.

« Avec plaisir. Pense à regarder des deux côtés la prochaine fois, d’accord ? » dit Twilight.

J’étais sur le point de m’en aller lorsque je vis Nurse Redheart s’approcher. « C’était impressionnant, Twilight. Je ne savais pas que vous aviez de l’expérience en soins magiques. »

Twilight fit un geste modeste du sabot. « Oh, ce n’est rien. J’ai fait beaucoup de recherches sur le sujet dernièrement. »

Redheart et Twilight se mirent en route. « Ce n’est pas rien. La plupart des chirurgiens aguerris n’auraient pas été capables de faire ce que vous avez fait avec Dash. »

Je me couchai et penchai la tête sur le bord du nuage, fixant la place, qui se vidait peu à peu. Si Twilight disait que je n’avais pas eu besoin de chirurgie, pourquoi aurait-elle étudié les soins magiques et utilisé des sorts que la plupart des chirurgiens aguerris n’auraient pas été capables d’utiliser ?

Il était possible que Twilight m’ait menti. Une petite voix dans ma tête chassa cette idée. Quelques morceaux de mon cauchemar me revinrent. La sensation laissée par les sangles en cuir sur mes pattes, l’obscurité, et le tube qui me traversait le museau pour me permettre de respirer.

Plus j’essayais de croire Twilight et plus la petite partie de mon esprit qui pensait qu’elle mentait luttait. Je conclus que la meilleure façon de passer de bonnes nuits sans cauchemars était de m’assurer que je n’avais subi aucune opération. Au pire des cas, ce n’était sûrement que superficiel.

Je m’envolai vers l’hôpital. Si Twilight m’avait menti plus tôt dans la journée, elle me mentirait de nouveau si je remettais immédiatement sa parole en question. Il serait plus facile de découvrir la vérité en vérifiant mon dossier médical. J’y étais déjà entrée par effraction et je savais que la plupart des accès n’étaient pas verrouillés. D’après mes souvenirs, la salle des dossiers était quelque part au premier étage ; il me suffirait d’atterrir à une fenêtre.

Le soleil était enfin couché et les lumières s’allumaient un peu partout dans Ponyville lorsque j’atteignis l’hôpital. J’en fis le tour et je jetai un œil aux vitres du premier étage. La salle était dans un coin du bâtiment. À l’intérieur se trouvaient des rangées et des rangées de classeurs à tiroirs. J’ouvris les battants et me hissai dans la pièce.

L’intérieur n’était que faiblement éclairé et je ne voulais pas attirer l’attention en allumant. J’étais déjà bien avancée, et le doute tenace qui me travaillait me poussait à aller jusqu’au bout. Je commençai à faire le tour des lieux à la recherche de patients avec un nom proche du mien.

Rainbow Dash. Pégase, 22 ans, ?, A-, sécu : 425-525

Observations :

20:30

PT entrée aux urgences, commotion cérébrale sérieuse. GCS 6. Intubée par infirmière. Multiples symptômes d’un accident à grande vitesse, signe de lutte derrière oreille, pas d’écoulement CR. Twilight accompagn. ; aucune allergie connue déclarée, pas d’antécédents médicaux connus. Vitesse estimée à l’impact : proche Mach 1. Premiers soins prodigués sur place pour maintenir PT en vie.

21:45

PT stable, possible saignement interne et dommages cérébraux. Envoyée en CAT-scan pour écarter malaise, hémorragie. EEG non concluant. Tests lab. OK.

Je m’interrompis dans ma lecture et survolai le reste. Les dossiers médicaux étaient un ramassis d’abréviations médicales et de gribouillis. On aurait dit qu’un docteur licorne avait écrit avec sa bouche au lieu d’utiliser sa magie. Le peu qui était lisible me dépassait totalement.

Je finis par trouver quelque chose d’intéressant. C’était une note de Nurse Redheart rangée avec les autres notes d’infirmières après tout le charabia technique.

22:30 : mise en place nouvelle perf 16 g, patte avant gauche. Patiente préparée pour opération et déplacée au BO.

Aucune mention de Twilight, mais c’était un début. Ça prouvait que j’avais bien subi une opération – physique ou magique –, et j’avais la sensation que l’on avait violé mon intimité en pénétrant dans mon corps pour me soigner. Vu les horaires, on avait dû me faire beaucoup de choses au bloc opératoire. Le docteur avait griffonné quelques codes et constaté ma mort, mais je me tenais pourtant bien là. Ils avaient probablement oublié de le corriger après m’avoir réanimée.

Je restai un moment sur place, furieuse que Twilight m’ait menti de la sorte. Je ne savais pas encore s’il y avait une bonne raison, ou si j’allais devoir continuer de chercher de mon côté.

Je feuilletai le reste du dossier. Il y avait des informations sur tout, que ce soit mes relevés dentaires ou mes mensurations ; c’était plus qu’un peu flippant. En dehors d’une mention en tant qu’accompagnatrice restée à mon chevet, rien ne disait que Twilight avait usé de sa magie lors de l’opération.

J’entendis des bruits de sabot qui approchaient dans le couloir. Je glissai le dossier dans son classeur et le fermai rapidement. Mes ailes me portèrent silencieusement hors de la pièce. Je m’accrochai au rebord de la fenêtre pour jeter un œil à l’intérieur.

Un infirmier entra et se dirigea vers une rangée de classeurs. Il s’arrêta au D et ouvrit le tiroir que je venais de fouiller. Il récupéra un des dossiers du fond et referma, avant de s’en aller.

Je décollai et montai instinctivement le plus haut possible. Mon cœur s’emballait et mon esprit débordait de théories du complot pleines d’espions et de robots venus du futur. Je savais que j’étais en sécurité à cette hauteur, car seuls les pégases pouvaient m’atteindre.

Il fallait que je retrouve mon calme. D’un côté, je voulais agir sur un coup de tête, mais, de l’autre, je voulais juste m’isoler. Je décidai d’aller voir Fluttershy, car c’était ma meilleure amie. Nous avions toujours été là l’une pour l’autre, et, si quelque chose n’allait pas, je savais que c’était celle à qui je devais en parler.

Il y eut un éclair, et, l’instant d’après, j’avais déjà plongé vers Ponyville. J’avais oublié que de la pluie était prévue ce soir-là. Thunderlane avait dû oublier que je lui avais demandé de ne pas laisser d’éclairs ou de tonnerre. Je parvins tout juste à garder mes ailes étendues alors que la peur me prenait à la poitrine.

Je me trouvai à pratiquement franchir le mur du son lorsque je sentis un doute familier me traverser. Mes deux ailes s’ouvrirent en grand pour me ralentir alors que l’idée d’un sonic rainboom me raidissait de peur. C’était certainement la cause de mon accident. En plus, toute la ville m’aurait entendue.

Un autre grondement me fit oublier ce qu’il s’était passé et je repartis à toute allure vers le cottage de Fluttershy pour me mettre à l’abri. J’atterris abruptement, me cognant à la porte. Je me redressai et pris quelques inspirations, toujours sous l’orage, avant de frapper.

La porte s’ouvrit doucement et une Fluttershy endormie, en pantoufles et de petits cernes sous les yeux, m’accueillit. « Oh, Dash, tout va bien ? Il se fait tard, et le temps se gâte. »

Je souris et évacuai ma nervosité à travers un rire gêné. « Oh, ouais, tu me connais. Je, euh… » Pourquoi je suis là déjà ? Pour lui dire que Twilight m’a opéré le cerveau en secret ? Peut-être que je pourrais être plus subtile. « J’ai besoin d’une saboticure. »

Fluttershy fronça les sourcils. « Dash, tu n’aimes pas qu’on touche à tes sabots.

— Ouais, mais c’est pas pareil avec toi ! Tu te rappelles il y a quelques mois quand je me suis fendu la paroi ? » Je levai mon sabot avant gauche, me remémorant la douleur qui était montée jusqu’à mon genou lorsque la paroi s’était ouverte. « La saboticure n’était pas si mal que ça. »

Fluttershy esquissa un sourire, ravie d’avoir était utile ce jour-là. « Bon, entre. Tu sais que j’ai toujours du temps à te consacrer, Dashie. »

Je lui rendis son sourire et maugréai intérieurement. Elle m’appelait comme ça quand nous étions petites. Au moins, elle avait la décence de ne pas s’en servir devant d’autres poneys. Je me dirigeai vers le canapé et m’y installai. Il n’était pas aussi bien que celui de Twilight, mais le rembourrage était en nuage au lieu d’être synthétique. C’était beaucoup plus adapté pour les pégases, car il n’y avait pas de risque de se froisser une aile en s’étalant sur le dos.

« Donc, tu… es venue jusqu’ici en pleine nuit pour une saboticure ? » demanda Fluttershy. Elle revint avec du chocolat chaud qu’elle venait de préparer tandis que je rassemblais mes esprits.

« Eh bien, j’ai pensé que c’était l’occasion de se revoir, tu vois ? » Je me redressai et goûtai au chocolat chaud. Il y avait un chamallow, comme j’aimais – encore un secret que je partageais avec Fluttershy.

« Oh, c’est une bonne idée. C’est vrai que ça fait un moment que nous n’avons pas passé du temps ensemble, depuis l’acc… » Fluttershy cacha son visage derrière sa crinière. « Oh, mince.

— Non, c’est rien. » Je posai un sabot sur son épaule, juste au-dessus de son aile. « C’est de ça que je suis venue te parler. »

Fluttershy prit une gorgée de sa tasse. Elle semblait perdue dans ses pensées ; je laissai mon regard s’évader. Je vis Angel dans un coin, encore plus grognon que d’habitude parce que je l’avais réveillé. « Eh bien, Dash, commença-t-elle. Qu’est-ce que tu voulais savoir ?

— Tu étais là le jour de l’accident, et tu es venue à mon chevet, c’est ça ? » C’était une hypothèse plausible, car je faisais rarement des acrobaties dangereuses sans qu’elle soit présente pour m’encourager. C’était dans ce genre de moments que même la plus petite pensée comptait.

Elle sourit et me regarda avec ses doux yeux bleutés. « Oui, Dash, mais pourquoi tu voudrais en reparler ?

— Eh bien, Twilight m’a dit que je m’étais juste pris un coup sur la tête. » Je déglutis, sentant mon estomac se nouer. « Elle, euh… m’a dit que ce n’était rien et que je n’avais pas eu besoin d’être opérée. Mais j’ai entendu dire que ce n’était pas vrai. »

Fluttershy sourcilla et baissa les yeux sur sa tasse. « Je suis désolée, Dash, mais je n’en sais rien. J’étais là. Je t’ai vue t’écraser. Tu étais inanimée et… je n’ai pas pu regarder ! »

Fluttershy se mit à sangloter silencieusement, essayant de cacher ses larmes et de rester forte pour moi. Je semblais avoir un don pour la faire pleurer ; je la pris dans mes pattes. « Eh, je suis désolée, Fluttershy. Je ne savais pas que tu étais aussi inquiète pour moi. »

Elle renifla. « Nous… nous étions toutes inquiètes. Si Twilight n’avait pas été là, tu n’aurais pas survécu jusqu’à l’arrivée des secours. Je n’ai pas pu rester avec toi jusqu’au bout, et j’ai préféré ne pas trop penser à ce qu’ils te faisaient. J’étais juste heureuse de savoir que tu te remettais. »

Je fermai les yeux, puis je me sermonnai mentalement pour avoir fait pleurer ma meilleure amie. Je n’avais pas vraiment obtenu de réponse, et nous restâmes assises là un moment. J’analysais les mots dans ma tête, m’imaginant ce qu’elles avaient dû ressentir en tenant un sabot de mon corps inerte près d’un lit d’hôpital.

***

« Silence, plus de bruit, il est temps de se reposer. Silence, plus de bruit, c’est l’heure de se coucher… »

Cette voix, c’est Fluttershy. Pourquoi elle me chante une berceuse ?

« Tout ira bien, Dash. Je te le promets. »

Elle me tient le sabot, et je veux sourire. Je ne peux pas bouger, mais je peux sentir que sa fourrure est humide autour de son museau, posé sur mon épaule.

« Les visites sont terminées, Fluttershy.

— Vous me direz s’il y a du nouveau ?

— Bien sûr. »

Attendez, ne la faites pas partir ! Reviens, Fluttershy ! J’ai besoin de toi ! Je… j’ai peur !

« Twilight, vous pouvez entrer. »

Hein, quoi ? Les visites sont terminées. Ils vont la laisser rester avec moi ? Merci, Celestia.

« Merci, Nurse Redheart. Je n’en aurai pas pour longtemps. Vous pouvez la préparer pour le BO quand j’aurai fini. »

BO ? Où est-ce que j’ai déjà entendu ça ?

« Vous êtes sûre que ça va marcher ?

— Oui. J’ai lu tout ce qu’il existait sur le sujet. Elle se réveillera en parfaite santé quand ce sera terminé. Préparez juste le chirurgien et le matériel que j’ai deman… »

***

Je me réveillai en sursaut lorsque je compris la vérité. Twilight m’avait vraiment fait opérer. Elle me cachait quelque chose ! Mais quoi ? Est-ce qu’elle avait essayé un sort qui aurait pu me tuer ? Est-ce que je m’étais blessée au point de nécessiter l’usage des éléments pour me sauver ?

« Dash, tout va bien ? » demanda Fluttershy.

Je tournai la tête, comprenant que je m’étais endormie en la réconfortant. Elle avait posé ma tête sur ses pattes et m’avait regardée dormir. « Non, ça fait combien de temps que je dors ?

— Presque une heure, pourquoi ? s’enquit-elle.

— Quelque chose ne va pas. J’ai fait un autre rêve, ou cauchemar, ou c’était un souvenir – je ne sais plus. » Je me rassis et regardai autour de moi. Tout semblait plutôt réel.

« Dash, tu m’inquiètes. » Je lui fis face et elle fronça de nouveau les sourcils, ce qui me fit me sentir encore plus mal d’avoir entraîné ma meilleure amie dans toute cette histoire.

« Écoute, je crois qu’il est arrivé quelque chose dans l’hôpital que quelqu’un ne veut pas que je sache. Je ne sais pas ce que c’est, ou si ce n’est rien d’important. J’ai l’impression que la petite voix dans ma tête essaye de me dire quelque chose. Je suis sûre que c’est ça que mes cauchemars me montrent, tu comprends ? »

Fluttershy souriait et se penchait en arrière, presque nerveusement, tandis que j’expliquai ma théorie. « Dash, arrête…

— Et si j’étais morte et qu’ils m’avaient ramenée à la vie ? Est-ce que je suis un zombie ? Peut-être qu’ils ont utilisé un sort ancien comme dans Daring Do, et qu’ils ont sacrifié une douzaine de vierges pour me ressusciter ! »

Je sentis quelque chose me frapper la joue, me sortant de mes délires exubérants. Son coup ne m’aurait pratiquement rien fait si elle n’avait pas eu le sabot rêche.

« Dash, tu me fais peur. Arrête, s’il te plaît. Pourquoi je n’irais pas te préparer un bain pour que tu te détendes ? Je pourrais te faire ta saboticure après. »

Je pris plusieurs inspirations profondes. « D’accord. » Fluttershy sourit et alla à l’étage. Je la suivis, et, en quelques minutes, elle me prépara un bain parfumé.

« Détends-toi, je vais voir si les animaux vont bien. Il se fait tard, l’orage les a peut-être effrayés. » Fluttershy m’adressa un sourire et me tendit une éponge et du savon.

Je posai tout à côté de la baignoire. « Très bien. » Je montai dans le récipient, laissant chaque sabot s’accommoder de l’eau brûlante avant d’y mettre le suivant. Je me retrouvai rapidement immergée et je m’allongeai sur le dos. N’ayant que le museau et les yeux hors de l’eau, je luttais pour ne pas m’endormir. J’avais des crampes dans des muscles dont je ne soupçonnais même pas l’existence, et je sentis une vague de réconfort commencer à les chasser.

Le savon et l’éponge restaient à l’écart ; je m’imaginai en train de flotter sur un nuage au-dessus de l’arène des Wonderbolts. Bientôt, je serais dans l’équipe et ferais des spectacles acrobatiques. Après chaque entraînement, je ferais une sieste au-dessus du célèbre parcours d’obstacles, ou peut-être près de la soufflerie. Tout le monde connaîtrait la capitaine de l’équipe, Rainbow Dash, la voltigeuse la plus rapide d’Equestria.

Je gloussai, confortée par l’idée que personne ne risquait de m’entendre si jamais je me mettais à divaguer. À cet instant, des pensées liées à la pièce froide et sombre me revinrent. J’avais un peu plus de recul, mais ça me hantait toujours. Il y avait vraiment quelque chose d’étrange, mais je n’aurais pas dû tirer de conclusions hâtives. Je devais réussir à faire la part des choses entre les faits et les cauchemars. Après tout, Twilight s’était déjà comportée bizarrement, comme au mariage à Canterlot, mais elle faisait toujours ce qui était juste.

J’entendis Fluttershy monter les escaliers et je me rassis, sortant la tête de l’eau et tournant les oreilles dans sa direction. Ce fut à cet instant que je perçus d’autres sabots, qui s’arrêtèrent devant la porte.

Je tournai lentement la tête et vis Fluttershy sur le pas de la porte de la salle de bain. « Dash, j’étais vraiment inquiète à ton sujet, alors je suis allée chercher quelqu’un pour t’aider, d’accord ?

— Euh, d’accord », dis-je. Qui pourrait-elle bien aller chercher au beau milieu de la nuit ?

Je trouvai la réponse à cette question lorsque Twilight entra. « Bonsoir, Dash. »

Mon cœur bondit dans ma poitrine et je me mis à ouvrir et fermer frénétiquement la bouche comme un poisson hors de l’eau. La source de mon anxiété se tenait face à moi. Je pouvais lui poser une seule question et obtenir une seule réponse. Mais est-ce que cette réponse serait vraie ? « Euh, salut, Twilight. Je… suis un peu occupée.

— Oh, bien sûr. C’est juste que Fluttershy est venue me voir, car tu semblais faire toute une montagne de ton accident. Tu as encore fait un cauchemar ? » demanda Twilight.

Je jetai un regard à Fluttershy, qui sembla percevoir ma colère et se cacha discrètement derrière sa crinière pour ne plus soutenir mon regard. « Non, pas vraiment. Je crois que je me suis souvenue de la fois où vous êtes venues toutes les deux me voir. C’était pas un cauchemar, je ne sais pas même si c’est un vrai souvenir… » Je lui lançai un sourire ; quelque chose en moi me suppliait de ne pas faire confiance à Twilight. C’était une de mes meilleures amies. Pourquoi je devrais m’en méfier ?

Twilight acquiesçait et continuait de m’observer comme si je n’étais qu’une équation à résoudre. « Donc, tu n’as pas refait de cauchemars en lien avec… des opérations ? »

Une sueur froide parcourut mon échine malgré l’eau chaude, et je ne pus m’empêcher de trembler en entendant ce dernier mot. « Non », dis-je. Lui avouer mes doutes ne la pousserait pas à me dire la vérité. J’avais besoin d’une preuve, sinon, c’était ma parole contre la sienne. Il fallait que je retourne à l’hôpital pour dérober mon dossier médical et que je le lui mette sous le museau. Elle serait obligée de me dire la vérité !

« Alors, qu’est-ce qui t’amène chez Fluttershy si tard dans la nuit ? » demanda-t-elle.

Je ris, trouvant une sorte d’apaisement par l’action. « J’avais besoin d’une saboticure. Mes parois s’usent, mes soles sont abîmées ; franchement, même ma fourchette me fait mal. » Je sortis un sabot dégoulinant de la baignoire. « Tu vois un peu dans quel état ils sont ? Les saboticures ne sont pas vraiment au programme dans les hôpitaux, Twilight. Je me suis dit que c’était l’occasion de passer une soirée avec Fluttershy, mais j’ai dû lui faire peur. »

Twilight sourit, puis elle murmura quelque chose à l’oreille de Fluttershy. « Très bien ; profite donc de ta saboticure. Fluttershy m’a dit qu’elle aurait un œil sur toi jusqu’à demain. Cette soirée est une bonne idée. Si jamais tu fais un cauchemar, elle sera là pour t’aider. »

Une fois seule avec moi, Fluttershy s’approcha doucement. « Désolée, je ne savais pas. Est-ce que… Twilight et toi êtes en mauvais termes ? »

Je m’en voulais vraiment d’avoir une peur insensée des éclairs, de Twilight et des docteurs. En quelque sorte, j’en voulais aussi à Fluttershy d’être partie chercher le dernier poney que je voulais voir en ce moment. C’était toujours ma meilleure amie ; je parvins à me convaincre qu’elle avait fait ça uniquement pour mon bien-être. Il allait falloir que je sois prudente à l’avenir. « Plus ou moins. Est-ce qu’elle t’a dit que… j’avais peur des hôpitaux maintenant ? En gros, je dois aller la voir dès que je me sens mal, et ça me fait bizarre. »

Fluttershy me regarda enfin dans les yeux et sourit. « Oh, je suis si contente d’apprendre que ce n’est rien de grave. Je comprends que ça doit te faire bizarre d’avoir une de tes amies comme infirmière.

— Je te le fais pas dire. En vrai, tu dois avoir beaucoup d’expérience depuis que tu t’occupes d’animaux. Peut-être que je pourrais plutôt venir te voir ? Je suis sûre que Twilight n’aurait rien contre un peu plus de temps libre. » Je sortis de la baignoire et me séchai. Je fus surprise de sentir Fluttershy venir m’aider.

« Bien sûr, enfin… si c’est ce que tu souhaites. »

J’acquiesçai. « Ouais, je préférerais ne pas trop croiser Twilight le temps que je comprenne quelques trucs. S’il te plaît, ne va plus la chercher sans mon accord. Je suis pas folle. »

Fluttershy détourna les yeux un instant, avant de me regarder. « D’accord, tant que tu promets de me dire la vérité et que tu me préviens la prochaine fois que tu as des ennuis… Tu veux toujours une saboticure ? »

Je baissai les yeux vers mes sabots et je les sentis trembler à l’idée d’être manipulés. Ils étaient chatouilleux, mais ils étaient aussi usés, durs et fendus que je l’avais dit. Étant donné que je ne marchais pas souvent, ils avaient vraiment besoin de soins réguliers pour rester en bon état. D’habitude, je les grattais et je les limais moi-même pour qu’ils gardent une allure correcte. « Ouais, j’en ai bien besoin. Je vais faire de mon mieux pour ne pas trop bouger ; je doute que les sœurs du spa soient capables de faire la moitié de ce que tu sais faire. »

Fluttershy sortit de la salle de bain. « Dépêche-toi, alors. J’ai installé une table près du lit d’ami. J’aimerais retourner dormir dès que possible… si ça ne te dérange pas. Je suis très fatiguée. »

Je la suivis hors de la pièce ; en jetant un œil à mes sabots, je me sentis soudain rattrapée par la réalité. Il allait falloir que je m’en occupe plus souvent, car je les sentais déjà fragilisés. Encore un atterrissage trop sec et ils se fendraient à nouveau. C’était douloureux et j’étais vraiment bête de ne pas plus en prendre soin.

Je me demande si Twilight n’essaye pas juste de me protéger de moi-même…

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