Le changelin entrouvrit légèrement les paupières, la pégase blanche n’était pas là. Il ne comprenait pas vraiment ce qu’il venait de se passer, il avait accepté l’aide d’un ennemi, un ennemi qui l’avait aidé. Il ne pouvait quand même pas faire autrement, les médicaments administrés par la ponette l’avaient mis dans le cirage pour plusieurs heures et même si pour le moment elle ne se faisait pas sentir, sa blessure allait fortement le ralentir.
Pour l’heure, il cherchait un moyen de s’enfuir, mais la venue de la pégase blanche l’empêchait de réfléchir à un plan. « Bonjour, Vous avez faim ? » L’évasion pouvait attendre, la dernière chose à laquelle le changelin avait goûtée n’était pas vraiment dans ses habitudes, ce souvenir lui donna la nausée. Elle déposa un plat de salade sur le lit, juste en face du visage du changelin qui renifla avec dégoût. « Je ne sais pas ce que vous aimez, j’ai pensé qu’une petite salade ne vous ferait pas de mal. » Elle voulait bien faire, mais le changelin renâcla en repoussant l’assiette. « Écoutez, j’essaye de bien faire, ce serait bien que vous y mettiez un peu du vôtre. » Il la fusilla du regard, elle n’avait pas l’air de céder.
« Je n’ai jamais mangé ce genre de chose ! » dit le changelin, ce qui étonna fortement la ponette.
« Oh… il y a une première fois à tout je suppose… je suis désolée, mais vous n’avez pas trop le choix. » Le changelin se garda de lui dire que pour une fois, il avait le choix. Lui avouer qu’il se nourrissait avant tout des sentiments serait sûrement mal vu, même si elle devait sûrement s’en douter. Il prit la fourchette qu’il mit entièrement en bouche.
« Non ! Recrachez ça, ce n’est pas à manger ! » Il s’étouffa quand il avala la fourchette de travers. Sugar lui tapa dans le dos et il réussit à recracher l’aliment indigeste. Elle prit la fourchette qui était ressortie complètement broyée d’entre les mâchoires du changelin. Sugar soupira.
« L’argenterie de maman…
— Pourquoi vous mettez ça dans mon assiette si je ne dois pas le manger ? demanda un changelin en colère qui toussait encore.
— C’était pour vous aider à manger, vous n’avez jamais utilisé des couverts avant ou quoi ? » Le regard interrogé du changelin lui répondit. « Laissez tomber. Attendez, je vais vous ramener une autre fourchette. » Sugar laissa le changelin seul dans la pièce, on pouvait entendre le bruit de ses sabots qui se déplaçaient à travers la maison. Depuis qu’il était arrivé ici, il n’avait jamais vu autre chose que la pièce où il était cloîtré. Sugar revint bientôt avec une nouvelle fourchette qu’elle tendit au changelin, celui-ci la prit pour l’examiner, à la recherche de la manière dont il fallait l’utiliser. Sugar lui reprit des sabots.
« J’ai compris, donnez-moi votre assiette ! » Il s’exécuta. Elle planta la fourchette dans le plat de salade et lui tendit la fourchette devant le visage. Il ouvrit timidement la bouche pour dévoiler une importante mâchoire garnie de crocs pointu, elle avança le couvert. Quand elle retira la fourchette, il la regardait, ne sachant pas quoi faire ensuite. « Allez-y, mâchez ! » Il obéit et frissonna quand il avala. « Ce n’est pas bon ?
— C’est… différent, articula-t-il.
— On continue ? » Il hocha la tête. Sugar chercha dans sa mémoire, mais ne trouva rien de plus incroyable qu’elle aurait fait dans sa vie depuis ce jour où elle était assise en face d’un changelin – deux fois plus grand que les autres – en train de lui faire la bouchée. Elle risqua une question.
« Tu as un nom ? » Le changelin écarquilla les yeux, la fourchette en bouche. Sugar se répandit aussitôt en excuses. « Je suis désolée, je ne voulais pas poser cette question, pardon.
— Non ce n’est pas ça… qu’est-ce que c’était sur la fourchette ? Une petite boule rouge.
— Oh ça, dit-elle rassuré. C’était juste une cerise…
— Alors j’adore les cerises ! s’exclama-t-il en souriant et en faisant croustiller le fruit dans sa bouche.
— J’ai trouvé quelque chose qui te plaît, c’est bien… sauf que… on n’est pas censé manger le noyau… mais bon, si t’aimes ça. » Sugar remarquait qu’il ne lui prêtait aucune attention si ce n’est à la fourchette qu’elle lui tendit. « Sinon, je t’avais demandé si tu avais un nom. » Le changelin la dévisagea avec de l’ignorance dans les yeux.
« Un nom ? C’est quoi ? » Sugar rit à la réflexion du changelin avant de comprendre qu’il était sérieux. Elle reprit son sérieux pour ne pas le vexer et tenta d’expliquer ce qu’était un nom.
« Un nom… un nom… » Elle répéta le mot comme si ça allait l’aidé à trouver la suite. « Un nom, c’est une identité.
— Oh… et c’est quoi une identité ? » Sugar colla un sabot sur son front, comprenant que la discussion promettait d’être longue si elle ne trouvait pas les bon mots.
« Une identité, c’est nous, c’est notre personnalité, notre caractère, toutes ces choses qui font notre identité.
— Je ne comprends toujours pas, dit-il en avalant la bouchée que Sugar lui tendait. Pourquoi tout le monde se complique la vie avec des caractères et des personnalités ? » Sugar ne comprenait pas le sens de sa question, mais tenta d’y répondre.
« Parce que c’est comme ça, tout le monde est différent, personne ne peut être identique à un autre. Chaque personne a une personnalité propre, le nom lui, ne sert qu’à identifier la personne, lui rajouter une identité personnelle, pour se différencier encore des autres.
— Pourquoi vouloir se différencier des autres ? Avec des noms et des caractères. Il n’est pas mieux de devenir tous unis et abolir les différences qui ne font que détruire l’ordre ?
— On n’y peut rien, c’est dans notre nature de nous différencier les uns des autres.
— Vous êtes stupides ! »
Sugar eut un regard noir envers ce changelin hautain. « Je ne te permets pas ! Tu parles d’une unité entre les changelins, mais tu as remarqué que tu n’étais plus comme eux ? Tu te dis faire parti d’un groupe, mais tu es seul ! Alors dans tout ça, qui est le plus stupide de nous deux ? » Le visage du changelin laissa peu à peu la colère noircir ses trais. Sugar, qui s’était emportée, réalisait après coup ce qu’elle venait de dire. Elle baissa les yeux, incapable d’affronter son regard. « Je suis désolé, je ne voulais pas te dire ça…
— C’est bon ! » coupa court le changelin, qui tenta même de se relever discrètement, mais les médicaments commençaient à ne plus faire effet et une vive douleur le cloua au lit. Il tourna le dos à la pégase et ferma les yeux, pour le moment, il ne pouvait pas lui montrer la puissance des changelins…
« Je vais te laisser te reposer, je reviendrai dans quelques heures pour poursuivre le traitement. » Sugar quitta la pièce le plus discrètement possible. « Si tu as besoin de quelque chose, appelle-moi… si tu as oublié, je m’appelle Sugar Free. » Et elle ferma la porte silencieusement.
______________________________________________________________________
La pégase était partie depuis bientôt une heure, si le changelin voulait partir, c’était le meilleur moment. Il tenta d’abord quelques étirements sur son épaule pour en juger la sensibilité ; un léger tiraillement. Il se leva lentement de son lit et risqua un sabot en dehors, sa blessure l’obligeait à boiter jusqu’à la porte. sa patte allait fortement le ralentir. Face à la porte, il hésita quelques instants. Partir était son objectif premier, mais sans médicaments, le voyage n’était tout simplement pas envisageable. La conclusion était simple, il devait voler les médicaments.
Il ouvrit doucement la porte et passa la tête par l’entrebâille. Le changelin put enfin constater que la pièce qu’il occupait était le long d’un couloir, sûrement à un étage à en juger par l’escalier au bout. La pégase blanche n’était pas là, il sortit silencieusement en refermant la porte. Deux autres portes ornaient les murs du couloir, mais le changelin ne s’y arrêta pas, ce qu’il y avait en dessous de l’escalier était plus intriguant.
Après un dur effort pour descendre les escaliers, Le changelin fut éblouit par les rayons du soleil qu’il voyait pour la première fois depuis qu’il était arrivé ici. Mais ce qui semblait le plus étrange, c’était toutes ces étagères qui reposaient au centre de la pièce comme tout autour.
« Qu’est-ce que tu fais là ? » Trop distrait par le nouvel environnement dans lequel il avait plongé, le changelin n’avait pas du tout fait attention à la pégase qui était installée derrière une caisse enregistreuse placée sur un long comptoir. Ne pouvant pas lui avouer la vérité, il ignora la question.
« Où sommes-nous ? »
La pégase reprit son air accueillant et sortit de derrière le comptoir pour aller baisser les stores.
« Tu es dans ma pharmacie. Ça change de ta chambre, dit-elle pour plaisanter. Tu n’as pas eu trop de mal pour descendre ?
Le changelin prit une boîte et la secoua. « Qu’est-ce que c’est ? »
Sugar lui reprit la boîte des sabots avant de retourner à son comptoir en lui expliquant. « C’est un médicament pour… les poneys fatigués…
— Oh j’ai compris, c’est avec ça que vous avez réussi à repousser notre attaque ? » déduisit le changelin, ce qui fit froncer les sourcils de la pharmacienne.
« Pas exactement. les médicaments c’est fait pour se sentir mieux, parce qu’on va mal, pas pour être encore plus fort que l’on ne l’est. C’est la princesse Cadence avec l’aide de son fiancé qui a repoussé votre invasion, grâce à un bouclier créé avec leur amour… » Elle s’arrêta pour réfléchir quelques instants. « Je suppose que ce médicament aurait pu les aider, mais je ne leur en ai jamais vendu.»
Un bouclier créé par amour. Le changelin avait du mal à croire ça. Si ce bouclier était vraiment alimenté par l’amour, alors il ne pouvait exister, puisque la matriarche vidait les sentiments du fiancé de la princesse. Ces médicaments devaient être bien plus puissants que ça, elle essayait sûrement de dénigrer leur efficacité.
« Pourquoi es-tu descendu ? »
Le changelin bredouilla plusieurs mots incompréhensible avant de se reprendre et de dire le plus calmement possible : « J-je te cherchais.
— Ah bon ? Et pourquoi ça, dit-elle avec un regard curieux et un léger sourire.
— Parce que… je voulais… » Le changelin sursauta et se cacha derrière une étagère en entendant un son aigu provenant d’une clochette et suivi d’une voix :
« Bonjour mademoiselle Sugar, comment allez-vous aujourd’hui ?
— Ah euh, bonjour madame Speakalot. Je suis désolée, mais j’allais justement fermer.
— Allons, vous n’allez pas fermer la porte à l’une de vos clientes les plus fidèles. En plus nous ne sommes qu’en début d’après-midi. » La ponette âgée s’approcha du comptoir pendant que Sugar jetait des regards inquiets à l’intention du changelin qui était toujours caché. « Je viens faire une petite recharge pour mon mari, vous savez bien que ses problèmes gastriques ne peuvent pas attendre le lendemain.
Sugar eut l’air irritée. « Si je dois fermer, c’est parce que je dois faire mon inventaire.
— Oh ne vous dérangez pas pour moi, je sais où sont les médicaments que je cherche. » La ponette d’un bleu fade se dirigea vers le rayon où le changelin était. Sugar la stoppa.
« Attendez, j’ai peut-être mieux. » Elle plongea la tête sous son comptoir et en sortit une boîte. La ponette âgée se retourna sur Sugar en la dévisageant.
« Ce sont des suppositoires…
— Vous verrez, votre mari se sentira beaucoup mieux après ça.
— Je ne sais pas, fit la ponette hésitante. Non, je pense que je vais rester sur les médicaments traditionnels. » La ponette se dirigea à nouveau vers l’endroit où était le changelin, celui-ci contourna le rayon en même temps qu’elle y entrait. Quand elle fut à son tour derrière les étagères, lui était au beau milieu de la boutique, regardant autour de lui, à la recherche d’une nouvelle cachette. Ses yeux s’arrêtaient sur Sugar et son comptoir. Il galopa difficilement à travers la boutique et se jeta au-dessus du comptoir en heurtant un présentoir. Celui-ci tomba et fit un vacarme infernal. Madame Speakalot pencha la tête hors des étagères pour voir une Sugar Free accoudée sur son comptoir l’air de rien.
« Ah ah, tout ce bazar dites donc, ça vous tomberait dessus sans prévenir. Il est vraiment temps que je fasse un peu le ménage. » La cliente acquiesça silencieusement et revint devant Sugar, une boîte de médicament au sabot. « Vous ne voulez rien d’autre ? Je vous assure que les suppositoires sont une bonne solution.»
— Non, répondit la ponette avec un regard intrigué. Sugar fit quelques pas de côté pour aller à sa caisse enregistreuse, malencontreusement, elle marcha sur un sabot de son clandestin qui était caché en-dessous du comptoir. Un sifflement perçant brisa le silence.
« Euh… c’est mon chat, il est malade.
— Il doit vraiment avoir mal pour hurler comme ça.
— Oh je vous rassure, il se plaint beaucoup pour pas grand-chose.
— Le mien c’est pareil, il n’arrête pas de pleurer quand il a faim
— Ne m’en parlez pas ! Celui-là a même essayé de me manger l’oreille tellement il avait faim. »
Madame Speakalot fronça les sourcils devant Sugar qui avait un large sourire. Sugar Free était bien connue de par ses clients d’être quelqu’un qui était seule à se comprendre la plupart du temps. Quand les médicaments furent payés, elle raccompagna La ponette âgée en lui souhaitant une bonne journée avant de fermer la porte en plaçant un panneau de clôture du magasin. Sugar s’accouda sur son comptoir en soupirant longuement avant de dire :
« On a eu chaud, tu ne trouves pas ? » Il sortit de dessous le comptoir la mine grave. « Y a un problème ?
— Tu m’as marché sur le sabot, » répondit-il. Sugar leva les yeux au ciel.
« Oh excuse-moi pauvre petit… » Il eut un regard noir à son attention. « Quoi, c’est ma faute si je voulais te cacher ?
— Je n’avais pas besoin de toi ! » dit-il en montant le ton. Elle le suivit dans les décibels.
« Tu n’avais pas à sortir de ta chambre !
— Et toi tu n’as pas à me donner des ordres !
— Tu es chez moi, donc tu fais ce que je te dis ! s’exclama-t-elle en frappant du sabot sur le comptoir.
— Très bien, alors je pars. »
Sugar fut étonné quand il dit ça, mais garda malgré tout son air sévère.
Le changelin se déplaça lentement vers la sortie, ne croisant pas une seule fois Sugar des yeux. En face de la porte, il se concentra pour prendre une nouvelle apparence.
Les minutes passaient et Sugar commençait se lasser de regarder le changelin. Cela faisait bientôt un quart d’heure qu’il était devant la porte à fermer les yeux, se concentrer, puis, s’asseoir pour reprendre son souffle avant de se relever et de répéter les actions dans le même ordre.
Le changelin n’arrivait toujours pas à se transformer. À chaque fois qu’il sentait le pouvoir changelin prendre place dans son corps, la douleur à son épaule se réveillait et lui cinglait toute la patte jusque dans son crâne, l’empêchant de continuer la transformation.
« T’as besoin d’aide pour ouvrir la porte ?
— Silence ! hurla-t-il en gardant les yeux fermés avant de replonger dans sa méditation.
— C’est pas tout ça, mais j’aimerais bien rouvrir mon magasin sans avoir un changelin dans le passage. »
Il souffla son exaspération au lieu de la lui cracher au visage.
« Si tu veux, je peux te prêter une perruque. »
Cette remarque de trop, Il voulut se retourner pour lui intimer le silence, mais en forçant sur sa patte, celle-ci lui transmit un éclair de douleur qui le fit s’écrouler.
Sugar se précipita paniquée vers le changelin. Elle l’aida à se relever en lui demandant si tout allait bien. « Lâchez-moi ! » ordonna-t-il en se défaisant des sabots de la pégase pour retomber.
« Arrête ton cirque ! Tu vois bien que tu es encore trop faible pour partir. » Elle ignora les grondements et l’aida une nouvelle fois à se relever, plus fermement néanmoins. Debout, le changelin ne lâcha pas Sugar. Il le savait, il ne pouvait pas partir maintenant, il devait attendre qu’elle lui donne les médicaments avant. « Passe ton sabot par-dessus mon épaule ! » ordonna-t-elle.
Il s’exécuta et elle le mena vers les escaliers. À mi-chemin il se stoppa complètement essoufflé et s’appuya plus lourdement sur Sugar qui le supporta sans broncher. Il s’arrêta une nouvelle fois, au-dessus des escaliers, pendant plusieurs minutes. Sugar se faisant toujours silencieuse pour le laisser récupérer.
Il monta dans le lit, avec toujours en tête la ferme intention de partir le plus vite d’ici. La pégase blanche examina une dernière fois ça plaie avant de l’informer qu’elle repasserait plus tard pour poursuivre le traitement. Il s’était plaint en disant qu’il avait mal maintenant, mais elle refusa tout de même car elle voulait suivre la bonne posologie
Il lui faudra attendre encore un moment avant d’avoir l’occasion de partir.
_________________________________________________________________________________
« SUGAR !... SUGAR !... SUGAAAAAAAAR ! » La pégase voltigea jusque dans la chambre quand elle entendit les appels au secours. À l’intérieur, à la lueur des quelques bougies, elle trouva un changelin étalé de tout son long sur le sol, un sabot sur son épaule blessé, la mine grave, au bord des larmes. « Ça me fait mal ! » dit-il agonisant, elle ne prit pas le temps de réfléchir et fonça vers le tiroir, là où se trouvaient ses instruments médicaux.
Elle s’assit prêt du changelin et stabilisa sa tête, pendant que de l’autre sabot elle plantait une aiguille dans sa peau. Le produit injecté, elle redressa le changelin qui avait l’air de souffrir toujours autant, ne sachant plus quoi faire si ce n’est attendre, elle le prit dans son giron et tenta des paroles réconfortantes pour le calmer.
Le changelin sifflait de douleur. Ce qui au départ n’était qu’un léger tiraillement, était devenu une brûlure intense provenant de l’intérieur. La ponette avait fait quelque chose, mais pourtant, la douleur était toujours aussi vivace. Serré contre elle, il chercha une issue, un moyen de passer outre cette souffrance.
La réponse lui vint de l’extérieur, comme une prière à ses suppliques. Des sensations étranges le parcouraient, de la tristesse, et de la peur, pourtant elles ne venaient pas de lui. Elles provenaient de quelqu’un d’autre, plus exactement de la ponette qui le serrait en tentant de vaines paroles à son oreille pour camoufler une douleur bien présente, elle. Il renifla ses émotions, les sentant caresser ses naseaux, il rendit l’étreinte de la ponette, et aspira ces émotions débordantes hors de celle-ci.
Le temps parut se figer, la ponette caressait la crinière du changelin dont le visage reposait toujours en son giron. Lui, gardait un œil braqué sur la ponette, écarquillé, comme s’il s’était passé quelque chose qu’elle ne s’en était pas aperçu. « Est-ce que ça va ? » demanda Sugar d’une voie faible, causée par une sensation étrange qui l’avait gagnée subitement.
« Oui, et toi ?
— Oui, un peu bizarre, pourquoi me demandes-tu ça ? » Interrogea Sugar en passant un sabot sur son front.
« Tu n’as rien ressenti ?
— Si, une drôle de sensations… ça venait de toi ? » Elle fronça les sourcils, il n’y avait pas de colère sur son visage, juste de la curiosité. Le changelin hocha la tête, toujours serré contre elle.
« La douleur était insupportable, je sentais tes émotions couler sur moi. Je me suis nourri de celles-ci, je me suis nourri pour calmer la douleur. »
Sugar ne savait pas quoi dire, les sensations qu’elle avait subies quelques instants plus tôt l’avaient bouleversée de par son incapacité à décrire correctement ce qu’il lui était arrivé. Une absence tout au plus, un manque. Sugar pensait avant tout au mot vol, mais n’arrivait pas à résumer tous ces évènements à cette accusation. En effet, elle avait bien eu l’impression qu’on lui avait dérobé quelque chose à son insu, mais passées les premières secondes, la peur et la tristesse étaient revenues, aussi présentes et violentes qu’au début.
« Je t’ai fait mal ? demanda-t-il d’une voix déjà désolée.
— Non, non… je ne pense pas en tout cas, dit-elle, sans avoir trop l’air convaincue. J’aurais dû avoir mal ?
— Je ne sais pas trop en fait. Normalement, c’est la matriarche qui se nourrit et qui nous transmet les aliments. Elle ne convoitait que l’amour, je ne savais même pas que l’on pouvait se nourrir d’autre sentiments, d’ailleurs, je ne pense pas que ce soit normal.
— Tu veux dire qu’il n’y a que toi qui sais faire ça ?
— Je n’en sais rien. » Les minutes passaient, les laissent tous deux réfléchir aux évènements qui venaient de se passer et à leurs conséquences. Sugar continua machinalement à caresser le crin du changelin qui avait l’air de pleurer.
« Quelque chose ne vas pas ?
— Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Qu’est-ce que je suis en train de devenir ? Je ne suis plus comme les autres, je ne suis plus un changelin, je ne suis plus rien ! » Sugar redressa son visage pour que leurs regards se croisent.
« Hey n’aie pas peur, je suis là moi. Et puis, tu es bien plus spécial que les autres changelins, tu es même incroyable. »
Le changelin secoua la tête et la posa sur le sol en un long soupir. Sugar se coucha juste à côté, gardant un sabot sur son épaule et une aile sur son dos, elle approcha ses lèvres de son oreille pour chuchoter.
« Quand ton épaule sera rétablie, je t’aiderai à partir, et tu pourras aller demander de l’aide à ta maman. Mais je t’assure que ce qu’elle te dira ne diffèrera pas de ce que je vais te dire maintenant, tu es unique. »
Ils restaient sur le sol, aucun des deux n’osait briser le silence, Sugar continuait à serrer le changelin, qui lui, tentait au mieux de cacher ses larmes.
« Je suis… unique… murmura le changelin contre Sugar qui acquiesça silencieusement. C’est… mon identité ? »
Sugar réfléchit quelques secondes avant d'hocher la tête de nouveau.
« Ça peut être mon nom ? » Le regard plein de larmes du changelin croisa celui d’une ponette qui lui sourit chaleureusement.
« C’est une drôle de façon de s’appeler, mais je suis peut-être mal placée pour pouvoir en juger. En tout cas, oui, ça peut devenir ton nom si tu le veux. » Le changelin à peine baptisé sourit légèrement avant d’écarquiller les yeux et de se projeter en arrière, dos contre le lit.
« C’est quoi ça ! hurla-t-il en sifflant sur l’intrus qui avançait sans prêter attention à Unique.
— Ça ? C’est mon chat. »
L’animal roux s’approcha près de sa maîtresse pour quémander une caresse. Sugar le gratta derrière l’oreille et le chat finit par poser un regard curieux sur l’invité de la maison. Il posa une patte en avant et Unique voulut en faire d’avantage en arrière, mais le lit l’en empêchait. « N’aie pas peur, il est très gentil… sauf avec les oiseaux… et les ailes, fait attention à tes ailes ! »
Le chat approcha doucement, près d’un changelin qui semblait toujours paniqué. Il ronronna à quelques centimètres de celui-ci et finit par frotter son museau sur son sabot troué. Unique ouvrit des yeux étonnés.
« Alors, tu vois que tu n’as rien à craindre.
— Ça sert à quoi ? »
Sugar rit à la question.
« Un chat ? Ça ne sert à rien, juste à rien. C’est fait pour être mignon, être caressé, chasser les souris et les oiseaux, et… et c’est tout. »
Unique approcha son sabot gauche du chat.
« Tu peux le porter si tu veux. »
Son regard fit la navette entre elle et le chat. Il approcha timidement son deuxième sabot et porta le chat, qui, en guise de protestation, ronronna de plus belle. Il le cala contre son torse et caressa le bout de son crâne.
« Ce truc est plein d’amour.
— Hey ne mange pas mon chat ! s’exclama Sugar en souriant. Il t’aime beaucoup parce qu’il pense sûrement que tu vas lui donner à manger. »
Unique souriait devant cette créature qui lui donnait tout cet amour sans compter. Elle n’avait pas l’air le connaître le danger auquel elle s’exposait. Mais, en face de Sugar, il retint ses instincts, sachant pertinemment qu’elle le prendrait mal. Cette bestiole ne perdait rien pour attendre.
« Tu veux qu’il te tienne compagnie pendant que je travaille ? »
Unique la regarda avant d’acquiescer avec un large sourire.
« Euh… tu me promets de pas lui faire de mal ? »
Le sourire du changelin s’effaça aussitôt.
« Je te quoi ?
— Tu me promets. C’est quand tu t’engages envers une personne de faire, ou ne pas faire quelque chose. » Unique eut l’air d’hésiter.
« D’accord… » Il se mordit la lèvre, se maudissant d’avoir dit ça. Comment avait-il pu promettre de laisser cette friandise se frotter à lui sans même pouvoir y goûter ?
« Bon, je vais te laisser, j’ai encore du travail. Si tu as besoin de moi, hurle, je serai juste au rez-de-chaussée. » Elle avança pour donner une caresse au chat puis: « Ça ira pour remonter dans ton lit ? »
Il hocha la tête. Sugar commençait à s’éloigner d’eux avant de se rappeler un détail. « J’y pense, on partira demain, je t’expliquerai mon plan au matin. »
Unique balbutia quelques mots avant de se reprendre.
« Quoi ?! mais pourquoi tu viens ?
— Parce qu’il est bien clair que tu as besoin de mes médicaments.
— Eh bien donne m’en et je ferai le voyage seul.
— Tu ne connais pas les dosages, et puis ne pense pas que je vais te donner mes médicaments comme ça.
— Je pourrais te les prendre. » Dit-il avec un regard froid et dangereux. Sugar ignora tout bonnement la menace grondante et rit à sa face.
« Qu’il est mignon, ça n’est pas foutu d’aligner un sabot devant l’autre et ça voudrait se croire méchant. Ne t’inquiète pas Unique, je viendrai avec toi pour t’aider et tout se passera bien. » Et elle partit en fermant la porte.
Unique ne comprenait pas cette ponette. Ils étaient ennemis, leurs clans se faisaient la guerre, il y a quelques jours ils avaient eu un violent affrontement. Et elle dans tout ça, elle accueillait un parfait inconnu, qui plus est son ennemi. Elle aurait pu simplement appeler la garde, ou même tourner les talons. Il n’aurait pas survécu sans son aide. Depuis qu’il était ici, pas à un seul moment elle ne l’avait considéré comme son ennemi, il était juste un patient, un blessé. Pourquoi faisait-elle tout cela ? Simplement parce qu’il était différent.
Ça, Unique ne voulait pas le croire. Qu’elle le veuille ou non, il était encore un changelin, obéissant loyalement à la reine, et ennemi des poneys. Mais, au fond de lui, il savait que ce n’était plus aussi simple. Ce en quoi il croyait avant avait disparu, ce qui avant était clair comme de l’eau de roche était à présent flou, et les ennemis d’hier étaient les alliés d’aujourd’hui. Sa seule solution était de retrouver la matriarche, quitte à se faire aider par une ponette qui n’avait pas un gramme de méfiance. Même s’il ne la comprenait pas, il appréciait cette ponette. Elle faisait attention à lui, le surveillait, l’éduquait. Il avait beau être son ennemi, elle n’avait jamais eu peur de lui. Elle avait l’air de tout simplement ignorer ce détail.
______________________________________________________________________
« C’est moi ! » s’exclama Sugar en ouvrant la porte à la volée. Les deux dormeurs se réveillèrent en sursaut. « Ce n’est pas trop tôt. Je suis bien contente de vous revoir tous les deux. » le chat descendit du dos du changelin et alla se frotter aux sabots de sa maîtresse. « Oh je vois que vous êtes devenus très amis. Il faut que je te remercie Unique, l’invasion a provoqué une vague de crise, des poneys ont même inventé comme quoi vous pondiez des œufs à l’intérieur de nos corps. Je ne te dis pas le nombre de lavements que j’ai encore vendu aujourd’hui.
— Qui te dit que nous ne faisons pas ça ?
— Oh, tout simplement parce que pour ça, vous devriez avoir plus de contacts avec vos victimes, dit-elle avec le sourire. Bon, j’espère que tu as faim. » Unique répondit automatiquement à la question. « Hop hop hop, avant ça il va falloir que tu fasses quelque chose pour moi. » La méfiance prit le pas sur la gourmandise. « Ne me regarde pas comme ça, c’est quelque chose que je voulais faire depuis que tu es arrivé.
— Et qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il avec une pointe d'inquiétude.
______________________________________________________________________
« Je ne plaisante pas Unique, tu vas rentrer dedans et plus vite que ça !
— Non, tu n’as pas d’ordre à me donner !
— Comment ça ? Je t’ai déjà dit que sous mon toit, tu devais obéir à mes règles.
— Alors je pars. »
Sugar lui rit à la face.
« Et pour aller où gros malin ? Sans moi et mes médicaments, tu ne feras pas cent mètres avant de vouloir te ronger la patte.
— Et bien je le ferai s’il le faut.
— Arrête de faire l’enfant, Unique, rentre dans la baignoire !
— Non ! » Unique se releva faiblement et voulut tourner le dos à Sugar et à sa baignoire pleine d’eau, mais la pégase le retint par la queue. Le changelin, ne voulant pas attaquer la seule personne qui l’aidait, continua d’avancer en l’ignorant, mais sur le carrelage glissant et avec sa patte boiteuse, elle avait l’avantage.
Sugar avait vite compris que ça n’allait pas être une partie de plaisir. Quand elle avait annoncé au changelin qu’il allait prendre un bain, l’ignorance de celui-ci l’informait déjà bien qu’elle allait en découdre. Ce n’est qu’une fois à la salle de bain, devant la baignoire qu’il avait commencé à protester.
« Tu n’as pas le choix, rentre dans cette baignoire ! » articula Sugar en continuant son effort.
« Les changelins ne prennent pas de baie ! » Mais il glissa sur le carrelage et s’étala de tout son long. Sugar se mit sur son dos en posant légèrement un sabot au-dessus de son épaule lésée. Quand Unique voulut se relever, son épaule lui provoqua un éclair de douleur en heurtant le sabot de Sugar. Elle dit d’un ton sévère :
« Tout d’abord, ça s’appelle un bain et pas une baie. Ensuite, il faudra que tu m’expliques pourquoi les changelins ne prennent pas de bain.
— Nos sabots nous empêchent de nager.
— Je t’en prie, ma baignoire n’est pas assez profonde pour que tu puisses te noyer. Tu ne pourrais vraiment pas faire ça pour moi ? » La demande directe de Sugar mit Unique dans l’hésitation. Il ne voulait pas prendre de bain, mais contrarier la seule personne qui prenait soin de lui ne l’enchantait pas plus. Après un long soupir, allongé sur le sol, il répondit :
« Je veux bien essayer…
— Chouette ! » Sugar descendit de son dos et l’aida à se relever. Ensemble, ils s’approchaient de la baignoire remplie d’eau. Unique approcha un sabot de la surface, et sursauta au contact de l’eau, comme électrocuté.
« Tu peux arrêter ton cirque tu sais.
— Non, en fait je ne crois pas que ça va être possible. » Unique voulu reculer mais Sugar le retenait. La force du changelin était surprenante, mais elle savait où aller pour le faire céder. Elle appuya légèrement sur la plaie d’Unique qui se cabra en arrière, Sugar en profita pour lui faire perdre l’équilibre mais il l’attrapa au même moment. Ils entrèrent tous deux dans la baignoire dans une gerbe d’eau.
Unique émergea en toussant pour extirper l’eau qu’il avait ingurgité. Il voulut sortir mais Sugar surgit de l’eau pour le retenir.
« Ah non, t’y es, t’y restes ! » Elle tira de toutes ses forces et il glissa à nouveau à l’intérieur de la baignoire. Elle prit son sabot blessé et se contenta de le tenir fermement. Quand Unique voulut se retourner, une vive douleur le paralysa aussitôt. « Doucement, ne bouge plus ou tu vas te faire mal ! »
Unique, qui ne pouvait déjà plus bouger, tourna un visage déformé par la douleur à Sugar. Elle lâcha très légèrement son emprise. « Doucement ! D’accord ? » Il se contenta de hocher la tête et elle déposa enfin son sabot.
Unique regardait l’eau tout autour de lui, essayant de se rappeler sa crainte pour celle-ci. Il agita l’eau de son sabot, ce qui fit sourire Sugar. « Alors, tu vois que ce n’est pas si terrible.
— Les changelins ne prennent pas de bain !
— Oui, je l’avais senti. Vous vouliez nous combattre avec quoi ? Votre nombre, ou votre odeur ? » Unique fronça les sourcils.
« Notre odeur ne peut pas nous aider, nous avions comme plan d’attaq… » Sugar posa un sabot trempé sur sa bouche.
« Je sais, c’est de l’humour. » Supposant qu’il ne connaissait sûrement pas ce mot, elle s’expliqua aussitôt. « C’est quand tu montres les problèmes, les défauts, de façon drôle. En souriant quoi, en voulant faire rire. » Unique acquiesça avec le sabot de Sugar toujours collé aux lèvres. « Bon, tu arriveras à te laver ? » Sugar vit un air qui commençait à devenir familier sur le visage du changelin. « Je l’aurais parié. » Elle s’empara d’une bouteille de shampoing et intima au changelin de baisser la tête pour être à sa hauteur. « N’aie pas peur, c’est juste un produit pour laver le crin.
— Je n’ai pas peur, rétorqua Unique.
— Je sais, je sais. » Elle leva les yeux au ciel. Le shampoing commençait à mousser sur son crin. Elle redressa la tête du changelin. « Oh mais tu es très joli avec cette coupe. »
Unique leva les yeux et put apercevoir une mèche pleine de savon, revenir sur l’avant.
« C’est la même que Elvis Preshooves. » Sugar prit un gant de toilette qu’elle imbiba de savon. Elle approcha le gant de Unique qui voulut le sentir avant qu’il n’entre en contact avec sa peau. « C’est justement un parfum à la cerise. »
Unique lécha le gant de toilette avant de cracher ce qu’il avait en bouche, la mine écœuré.
« Ouais, fallait s’y attendre…
— C’est pas de la cerise !
— C’est un parfum gros malin, c’est fait pour sentir bon, pas pour être mangé.
— Et je dois faire quoi avec ça ?
— Laisse-moi faire ! » Elle frotta le corps du changelin qui restait assis, droit comme un piquet. Elle passait légèrement au niveau de l’épaule, là où les bandages avaient été enlevés pour pouvoir nettoyer la plaie, tentant de rester la plus douce possible, elle vit Unique frémir au contact du gant sur sa blessure. Quand elle eut terminé, elle l’invita à immerger entièrement son corps pour se rincer. Unique, comme à son habitude ces derniers temps, parut méfiant. « C’est pour enlever le savon, tu ne risques rien, si tu veux je te tiens le sabot. » Sugar lui prit le sabot et elle le pencha doucement, en lui conseillant de retenir sa respiration. Unique semblait moins sur la défensive et alla même jusqu’à rester plusieurs instants sous l’eau, permettant à Sugar de lui rincer correctement le crin.
Une fois la tête hors de l’eau, Unique caressa sa peau, une sensation étrange à son contact, plus douce, plus brillante, plus nette. « Alors, ça fait du bien ? demanda Sugar souriante.
— C’est… différent.
— Oui, c’est sûrement parce que tu n’as pas l’habitude, dit-elle en riant.
— Je peux le faire ? »
Sugar s’arrêta aussitôt de rire.
— Euh… ça ne sert plus à rien, tu es propre.
— Oh… mais alors… sur toi ?
— Euh… je ne sais pas… la crinière d’une jument demande beaucoup plus d’entretien que… » Elle se retrouva en face d’un changelin dont le regard se faisait suppliant. « Oh et puis, d’accord. Mais n’emmêle pas ma crinière dans tes sabots troués. »
Unique prit maladroitement le flacon de shampoing, il le retourna et en renversa une partie à cause de ses trous, Sugar gloussa. Elle pencha légèrement la tête pour faciliter le travail de Unique. Il posa légèrement ses sabots sur le crâne de la pégase blanche et frotta doucement.
« Pourquoi tu veux venir avec moi ? demanda-t-il en continuant de caresser le crin de Sugar.
— Tu ne pourras pas faire le voyage tout seul, je te l’ai déjà dit.
— Une fois à l’extérieur, je m’envolerai loin de Canterlot, ça ne me prendra pas plus d’une demi-heure.
— Que tu crois ! Des clients m’ont informé que les gardes de Canterlot surveillent les cieux au-dessus. Ils ont même interdit de vol les pégases.
— Mais pourquoi ça ?
— À ton avis gros malin ! Pour éviter que des changelins qui seraient éventuellement restés à l’intérieur de Canterlot ne puissent s’échapper, dit-elle en gardant la tête baissée.
— C’est ridicule, quelle idée stupide !
— Ouais, pourtant ça à l’air de marcher avec toi. » Elle se redressa « Alors, je ressemble à quoi ? »
Unique réfléchit un moment. « À la matriarche quand elle se lève le matin et qu’elle n’a pas mangé.
— Hum je ne l’ai jamais vue, mais ça ne doit pas être joli à voir.
— Tu fais de l’humour, c’est ça ? La matriarche est la plus belle créature qui existe, personne ne lui arrive à la cheville.
— Oooh comme c’est mignon, il adore sa mamounette, dit Sugar en croisant les sabots, une moue sur les lèvres.
— Oui, bien sûr que je l’aime ! répondit-il sans la moindre gène. Et elle aime tous ses enfants. » Unique s’approcha plus près du visage de Sugar et dit discrètement. « Mais je vais te dire un secret. Elle ne l’a jamais avoué aux autres, mais elle préfère de loin ma génération, la quatrième. C’est aussi à cause de la génération trois qu’elle a toujours considérée comme un échec.
— Et elle a fait combien de génération ta chère maman ?
— Environ septante quatre.
— Woaw… Je préfère me taire...
— Pourquoi ?
— Bon, tu me rinces les cheveux ?
— Pas de problème. » Il posa ses deux sabots sur la tête de sugar et la plongea dans l’eau. Elle le repoussa aussitôt avec un regard noir en toussant, mais se radoucit quand elle croisa le sien. Le changelin ne souriait pas du tout, il avait juste l’air surpris, surpris qu'elle le repousse alors qu’il voulait bien faire.
« Bah, j’aurais dû m’en douter. » Elle se cala à l’autre bout de la baignoire, reprenant son souffle, et dévisagea le changelin avec aucune rancœur en mémoire, juste de la douceur. « Je ne sors pas beaucoup de chez moi, en fait, c’est très rare. Quand tu m’avais vue dehors la dernière fois, c’était parce que j’avais vraiment envie de sortir après cette invasion. J’ai déjà tout prévu pour le voyage. Je t’amènerai à la gare, et tu prendras un train pour la première destination loin de Canterlot. À partir de là, libre à toi de quitter le train et de t’envoler jusqu’à ta mère.
— Un train ? Et pourquoi ne pas simplement s’éloigner de la ville à pied ?
— Les rares sorties de Canterlot qu’on peut emprunter à pied sont encore plus surveillées. On aura plus de chances en train.
— Parce qu’il y a moins de gardes ?
— Pas forcément, mais en tout cas ils s’attendront sûrement pas à ce qu’un changelin achète un billet de train plutôt que de partir à pied ou à tire d’aile. Et puis avec ta patte, le train est la meilleure solution. »
Le changelin réfléchit au plan que Sugar lui proposait. Son boitement allait fortement le ralentir, faire le chemin deviendrait très dangereux et éveillerait directement la méfiance des gardes. Son plan n’était pas génial, mais il était suffisant. Une fois dans le train, on le conduirait rapidement loin de Canterlot et il pourrait partir à la recherche de la matriarche. Le seul détail qui lui posait problème, c’était cette jument qui allait le suivre dans tout Canterlot. Il prit un regard froid, celui d’un changelin.
« Je vais te le demander une dernière fois, pourquoi fais-tu tout ça pour moi ? Je suis ton ennemi, un changelin. Dans d’autres circonstances, je t’aurais sans doute attaquée. Et toi, dans tout ça, tu viens m’aider. Tu me nourris, me soigne, me cache, mais dans quel but ? »
Sugar se redressa, elle n’avait plus son sourire habituel.
« Je suis infirmière… j’étais infirmière. J’ai toujours eu l’habitude d’aider les gens, peu importe leur physique, leur croyance, leur classe. C’est peut-être idiot, mais quand je t’ai vu dans cette ruelle, je t’ai entendu appeler à l’aide. Un ennemi aurait vraiment fait ça ? J’ai déjà été obligée de regarder quelqu’un mourir sans rien faire, je ne voulais pas faire la même chose alors que j’avais le choix ! C’est vrai, j’avais peur en t’amenant ici, mais je n’arrivais pas à me résoudre à te laisser là-bas. Je t’avoue que les premiers jours, je t’ai administré de grosses doses de tranquillisant pour ne pas que tu te réveilles. C’est pour ça que maintenant, je limite leur utilisation.
— Que quoi !? » s’exclama Unique dans la baignoire. Sugar prit un air désolé.
« J’avais peur que tu ne deviennes violent et que tu rouvres tes plaies. Tu es juste resté endormi pendant trois jours. » Unique sentait toute la tristesse et le regret qui s’écoulaient de Sugar. Il ne lui pardonnait pas ce qu’elle avait fait, mais il lui fallait avouer qu’elle n’était pas fière d’elle non plus. « Comprends-moi, tu es beaucoup plus grand que les autres changelins, je ne voulais pas prendre de risque, faire ça petit à petit. Tu es si différent… » Elle le vit se renfrogner. « Différent et pourtant tu restes un changelin. » Il baissa les yeux sur son propre corps. Maintenant encore, il ne savait rien de son état actuel. Ses sens était plus développés, il savait sentir et absorber les sentiments comme la matriarche. L’eau lui reflétait un visage, garnis d’un crin, qui le dévisageait avec des yeux verts. «Tu es différent, c’est pour ça que je t’ai aidé. » Unique ne supportait pas ce mot. Différent était une faiblesse, un ennemi de l’union. Mais plus rien ne le rattachait à son ancienne appartenance. Seule la matriarche pouvait l’aider.
« Moi… je suis différent… articula-t-il faiblement. Mais toi, qu’est-ce que tu es ? » Sugar baissa les yeux. Pour la première fois, elle allait parler d’elle depuis que Unique était ici.
« Je suis une pégase qui tient une pharmacie. Beaucoup de monde me trouvent un peu bizarre, mais je veux juste aider les gens. » Aider les gens. Cette jument voulait juste aider. Ne rien chercher en retour qu’aider. Unique avait du mal à croire ça, mais force était de constater que jamais elle ne l’avait laissé tomber. Unique avait été quelqu’un de dangereux, d’impoli, de capricieux, de blessant, mais elle continuait quand même à l’aider. Pendant trois jour où il dormait elle aurait pu avertir la garde, mais elle ne l’avait pas fait. Unique commençait à regretter d’exprimer autant de méfiance pour cette pégase.
« Sugar. »
Elle releva les yeux sur le changelin.
« Merci… »
Elle retrouva le sourire qu’elle avait habituellement « On va manger, Unique ? » Le changelin sortit rapidement du bain, attendant qu’elle en fasse de même. « J’ai bien l’impression que ça veut dire oui. »
Vous avez aimé ?
Coup de cœur
S'abonner à l'auteur
N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.
Les créations et histoires appartiennent à leurs auteurs respectifs, toute reproduction et/ou diffusion sans l'accord explicite de MLPFictions ou de l'auteur est interdite. Ce site n'est ni affilié à Hasbro ni à ses marques déposées. Les images sont la propriété exclusive d'Hasbro "©2017 Hasbro. Tous droits réservés." ©2017 MLPFictions, version 1.2.7. Création et code par Shining Paradox, maintien par Sevenn.
Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.