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Shattered Prism

Une fiction traduite par System.

Mon retour

Je me sens pas très bien. J’ai dû passer une sacrée soirée pour finir aussi mal. Pourquoi il fait si noir ? Il faut que je me lève pour allumer.

« Perf en place. »

Aïe. Quelque chose me pique. Je n’arrive pas sentir l’extrémité de ma patte, mais je peux sentir quelque chose s’y enfoncer. J’essaye de la bouger pour chasser la douleur, mais je n’y arrive pas.

« Comment saurons-nous si le traitement a fonctionné ? »

Eh ? Qui est là ? J’ai besoin d’aide, je ne peux pas bouger. Eh ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Vous savez à quel point c’est frustrant d’être coincé dans le noir ? Quelqu’un pourrait allumer ?

« Si ça marche, l’activité cérébrale devrait se relancer à mesure qu’elle reprend connaissance. »

Elle ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Je voudrais me lever, mais mes pattes ne m’obéissent pas. Je sais qu’elles sont là : je les visualise, mais je ne ressens rien. Tout est noir. Je veux toucher quelque chose, sentir autre chose que la douleur. Ma patte me fait mal et je dois la bouger pour chasser la douleur.

« Peut-elle nous entendre ? »

Oui ! Je vous entends ! S’il vous plaît, aidez-moi ! Mince, il y a aussi quelque chose dans ma gorge. Ça fait mal et j’ai envie de tousser, mais je n’y arrive pas. Je sens que ça passe à travers mes narines et que ça descend dans ma trachée. Est-ce que c’est… dans mon ventre ? S’il vous plaît, enlevez-moi ça. Tout ce que je perçois, c’est la sensation de piqûre et le tube dans ma gorge. C’est insupportable.

« J’en doute. Il faudrait déjà que l’effet des sédatifs s’estompe. »

Les sédatifs ? Est-ce que j’ai eu un accident ? Vous allez me le dire, non ? Peut-être que c’était en me rendant au travail, mais je ne m’en rappelle pas. Je suis paralysée ? C’est pour ça que je ne peux pas bouger ? Mais je peux sentir la douleur. Peut-être que c’est une bonne chose, de sentir la douleur.

« Du moment qu’elle ne garde pas de souvenirs de l’opération, docteur. Vous pouvez le garantir ? »

Quelle opération ? Une seconde, et si je ne pouvais plus sentir mes pattes parce que je n’en ai plus ? Et si elles n’étaient plus qu’une illusion ? Il faut que je bouge, je dois leur montrer que je suis toujours en vie. S’il vous plaît, aidez-moi ! Je peux vous entendre, je ne peux juste pas sentir mon corps, et je suis coincée ici !

« Oh, oui. Entre le Versed[1], la morphine, et votre magie, elle sera requinquée et ne se souviendra de rien. »

Une petite minute, pourquoi ils ne veulent pas que je me souvienne ? Punaise, je le savais. C’est mes pattes, c’est ça ? Et si je ne pouvais plus les sentir parce qu’elles ne sont plus là ? J’ai sûrement dû m’écraser, je n’aurais pas dû jouer avec le feu. Ils font tout pour que je ne me souvienne pas de ces atrocités. Ou peut-être qu’ils m’ont ouvert la poitrine pour soigner mes blessures ! Et si c’était ma colonne vertébrale ?

« Regardez, son rythme cardiaque s’accélère. »

Oui, oui, mon cœur ; j’ai attiré leur attention. S’il vous plaît, aidez-moi à me réveiller ! Peut-être que si j’arrivais juste à prendre une plus grande inspiration... Je dois leur faire comprendre ! Pourquoi je ne peux pas utiliser mes poumons ? Il y a quelque chose à l’intérieur aussi, je le sens maintenant. C’est contre ma langue, ça frotte contre mon palais. L’air passe à l’intérieur et remplit mes poumons, puis le fait ressortir. Je ne peux même pas respirer par moi-même.

« L’activité cérébrale se précise. Elle devrait être consciente et capable de nous entendre d’ici peu. »

Oh non, oh non ! Je suis défigurée, c’est ça ? J’ai sûrement été déchiquetée dans un terrible accident. Où est passé le picotement ? Pourquoi je ne peux plus sentir mes pattes ? J’ai toujours des pattes ? Celestia, je suis morte. Je suis sur mon lit de mort, c’est ça ?

« Mince, apportez un brancard, déclenchez un code bleu ! »

Je suis un légume ! Je vais passer le reste de ma vie couchée ici à attendre qu’ils me débranchent !

« Qu’est-ce qu’il se passe ? »

Je suis en train de mourir, j’en étais sûre. Je ne veux pas mourir, je veux vivre ! Il devrait y avoir une lumière, non ? Pourquoi il fait si sombre ? Et il fait froid maintenant. Il doit y avoir une issue, je vous en prie… Je ne veux pas mourir, je ferais n’importe quoi ! S’il vous plaît, aidez-moi !

« Le rythme cardiaque de la patiente est trop rapide et sa PA[2] faiblit. Reculez, Princesse, je vous ferai signe si votre magie est requise. »

Patiente ? Je suis… une jument ? À quel point suis-je blessée pour ne pas me souvenir de mon nom ou de mon sexe ? Tout ce dont je me rappelle, c’est l’obscurité. Pourquoi j’ai des fourmis dans le dos ? Où suis-je ? Qui suis-je ?

« 300 mg d’amiodarone[3], de suite ! »

Là, je l’ai sentie ! Ma patte est toujours là, je peux la sentir qui me brûle. Mais pourquoi je ne peux pas la bouger ? Je suis toujours prise au piège. Je n’ai pas ma place ici. Je me souviens à présent. Ce n’est pas mon corps. Je suis prisonnière.

« Nous ne pouvons pas la perdre, docteur, nous avons besoin des éléments ! »

Je suis désolée. Je vous en prie, laissez-moi m’en aller ! Ce n’est pas ce que je voulais – peu importe ce qui est arrivé ! Vous vous trompez de personne !

« Arrêtez ! Votre magie ne ferait qu’empirer les choses. »

Magie ? Éléments ? C’est ça, je me souviens… Je me souviens de ce qu’ils m’ont fait.

« DÉGAGEZ ! »

***

Un éclair illumina la pièce alors que le tonnerre retentissait au-dehors. La maison entière vibra. J’ouvris les yeux et ressentis immédiatement le besoin de bouger pour m’assurer que mes ailes fonctionnaient toujours. Je ne pouvais pas perdre mes ailes. Peut-être une patte, mais pas les ailes.

Je m’assis sur le lit et un autre éclair déchira le ciel. Ma poitrine était comprimée et mon matelas trempé de sueur. Ce cauchemar où je me trouvais immobilisée dans un hôpital lugubre était récurrent depuis une semaine. Twilight m’avait expliqué que j’avais eu un accident très grave, et qu’elle avait aidé à me sauver.

Mon regard se porta sur la droite, où j’aperçus Tank qui me fixait. Il sourit lentement. Des souvenirs me revinrent en masse, écrasant les terribles pensées que ce cauchemar avait laissées dans mon esprit. Chaque vision du jour où Tank m’avait choisie réduisait la peur que j’avais de ne plus me rappeler qui j’étais.

Le battement rapide de mon cœur contre le matelas de nuages m’alerta et j’essayai de me calmer. Je souris avec difficulté et me mis à caresser la carapace de Tank. Je n’aurais pas pu rêver d’un meilleur animal de compagnie : un bastion de robustesse et de loyauté – tout ce que j’avais été avant l’accident, et ce que j’essayais de redevenir.

« Merci, Tank, je vais bien. J’ai juste encore fait le même cauchemar. »

Je gardai ma patte avant immobile tandis que Tank s’y frottait pour essayer de me réconforter. Rapidement, mon cœur s’apaisa et ma nervosité retomba. J’étais censée retourner travailler avec l’équipe météo aujourd’hui, ce qui s’annonçait compliqué compte tenu des nuits que je passais.

L’air frais commençait à m’engourdir ; je m’empressai de plonger sous ma couette à l’effigie des Wonderbolts. Twilight m’avait dit qu’ils avaient voulu me désigner Wonderbolt honoraire après l’accident. Je me rappelais simplement avoir décliné l’offre à mon réveil à l’hôpital. Je voulais mériter ma place, pas me la faire attribuer parce que j’avais failli me tuer lors d’une acrobatie. J’allais devenir meilleure, j’allais devenir encore plus rapide. Un jour, j’allais décrocher mon insigne chez les Wonderbolts, parce que j’étais… non, parce que je suis, la ponette la plus rapide d’Equestria.

Pas vrai ?

La sensation familière d’être épiée me saisit. Personne ne pouvait rentrer chez moi ; je prenais soin de fermer à clef chaque soir depuis mon retour. C’était déjà bien assez d’avoir affaire à une Applejack qui me traitait comme si le moindre mot de travers allait m’anéantir, comme si je n’étais qu’une petite pouliche avec une patte cassée. Mais, je devais aussi supporter une ville entière qui me prenait avec des pincettes, de peur que l’Incroyable Rainbow Dash ne devienne folle à chaque instant.

Seuls les autres pégases me traitaient normalement, pour la plupart. Fluttershy et l’équipe météo étaient là pour moi, même Derpy m’épaulait. C’était le reste du village qui semblait avoir peur ; ils ne craignaient pas de s’attirer mes foudres, mais plutôt de dire ou de faire quelque chose qui risquait de me remémorer le jour où j’avais frôlé la mort. Tous semblaient agir comme si j’étais réellement morte, et ça me rendait dingue.

« Mon esprit se porte très bien », dis-je. Les mots étaient creux, vidés de leur sens. Je voulais qu’ils en aient un, mais une part de moi savait que ce n’était pas le cas. Quelque chose avait changé et emporté un bout de ma mémoire par la même occasion. L’accident m’avait-il fait oublier qui j’étais, ou était-ce autre chose ? Je pouvais voler, faire des acrobaties et même m’occuper de la météo. C’étaient les détails – par exemple, ce que Pinkie avait organisé pour mon anniversaire, ou le nom du nouveau livre d’aventure dont Twilight m’avait parlé – qui me préoccupaient.

L’orage me fit de nouveau sursauter. Avant, j’adorais créer des tempêtes, mais, à présent, elles m’effrayaient. Pourquoi m’effrayaient-elles ? J’avais sauvé Equestria, frappé des dragons dans le museau, et volé plus vite que n’importe quel pégase. J’étais intrépide, et le moindre éclair me faisait maintenant sursauter.

J’étais capable de créer un cumulonimbus parfait. Je savais qu’il n’y avait rien à craindre tant que la dépression restait stable, pourtant, ça me rendait nerveuse. Une fois, j’avais vu Applejack et Rarity s’abriter chez Twilight. La tempête était devenue hors de contrôle et avait abattu un arbre qui était allé s’écraser sur la fenêtre de la bibliothèque. Je m’étais personnellement occupée de cet orage pour le dissiper. Désormais, c’était essentiellement Thunderlane qui formait les tempêtes locales, avec pour ordre de les garder loin de ma maison. Elles m’évoquaient des souvenirs profonds, une peur indistincte, que je ne comprenais pas.

Je ne pouvais pas montrer que j’avais peur d’un petit éclair, pas même à Fluttershy.

Tank s’était rapproché et je ne pus m’empêcher de sourire. « Je t’assure, je vais bien. C’est juste que… je n’ai pas eu peur depuis la fois où j’ai dû concourir contre Rarity pour le prix de la meilleure acrobate aérienne. » Je ne le lui avais toujours pas avoué...

Tank bâilla et posa la tête sur le rebord de sa carapace avant de s’endormir. Je fermai les yeux et essayai de le rejoindre, mais je n’y parvenais pas. Toutes ces pensées dérangeantes, ces voix, et cette impression d’être emprisonnée dans un corps qui n’était pas le mien revinrent.

Ma priorité était de couper court aux cauchemars. De toutes les choses étranges, la plus terrifiante semblait étonnamment être la plus vraisemblable. J’avais peur des petits caprices de la météo, j’avais peur de m’endormir. Je savais que j’avais eu un accident, mais je ne savais pas s’il était normal pour les miraculés de constamment revivre leurs peurs.

***

La lumière du jour n’était jamais la bienvenue chez moi. J’avais tout de même placé ma maison dans le ciel de manière à ce qu’elle soit bien exposée. Si les rayons du soleil ne venaient pas m’assaillir chaque matin, je ne me réveillais pas ; je dormais tous les jours jusqu’à midi. Mais ce besoin ne signifiait pas pour autant que je les appréciais. La lumière du jour était un mal nécessaire, sinon, j’aurais déjà organisé mon planning nuageux jusqu’à l’année suivante.

Je me retournai en signe de protestation et me couvris les yeux. Je devais me lever et m’occuper de la météo matinale, mais j’étais déterminée à ne pas le faire. Cela dit, plus tôt ce serait fait et plus tôt je pourrais faire une sieste au-dessus de Sweet Apple Acres. La nuit avait été agitée et rendait ces hypothétiques heures de sommeil supplémentaires tentantes. Mes souvenirs étaient vagues, mais je me rappelais la tempête et les cauchemars. Peut-être que je serais capable de dormir quelques heures par une après-midi ensoleillée.

Twilight saurait quoi faire, je me rendrais donc chez elle une fois mon travail accompli. Elle me demanderait probablement si j’avais écrit quelque chose au sujet de mes cauchemars dans ce stupide journal de rêves. La pire avec les cauchemars, c’était de ne pas se les rappeler. Je me souvenais du point auquel ils me terrifiaient – moi, l’intrépide élément de la loyauté. Mais le contenu de ces rêves continuait de m’échapper, et les bribes qui restaient n’avaient aucun sens.

Le plus dur, c’était que les cauchemars étaient toujours en rapport avec l’hôpital, et j’avais peur de l’avouer ou de parler de mes pertes de mémoire. Tout le monde risquerait de vouloir m’y renvoyer. D’après Twilight, j’avais passé environ un mois dans le coma. Elle disait que c’était normal de se méfier de ces lieux après une telle expérience et m’avait proposé d’être mon infirmière attitrée jusqu’à ce que j’aille mieux. Je n’avais dit à personne que j’avais accepté ses conditions ; ce qu’il restait de ma réputation après mon accident devait être sauvé. Qui connaissait une jument effrayée à l’idée de voir un docteur ?

Tank commença à me pousser derrière les ailes pour me sortir du lit. Ça me dérangeait de le reconnaître, mais il avait raison. Plus tôt je me débarrassais de ces nuages et voyais Twilight, plus tôt je pouvais me reposer. Je me tirai hors du lit et me dressai sur mes quatre pattes.

Mes ailes me procurèrent une sensation plaisante dès l’instant où je les étirai. C’était difficile à décrire aux autres poneys. Tant de muscles dans mon dos s’étaient tendus au cours de la nuit. De mon flanc jusqu’au cou en passant par le bout de mes ailes, tout fourmillait et se relâchait. Mon envergure était impressionnante pour une pégase de ma taille, et, heureusement, mes ailes ne s’étaient pas atrophiées après l’accident. Twilight m’avait dit qu’ils avaient utilisé un engin électronique pour faire travailler mes muscles pendant que je dormais. Pour une fois, il semblait que les têtes d’ampoule avaient fait quelque chose d’utile pour nous, les pégases.

Mes ailes se replièrent le long de mon corps, bien détendues. Je tendis mes pattes arrière et les étirai, puis je baissai mes flancs vers le sol. Je poussai dans l’autre sens et étirai mes pattes avant en redressant mes flancs. Je faisais une douzaine d’étirements différents tous les matins. Je ne savais pas d’où je les connaissais ; après tant d’années, je supposais que c’était devenu ma routine.

J’étais contente que mon amnésie ne soit pas plus grave. Twilight m’avait assuré que c’était tout à fait commun de n’avoir aucun souvenir d’un accident. Visiblement, ça me rappelait quelque chose que j’avais lu dans une aventure de Daring Do, mais je ne retrouvais plus ma collection. J’étais pourtant sûre de l’avoir laissée dans le coin ; peut-être que Twilight savait où ils étaient. J’étais bien partante pour un peu de lecture.

Rien de mieux qu’un bon étirement ; il me tardait de sortir. Je décidai de sauter le petit-déjeuner et m’envolai par la fenêtre en direction de la couche de nuages. Je fonçai sur le plus proche d’entre eux et sentis les volutes humides alourdir mes plumes. Le nuage s’évapora et je vis autour de moi la demi-douzaine de poneys météo de mon équipe.

« Bon retour parmi nous, patronne ! s’exclama Cloud Kicker.

— Ouais, content de te voir de retour, Dash, dit Thunderlane.

— Merci, merci ; passons aux choses sérieuses. J’aurais bien besoin d’un coup de sabot pour nettoyer ces nuages. Aujourd’hui, les prévisions annoncent du soleil, expliquai-je.

— Vous savez ce que ça veut dire. » Thunderlane se tourna vers les autres pégases. « Dash veut faire sa sieste. »

Je ris avec eux au point que mes côtes commencèrent à me faire mal. « Bon, certes, mais je pense avoir mérité une après-midi ensoleillée et un nuage douillet. Il faudra faire tomber de la pluie ce soir, mais j’aimerais qu’il y ait un peu moins de tonnerre cette fois.

— Oui, m’dame, dit Cloud Kicker en imitant un salut militaire. Weatherbolts, rompez ! »

Je souris alors qu’ils se dispersaient au-dessus du village pour nettoyer les nuages. Je me sentais normale avec eux. Ils étaient devenus une famille de substitution depuis que j’avais quitté Cloudsdale. Face à l’adversité, les pégases étaient toujours là pour s’entraider. Que ce soit pour un lissage des plumes, des leçons de vol, ou juste une aile amicale sous laquelle m’abriter, je savais que je pouvais compter sur chacun d’eux.

Un nuage m’atteignit par-derrière et s’évapora. Je me tournai et vis une de mes collègues s’enfuir en riant. Fini de jouer, je m’envolai à sa poursuite. Je la laissai en tête alors que nous pulvérisions le reste des nuages ensemble. La tâche s’avéra rapide et je finis près de la bibliothèque en un rien de temps.

L’équipe météo avait fini de s’amuser et de dégager le ciel. Je les saluai et essayai de me rappeler le nom de chaque poney. Au vu de certains rictus, je m’étais trompée pour quelques-uns d’entre eux. Au moins, ils étaient compréhensifs.

« À la prochaine, Thunderlane, et j’étais sérieuse à propos de la pluie ce soir ! Pas de tonnerre ! ordonnai-je.

— Pas de souci. À la prochaine, Dash, répondit Thunderlane.

— Ouais, passe une bonne journée, mec. »

La bibliothèque semblait différente d’une certaine façon, un peu comme si elle n’était pas censée exister. Comment un arbre pouvait-il rester vivant tout en étant évidé ? Je repensais à certains arbres géants que j’avais vus, ainsi qu’à une ou deux scieries. Si c’était si facile de vivre à l’intérieur d’un arbre, pourquoi plus de poneys ne le faisaient pas ? Pourquoi abattre des arbres pour faire une maison quand on peut faire une maison dans un arbre ?

J’avais à l’esprit un arbre assez gros pour y faire passer un chariot lorsque je ressentis soudain une douleur aiguë m’assaillir le crâne. Comment j’ai pu oublier les maux de tête ? Ajoutez les commotions et quelques dégâts cérébraux à la liste des choses amusantes que j’ai la chance d’endurer. On dirait que je vais avoir besoin de Twilight plus que je ne l’avais pensé. Je pouvais déjà voir un faible halo autour des objets et la lumière devenait trop éblouissante. Ça risquait d’être pire qu’un simple mal de tête.

En atterrissant devant la bibliothèque, je m’émerveillai de la facilité avec laquelle on pouvait voler. Même si je ne me souvenais pas vraiment d’avoir volé, je savais comment faire et je savais que c’était ce qui me correspondait. Je secouai ma tête bien plus fort que je n’en avais besoin et une nouvelle vague de douleurs aiguës, paralysantes, me traversa. La porte trembla alors que je la martelai d’un sabot

« J’arrive ! » répondit une voix.

La luminosité continuait d’augmenter ; plus j’essayais de penser et plus ma tête me faisait mal. C’était presque comme si mon corps ne voulait pas me laisser penser à certaines choses. J’espère qu’elle peut arranger ça, je ne veux vraiment pas retourner chez un docteur.

La porte s’ouvrit et une jument violette, souriante, s’avança. Son nom avait été dans mon esprit l’instant d’avant, mais il n’était plus que sur le bout de ma langue. Dusk… Midnight… « Twilight ! Ça va ? demandai-je.

— Bien, et toi ? Tu transpires, remarqua-t-elle.

— Ouais, je… j’ai peut-être fait quelques cauchemars cette semaine », dis-je. Je parvins à esquisser un sourire innocent et l’accompagnai d’un gloussement. Je vérifiais les alentours pour m’assurer que personne ne voyait mon attitude ringarde.

« Rentre, Dash, je vais te faire du thé, dit Twilight.

— Merci. »

Je rentrai et pris place sur le canapé. Un livre était posé sur une table basse. Je l’attrapai et examinai la couverture. Daring Do et la quête du saphir sacré.

Des bruits de sabots résonnèrent derrière moi et je vis Twilight qui faisait léviter deux tasses de thé.

« Eh, Twi, c’est un nouveau ? Je connais pas le titre. »

Twilight sourit et posa une tasse devant moi. « En fait, c’est le premier de la série. Tu l’as ramené un peu plus tôt dans la semaine. Tu l’as lu plusieurs fois.

— Mmh, vraiment ? » Je fixai la couverture et me rendis soudain compte de quelque chose. Je me rappelais enfin une scène où Daring Do résolvait une énigme en évitant les pierres marquées d’un prédateur.

« Il faut croire que oui. »

Je me penchai pour récupérer la tasse. Twilight disait que je n’en avais jamais bu avant l’accident, pourtant, je trouvais ça très relaxant. Dès que Twilight me donnait du thé, ça me faisait me sentir mieux. Après la première gorgée, l’étrange livre sous mes yeux s’effaça de mon esprit. Il m’importait peu de savoir si je l’avais lu ou non. Ce n’était qu’un livre.

« Comment est ton thé, Dash ? » demanda Twilight. Elle sourit et leva le regard.

« Bon, bien sûr. Donc, tu… » Je m’arrêtai et bâillai grossièrement. « Tu vas m’aider à soigner cette migraine ou pas ? J’étais partie pour faire une sieste.

— Oh, bien sûr. En fait, j’ai mis quelques médicaments dans le thé. Pourquoi tu ne te coucherais pas pour faire ta sieste ? Je peux soulager ton mal de tête pendant que tu dors. »

Je m’allongeai sur le canapé et remarquai qu’elle avait déjà apporté une couverture. Elle la fit léviter vers moi ; je dus rassembler toutes mes forces pour ne pas m’endormir d’un coup. « Eh, merci… » Je fermai les yeux et bâillai une nouvelle fois. « Franchement, c’est du bon thé… »

Twilight commença à me border. « Te souviens-tu de quelque chose cette fois ? As-tu écrit ce que tu as vu ?

— Non », répondis-je. Je voulais en dire plus, mais j’avais l’impression de m’enfoncer dans le canapé douillet. Je voulais juste dormir jusqu’à ce que tout aille mieux.

« Spike, j’ai besoin que tu descendes quelques livres au laboratoire. »

Laboratoire ? Mais, le canapé est si confortable. Est-ce que je dois… une seconde ! Quelque chose ne tourne pas rond. Je… je me rappelle maintenant ! Je ne veux pas retourner au laboratoire ! Il faut que je me réveille !

Je me débattis sur le canapé dans une tentative pour me lever. Je devais poser mes sabots sur le sol, mais, au lieu de ça, je tombai la tête la première, protégeant mon visage juste à temps ; je me souvenais enfin, et je devais rester éveillée. L’hôpital, les tests au laboratoire, la magie, les poneys qui essayaient de me maintenir en vie… et elle, la coordinatrice.

Twilight se tenait au-dessus de moi, me regardant sombrer.

***

« Eh, c’est quoi, ce truc ? “Daring Do et la quête du saphir” ? demandai-je.

— C’est le premier tome de la série. » Twilight sourit. « Et je les ai tous. » Elle émit un couinement de joie.

Je me retournai. « Non merci. La lecture, j’ai horreur de ça, moi. Je suis plutôt du genre sportif. Les livres, c’est pour les intellos comme toi, Twilight. » Je la fixai avec un sourire. « Sans vouloir te vexer ; il n’est pas question que je lise un livre. Parce que, tu vois, la lecture, c’est carrément et totalement pas cool. »

Tout le monde se mit à rire. « Pas cool, elle est sérieuse ? lança Applejack. Tout le monde aime lire une bonne histoire de temps en temps, non ? »

Rarity fit un grand sourire. « Oh, oui, lire un bon livre, c’est presque aussi agréable que de porter un pyjama tout doux un dimanche matin !

— La lecture, c’est pour tout le monde, Rainbow Dash ! dit Twilight sur un ton professoral.

— Oh, oui ! » ajouta Pinkie. Je la regardai partir dans une de ses tirades. « Moi, j’adore lire, et vous savez toutes que je ne suis pas une intello ! Ça ne veut pas dire que je ne suis pas intelligente ; intello, ça veut pas dire la même chose ! Enfin, je crois… »

Heureusement, une infirmière intervint pour faire sortir mes amies afin que je puisse retrouver ma tranquillité. « Bon, ça suffit, mes petites, dit-elle. Il faut que Rainbow Dash se repose… »

***

Je bâillai et étirai mes ailes, coupant court à mon rêve. J’ouvris les yeux et reconnus l’intérieur de la bibliothèque. Twilight lisait un livre de l’autre côté de la pièce, et je me reposais sur le canapé. L’horloge indiquait presque midi, ce qui voulait dire que je m’étais déjà occupée de la météo. Il n’y avait pas de raison de s’arrêter en si bon chemin, je fermai donc les yeux et me rendormis.

Rendre visite à Twilight aidait toujours, et je me sentais déjà mieux.

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[1] Versed ® (Midazolam) : Le Versed est un produit, notamment employé en chirurgie, qui permet de déclencher un état de somnolence et de détendre un patient rapidement ; il a également pour effet de créer des pertes de mémoire plus ou moins importantes.

[2] PA : pression artérielle.

[3] Amiodarone ® : médicament destiné à réguler le rythme cardiaque.

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