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Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 10 : Piège de cristal

Le train filait à travers la plaine, l’acier de ses roues crissant sur les rails. Les forêts et les prairies avaient depuis longtemps laissé place à une végétation rase et rêche. L’air fraîchissait à mesure que le convoi se rapprochait du nord.

Dans la voiture de première classe, à l’avant du train, un humain et une jeune alicorne étaient en pleine conversation. Maxime se frotta la tête pour dissiper sa migraine.

- Mais est-ce que c’est être une alicorne qui fait de toi une princesse ou l’inverse ?

Twilight soupira.

- Je te l’ai déjà expliqué cinquante fois. Ce n’est pas une relation causale, c’est l’un et l’autre en même temps.

- Bon, mais alors supposons qu’une alicorne voie par hasard le jour quelque part dans le pays, vous seriez obligées d’en faire une princesse, non ?

- Ce n’est pas possible, lâcha Twilight, fatiguée. Ça ne fonctionne pas comme ça.

- Pourquoi, ça se transmet génétiquement ?

- Non.

- C’est une sorte de sélection, alors ? Un genre de monarchie élective ?

- Oui, si tu veux.

- Et on est sélectionné sur quels critères ?

Twilight se passa la patte sur le visage.

- C’est une question de mérite. Il faut avoir œuvré pour la paix et l'harmonie dans le pays, ou avoir réussi à développer de nouvelles formes de magie. Ce n’est pas à la portée du premier venu. Celles qui y parviennent sont proclamées princesse, et elles deviennent des alicornes.

Maxime se tâta le menton, pensif.

- Et un alicorne, ça existe ?

- C’est sans doute possible, mais, à ma connaissance, ce n’est encore jamais arrivé.

- Et qu’est-ce qui se passerait si une alicorne avait un enfant avec un poney d’un autre type ? Ça donnerait une alicorne ou pas ?

Twilight leva les yeux au ciel.

- Pourquoi est-ce ça t'intéresse tant, soudainement ? Avec un peu de chance, tu seras bientôt rentré chez toi, de toute façon.

Max se renfrogna. On ne pouvait pas dire que la chance avait vraiment été de son côté depuis son arrivée dans ce monde. Il se cala de son mieux, croisa les bras et fixa le regard vers l’horizon.

Il avait fini par s’habituer à l’éternelle migraine qui s’était emparée de lui depuis son arrivée, au point de ne presque plus s’en rendre compte, cependant, depuis quelques jours, les maux de tête et les courbatures semblaient être repartis à l’assaut. Et, naturellement, aucun des remèdes connus des poneys ne parvenait à les calmer. Cependant, au fond de lui, Maxime y voyait comme un signe. Plus il était proche de rentrer chez lui, plus sa gueule de bois se renforçait. Ce ne pouvait pas être une coïncidence.

Le regard toujours perdu dans le paysage grisâtre, il sortit de sa poche le morceau de parchemin roussi qui recelait tous ses espoirs. Oui, avec un peu de chance, cela marcherait. Déjà, le train commençait à décélérer. Ils arrivaient à destination.

 

- Bienvenue à l’Empire de Cristal, messire Maxime et princesse Twilight Sparkle, fit le garde en s’inclinant.

L’humain, plié en deux pour ne pas se cogner la tête au plafond du wagon, plissa les yeux et mit sa main en visière.

Le paysage grisâtres et plat avait soudain laissé place à une prairie verdoyante, au milieu de laquelle brillait une lumière étincelante. Le bipède finit par discerner les toits et les tours d’une ville, qui se découpaient dans la lumière.

- Il ne manque plus que les champs de fleurs et la route de briques jaunes, marmonna-t-il en grimaçant.

Ses yeux se posèrent alors sur le garde qui les avait accueillis, ainsi que les autres poneys sur le quai. Il ferma les yeux une seconde pour s’assurer qu’il n’avait pas la berlue, puis les rouvrit. Les créatures étaient toujours là, avec leurs corps légèrement translucides, leur peau brillante et leur crinière taillée dans du verre. Certaines, conscients d’être observées, le fixèrent à leur tour, interloquées. Sans les perdre de vue, Maxime se pencha vers sa compagne.

- Twilight, quelles sont ces étranges apparitions ?

La ponette dressa les oreilles, surprise.

- Quelles apparitions ?

- Ces choses en forme de poneys qui nous entourent.

Twilight fit le tour du quai du regard, sans comprendre. Elle finit par désigner le garde, incertaine.

- Rassure-moi, tu ne parles quand même pas d’eux ?

Le regard que lui rendit l’humain confirma ses craintes.

- Ce sont des poneys de cristal, souffla-t-elle, consciente de la petite foule qui les regardait. Ce sont les habitants de l’Empire.

L’humain fixa la ponette, puis le garde, puis à nouveau la ponette.

- Tu te fiches de moi, là ?

La ponette souffla par les naseaux, exaspérée. Elle activa sa magie, saisit le bipède par l’oreille et tira pour le forcer à la suivre.

- Eh, mais je cherche juste à comprendre ! lança l’humain en se débattant.

Les poneys sur le quai les regardèrent s’éloigner vers la cité, certains vexés, d’autres amusés. L’un d’eux regarda ensuite avec inquiétude autour de lui.

- Mais quelles apparitions ?

 

- Maxime, je te présente Cadence, princesse des poneys de cristal.

L’humain, toujours occupé à masser son oreille, détacha le regard de la tour du château qui se dressait devant lui et le posa sur la ponette en face d’eux. L’alicorne rose, tout sourire, s’inclina légèrement, cependant, elle sentit vite que quelque chose clochait. Le bipède, au lieu de lui rendre son salut, restait désespérément planté devant elle, avec un air de confusion grandissante.

- Mais non ! finit-il par lâcher, les bras levés, un tremblement dans la voix.

- Euh… comment ça, non ?

- Vous ne pouvez pas être la princesse des poneys de cristal si vous n’êtes pas un poney de cristal ! Ça n’a pas de sens !

Le cerveau déjà malmené du malheureux humain se rapprochait dangereusement du plantage. Cadence, la surprise passée, se renfrogna quelque peu.

- Je suis une alicorne, c’est cela qui fait de moi une princesse, fit-elle en levant le museau avec noblesse.

- Et voilà, c’est reparti avec ça !

Twilight, qui sentait venir la catastrophe, décida qu’il était temps d’intervenir.

- Cadence a été nommée princesse par Célestia, expliqua-t-elle avec diplomatie. Quand l’empire s’est retrouvé sans personne à sa tête, il a été décidé de lui en confier les rennes. Les poneys de cristal l’ont très bien accepté.

Elle choisit délibérément de passer sous silence la chute de Sombra et leur rôle dans cette affaire. Connaissant le bipède, il serait capable de déclarer que Sombra était le souverain légitime de l’empire et d’accuser Cadence de lui avoir volé son trône. Elle voyait d’ici la scène…

En entendant cela, Maxime croisa les bras et souffla par le nez.

- Ah, je vois. C’est de ce genre de royaume qu’il s’agit, fit-il avec dédain.

- Qu’est-ce que vous insinuez ? répliqua Cadence, piquée au vif.

- Ça suffit !!

Twilight cria, avant d’immédiatement rentrer la tête dans les épaules, honteuse de s’être ainsi emportée devant sa belle-sœur.

- Désolée, Cadence. Écoute, nous sommes simplement venus voir le miroir. Si ce que nous dit ce parchemin est vrai, il pourrait permettre à Maxime de regagner son monde.

Elle donna un coup de coude dans la cuisse de l’humain, qui sortit la page brûlée de sa poche et le tendit à Cadence. La princesse de Cristal l’examina longuement, avant de croiser à nouveau le regard de sa belle-sœur. Twilight lui répondit par une œillade appuyée, pour insister sur l'intérêt que chacune des parties concernées avait dans la réussite de cette entreprise.

- Je l’ai déjà fait sortir des remises, répondit Cadence, qui avait bien saisi le message. Il vous attend.

Elle se retourna et remonta l’avenue vers le château, la tête haute. Maxime et Twilight la suivirent à quelques mètres de distance.

- Surveille un peu ta langue ! siffla la ponette mauve au bipède.

- J’y penserai le jour où tu me raconteras comment tu es vraiment devenue princesse, grinça-t-il en guise de réponse.

 

Il fallut de longues minutes pour persuader Maxime de bien vouloir monter dans la tour de cristal. Encore maintenant, il observait avec méfiance les murs et le sol, comme s’il craignait de les voir soudain se fissurer et voler en éclats.

- C’est juste une illusion, se répétait-il sans cesse. Bientôt, tu te réveilleras chez toi.

- Bon, tu nous suis ? lui lança Twilight depuis l’autre bout du couloir.

Après avoir prudemment passé le doigt sur une des colonnes, l’humain se remit en route. Cadence les guidait vers une pièce isolée au fond d’un des niveaux supérieurs de la tour. Quand enfin elle leur ouvrit les portes, Twilight retint son souffle.

Le fameux miroir se dressait au milieu de la pièce, baigné d’une douce lumière bleutée. D’autres objets plus ou moins étranges étaient empilés dans les coins, comme dans un cagibi. Maxime s’attendait presque à apercevoir un coin de l’Arche d’Alliance dépasser du fatras.

Sans rien dire, Twilight s'approcha du miroir, le morceau de parchemin flottant à son côté.

- C’est ce que nous cherchions, fit-elle en souriant.

- Les inscriptions sur le portique expliquent quels sorts il faut utiliser pour l’activer, l’informa Cadence en désignant les glyphes gravés dans le cristal. Les historiens ont presque fini de les traduire.

Maxime se tourna brusquement vers elle, les sourcils froncés.

- Attendez, j’ai comme un doute, là. Vous voulez dire que ce truc fonctionne à la magie ?

- Mais… oui, évidemment, répondit Cadence, surprise.

- Et c’est en passant à travers que vous comptez me faire rentrer chez moi ?

Cadence et Twilight se regardèrent sans comprendre.

- Et bien, oui, répondit la ponette lavande. À quoi est-ce que tu t’attendais ?

Maxime se prit la tête dans les mains. Il se sentait fatigué, et sa migraine l’empêchait de réfléchir correctement.

- Je sais pas, un générateur de trou de ver, un truc technologique, quelque chose dans le genre. Pas ça !

- Et qu’est-ce qui ne vous plaît pas, dans ceci ? lança Cadence, de plus en plus mécontente.

Avant qu’il ne réponde, Twilight le saisit à nouveau par l’oreille et l’entraîna à l’écart.

- Aïe !

- Tais-toi et écoute. Cela fait des semaines que tout le monde se démène pour trouver un moyen de te renvoyer chez toi, et c’est tout ce qu’on a trouvé pour le moment, alors tu es prié d'arrêter de te plaindre !

- Tu crois quand même pas que je vais confier ma vie à un bidule magique ?

- Si ça ne te plaît pas, tu peux toujours rentrer à Poneyville et trouver autre chose tout seul, trancha-t-elle.

Après une dernier froncement de sourcils, elle lui lâcha l’oreille. Le bipède se redressa, croisa les bras, puis s’approcha du miroir, une moue sur le visage.

- Ça a des chances de marcher, au moins ?

- Nous ne le saurons que quand nous l’aurons activé, répondit Cadence. C’est l’histoire de quelques heures.

- Mouais, d’accord. Bon, et bien pendant ce temps-là je vais faire un tour.

Il pivota aussitôt les talons et repartit à grands pas vers la porte. Twilight n’essaya même pas de le retenir. Quand le bruit de ses semelles sur les dalles de cristal se fut éloigné, Cadence s’approcha de sa belle-sœur, une lueur d'inquiétude dans le regard.

- Dis, Twilight, il ne serait pas un peu… névrosé, ton ami ?

Twilight baissa la tête en soupirant.

- Si seulement...

 

La grande plaine déserte qui entourait la ville s’étalait à perte de vue, verte et plate. Les sommets enneigés des montagnes brillaient au loin, bleuis pas la distance. Maxime jetait de temps en temps un regard par dessus son épaule vers la grande tour du château, qui scintillait dans les cieux. La lumière qui se reflétait sur les murs et les toits de cristal lui agressait la vue. Le sang battait à ses tempes, il avait chaud, et cette maudite migraine refusait toujours obstinément de quitter son crâne. Il finit par apercevoir un caillou dans l’herbe et se fit aussitôt un devoir de lui décocher un coup de pied. Il regarda avec satisfaction la petite pierre rebondir dans le gazon, puis fourra ses mains dans ses poches et reprit sa marche autour de la cité.

« Approche... »

- Quoi ?

Max releva la tête et regarda autour de lui, mais il n’y avait personne. Il finit par hausser les épaules et reprit sa route.

« Viens à moi... »

Il se redressa à nouveau, droit comme un i. Cette fois, il en était sûr, quelqu’un lui avait parlé. Une voix avait sifflé à son oreille, comme si on avait chuchoté juste à côté de lui. Il tourna sur lui-même pour inspecter les alentours, mais il n’y avait toujours personne.

- Qui est là ?

Pas de réponse. La voix avait semblé venir du sol. Maxime tourna la tête vers le coin d’herbe où il avait expédié le caillou, trente secondes plus tôt. La pierre semblait avoir heurté quelque chose en tombant. Il se pencha pour voir de quoi il s’agissait, puis le ramassa et le leva pour l’observer de plus près.

Ce n’était pas une pierre, mais un objet pointu de couleur rouge foncé, légèrement recourbé. La base, plus sombre, semblait avoir été cassée net. Prudemment, il approcha la chose de son oreille. Un faible bourdonnement s’en élevait.

- Euh… Allô ?

« J’attends ta venue depuis longtemps... »

Max fronça les sourcils. La voix venait bel et bien de là, mais elle résonnait également en lui, comme si celui qui parlait était dans sa propre tête, ce qui ne faisait que renforcer son mal de crâne.

- Ah oui ? Et je peux savoir qui vous êtes, vous ?

« Le seul pouvoir légitime en ces lieux. Je suis l’ombre qui engendre la lumière, le néant d’où émerge le monde, la face cachée au cœur de chaque être. Joins-toi à moi, et ta récompense dépassera tes rêves les plus fous. »

- Bien sûr, et comme je suis le millionième visiteur tu vas m’offrir un iPod en prime, je parie ?

« Trahi, il se venge. Renversé, il se relève. Détrôné, il reconquiert son titre et regagne ce qui est sien. Rejoins-moi, et tout cela t'appartiendra. Les âmes perdues s’inclineront devant leur vrai maître, et devant toi. »

- Écoute, Voldemort, c’est pas le bon jour pour se foutre de moi, alors dis-moi ce que tu me veux ou bien fiche-moi la paix !

« Je possède un pouvoir plus ancien que le monde. Un pouvoir capable d’exaucer ton souhait le plus cher. Tout ce qui tu as à faire, c’est me suivre et m’obéir. »

- Oh, ça va, on me l’a déjà faite, celle-là !

« Je te montrerai l’éternité... »

- Mais oui, c’est ça. Allez, ciao !

Sans plus attendre, il prit son élan et lança l’objet aussi loin qu’il put. Sans même regarder où il tombait, il se retourna et repartit en direction de la ville, pas plus détendu qu’avant.

 

L’humain et les deux alicornes observaient le miroir en silence. Twilight, en face de la glace, fit voler à elle le parchemin où était traduite la formule, la lut une dernière fois, puis pointa sa corne en avant, les yeux fermés. Quelques secondes plus tard, une vive lumière rosâtre envahit la pièce. Chaque parcelle de cristal des murs et du sol se teintait de couleur. Maxime et Cadence observaient le spectacle en silence, la lumière du sort se reflétant dans leurs yeux.

Enfin, Twilight releva la tête. La lumière qui jaillissait de sa corne avait disparu, mais la glace du miroir luisait maintenant de sa propre lueur. À bien y regarder, ce n’était plus une glace. La surface luisante était parcourue de rides, comme des ronds sur un plan d'eau.

- Voilà, c'est ouvert, déclara la ponette.

Cadence et Maxime s’approchèrent pour observer le portail de plus près. L’humain sortit une pièce de sa poche et la lança à travers la glace désormais sans consistance. Dans un petit flash blanc, elle fut aspirée et disparut.

- C’est sans danger ? demanda Cadence à Twilight.

- Je ne pense pas avoir fait d’erreur dans la formule, répondit cette dernière. L’aura magique sembla stable, et les ondes de retours sont normales. Je pense que tu peux y aller, ajouta-t-elle à l’intention de Maxime.

L’humain fixait toujours le portail, une détermination croissante dans le regard. Il se tourna ensuite vers Twilight, croisa les bras dans le dos et se mit à se dandiner d’avant en arrière, mal à l’aise.

- Bon, et bien, je suppose qu’on a plus qu’à se dire adieu…

La ponette elle aussi ne semblait pas savoir quoi dire. Max coupa court au silence et tendit le bras vers elle. La jeune princesse leva à son tour la patte.

- Tu diras au revoir à Spike de ma part ?

- Bien sûr.

Max mit alors fin à leur étrange poignée de main et se tourna vers le portail. Twilight aurait juré voir quelque chose briller au coin de son œil. Elle-même avait comme une poussière.

L’humain inspira un grand coup et gravit les quelques marches qui le séparait de la surface miroitante. Il se retourna une ultime fois pour saluer les deux alicornes d’un signe de tête, puis traversa le portail et disparut.

 

Des bruits de voix éclataient autour de lui. Max grinça des dents. L’éclair blanc qui l’avait assailli quand il avait traversé le portail l’avait comme anesthésié. Il avait même l’impression d’avoir… rétréci ?

Il osa enfin ouvrir les yeux. La lumière du soleil qui lui tombait dessus l’éblouit, lui arrachant une grimace. Il plissa les paupières et tenta tout de même de distinguer ce qui se trouvait devant lui. Quand sa vision accepta enfin de se faire plus nette, il soupira de soulagement.

C’était bien des humains. Des Homo sapiens en chair et en os, debout sur leurs deux jambes, portant vêtements, sacs et lunettes. Certains brandissaient même leur téléphone dans sa direction pour le prendre en photo. C’est vrai que, affalé sur le sol comme il l’était, il devait donner un drôle de spectacle. À vrai dire, lui-même se sentait de plus en plus bizarre à mesure que son corps engourdi se réveillait. Il tenta de bouger le bras, mais ses articulations semblaient avoir changé de place. Il ne sentait plus ses vêtements sur lui, ni ses chaussures à ses pieds. D’ailleurs, il avait même l’impression de ne plus en avoir du tout, de pieds. Il n’arrivait pas non plus à bouger ses doigts. Et quelle était cette protubérance large et poilue qui pointait entre ses deux yeux ?

Il trouva enfin comment plier le bras et amena sa main devant son visage. Le problème, c’est que ce n’était pas une main, mais un manchon cylindrique couvert de fourrure brune, sans paume ni doigts. Et, tout autour, le déclic des photos continuait.

Le pauvre voyageur n’avait pas encore fini de comprendre ce qui lui arrivait que déjà sa gorge se serrait, prête à lancer le cri d’horreur le plus déchirant qu’elle ait jamais poussé.

 

- Bon, et bien il est parti, fit Twilight en grattant le sol.

Cadence s’approcha pour lui faire une accolade.

- C’est ce qu’il y avait de mieux à faire, non ?

- Oui, sans doute…

Soudain, Twilight tendit l’oreille. Il lui avait semblé entendre quelque chose. Du coin de l’œil, elle jeta un regard vers le portail, dont la surface luisait toujours paisiblement. Cadence elle aussi se redressa.

- Tu as entendu ? Ça ressemblait à un cri.

Twilight se rapprocha du miroir et tendit l’oreille. Le même son reprit, un peu plus fort que la première fois. C’était bien un cri, mais il semblait lointain et faible, comme porté par le vent sur une grande distance. Le scintillement du portail se renforça, accompagné d’un bourdonnement qui faisait vibrer tout le portique.

- Twilight, je pense que tu devrais reculer ! lança Cadence.

La ponette lavande ne se fit pas prier. Le portail brillait maintenant d’une vive lumière blanche. Le cri s’éleva à nouveau, bien plus fort et bien plus proche.

...aaaaaaaaaAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH !!!!!!!!!!!!!!!

Twilight venait à peine de s’écarter que quelque chose jaillit à toute vitesse du portail et s’écrasa sur le sol. Elle reconnut tout de suite de quoi il s’agissait.

- Maxime ?! Mais qu’est-ce que…

- REFERME-LE, VIIIIIITE !!!!

L’humain rampait dos au sol, le doigt tendu vers le portail, une expression de pure terreur sur le visage. Twilight hésita une seconde mais, devant l’état de panique du bipède, elle décida qu’il valait mieux obéir. Elle pointa à nouveau sa corne vers la glace et ferma les yeux. Quelques secondes plus tard, la lueur du miroir s’éteignit et son scintillement disparut.

- Voilà, c’est refermé, fit-elle et se retournant. Alors, qu’est-ce qui s’est passé de l’autre…

Elle eut tout juste le temps de faire un bond de côté. Maxime chargeait droit devant lui, en brandissant une chaise qu’il tenait par le dossier. Sans ralentir ni hésiter, il fonça vers le portail et, tel un athlète lançant le marteau, il la jeta de toutes ses forces contre la glace. Dans un horrible fracas de verre brisé, la surface argentée explosa en mille morceaux. La chaise perça le fond du miroir et s'écrasa de l'autre côté, dans une avalanche de débris.

Cadence et Twilight s’étaient pressées contre le mur, les yeux fermés pour se protéger de la pluie d’éclats. Quand elles osèrent enfin ouvrir les paupières, des fragments de verre et de métal recouvraient le sol de la pièce par centaines.

- Mais tu es fou ?! hurla la ponette mauve.

Maxime n’avait même pas l’air de l’entendre. Il s’était laissé glisser contre le mur, le visage blanc comme un linge, les pupilles réduites à des têtes d’épingle. Il avait posé ses mains sur ses genoux et les contemplait comme si c’était la première fois qu’il les voyait. Il se tâta ensuite le visage avec nervosité, palpa ses membres et ses vêtements, puis, toujours sans un mot, se leva et s'engouffra dans le couloir.

Twiligth, muette de stupeur, se tourna vers sa belle-sœur.

- Euh… je ne sais pas ce qui lui a pris.

Le regard médusé de Cadence alternait entre ce qui restait du miroir et la marée de débris qui jonchait à présent la pièce. Sa lèvre inférieure pendait, tremblante, à la recherche d’une parole à laquelle s'accrocher.

- Je ferais sans doutes mieux de le suivre, bégaya Twilight.

Elle se dirigea à petits pas vers le couloir, puis partit au galop à la poursuite du bipède.

 

Maxime marchait droit devant lui, le regard toujours rivé sur ses mains. Sans s’en rendre compte, il avait redescendu les escaliers qui menaient à la place sous le château et avait continué droit devant lui, bousculant sans les voir les poneys sur son passage.

- Faites attention où vous allez ! lui lança un étalon sur lequel il avait failli marcher.

L’humain, sans même le regarder, lui tapota doucement la tête avant de reprendre sa route, tel un zombi. Ce n’est que quand il eut quitté l’ombre des bâtiments et qu’il se retrouva face à la plaine qu’il leva enfin les yeux. Il fit encore quelques pas, puis se laissa tomber dans l’herbe.

Il n’arrivait plus à réfléchir à quoi que ce soit. Son perpétuel mal de tête avait laissé place à un vide brumeux et épais comme de la mélasse. Cependant, quelque chose bougeait au fond des nuées ; une petite voix, insistante, qui murmurait à son oreille.

« Rejoins-moi... Viens à mon aide, et j’accomplirai tous tes désirs... »

- Oh, toi, ta gueule !!

Il se leva d’un bond, se baissa pour arracher une touffe d’herbe et la lança aussi loin qu’il le put vers la plaine. Il la regarda s’écraser mollement à une trentaine de mètres puis se laissa retomber dans le gazon, la tête entre les mains. Dans son dos, Twilight trottait pour le rejoindre.

- Viens, nous rentrons à Poneyville, fit-elle en posant sa patte sur son épaule.

L’humain poussa un profond soupir puis, sans un mot, se releva et la suivit docilement vers la gare.

 

Le soleil était couché depuis longtemps sur Equestria. Twilight, debout devant son bureau, signait la lettre d’excuse qu’elle enverrait à Cadence dès le lendemain. Elle rangea ensuite sa plume, souffla la chandelle et s’en repartit vers le couloir, en direction de sa chambre. Cependant, alors qu’elle tournait le coin, elle aperçut de la lumière en provenance du salon. Sans faire de bruit, elle se glissa jusqu’à la porte et passa sa tête dans l’ouverture.

Maxime était assis dans le canapé, le dos voûté. Il tenait dans ses mains un morceau de tissu qu’il contemplait d’un air absent. Sur la table en face de lui, plusieurs bouteilles reflétaient la lumière dorée des bougies.

La ponette s’approcha en silence et s’assit à côté du bipède. En jetant un coup d’œil au tissu, elle reconnut le vieux T-shirt qu’il avait porté jusqu’à ce que Rarity lui fasse de nouveaux vêtements.

- Je rentrerai jamais chez moi, pas vrai ? demanda-t-il sans même la regarder.

La ponette soupira.

- Peut-être pas. Mais est-ce que ce serait vraiment si terrible que ça ?

En guise de réponse, l’humain se laissa aller contre le dossier du sofa, le regard dans le vague. Il tendit la main vers la table, s’empara d’une bouteille encore à moitié pleine, la porta à ses lèvres et en avala une grande lampée.

Twilight considéra à son tour les bouteilles. Avec un haussement d’épaules, elle activa sa magie, en saisit une où macérait encore un fond de liquide, la fit flotter jusqu’à sa bouche et la vida d’un trait.

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Luiwen
Luiwen : #46124
Acylius18 février 2017 - #46122

C'est de l'herbe magique !
C'est ça! Prends-moi pour Maxime pendant qu't'y est! X)
Il y a 11 mois · Répondre
Acylius
Acylius : #46122
Luiwen18 février 2017 - #46120
Il arrive à balancer une touffe d'herbe jusqu'à une trentaine de mètre?

Pourquoi pas mais je ne pense pas que physiquement, cela ne soit possible.

C'est de l'herbe magique !
Il y a 11 mois · Répondre
Luiwen
Luiwen : #46120
Il arrive à balancer une touffe d'herbe jusqu'à une trentaine de mètre?

Pourquoi pas mais je ne pense pas que physiquement, cela ne soit possible.
Il y a 11 mois · Répondre
Zapfire
Zapfire : #38915
"- Bon, mais alors supposons qu’une alicorne voie par hasard le jour quelque part dans le pays, vous seriez obligées d’en faire une princesse, non ?

- Ce n’est pas possible, lâcha Twilight, fatiguée. Ça ne fonctionne pas comme ça."

Hmm... Je sais que l'épisode n'était pas encore sortit a ce moment, mais s'il vous plait, laissez-moi... Rigoler un bon coup... Juste une fois.
Il y a 2 ans · Répondre
Toropicana
Toropicana : #27585
Le chapitre était bon franchement. Entre Maxime qui fait "Allo" dans la corne avant de l'envoyer chier, et son débarquement sur Terre en poney, on s'ennuie pas.
Il y a 2 ans · Répondre
Enis
Enis : #26918
Nié...
Niéhé...AAAHAHAHAHAH,BON SANG LE CLASH!!!!!
COMME Y A AUCUNE RESPECT!!!!!
Sombra qui c'est fait mais remballé!Juste épic!
Il y a 2 ans · Répondre
Trone
Trone : #23960
j'es adoré le passage ou il rembarre Sombra. le "oh,toi, ta gueule !!" a la fin ma tuer.
Il y a 3 ans · Répondre
rainbownuit
rainbownuit : #23952
Acylius18 juillet 2015 - #23951

Occupé à soigner ses pieds.
meilleur film de tout les temps surtout la scène où les terroristes ouvre le coffre
Il y a 3 ans · Répondre
Acylius
Acylius : #23951
rainbownuit18 juillet 2015 - #23944
Il ou Bruce Willis ?

Occupé à soigner ses pieds.
Il y a 3 ans · Répondre
rainbownuit
rainbownuit : #23944
Il ou Bruce Willis ?
Il y a 3 ans · Répondre

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