Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 15 : Quatre pieds gauches

C’était en cristal. Ça brillait de toutes les couleurs. Ça faisait des bruits qu’on entend que dans les dessins animés. Depuis qu’il était chez les poneys, Maxime avait fini par s’habituer à les voir parler, voler et faire léviter des choses. Il arrivait même à ne presque plus s’étonner de voir Pinkie Pie sortir les objets les plus improbables de sa crinière ou engloutir des gâteaux plus gros qu’elle. Mais ça, il n’avait pas encore réussi à s’y faire.

Ce matin-là, la carte de la salle aux trônes s’était à nouveau activée. C’était déjà la troisième fois depuis qu’il était là. À chaque fois qu’elle s’allumait, le château entier se mettait à bourdonner et à luire comme un lustre, et ça ne s’arrêtait que lorsque Twilight et ses amies posaient leur derrière autour de la grande table. Parfois elles étaient appelées toutes les six, d’autres fois seulement deux ou trois, comme si elles étaient tirées au sort. Cette fois-là, toute la bande étaient réunie. Les six ponettes, chacune assise sur son trône, scrutaient la carte holographique à la recherche de leur destination. Max, debout dans un coin de la pièce, contemplait la scène avec mauvaise humeur.

- Et c’est pour ça que vous m’avez forcé à sortir du lit ? grommela-t-il.

- Personne ne t’a forcé, répliqua Twilight sans même le regarder. On ne t’a même pas appelé, je te te signale.

L’humain, boudeur, fourra ses mains dans ses poches. En réalité, c’était le bruit que faisait la carte en s’allumant qui l’avait réveillé. Son habituel mal de crâne l’ayant une nouvelle fois empêché de se rendormir, il avait décidé d’aller manifester son mécontentement auprès des ponettes réunies en bas. Malheureusement ces dernières, malgré ses efforts, ne faisaient qu’à peine attention à lui.

- C’est vers l’ouest, du côté de San Fransabot, remarqua Twilight. En prenant le train, nous y serons avant midi. Ça vous va, les filles ?

Les cinq autres ponettes approuvèrent avec enthousiasme.

- Ça va être réglé en deux coups de cuillère à pot, fanfaronna Rainbow Dash. Avec un peu de chance, on sera revenues d’ici ce soir.

- Nous verrons bien, répondit la jeune princesse. Rendez-vous à la gare dès que vous êtes prêtes.

Les autres approuvèrent à nouveau puis quittèrent la salle en file indienne. Avant de sortir à son tour, Twilight se tourna vers Max, toujours occupé à bouder dans son coin. Lorsqu’il croisa son regard, elle le fixa avec sérieux, comme si elle soupesait le pour et le contre d’une décision importante.

- Tu vas rester seul ici avec Spike jusqu’à ce qu’on revienne, déclara-t-elle. Tu vas être sage, n’est-ce pas ? Tu ne déclenches pas de catastrophe, tu ne détruis rien, tu ne te bats avec personne. C’est compris ?

- Mouais, je vais essayer, grommela le bipède.

- J’espère bien. Spike est en ville pour faire des commandes, il devrait être revenu pour midi. Je vais lui laisser un mot pour lui expliquer. Je ne sais pas pour combien de temps nous en aurons, je le préviendrai quand je le saurai. D’ici là, pas de bêtises.

Sur ce, elle tourna les talons et trotta jusqu’à son bureau pour se préparer. Une dizaine des minutes plus tard, elle quittait le château pour rejoindre ses amies à la gare. Maxime la regarda s’éloigner sans rien dire puis, une fois qu’elle fut hors de vue, il remonta l’escalier en direction de sa chambre. Maintenant qu’il n’y avait plus personne pour le réveiller, peut-être arriverait-il à se rendormir. Il pourrait même dormir toute la journée, s’il le voulait. Cette pensée lui arracha un sourire. Quelques minutes à peine plus tard, il dormait déjà.

 

Ça faisait du bruit. Ça résonnait. Même en plein songe, ça lui perçait les tympans. Il s’efforça de l’ignorer et se replonger dans le sommeil, en vain. Il avait mal refermé les rideaux et la lumière du jour lui tombait dessus et l’éblouissait à travers ses paupières closes. Et, par dessus tout, ce satané bruit ne voulait pas cesser. Il finit par ouvrir les yeux et se redressa, l’oreille tendue.

Ce n’était pas le bruit de la carte qui s’activait, cette fois. C’était plus aigu, plus net, mais en même temps désagréablement insistant. Ce n’est qu’au bout de plusieurs secondes que son esprit encore à moitié endormi finit par identifier l’origine de ce tintamarre : la sonnette de la porte d’entrée. D’un geste rageur, il attrapa sa robe de chambre, l’enfila sans la refermer puis, le pas lourd et le front bas, quitta la chambre en direction du hall. Il se sentait encore plus fatigué et migraineux que quand il s’était recouché. Il répétait déjà mentalement la tirade d’insultes qu’il comptait adresser au responsable de ce chahut lorsque, en s’engageant dans l’escalier, son pied s’accrocha au pan de son peignoir. Il n’eut même pas le temps de lever le bras que déjà il trébuchait en avant.

Dehors, face à la porte, un terrestre en uniforme de facteur attendait qu’on lui ouvre. Il avait sonné pendant une bonne minute avant d’enfin entendre du bruit à l’intérieur. En réalité, cela ressemblait plutôt à la chute saccadée d’un objet lourd, agrémentée de borborygmes divers. Intrigué, il approcha l’oreille du panneau pour mieux entendre, avant d’aussitôt bondir en arrière. La porte venait de s’ouvrir, révélant une grande créature débraillée au regard haineux, les cheveux en pagaille, le souffle court. Le terrestre n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche que déjà cette être étrange se mettait à crier.

- La princesse est pas là, revenez un autre jour !

Sans attendre de réponse, il claqua la porte avec violence. L’étalon resta immobile quelques secondes, étonné, puis approcha à nouveau sa patte de la sonnette. Il n’eut pas besoin d’attendre longtemps avant de voir la même créature surgir une deuxième fois, fulminante.

- Vous êtes bouché ou quoi ? J’ai dit qu’il n’y avait personne !

- C’est que… j’ai un colis pour la princesse Sparkle, se risqua le poney.

- Elle est pas là, je vous dis !

- Mais… j’ai simplement besoin que quelqu’un signe le bon de réception, continua prudemment l’équidé. Tenez, regardez…

Il désigna de la patte le paquet posé à côté de lui, avant de sortir un papier et un crayon de sa sacoche. Maxime s’en saisit aussitôt, gribouilla quelque chose d’illisible en bas de la feuille puis balança le tout dans les pattes du poney. Il attrapa ensuite le colis et re-claqua la porte. De l’autre côté, le facteur, sa mission accomplie, se dépêcha de détaler.

À l’intérieur, Maxime monta jusqu’au salon et, sans le moindre ménagement, lança le paquet sur la table. Il se laissa ensuite tomber dans son divan habituel et entreprit de masser ses membres encore douloureux. Autour de lui, le château étaient complètement silencieux. Pas un bruit, pas un mouvement, rien. Au bout d’un moment, il se surprit même à guetter le son de sa propre respiration. Au milieu de ce silence, son regard restait attiré par le paquet posé sur la table, en face de lui. Un paquet de la taille d’un dictionnaire, emballé dans du papier brun. Au bout d’une vingtaine de secondes, il finit par tendre le bras pour l’attraper et lire ce qui était écrit dessus.

Princesse Twilight Sparkle, Château de l’Amitié, Poneyville.

De l’autre côté, un gros sceau en forme de soleil faisait office d’adresse d’expéditeur. Avec un soupir énervé, Maxime reposa le paquet sur la table. Il se fichait bien de ce que l'alicorne pouvait se faire livrer. De toute façon, vu la forme et le poids du paquet, ce ne pouvait être qu’un livre. C’était donc pour ça qu’on l’avait réveillé à grands coups de sonnette ? Pour un bête bouquin ? Plus il y pensait et plus il se disait que, à ce prix-là, il pouvait bien se permettre de regarder de quoi il s’agissait. Trente secondes plus tard, l’emballage de papier brun gisait au sol, déchiré. Max tenait devant lui la lettre qu’il avait trouvée dedans.

Ma chère Twilight,

Comme tu me l’avais demandé, voici le grimoire de Faranel de Cavalera, issu de ma bibliothèque privée. J’espère que tu y trouveras les informations que tu cherches. Garde-le aussi longtemps que tu en auras besoin ; je te fais confiance pour t’en servir avec sagesse.

Avec mes meilleurs compliments,

Célestia

La couverture du livre était couverte de symboles tarabiscotés gravés à l’encre dorée. Maxime l’ouvrit et tourna la première page, mais il n’y avait rien d’écrit dessus. La page suivante était également vierge, ainsi que celle d’après. Il feuilleta rapidement le reste, sans rien voir d’autre que des feuillets blanc. L’énervement le gagnait à nouveau. C’était pour lui refiler ça que le monde entier s’acharnait à l’empêcher de dormir ? Un bouquin vide ? Et bien il allait le remplir, lui. Le temps d'aller cherche de quoi écrire au bureau et il était déjà de retours, la plume en l'air au dessus de la première page. Tandis qu’il réfléchissait à quelle grossièreté il allait pouvoir écrire, une goutte d’encre se détacha de la pointe et tomba sur le papier. Cependant, au lieu d’y faire une tache, elle disparut presque aussitôt, comme aspirée par la feuille. Maxime, surpris, reposa sa plume et se pencha sur le livre. Le feuillet était toujours entièrement blanc, d’un côté comme de l’autre. Il fronça les sourcils, pensif. Ça lui rappelait vaguement quelque chose. Avec un petit sourire, il reprit sa plume et commença à écrire.

« Je m’appelle Harry Potter. »

Les mots restèrent visibles une seconde avant de disparaître. D’autres apparurent un instant plus tard, sous le regard fasciné de l’humain.

« Non, c’est faux. Vous vous appelez Maxime Gillet-Lefebvre. »

L’excitation de Max retomba aussitôt. Sans attendre, il posa à nouveau sa plume sur le papier.

« Et je peux savoir comment tu le sais, bouquin ? »

La réponse ne tarda pas à apparaître

« Je ne suis pas un livre ordinaire. Je possède le pouvoir de lire dans l’esprit de ceux qui me consultent. Dès l’instant où vous m’avez ouvert, j’ai su qui vous étiez et d’où vous veniez. »

« Ah ouais ? Et tu peux me le dire, d’où je viens ? »

« Vous ne venez pas d’Equestria. Vous n’êtes pas un poney. Vous êtes un humain venu d’un autre monde. Vous êtes arrivé à Poneyville il y a 198 jours et depuis vous cherchez un moyen de rentrer chez vous. »

Max laissa retomber sa plume et se cala dans son sofa, sourcils froncés. Ça ne l’amusait plus du tout. Il s’apprêtait à refermer le livre et à l’abandonner là quand une nouvelle phrase apparut.

« Je peux vous aider, vous savez. »

L’humain hésita un instant avant de répondre.

« M’aider à rentrer chez moi ? »

« Vous aider à être plus heureux. Vous êtes malheureux parce que vous êtes un humain prisonnier dans un monde peuplé de poneys. Je connais un moyen de régler ce problème. »

Max hésita à nouveau avant de répondre.

« C’est sérieux ? C’est pas une blague ? »

« Absolument pas. Je possède de nombreux pouvoirs. Si vous êtes d’accord, je peux m’en servir pour vous aider. »

Max posa sa plume et leva le regard vers le plafond, pensif. C’était un peu trop beau pour être vrai. Vu comment s’étaient terminées ses précédentes tentatives pour regagner son monde, mieux valait y réfléchir à deux fois. Un coin de son esprit se demandait même s’il ne ferait pas mieux d’attendre le retour de Twilight pour lui demander son avis. Mais, d’un autre côté, l’occasion était trop belle pour la laisser passer. Avec le peu de résultat que donnaient les tests et les expériences de l’alicorne, sans doute n’aurait-il plus d’autre occasion avant longtemps, voir jamais. Peut-être valait-il mieux prendre le risque tant qu’il le pouvait. Oui, en fait, c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Sa décision prise, il reprit la plume.

« Que voulez-vous en échange ? »

« Rien du tout. Le rôle d’un livre est d’apporter aide et satisfaction à ceux qui le consultent. C’est la raison pour laquelle j’ai été créé. »

Ça semblait logique. De toute façon, Max voyait mal ce qu’il aurait pu faire ou donner en échange. Le frisson de l’impatience commençait à le gagner. Il n’avait plus envie de perdre son temps en palabres.

« C’est bon, allez-y. Je suis prêt. »

Il fallut quelques secondes pour que le livre réponde. Cette fois, les mots étaient tracés en lettres d’or, comme les symboles sur la couvertures.

« Vos désirs sont des ordres. Il en sera fait tel que vous l’avez demandé. »

Le livre se mit ensuite à briller. D’autres symboles apparaissaient sur la page. L’air dans la pièce vibrait tout autour de lui. Max eut l’étrange impression de quitter le sol et de se mettre à flotter. Une fraction de secondes plus tard, un flash blanc illumina le salon.

 

La première chose que Max aperçut en ouvrant les yeux, une dizaine de minutes plus tard, ce fut les pieds d’une table. Il se trouvait au sol, au milieu d’une sorte de salon. Un salon aux tons bleutés, haut de plafond, au sol dur et froid. Dur et froid comme du cristal. Ce même cristal dont étaient faits les murs, le plafond, les meubles. Ce salon, il le connaissait : c’était celui du château de Twilight. Un frisson de colère lui parcourut l’échine. Il tenta de lever le bras pour se remettre debout, mais il sentit tout de suite que quelque chose n’allait pas. Son corps ne bougeait pas normalement. Certaines articulations semblaient avoir été déplacées ou remontées à l’envers, voir les deux. Il ne sentait plus ses vêtements sur lui, ni ses chaussures à ses pieds. D’ailleurs, il avait même l’impression de ne plus en avoir du tout, de pieds. Il n’arrivait pas non plus à bouger ses doigts. Et quelle était cette protubérance large et poilue qui pointait entre ses deux yeux ?

Soudain il écarquilla les yeux. Il savait ce que c’était. Il l’avait déjà vue, une fois, plusieurs semaines plus tôt. Et, comme lors de cette autre fois, sa gorge se serra, prête à lancer un nouveau cri d’horreur.

 

Spike vérifia une dernière fois sa liste. Commander des parchemins à la papeterie, c’était fait. Les livres et les accessoires de magie aussi. Il avait même eu le temps de passer à la boutique de BD pour acheter le dernier Power Ponies. Son magazine sous le bras, il remontait sans se presser le rue qui menait au château mais, au moment d’ouvrir la porte, un bruit curieux se fit entendre à l’intérieur. L’assistant s’arrêta un moment, l’oreille tendue, puis entra en silence et remonta prudemment l’escalier du hall. D’autres bruits s’élevaient, comme un claquement de cavalcade agrémenté de coups sourds et de vagissements variés. Un fois au salon, le jeune reptile s’arrêta, les yeux écarquillés. Devant lui, un terrestre châtain avec une crinière en brosse galopait en tous sens, au milieu des canapés et des meubles renversés. Enfin, disons plutôt qu’il essayait de galoper, car il ne contrôlait visiblement qu’assez mal les mouvements de ses pattes. Il ne cessait de trébucher ou de se cogner aux objets, tout en poussant de vagues cris inarticulés.

- Euh, je peux vous aider ? tenta l’assistant d’un ton poli.

L’autre, toujours lancé au pas de course, se fracassa tête la première contre le mur. Ce ne fut que lorsque Spike s’approcha pour l’aider à se relever qu’il sembla s’apercevoir de sa présence.

- Spike, il faut que tu m’aides !!! beugla-t-il en s’agrippant à lui.

- D’accord, mais qui êtes-vous ?

- Mais c’est moi, andouille !!!

L’assistant fronça les sourcils. Il m’appréciait que moyennent de se faire traiter d’andouille par des inconnus. Vu l’état d’excitation de son interlocuteur, il avait vraisemblablement affaire à un fou. Cependant, à bien y regarder, cela ressemblait davantage à de la panique qu’à de la folie. Plus il observait cet étrange étalon, plus il lui trouvait un air familier. Il lui rappelait même vaguement quelqu’un.

- Euh… Maxime ? tenta-t-il.

Le regard à la fois soulagé et affolé que lui rendit l’autre confirma ses soupçons. Spike fit le tour de la pièce du regard à la recherche d’une explication.

- Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Où est Twilight ?

- Elle est pas là, bégaya l’autre. Elle… je… la carte… le facteur… les escaliers…

Spike décida de ne pas insister. De toute évidence, son interlocuteur n’était pas en état de lui expliquer quoi que ce soit. Il avait cependant mentionné la carte. Sans geste brusque, l’assistant se glissa hors de la pièce et trotta vers la salle aux trône. Une lettre à son attention l’attendait sur la table.

Cher Spike,

Moi et les filles sommes parties pour San Fransabot. La carte s’est activée ce matin et nous y a envoyées toutes les six pour une nouvelles mission. Je ne sais pas encore quand nous rentrerons ; je te préviendrai dès que je le saurai. Je te fais confiance pour garder le château d’ici là.

A bientôt,

Twilight

P.S. : Veille à ce que Maxime ne fasse pas de bêtises.

Spike regarda au verso, mais il n’y avait rien d’autre. Pas un mot sur Maxime transformé en poney. Si elle ne le mentionnait pas, c’était que cela devait s’être produit après qu’elle soit partie. De nouveaux bruits de collision lui parvenaient du salon. Maxime avait réussi à se relever et avait recommencé à se cogner contre les murs.

- Arrête, tu vas te faire mal, fit l’assistant après l’avoir rejoint.

- La ferme ! Il faut que je sorte de là !

- Si tu m’expliquais plutôt ce qui s’est passé ?

Maxime, épuisé, se laissa tomber au sol, les pattes en désordre.

- Beuh… La sonnette m’a réveillé, j’ai ouvert la porte, c’était le facteur, je lui ai gueulé dessus, après j’ai ouvert le colis, et puis…

Il écarquilla les yeux, comme s’il se rappelait soudainement de quelque chose de crucial.

- Le bouquin ! Où il est ?!

Il tourna la tête en tous sens, jusqu’à tomber sur ce qu’il cherchait : un gros livre qui gisait ouvert sur le sol, à côté de la table renversée. Il rampa tant bien que mal pour se planter devant et recommença à crier.

- Je peux savoir ce que t’as fait, crétin ?!

Le livre semblait avoir compris qu’on s’adressait à lui car, sans que personne n’ait besoin d’écrire dedans, la réponse apparut sur la page.

« Je n’ai rien fait d’autre que vous aider. Vous étiez malheureux d’être un humain parmi les poneys. Ce n’est plus le cas, désormais. Votre problème est réglé. »

- Mais c’était pas ça mon problème, ducon !

« Si, ça l’était, vous ne l’aviez simplement pas encore réalisé. »

- La ferme ! Tu vas me retransformer tout de suite, sinon je te réduis en confettis !

« Votre colère n’a pas lieu d’être. Vous devriez être heureux, à présent. »

- Je le serai après t’avoir réduit en charpie, saleté !

Il s’apprêtait déjà à exécuter sa sentence quand Spike attrapa l’ouvrage pour le mettre hors de portée.

- C’est ce livre qui t’a transformé ?

- Ouais, et s’il tient à rester entier il ferait mieux d’annuler ça tout de suite !

Spike ne répondit pas. Son regard alternait entre les pages blanches du grimoire et le poney qu’était devenu Maxime. Quand ses yeux se posèrent sur la croupe de l’ex-humain, il ne put retenir un gloussement amusé.

- Si tu rigoles, je te fais bouffer ta crête, cracha Max.

- Mais non, c’est pas ça. C’est ta marque de beauté.

Max leva les sourcils. La marque de beauté, ce dessin ridicule que les équidés de ce monde arboraient sur leur arrière-train. Il courba tant bien que mal le cou en direction de sa croupe et écarquilla les yeux. Sur sa fesse apparaissait désormais l’image d’une chope à bière débordante de mousse.

- Au moins, avec ça, on est certain que c’est bien toi, fit remarquer Spike.

- On s’en fout ! Il faut trouver un moyen de me retransformer !

Le petit dragon se tâta le crête. Il n’en connaissait aucun. Il y en avait certainement dans les livres de Twilight, mais il leur faudrait des jours entiers pour en trouver un, sans compter qu’aucun d’eux n’était capable de lancer de sort.

- Je pense qu’il vaudrait mieux attendre que Twilight revienne, suggéra-t-il.

- Pas question !

- Mais pourquoi ? Elles n’en ont certainement pas pour longtemps.

- Parce qu’il est hors de question de passer une minutes de plus là-dedans !

- Ce ne serait pas plutôt parce que tu n’as pas envie qu’elle te voit comme ça ? ricana l’assistant.

Max serra les dents. Il imaginait déjà la scène quand l’alicorne et ses amies reviendraient et le découvriraient ainsi.

- À part elle, je ne connais personne qui pourrait t’aider, continua Spike. Enfin, sauf peut-être…

Max dressa involontairement les oreilles.

 

- Je vous interdis de rigoler !

- Veuillez pardonner mon amusement, mais cette situation est très cocasse, vraiment.

- Non, elle ne l’est pas !

Mais visiblement, si, elle l’était, puisque Zécora semblait n’arriver qu’à grand peine à s’empêcher de rire. Maxime, assis sur son tabouret, grinça des dents de plus belle.

Il leur avait fallu une demi-heure pour traverser Poneyville jusqu’à l’orée de la forêt, et plus du double pour traverser les bois. Entre le sentier qui leur jouait des tours et Max qui trébuchait tous les dix mètres, la promenade avait été plus que pénible. Aucun des poneys qu’ils avaient croisés en ville n’avait semblé le reconnaître, cependant Zécora avait très vite compris de qui il s’agissait. Pour l’heure, tous trois étaient réunis au centre de la hutte. L'endroit n’avaient pas changé d’un poil depuis la dernière fois que l’humain y avait mis les pieds. Cette fois, cependant, la propriétaire des lieux ne lui avait pas proposé de thé.

- Il dit que c’est ça qui l’a transformé, expliqua Spike en tendant le grimoire.

La jument zébrée observa un instant les symboles sur la couverture puis tourna quelques pages, un sourire en coin.

- Un livre joueur de tours, on dirait. Voulez-vous nous dire qui vous êtes, s’il-vous-plait ?

Comme si la question lui était adressée, le livre se mit à écrire.

« Je suis le grimoire du grand Faranel de Cavalera. Mon rôle est de venir en aide à ceux qui me consultent. »

- Tu parles d’une aide ! cracha Max.

« Je n’ai fait que ce que vous m’aviez demandé. Voyez vous-même. »

Les mots qu’il avait échangés avec Maxime apparurent alors.

- J’ai jamais demandé ça ! beugla Max sans même lire. Cette saloperie m’a arnaqué !

- Ben… Tu lui as quand même dit que tu étais d’accord, fit remarquer Spike. En plus, ça ne serait pas arrivé si tu n’avais pas ouvert le paquet.

- Oh, ça va, tu l’aurais fait aussi !

- Non, certainement pas !

- Allons, tâchons de nous calmer, tempéra Zécora. Voyons plutôt les choses d’un autre côté. La situation est-elle vraiment si terrible que vous le décriez ?

Maxime leva le sourcil, un éclair dans le regard. Pendant un bref moment, il avait cru que la zèbre parlait sérieusement.

- Vous rigolez, là, j’espère ?

La jument se contenta de sourire ; le genre de ceux dont la seule fonction semble être d’énerver ceux à qui on les adresse.

- Bon, histoire que ce soit bien clair, fit Max en se dressant du mieux qu’il put. Il est hors de question que je passe un seule seconde de plus comme ça, point barre !

- Mais pourquoi ? demanda Spike. Il a raison, ce serait plus simple. Au moins, tu arrêterais de te cogner la tête en haut des portes…

- N’y pense même pas, martela Max en lui plantant son sabot dans le museau. D’abord je deviens comme eux, ensuite je pense comme eux, et avant même que je m’en rende compte j’oublie qui je suis et d’où je viens et je passe le reste de ma vie coincé ici à brouter du gazon pour l’éternité !

- « Eux ? »

- Ouais, eux ! Alors maintenant toi et la reine des rimes vous allez trouver un moyen de me retransformer, et fissa !

Spike et Zécora échangèrent un regard. La zèbre, cependant, n’avait pas l’air de se sentir vexée.

- Je n’en ai aucunement le pouvoir, contrairement à ce grimoire, fit-elle d’un air trop parfaitement désolé pour être complètement sincère. Avez-vous simplement pensé à le lui demander ? Cela me semble être la solution la plus censée.

- Pour qu’il me transforme en un truc encore plus débile ? Non merci !

- Pourtant je suis certaine qu’il le ferait avec gentillesse, si vous le lui demandez… avec politesse.

Les oreilles de Max se dressèrent.

- Non mais c’est le monde à l’envers, là ! C’est à moi d’être poli, maintenant ? Ce serait plutôt à cette saleté de s’excuser !

« Sachez que je suis tout à fait disposé à vous ramener à votre état initial, si vous m’en faites la dem... »

- Ta gueule ! Tu peux toujours courir !

« Je suis un livre, je ne peux pas courir. »

Un tic fit frémir la joue du poney châtain. Ce ne fut que de justesse que Spike attrapa le livre avant que le coup de patte que lui avait asséné l’ex-bipède ne l’expédie dans le feu. Le temps qu’il se retourne, Max avait déjà filé par la porte. Le petit dragon s’avança pour le suivre, mais Zécora lui posa la sabot sur la poitrine pour l’arrêter. Sur le sentier devant la maison, la silhouette maladroite de l’humain-poney s’éloignait dans les ombres.

 

Max marchait droit devant lui, sans se soucier d’où il allait. Chaque arbre qu’il croisait semblait avoir décidé de dresser exprès ses racines pour le faire trébucher. Il écarta avec rage les branches d’un buisson qui se dressait devant lui, mais en se rabattant elles lui frappèrent la croupe et s’emmêlèrent dans sa queue. Tiré en arrière, il trébucha à nouveau et s’affala à plat ventre sur le sol, dans la boue et les feuilles mortes. Il tourna la tête, prêt à pester tout son saoul contre l’arbuste responsable, mais quand son regard se posa sur le ridicule dessin qui ornait désormais son arrière-train, il s’arrêta. Déjà, sa poitrine se serrait, sa gorge se nouait. Il renifla, lâcha un gémissement pitoyable, puis éclata en sanglots.

C’était la première fois qu’il pleurait depuis des années ; de tristesse, pas de douleur. Coincé dans il ne savait quelle dimension, sans espoir d’un jour rentrer chez lui, et désormais transformé en cheval nain mutant, dans ces bois lugubres, de la gadoue plein la figure… Oui, il pouvait bien se le permettre. Qui s’en souciait, de toute façon ? Il aussi aussi seul dans cette forêt qu’au milieu de tous ces poneys idiots. Pendant de longues minutes, le bruit de ses sanglots s’éleva entre les arbres.

 

Spike avait reposé le livre sur la table, entre les paquets d’herbes séchées et les bocaux. Son regard alternait entre la porte encore ouverte et Zécora, occupée à faire bouillir de l’eau. La jument zébrée ne semblait pas inquiète.

- Ne t’en fais pas, il va revenir. Il a simplement besoin d’être seul un moment pour réfléchir.

- Il ne réfléchit jamais, répondit le petit reptile.

Zécora se contenta de sourire, sans quitter des yeux sa bouilloire dont l’eau commençait à frémir. Un bruit sur le pas de la porte les fit soudain se retourner. Maxime, le visage couvert de boue et des feuilles mortes collées aux pattes, franchissait le seuil. Il adressa immédiatement son regard le plus noir à la jument et au dragon, comme pour les mettre au défi d’oser dire quoi que ce soit, puis avança vers la table, face au livre. Il inspira un grand coup, museau froncé, puis se racla la gorge.

- Monsieur le grimoire, je vous serais infiniment reconnaissant si vous vouliez bien me retransformer en humain, comme je l’étais avant...

Il inspira à nouveau, dents serrées, tempes frémissantes.

- … s’il-vous-plait.

Comment un livre sans visage peut arriver à sourire reste un mystère, mais toujours est-il que c’est l’impression que celui ouvert sur la table donna.

« Vos désirs sont des ordres. Il en sera fait tel que vous l’avez demandé. »

Comme la fois précédente, la page se mit à briller et à se couvrir de symboles. Une flash blanc éclata, et Max ferma les yeux.

 

Il faisait chaud. Il y avait du bruit. Ça sentait le thé. Le thé, ainsi qu’un mélange varié d’odeurs de bois, de fleurs et d’épices. Un feu brûlait près de lui, à quelques mètres. Deux personnes parlaient non loin. Le glouglou d’une récipient qu’on remplit se fit entendre, suivi du tintement d’une tasse sur sa soucoupe.

Quand Max rouvrit les paupières, la première chose qu’il vit furent les branches qui servaient de poutres au plafond. Des étagères couvertes d’une collection de bocaux étaient également visibles. Dans un coin étaient accrochés ce qui ressemblait vaguement à des masques africains. Les odeurs qui emplissaient la hutte lui chatouillaient les narines. En fronçant les sourcils, il approcha sa main pour se gratter le nez, avant de s’immobiliser soudainement. La main, le nez… Il se redressa comme un ressort, bras tendus devant lui. De vrais bras, avec de vraies mains et de vrais doigts au bout. Devant lui, assis à table, Spike et Zécora sirotaient tranquillement leur thé. La jument zébrée, sa tasse posée devant elle, lui adressa un grand sourire. L’humain se remit debout et, porté par un irrépressible élan de joie, il se jeta sur elle.

- Oh, merci ! éclata-t-il en la soulevant à moitié se son tabouret pour l’enlacer. Merci, merci merci merci !

Son regard croisa alors celui de Spike, qui semblait se retenir d’éclater de rire. Il reposa aussitôt Zécora, inspira et s’éclaircit la gorge.

- Je compte sur vous pour ne raconter ça à personne, fit-il en levant le menton.

À côté du service à thé se trouvait le grimoire, fermé.

- Il m’a chargé de vous dire qu’il était désolé. Il ne souhaitait en rien vous importuner.

Maxime fronça les sourcils. Cependant, avant qu’il ne réponde, la jument zébrée poussa une tasse vers lui. L’humain l’observa une poignée de secondes avant de tendre la main mais, au lieu de prendre la tasse que la zèbre lui offrait, il attrapa celle qu’elle avait devant elle, y versa deux grandes cuillerées de sucre et la vida d’un trait.

 

Le soleil s’était couché depuis longtemps. Spike avait rejoint sa chambre depuis environ une heure, mais Max, comme d’habitude, avait préférer rester traîner au salon. Une paire de bouteilles vides trônait sur la table, à la lueur du feu qui brûlait dans l’âtre. Le bipède, le tison à la main, secouait les bûches pour raviver les flammes. Quand ce fut fait, il s’avança vers la table. Le grimoire y était posé, ouvert, ainsi qu’une plume et un encrier. Lorsque le regard de l'humain se posa sur le livre, de nouvelles phrases apparurent.

« Je vous présente à nouveau mes excuses concernant cette regrettable confusion. Je n’avais à coeur que de vous venir en aide. »

Maxime se pencha pour attraper la plume.

« Je le sais. Vous ne faisiez que ce pourquoi vous avez été fabriqué. »

« Puis-je en conclure que vous ne m’en voulez pas ? »

L'humain resta un moment immobile, la plume toujours en main. Il finit par la reposer et, sans répondre, referma le livre et le ré-emballa avec soin, sans oublier de glisser le mot de Célestia dedans. Il vida ensuite ce qui restait au fond de sa bouteille puis quitta le salon en direction du bureau de Twilight, où il déposa le paquet.

 

L’alicorne et ses amies revinrent le lendemain matin, fatiguées mais satisfaites. Lorsque la jeune princesse retrouva son château, Spike était occupé à astiquer les meubles du salon.

- Mission accomplie, déclara-t-elle en se laissant tomber sur un fauteuil. Et ici, rien de neuf ?

- Non, rien, répondit le petit dragon. Une journée parfaitement normale.

- Et Maxime ? Pas de désastre, pas de bagarre, pas de catastrophe ?

- Non, rien du tout, répondit l’assistant, sans quitter son plumeau des yeux. Il est encore en train de…

Au même moment, un hurlement retentit à l’étage. D’un même mouvement, la jeune princesse et son assistant tournèrent la tête vers le couloir.

- Ah, on dirait qu’il est réveillé, constata le petit reptile.

D’autres hurlements retentirent. Twilight soupira puis se leva et quitta la pièce en direction des escaliers. Une fois en haut, elle constata que les cris ne venaient pas de la chambre de Maxime, mais de la salle de bain.

- Qu’est-ce qui se passe encore ? fit-elle en ouvrant la porte. On dirait que tu as vu un…

Elle ne termina pas sa question. Maxime, simplement vêtu d’un caleçon, se tenait debout face au miroir, le regard fixé sur son reflet. Ou, plus exactement, sur une partie de son reflet. En haut de sa cuisse apparaissait une étrange tache, que Twilight ne se souvenait pas d’avoir vue lors de ses auscultations. Une sorte de grande tache de naissance, d’un brun prononcé, au dessin étrangement familier. Maxime semblait ne pas pouvoir en détacher le regard. Il ferma les paupières pour vérifier qu’il ne rêvait pas, mais non, c’était bien réel.

Sur sa fesse apparaissait désormais le dessin d’une chope à bière débordante de mousse.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Chapitre précédent Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

speedangel
speedangel : #49801
Le premier humain de l'histoire à avoir une marque de beauté ! (yay!)
J'ai bien rit
Il y a 2 mois · Répondre
Enis
Enis : #34595
La fin m'a tué. XD
Il y a 2 ans · Répondre

Nouveau message privé