LDS - Chapitre 4

Après son entrevue avec Namar, Twilight et les autres poneys de la délégation avaient passé la fin de l’après-midi à faire connaissance et à discuter avec les membres de la cour. Tous s’étaient montrés extrêmement courtois et accueillants, ravis de parler avec elle et de répondre à ses questions. Le visage fermé et impassible que beaucoup affichaient au premier abord laissait place à un sourire chaleureux une fois la conversation engagée. Cependant, la plupart d’entre eux semblait préférer de loin parler de Caprésia et de ses richesses plutôt que d’écouter Twilight leur parler d’Equestria et de son rôle de princesse. Elle s’attendait à ce que les caprésiens considèrent Equestria comme un pays exotique et excitant à découvrir mais, en réalité, ils en parlaient comme d’une destination banale. Ceux qui s’étaient déjà rendus à Canterlot ou dans d’autres villes du pays semblaient n’en avoir gardé aucun souvenir marquant.

La réception dans la salle du trône fut suivie par un banquet gargantuesque servi dans une autre des immenses halls du palais souterrain. Twilight n’avait jamais vu une telle profusion de nourriture. Elle s’efforça de faire honneur à un maximum de plats mais capitula au bout du sixième service. Silver Quill, assis non loin d’elle, déposa les armes dès le troisième et passa le reste du repas à discuter avec le chef du protocole caprésien. Spike, lui, semblait avoir atteint le nirvana. Les cuisiniers lui avaient concocté des plats entiers garnis de pierres précieuses que le jeune dragon dévorait les uns après les autres, au grand amusement de ses voisins de table.

Lors du repas, Twilight fut à nouveau obligée de se servir de sa magie. Quand elle fit léviter son verre pour la première fois, ses voisins l’observèrent avec une curiosité polie mais ils finirent rapidement par s’en désintéresser et continuèrent à lui parler comme si de rien n’était. Twilight commençait à penser que les mises en garde de Célestia au sujet de l’aversion des caprésiens envers la magie étaient quelque peu alarmistes. Namar lui-même n’était pas aussi strict et sévère que Célestia le lui avait dit. Il discutait avec décontraction et son regard noir se radoucissait quand il s’adressait à elle.

Le banquet fut accompagné par des vins de fruits et de fleurs des montagnes que les convives sirotaient à petites gorgées entre les plats. Au début, Twilight se contentait d’y tremper les lèvres mais elle finit par y prendre goût et se laissa resservir. Plus tard, sur le chemin vers l’hôtel, elle se sentait agréablement détendue.

Elle fut réveillée le lendemain matin par les râles d’agonie de Spike. Le petit dragon se tenait le ventre en grognant.

- J’ai mal au ventre, Twiliiiiight! C’est certainement ces saphirs qui étaient avariés…

- Les pierres précieuses ne peuvent pas être avariées, Spike. Je pense plutôt que tu as beaucoup trop mangé hier soir!

Un gargouillement bruyant vint appuyer son diagnostic. Spike grimaça de douleur. Twilight le regarda, agacée. Le vin de la veille lui avait laissé l’esprit brumeux, ce qui n’arrangeait rien.

- Tu pourras quand même venir avec moi pour les visites ?

Un nouveau gargouillement douloureux fut sa seule réponse. Twilight soupira. Traîner un Spike malade toute la journée ne servirait à rien et mieux valait peut-être qu’il ne s’éloigne pas trop des toilettes.

- Bon, et bien je suppose que tu n’as qu’à rester ici, fit-elle en traînant les sabots vers la sonnette pour prévenir le service d’étage.

Quelques minutes plus tard, elle rejoignait les autres membres de la délégation dans la salle à manger de l’hôtel pour le petit déjeuner tandis qu’un groom apportait un verre de bicarbonate de soude à Spike. Aucun des poneys n’avait grand appétit après le banquet de la veille, aussi furent-ils vite prêts à quitter l’hôtel. Plusieurs musées et centres culturels étaient au programme de la matinée. Comme la veille, l’intendant Griezel et sa suite vinrent les chercher pour les escorter à destination. Quand ils arrivèrent devant l’Institut des Beaux-Arts, Twilight s’étonna de ne pas voir Namar.

- Son Altesse regrette de ne pas pouvoir être à vos côtés ce matin, expliqua Griezel. Plusieurs rapports sont arrivés des frontières cette nuit selon lesquels les Kobolds et les Chiens à Diamant préparent un nouveau raid sur les mines du Sud et l’Ibex a convoqué le conseil militaire afin de prendre les mesures nécessaires.

- Par Célestia, j’espère que ce n’est pas trop grave !

- Ne nous inquiétez pas, nous savons comment gérer ce genre de problèmes. Son Altesse vous rejoindra pour le déjeuner. Je suis sûr qu’il se fera une joie de vous expliquer lui-même la situation.

Sur ce, les poneys et leurs hôtes entrèrent pour la visite.

Pendant ce temps, à l’hôtel, Spike était toujours au lit. Cependant, il se sentait mieux. Le bicarbonate et quelques visites aux toilettes avaient porté leurs fruits. Il n’avait presque plus mal au ventre. Après être resté étendu pendant encore quelques minutes, il posa prudemment une patte au sol et se leva. Aucune crampe d’estomac intempestive ne se manifesta.

“ Bon, ça va mieux, se dit-il. Et pour commencer, je grignoterais bien quelque chose… “

Les excès de la veille étaient oubliés et il commençait déjà à avoir faim. Il considéra la sonnette qui servait à appeler le service d’étage et sourit. Après tout, il faisait partie de la délégation. Le personnel de l’hôtel était censé être aux petits soins pour lui. En tant qu’assistant personnel de la princesse, il avait bien droit à ce qu’on lui apporte un en-cas dans sa chambre. A bien y penser, c’était même la moindre des choses. Cependant, une difficulté vint vite compromettre son beau projet : la poignée de la sonnette était trop haute pour lui. Même en grimpant sur une chaise, il n’arrivait pas à l’atteindre. Contrarié, il sortit de la suite et descendit l’escalier qui menait à la réception.

- Puis-je vous… aider ? fit le réceptionniste en se penchant par dessus son comptoir pour apercevoir le petit dragon.

- Oui, répondit Spike. Je suis l’assistant personnel de son Altesse la Princesse Twilight Sparkle et je désire prendre un collation.

Le réceptionniste eut l’air amusé.

- Je vais vous conduire jusqu’au buffet, monsieur l’assistant, fit-il en souriant.

- Merci bien, fit Spike en suivant le bouquetin jusqu’au restaurant de l’hôtel.

Une fois en face du buffet, il parcourut les plats du regard. Gâteaux au foin et aux herbes, biscuits, céréales, fruits et légumes de toutes sortes… Rien que de la nourriture pour poneys, en somme.

- Vous n’auriez pas quelque chose d’un peu plus… croustillant ?

L’employé le regarda sans avoir l’air de comprendre.

- Que voulez-vous dire ?

- Quelque chose qui conviendrait mieux à un dragon, disons.

- Euh… oui, sans doute.

Le sourire de Spike s’élargit. La journée s’annonçait meilleure que prévue!

Un quart d’heure plus tard, le petit dragon traversait la ville en compagnie de Hans, le chamois que le réceptionniste de l’hôtel qui avait désigné pour guide. Ce dernier conduisait Spike vers un des entrepôts qui bordaient les quais. Il s’adressa au chef des gardes en faction devant la porte.

- L’assistant personnel de la Princesse Twilight Sparkle souhaiterait visiter l’entrepôt de pierres précieuses, fit-il avec toute l’assurance qu’il put.

L’officier fronça les sourcils, jeta un regard à Spike puis fixa à nouveau le chamois.

- Il ne faudrait pas qu’un membre de la délégation se plaigne de ne pas avoir été traité comme il se doit, continua Hans, un sourire crispé sur le visage.

- Non, bien sûr, finit par dire le garde.

Il ouvrit la porte et les laissa entrer. Une fois à l’intérieur, Spike tomba à genoux. Devant lui, de grandes caisses en bois s’alignaient par dizaines, chacune remplie à ras-bord de pierres précieuses et de cristaux étincelants.

- C’est comme dans un rêve… murmura Spike, la larme à l’oeil et l’eau à la bouche. Son indigestion n’était plus qu’un lointain souvenir, désormais.

- Ne faites pas trop de bruit, s’il-vous-plait, chuchota Hans, il ne faut pas qu’on…

Trop tard. Spike venait de plonger tête la première dans une des caisses. Des gemmes furent projetées de tous côtés et tombèrent au sol avec fracas tandis que le jeune dragon s’ébrouait au milieu des cristaux. Cette fois, il n’avait pas l’intention de se goinfrer. Ce n’était pas tous les jours qu’il avait un tel choix à sa disposition et il comptait prendre son temps pour ne sélectionner que le meilleur. Il plongea au fond de la caisse et en remonta un rubis à l’air prometteur, qu'il croqua comme une pomme.

- Quel délice ! fit-il, la bouche pleine. Vous n’avez vraiment pas de chance, les poneys et vous. Vous ne pourrez jamais savoir à quel point c’est bon.

Il bondit dans la caisse suivante et y dénicha une émeraude qu’il lécha avec délice.

- Oui, quel dommage, répondit Hans, sarcastique. Et encore, vous n’avez pas vu les joyaux de la couronne, ils sont vraiment…

Il s’interrompit au milieu de sa phrase, réalisant soudainement la bêtise qu’il venait de commettre. Devant lui, Spike souriait d’une oreille à l’autre.

Ils étaient parvenus à rentrer dans le palais sans la moindre difficulté. Quand les gardes à l’entrée avaient reconnu l’assistant de la princesse, ils les avaient immédiatement laissés passer et deux d’entre eux les avaient diligemment conduits vers la galerie des joyaux. A présent, ils attendaient dans le couloir adjacent tandis que Spike s’extasiait devant les merveilles exposées en vitrines.

- C’est… magnifique… fit-il en admirant une couronne ornée d’un diamant gros comme une orange.

- Seulement regarder, hein ? fit Hans, nerveux. Vous m’avez promis ! Un coup d’oeil et on rentre à l’hôtel.

- Oui, oui…

Soudain, des pas et des bruits de voix parvinrent de la pièce voisine, à l’autre extrémité de la galerie. Spike s'immobilisa. Un mot avait attiré son attention.

- … profiter que la princesse est là, mais vous précipitez les choses!

- L’occasion ne se présentera plus avant longtemps, il faut la saisir tant que nous le pouvons.

- Mais Sire, nous n’en savons absolument pas assez sur les effets secondaires !

Spike jeta rapidement un coup d’oeil. Dans le hall voisin, Namar était en conversation avec un bouquetin au pelage grisonnant.

- Vous avez bien vu ce qui est arrivé à la fin du premier test ! La même chose pourrait parfaitement arriver à…

- Et bien nous ferons avec, l’interrompit Namar d’un ton sec. De toute façon, la décision est prise depuis longtemps. Vous feriez mieux de vous conformer au plan si vous ne voulez pas que je sois obligé de réévaluer votre utilité dans ce projet.

Un long silence s’ensuivit.

- Bien, Sire, finit par répondre l’autre.

Les bruits de pas s’éloignaient. Les deux bouquetins avaient quitté le hall.

- Monsieur Spike ! murmura Hans.

Le petit dragon sursauta.

- Monsieur, il faut vite retourner à l'hôtel ! Nous n’aurions pas dû être ici !

Le chamois avait l’air complètement paniqué.

- Partons vite avant que les gardes s'aperçoivent que l’Ibex était là !

Spike jeta un regard aux deux gardes qui attendaient toujours dans le couloir, à l’autre bout le la galerie. Ils bavardaient et ne semblaient pas avoir entendu quoi que ce soit.

- Bon, d’accord, allons-y.

Spike et son guide retournèrent après des gardes en s’efforçant d’avoir l’air le plus naturel possible. Ceux-ci les raccompagnèrent vers la ville sans leur poser de questions. Une fois loin du palais, Hans, souffla un grand coup.

- On a eu chaud…

- Pourquoi ? demanda Spike. Qu’est-ce qu’il y a de si terrible ?

- Nous n’aurions jamais dû entrer dans le palais sans prévenir personne, voilà ce qu’il y a ! répondit le chamois, à bouts de nerfs. Maintenant, si ça ne vous dérange pas, je vous ramène à l’hôtel et je m’enfile un grand whisky pour oublier tout ça !

Spike le suivit, penaud. Hans avait raison, il avait exagéré. Il aurait bien mieux fait de rester à l’hôtel à manger des biscuits. Cependant, il repensa à ce qu’il avait entendu. Namar et un autre bouquetin avaient parlé de Twilight. Ils avaient aussi mentionné des tests et un plan que le souverain voulait mettre à exécution malgré les réticences de l’autre. Il faudra qu’il en parle à Twilight dès qu’elle serait de retour de ses visites. Il n’avait plus faim du tout, à présent.

Au même moment, Twilight et les autres poneys quittaient le musée. Le caprésiens avaient des goûts assez ésotériques en matière d’art. Ils étaient de grands amateurs de sculptures et d’ébénisterie et excellaient dans le travail de la pierre, du métal et du bois. Ils n’étaient en revanche que peu versés dans la peinture et les autres arts graphiques. Au soir, lors du concert donné à l’occasion de sa visite, Twilight allait également avoir droit à un aperçu de leur culture musicale. Pour ce qu’elle en savait, ils raffolaient de musique symphonique et préféraient de loin l’opéra à la comédie musicale ou au théâtre. De quoi la changer des chansonnettes de Pinkie…

Les poneys et leurs guides faisaient à présent route vers le palais pour un nouveau repas en compagnie de l’Ibex et de sa cour. Le déjeuner fut nettement moins gargantuesque que le dîner de la veille. Salades, pains et plats de légumes n’étaient accompagnés que d’eau claire et de jus, au soulagement de Twilight. Elle en profita pour discuter avec Namar de ce que Griezel lui avait dit.

- Nous avons l’habitude de ce genre de désagréments, fit le souverain d’un ton serein. Les Kobolds et les Chiens harcellent les mines du Sud depuis des années. Ils ne sont pas vraiment dangereux mais ils nous obligent tout de même à maintenir des garnisons près des mines et à faire escorter les convois. Mais cela ne sera bientôt plus nécessaire. Vous verrez cet après-midi que nous avons de quoi en finir définitivement avec ces gêneurs.

Il porta tranquillement son verre à sa bouche, ses yeux noirs ornés de cernes et de rides toujours posés sur Twilight. La jeune princesse se remémora le programme de la journée. Après le repas, les poneys devaient visiter les fonderies et les chantiers navals. D’après leurs hôtes, ce devait être le clou de la visite.

Une heure plus tard, la délégation était en route. Les forges et les chantiers étaient situés de l’autre côté de la montagne contre laquelle était bâtie la ville. Un tunnel ferroviaire creusé dans le roc reliait les deux sites. Après une dizaine de minutes de trajet, le train s’arrêta dans une vaste caverne ouverte à flanc de montagne. De nombreuses autres voies ferrées surgissaient d’autres tunnels percés dans les murs. L’ouverture de la caverne était aménagée en quai duquel partait une route de pierre qui serpentait jusque dans la vallée.

- C’est ici qu’est amené le minerai qui est extrait des mines de la région, expliqua le chef métallurgiste qui leur servait de guide. Tout est ensuite acheminé par wagon vers les hauts fourneaux, dans la salle voisine.

Il guida Twilight, Namar et les autres à travers un des tunnels. Une lueur rouge brillait de l’autre côté. Un grondement diffus, comme le souffle de quelque énorme bête endormie, commença à se faire entendre et se renforça à mesure qu’ils avançaient. Quand ils entrèrent dans la salle suivante, Twilight écarquilla les yeux.

Ils se tenaient sur un passerelle qui surplombait le sol de cinq ou six mètres. Devant eux, des fourneaux de pierre et de brique grands comme des maisons s’alignaient par dizaines. D’énormes soufflets attisaient les feux de charbon à leur base d’où rayonnait une lumière rougeâtre qui virait au blanc quand de l’air était envoyé sur les braises. Un système de rails suspendus convoyait les chariots remplis de minerai vers le sommet des fourneaux, dans lesquels ils se déversaient. Les nuages de fumée noire qui s’en dégageaient étaient aspirés par de grandes ouvertures aménagées dans le plafond. Et, partout, des bouquetins et des chamois casqués et vêtus de tenues ignifugées s’activaient.

Dans un grand bruit, la valve située en bas d’un des fourneaux les plus proches s’ouvrit. Une longue coulée de métal en fusion se déversa dans une gouttière qui l’évacua vers un autre salle, sous le regard attentif des métallurgistes. Twilight plissa les yeux pour ne pas être éblouie par l’éclat du métal liquide.

- Impressionnant, n’est-ce pas ? lui glissa Namar par dessus le grondement incessant qui emplissait la salle.

Twilight acquiesça, intimidée. Elle n’avait jamais vu un spectacle pareil. Elle avait l’impression d’être entrée dans le ventre d’un dragon. Le bruit et la chaleur lui faisaient bourdonner la tête. Enfin, ils sortirent et prirent la direction des chantiers navals. Le tunnel qu’ils empruntèrent s’ouvrit cette fois sur une large terrasse. Twilight avait déjà trouvé la salle des fourneaux terriblement impressionnante, mais ce qu’elle vit en face d’elle l’estomaqua complètement.

A quelques centaines de mètres, sur les pentes de la montagne, trois dirigeables étaient amarrés dans de grandes cales creusées dans le sol. Cependant, ils ne ressemblaient pas du tout à ceux que Twilight avait déjà pu voir. Leur fuselage était sombre et mat, comme s’il était cuirassé par des plaques de métal. Leurs cabines étaient hérissées d’hélices, de tuyères et de pointes acérées. De toute évidence, il s'agissait d'engins de guerre. Mais le plus impressionnant était leur taille. Ils étaient gigantesques. On aurait pu faire tenir trois ou quatre fois le Jacinthe à l’intérieur de chacun d’entre eux. Twilight frissonna.

- Allons voir cela d’un peu plus près, voulez-vous ? fit Namar.

Les poneys et leurs hôtes descendirent l’escalier qui menait aux cales. Twilight déglutit. Vus de près, les dirigeables étaient aussi impressionnants qu’effrayants. Lorsqu’ils passèrent dans l’ombre du plus proche des trois monstres, elle frémit à nouveau.

Ici aussi, une foule de caprésiens en tenue de travail s’activait. Un bouquetin au pelage sombre, aux cornes fines et au poitrail orné du même ruban bleu que Griezel s’avança et s’inclina devant Namar et Twilight.

- Princesse, je vous présente l’amiral Friedrich, qui dirige ce chantier, fit le souverain d’un ton grave.

- C’est un honneur, votre Altesse, fit Friedrich en s’inclinant encore plus bas.

La jeune princesse s’efforça de sourire.

- Laissez-moi vous faire visiter les lieux, si vous le voulez bien, fit l’amiral d’un ton charmeur avec une nouvelle révérence. Une seconde plus tard, il s’était redressé et marchait à ses côtés.

- Nous travaillons sur ces engins depuis plus de deux ans, expliqua Friedrich. Le premier est opérationnel depuis quelques mois mais nous continuons à y apporter des modifications, dit-il en désignant le plus éloigné des trois dirigeables. Les deux autres sont presque terminés.

Twilight considéra à nouveau la grande forme sombre au dessus d’elle. Elle avait du mal à croire qu’un engin aussi énorme et massif puisse s’élever dans les airs sans l’aide d’aucune magie.

- Comment des engins pareils parviennent-ils à voler ? finit-elle par demander. Ils ont l’air tellement lourds !

- Ce ne sont pas des dirigeables à hydrogène comme ceux que vous connaissez, expliqua Friedrich en souriant. Ceux-ci possèdent une coque rigide à l’intérieur de laquelle des pompes à vide maintiennent une pression proche de zéro. Le pouvoir porteur obtenu vaut à peu près le double de celui des dirigeables à hydrogène.

- Et tout ça sans magie, murmura Twilight. C’est incroyable.

- C’est l’avenir, Mlle Sparkle, fit doucement Namar dans son dos. L’avenir.

Plus tard, dans le train qui les ramenait vers la ville, Twilight repensa à ce qu’elle venait de voir. C’était une démonstration de force, naturellement. Namar voulait qu’elle et Célestia sachent que Caprésia était puissante et avait les moyens de se défendre. Mais contre qui ? Twilight doutait que les Kobolds et les Chiens à Diamant représentent un danger suffisamment important pour justifier un tel arsenal. Et, pour autant qu’elle le sache, Equestria n’avait jamais manifesté d’intentions hostiles envers Caprésia. Ces dirigeables n’étaient peut-être que des jouets à la mesure de l’ego de leur propriétaire, un manière pour Namar d’illustrer sa propre importance et d’impressionner les visiteurs. C’était exactement ce qu’il venait de faire.

Le train surgit du tunnel et s’immobilisa, interrompant les pensées de Twilight.

- Griezel va vous raccompagner à votre hôtel pour que vous puissiez vous détendre, fit Namar alors qu’ils débarquaient. Je vous reverrai ce soir, ajouta-t-il en souriant, ses yeux noirs toujours plongés dans ceux de Twilight.

Il se retourna et s’éloigna avec majesté vers le palais. Twilight et les autres poneys suivirent Griezel. Elle était soulagée d’avoir enfin un peu de temps à elle. Un bon bain chaud lui ferait le plus grand bien.

Dès qu’elle entra dans sa suite, Spike bondit vers elle.

- Twilight, il faut absolument que je te raconte ce que j’ai vu aujourd’hui !

- Pas maintenant, Spike, fit-elle, fatiguée. Je vais me faire couler un bain.

- Mais c’est important !

- Laisse-moi d’abord me reposer un peu, je suis fourbue.

Elle entra dans la luxeuse pièce d'eau, se fit couler grand bain moussant, enleva sa robe et s’immergea avec délice.

- Spike, fit-elle en fermant les yeux, prépare donc une lettre pour la Princesse. Je vais te dicter le compte-rendu de la journée.

- D’accord, fit Spike à travers la porte entrouverte.

Il farfouilla pour trouver le papier à lettre et les plumes. Quand ce fut fait, Twilight commença à lui dicter le résumé de ses deux premiers jours de visite, en insistant sur ses impressions au sujet de Namar et des membres de sa Cour.

- Demain matin, après une dernière entrevue avec Namar, nous lèverons l’ancre et retournerons à Canterlot. J’ai grand hâte de vous revoir et de parler plus en détail de tout cela avec vous. Signé : votre élève dévouée, Twilight Sparkle.

Elle continuait à signer ses lettres à la Princesse de cette façon, même si elle n’était plus vraiment son élève. Cela la rassurait. De plus, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle pourrait dire d’autre pour terminer ses lettres.

- Twilight Sparkle… Terminé ! fit Spike. J’envoie !

Un bruit de flammes indiqua à Twilight que le message venait d’être posté. La jeune princesse plongea le museau dans l’eau et souffla pour faire des bulles. Elle n’attendait pas de réponse et le concert n’était que dans deux heures, elle avait le temps de se relaxer un peu. Elle termina tranquillement sa toilette, se prélassa encore un peu dans l’eau puis sortit et se sécha. Dans le salon, Spike était occupé à faire des mots croisés.

- Ah, ça fait du bien! fit Twilight. Bon, de quoi est-ce que tu voulais me parler ?

Spike bondit du canapé.

- Et bien, ce matin, dans le palais, j’ai surpris une conversation entre Namar et un autre bouquetin. Ils parlaient de…

- Quoi ?! l’interrompit Twilight, soudainement furieuse. Mais qu’est-ce que tu faisais là-bas ? Tu devais rester ici pour soigner ton indigestion !

- Oui, mais c’est passé et ensuite j’ai eu faim, alors j’ai été jusqu’à l'entrepôt de pierres précieuses et…

- Tu as quoi ?! Mais qu’est-ce qui t’a pris ?! Tu ne pouvais pas aller au restaurant de l’hôtel ? Où alors ils n’avaient rien qui soit à ton goût, peut-être ? La leçon de la veille ne t’avait pas suffi et il fallait que tu te goinfres à nouveau, c’est ça ?

Spike baissa la tête, honteux. Twilight avait raison, il s’était comporté comme un idiot.

- Tu te rends compte de ce qui pourrait arriver si les caprésiens apprennent que tu as essayé de te gaver à leurs frais en cachette ?

- Je sais, Twilight, je suis désolé, fit-il, les larmes aux yeux. Mais, s’il-te-plaît, écoute! J’ai entendu Namar dire des choses bizarres sur toi.

Twilight se tut. Elle était toujours fâchée, mais ce que Spike venait de dire l’intriguait.

- Bon, d’accord, fit-elle sans pour autant cesser de froncer les sourcils. Qu’est-ce qu’il disait ?

- Il voulait profiter que tu étais là pour faire quelque chose, mais l’autre bouquetin n’était pas d’accord. Il parlait de tests et d’effets secondaires provoqués par je ne sais quoi. Mais Namar lui a dit que la décision était déjà prise et il a menacé de le renvoyer.

Twilight réfléchit. Elle ne voyait aucun sens à tout ça.

- Il parlait peut-être des dirigeables. L’amiral Friedrich m’a dit qu’ils n’étaient pas encore tout à fait terminés.

- Je ne sais pas, mais ça avait l’air vraiment sérieux.

- Et bien quoi que ce soit, ça ne te regardait pas. Tu n’as pas intérêt à recommencer ce genre de bêtises.

Elle se dirigea vers la chambre et claqua la pote plus fort qu’elle ne l’aurait voulu. Spike et les joyaux… Un jour, il allait vraiment finir par s’attirer des ennuis avec ça. Toutefois, elle repensa à ce que le petit dragon venait de lui dire. Namar préparait quelque chose en rapport avec elle. Allait-il encore essayer de lui en mettre plein la vue, comme il l’avait fait quelques heures plus tôt ?

Ce soir, pendant le concert, elle allait l’observer de près.