Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 9 : Tea for two

La gravité est une force universelle. Où que l’on soit, et à quelque espèce qu’on appartienne, elle impose à tous son implacable attraction. Quelque part au fond d’une sombre forêt, dans la bibliothèque en ruine d’un vieux château, un petit dragon perché sur une pile de livres allait bientôt en faire l’expérience.

- Ah !!

Dans une avalanche de papier et de poussière, Spike s’effondra au sol, tandis que la pile de parchemins qu’il avait tenté d’extraire du haut de l’étagère lui tombait sur la tête.

- Spike !

Twilight s’élança au galop, prête à le tirer par magie de son mauvais pas, mais le jeune reptile était déjà en train de se relever. Il s’épousseta, mécontent.

- On a fouillé dans des centaines de livres et on a toujours rien trouvé, grommela-t-il. On ne pourrait pas rentrer ?

Twilight était déjà occupée à ramasser les livres effondrés pour les remettre en place. Elle leva le museau vers les rayonnages au dessus d’eux.

- Terminons encore cette section-ci, puis nous rentrerons.

Spike soupira.

- Et pourquoi ce n’est pas Maxime qui vient faire les poussières ici à notre place ? C’est pour lui qu’on fait ça.

- La plus vite nous trouverons, le plus vite nous pourrons le renvoyer chez lui, répliqua la ponette en entamant le rayon suivant.

- Mouais, vu comme ça…

Le jeune reptile rassembla les rouleaux éparpillés au sol et les porta jusqu’à la colonne effondrée qui lui servait de table. La plupart étaient couverts d’une écriture qu’il ne connaissait pas. Il se contenta de parcourir les figures et les diagrammes, dans l’espoir de reconnaître quelque chose. Quand il déroula le dernier rouleau devant lui, il s’immobilisa soudainement. Lentement, ses yeux s’écarquillèrent alors qu’il fixait le dessin au centre du parchemin.

- Euh, Twilight ? Je crois que j’ai trouvé quelque chose…

 

 

- Il n’y a pas de concentré de tomate dans le fondant au chocolat !

- Si, il y en a !

- Non, il n’y en a pas, je le sais ! Regarde la recette !

Maxime saisit le livre et l’ouvrit en grand devant le museau de la ponette, qui se contenta de sourire d’un air amusé.

- Si, il y en a !

- Mais non !

L’humain retourna le livre devant son propre nez. Il leva les sourcils, puis les fronça aussitôt.

- C’est toi qui viens de le rajouter !

- Non, ça a toujours été là.

- C’est écrit en rose alors que tout le reste est en noir !

- C’est pour que ce soit plus joli !

Max décida d’abandonner. Il lança le livre, qui se referma en claquant sur le plan de travail, puis s’adossa en soupirant contre le mur. Pinkie ne faisait déjà plus attention à lui. Elle bondissait dans la cuisine comme un lapin dans un champ de carottes. Tout en fredonnant une chanson sans queue ni tête, elle vida la moitié d’un paquet de sucre dans le plat, touilla avec énergie, versa le tout dans un moule et expédia ce dernier droit dans le four, sous les plaques en fonte de la cuisinière. L’air au dessus ondulait déjà sous l’effet de la chaleur.

Tandis que la terrestre s’en allait cabrioler dans un autre coin de la cuisine, Maxime jeta un dernier coup d’oeil au livre de recettes, puis au plan de travail qui avait servi de lieu de naissance au fameux gâteau. Celui-là, il veillerait à d’abord laisser Twilight et Spike y goûter avant de s’y risquer lui-même. Il avait d’ailleurs hâte que le duo revienne, histoire de pouvoir enfin mettre la remuante ponette rose à la porte. L’alicorne et son assistant avaient pris l’habitude de s’arranger pour qu’une de leurs amies vienne passer quelques heures au château à chaque fois qu’ils s’absentaient, et ce pour les motifs les plus fumeux, comme s’ils craignaient qu’il ne déclenche une catastrophe s’ils le laissaient seul. Comme si c’était son genre…

- Maxime !

L’humain tendit l’oreille vers le couloir, d’où des bruits de pas se faisaient entendre. La jeune princesse et son assistant venaient de rentrer. Il abandonna Pinkie à ses cabrioles culinaires et remonta d’un pas lourd le couloir en direction du hall d’entrée.

- Alors, bonne pêche ?

- Ouais ! lança Spike. Regarde !

Max, qui s’attendait à ce qu’ils reviennent une nouvelle fois bredouilles de leurs recherches, leva les sourcils de surprise en voyant le parchemin que le jeune dragon venait de dérouler devant son nez. Il le lui arracha immédiatement des griffes.

- Non, c’est pas possible...

Ses mains se mirent à trembler.

Au milieu de la feuille, un cercle. À l’intérieur du cercle, un carré. Et dans le carré, un homme dessiné de face, bras et jambes écartés, en pleine séance de gymnastique. Une écriture qui ressemblait vaguement à des hiéroglyphes recouvrait le reste de la page.

- Oh, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est ? lança Pinkie.

Elle bondit pour mettre sa tête devant le parchemin, mais Maxime l’écarta d’un geste de la main. Les yeux de l’humain étaient toujours rivés sur le dessin, sa mâchoire prête à se décrocher.

- Où est-ce que vous avez trouvé ça ? bégaya-t-il.

- Dans la bibliothèque de l’ancien château, expliqua Twilight. Je ne connais pas cette écriture, mais vu le dessin...

- Je veux voir ! brailla Pinkie avant de se faire à nouveau écarter.

- Vous vous rendez compte de ce que ça veut dire ? fit Max en levant enfin les yeux du parchemin. Ça veut dire que des humains sont déjà venus ici avant moi !

- Où que des poneys se sont rendus dans le monde humain, ajouta prudemment Twilight.

- Mais alors ils en sont revenus, puisqu’ils ont pu laisser ça ! conclut le bipède, de plus en plus excité. Ça veut dire qu’il existe un passage !

- À ce propos, regarde de l’autre côté, fit Spike en désignant le verso du parchemin.

L’humain le retourna aussitôt. La même écriture couvrait la page, mais le dessin au centre était différent. C’était une sorte d’arche sertie de gemmes, d’où émanaient des rayons de lumière.

- Ce doit être une sorte de portail, expliqua Twilight.

- Eh ça me permettrait de rentrer chez moi, c’est ça ? fit Maxime en posant le parchemin sur la table.

- Peut-être, mais, pour savoir où il se trouve, il faut d’abord déchiffrer ce qui est écrit. Cet alphabet me dit quelque chose. Je vais faire une copie du texte et des dessins et l’envoyer à la princesse Célestia. Je ne pense pas qu’elle soit au courant, sinon elle nous l’aurait dit quand elle t’a rencontré, mais elle pourra certainement nous dire à qui nous adresser. Ce sera déjà un bon début.

- Mais alors qu’est-ce qu’on attend ?! trompeta le bipède en tapant dans les mains. Faisons ça tout de suite, et…

Il se retourna pour reprendre le parchemin, mais ce dernier avait disparu. Profitant de son inattention, Pinkie l’avait subtilisé et bondissait à présent autour de la cuisine, le précieux document sur son nez. Le sang de Max ne fit qu’un tour.

- Rends-moi ça !

Pinkie continuait de sautiller avec gaieté, comme si de rien n’était. Quand l’humain lui atterrit dessus, elle bondit sur le côté en riant, envoyant le parchemin dans les airs. Avec horreur, Maxime le vit redescendre et se poser pile sur les plaques de la cuisinière.

- Non !!

Il se précipita pour le retirer de la surface brûlante, mais déjà les premières fumerolles noires s’élevaient. Une seconde plus tard, le parchemin s’embrasa, cependant Spike, qui s’était lui aussi lancé pour le sauver des flammes, parvint à le retirer avant qu’il ne soit complètement consumé. Après être parvenu à l'éteindre, il le tendit, confus, à Twiligth, qui le leva par magie devant elle.

Le centre du parchemin n’était plus qu’un trou dont les bords noircis fumaient encore. Pendant de longues secondes Maxime contempla, horrifié, ce qui restait du précieux document. Il tourna ensuite lentement la tête vers Pinkie, une lueur assassine dans le regard. La ponette, assise au sol, souriait d’un air désolé.

- Euh… oups ?

 

 

Les cris féroces de l’humain retentissaient dans toute la ville. Les passants qui se retournaient assistaient, ébahis, au spectacle d’une grande créature bipède et débraillée qui courait, l’écume aux lèvres, pour rattraper une terrestre lancée au galop devant lui.

- Toi, tu vas finir en steak !!

Pinkie, qui pour une fois semblait avoir compris qu’il ne s’agissait pas d’un jeu, accéléra autant qu’elle put pour échapper aux griffes de son poursuivant. Une lumière violette entoura soudainement le bipède et le souleva à un mètre du sol.

- Ça suffit ! ordonna Twilight en trottant vers lui.

- Lâche-moi ! Je vais en faire de la lasagne !

L’alicorne le força à rester immobile. Pinkie revint au pas, croyant visiblement que la crise était terminée.

- Tu ressemble à Cranky quand tu te fâches, fit-elle en souriant. Oh, j’ai une idée ! Et si on faisait une fête pour se réconcilier ? Le gâteau est déjà dans le four !

- Je lui pisse dessus, ton gâteau ! Tu ferais mieux de courir avant que je t’attrape !

Pinkie, choquée autant pas la menace que par l’insulte faite à son fondant, sembla vouloir répondre, mais la magie de Twilight lui ferma aussitôt la bouche.

- Pinkie est désolée de ce qu’elle a fait, n’est-ce pas ? dit l'alicorne en faisant les gros yeux. Maintenant, chacun va calmement rentrer chez lui sans faire de scène, d’accord ?

- Tu la laisses s’en tirer comme ça ?! explosa l’humain, scandalisé.

- Ce n’est ni le moment ni l’endroit, siffla la jeune princesse en désignant les poneys qui s’étaient amassés pour profiter du spectacle. On réglera ça plus tard.

- Règle ce que tu veux, moi je me barre !

Il se releva aussitôt et s’éloigna en tapant des pieds.

- Et où est-ce que tu comptes aller ?

- J’en sais rien ! Ailleurs ! Loin d’elle ! ajouta-t-il en désignant d’un doigt vengeur la terrestre rose.

Tandis que l’humain en colère s’éloignait en direction de la forêt, Pinkie s’approcha de Twilight, penaude.

- Dis, Twilight, j’ai vraiment fait une bêtise ?

L’alicorne leva par magie ce qui restait du parchemin et contempla, désolée, l’énorme trou en plein milieu.

- J’ai bien peur que oui, Pinkie.

 

 

Maxime s’enfonçait de plus en plus profondément dans les bois, sans se soucier ni de la direction ni du temps qu’il lui faudrait pour rentrer. N’ayant plus personne pour l’écouter pester, il se contentait de serrer les dents et d’adresser à la forêt entière son regard le plus haineux, comme si chacun des arbres qui se dressait autour de lui l’avait personnellement insulté. Il n'aperçut cependant pas la racine qui, cachée dans les ombres, lui accrocha le pied. Il tenta de reprendre équilibre, mais les ridicules moulinets qu’il fit avec ses bras ne suffirent pas à éviter la chute.

- Bon sang de bonsoir de saleté de saloperie de connerie de bordel de merde !

Il se releva d’un bond, arracha une branche morte à l'arbuste voisin et en frappa de toutes ses forces le tronc auquel appartenait la racine coupable.

- Saleté de forêt ! Saleté de poneys ! Saleté de monde à la noix ! Je vous emmerde, tous !

La branche cassa au bout du troisième coup mais, loin de se calmer, il en arracha une autre et reprit de plus belle, à grand renfort d’insultes et de jurons. Il ne remarqua pas, dans l’obscurité des fourrés, la silhouette équine qui s’approchait en silence pour observer, étonnée, cet étrange spectacle. Ce n’est que quand sa deuxième matraque improvisée se brisa à son tour et qu’il entreprit d’en trouver une troisième qu’il s'aperçut de sa présence. Il se dressa de toute sa hauteur, croisa les bras et souffla par le nez, son regard noir braqué sur la nouvelle venue. Celle-ci, loin d’être intimidée, s’avança tranquillement vers lui. Les bracelets dorés à sa patte cliquetaient à chacun de ses pas.

- J’ai entendu du bruit alors que je rentrais vers ma maison, et j’ai voulu voir quelle créature pouvait bien émettre de tels sons. Vu l’intensité des vociférations, je m’attendais à un monstre au moins de la taille d’un dragon.

Maxime se contenta de lever le sourcil.

- J’ai aussi quelques rimes en “on” en réserve, mais je ne pense pas que ça vous plaira.

La jument zébrée sourit, amusée.

- Ainsi c’est vous l’étrange voyageur dont on m’a parlé. J’attendais avec impatience de vous rencontrer.

- C’est vous qui êtes étranges, pas moi.

Maxime s’adossa contre le tronc le plus proche et jeta au sol le morceau de branche cassée qu’il avait encore en main. Le silence s’installa.

- Bon, et vous me voulez quoi, maintenant ? finit-il par lâcher.

- Simplement discuter, si vous le voulez bien. Pourquoi pas chez moi, autour d’une tasse de thé ? Ma maison n’est pas loin.

Maxime leva les yeux en soupirant. Jouer à la dînette avec des poneys était la dernière chose qu’il souhaitait faire en ce moment, mais, d’un autre côté, il devait reconnaître qu’il n’avait pas vraiment d’idée d’où il était, ni dans quelle direction se trouvait la ville. Le couvert des arbres était si dense qu’il ne parvenait même pas à distinguer dans quel coin du ciel se trouvait le soleil. Et puis, si ça pouvait l’éloigner encore un peu plus de cette calamité rose...

Il finit par décroiser les bras et se redressa, prêt à suivre la zèbre jusque chez elle. Avec un nouveau sourire, Zécora s’engagea entre les arbres.

- Vous avez l’air très tendu, à ce que je vois. Un bon thé vous ferait du bien, vous ne croyez pas ?

- Vous n'essaieriez pas en alexandrins, tant qu’à faire ? Quitte à rendre le gag lourdingue, autant y aller à fond…

 

 

Les pages se tournaient tellement vite qu’il était impossible de lire ne serait-ce qu’un seul mot. Une grande pile de livres se dressait déjà à côté de Twilight, cependant la ponette continuait ses recherches. Elle finit pas reposer la livre ouvert devant elle et jeta un énième regard aux restes du parchemin. Même si le dessin était complètement brûlé, quelques bribes de texte étaient encore visibles.

- Je suis certaine d’avoir déjà vu cet alphabet quelque part, marmonna la jeune princesse, la langue entre les dents.

Elle s’empara d’un autre livre et commença à le feuilleter, mais un grattement derrière elle l’interrompit.

- Spike, au lieu de faire du bruit, va donc me chercher le syllabaire runique, lança-t-elle sans se retourner. Il est sur la…

Quand elle tourna enfin la tête, elle s'aperçut qu’il ne s’agissait pas de Spike, mais de Fluttershy. Elle s’avança aussitôt, étonnée de la voir.

- Salut, Fluttershy. Tout va bien ?

- Oui, enfin je crois, fit la pégase en se cachant derrière ses mèches. C’est juste que j’ai vu Maxime il y a quelques minutes. Il avait vraiment l’air très en colère. En tant normal, je ne t’aurais pas dérangée pour si peu, mais…

- Mais quoi ? s’impatienta Twilight.

- Il… il est entré dans la Forêt Désenchantée, et je ne l’ai pas vu en sortir. Et ce n’est pas tout, Pinkie y est entrée, elle aussi, quelques minutes plus tard. J’ai même eu l’impression qu’elle le suivait.

Twilight dressa aussitôt les oreilles. Dans l’état où était Max, mieux valait que la ponette rose ne s’approche pas trop près de lui, encore moins dans un lieu potentiellement dangereux.

- Tu as bien fait de me prévenir, fit-elle en refermant son livre.

- Ah, tant mieux, soupira la pégase, soulagée.

- Nous devons les retrouver avant qu’ils ne fassent de bêtises.

- Tu veux dire, aller dans la forêt ? Oh, non…

Sans lui laisser le temps d’en dire plus, la jeune princesse la saisit par la patte et l’entraîna au dehors.

 

 

Maxime, assis sur l’unique chaise que possédait Zécora, se creusait encore la tête à la recherche d’un qualificatif adéquat pour décrire l’arbre creux qui faisait office de hutte à la zèbre. Pour l’instant, la meilleure comparaison qui lui venait à l’esprit était un croisement entre la chaumière de Merlin l’Enchanteur et la maison de Winnie l’Ourson.

- Vous êtes quoi, un genre de sorcière ?

Zécora, affairée autour de son feu, laissa échapper un petit rire.

- C’est amusant que vous me preniez pour cela, car c’est justement ce que les poneys de cette ville ont cru que j’étais, autrefois.

Maxime ne voyait pas en quoi cela pouvait être amusant. Une odeur insistante de plantes séchées et d’épices alourdissait l’air, et la multitude de bocaux et de bouteilles alignés sur tous les meubles faisait davantage penser à une boutique d’apothicaire qu’à une maison. Il se leva et s’avança vers l’étagère la plus proche pour jeter un œil aux flacons.

- Vous n’auriez pas quelque chose contre la mal de crâne, au milieu de tout ça ?

- Pas pour le genre de mal dont vous souffrez, malheureusement. Contre cela, je crains que le pouvoir des plantes soit insuffisant.

- Ah ouais ? Et qu’est-ce que vous en savez, d’abord ?

En guise de réponse, Zécora prit l’anse de la théière entre ses dents pour l'amener sur la table et versa le breuvage.

- Ceci devrait cependant vous aider à vous sentir mieux. Après tout, vous n’avez aucune raison d’être furieux.

- J’ai un million de raisons d’être furieux ! J’en ai marre de ce monde débile rempli de poneys ! Tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi, dans le monde normal, avec les gens normaux ! Et ce serait peut-être déjà fait, si cette andouille rose ne s’en était pas mêlée !

D’un geste plein de rage, il s'empara du sucrier et en laissa tomber trois cuillerées dans sa tasse. Il s’élança ensuite dans la pièce et se mit à tourner en rond, tel un lion en cage. Zécora, tranquillement installée de l’autre côté de la table, observait attentivement la scène.

- On me dit que je dois m’intégrer, mais à chaque fois que j’essaie je me fais enguirlander ! On n’écoute jamais mes idées, sous prétexte que la société équestrienne n’est pas prête, ou une autre ânerie du genre. Et quand j’essaie d’aider, on me renvoie comme un malpropre !

- N’exagéreriez-vous pas un peu, par hasard ? Un tel tableau me parait bien noir.

Le ton bienveillant de la zèbre ne fit que renforcer la mauvaise humeur de l’humain.

- Oh oui, bien sûr, c’est moi qui exagère ! Un bled rempli de poneys difformes qui parlent et qui volent, il n’y rien de plus normal, après tout ! Ça doit forcément être ça, puisque, visiblement, c’est moi qui suis givré !

Il fit encore quelques tours, puis se laissa tomber sur sa chaise. Zécora l’observait toujours avec attention. Sans croiser son regard, le bipède leva sa tasse, soupira un grand coup et en vida la moitié d’un trait.

- Et le pire c’est que, quand je serai rentré chez moi, personne ne voudra me croire.

- Voilà enfin une bonne pensée, fit Zécora, un sourire en coin. Tant que l’on reste optimiste, tout peut arriver.

- Où vous voyez de l’optimisme ? lâcha Max, toujours aussi bourru.

Le sourire de Zécora s’agrandit.

- Vous avez dit quand, et pas si.

Maxime attendit la fin de la rime pour répliquer, mais rien n’arriva. Il tourna la tête, étonné, mais aussitôt une étrange sensation l’envahit peu à peu. C’était comme une chaude torpeur agrémentée de fourmillements, qui remontait le long de ses bras et de ses jambes. Il se rendit alors compte que Zécora n’avait toujours pas touché à sa tasse.

- Qu’est-ce que vous avez mis dans le thé ? demanda-t-il, un tremblement dans la voix.

- Je vous ai dit que cela vous aiderait à vous relaxez. Vous en aviez grand besoin, je l’ai constaté.

Maxime tenta de se relever, mais il ne réussi qu’à renverser la théière. Sans s’en occuper, Zécora vint passer sa tête sous les épaules de l’humain et l’aida à se traîner vers le lit.

 

 

Pinkie n’avait jamais vraiment compris pourquoi la Forêt Désenchantée faisait tellement peur à ses amies. Pour elle, le milieu forestier n’était pas tellement différent du reste ; il y avait simplement un peu plus d’arbres et d’animaux qu’ailleurs, et ni les uns ni les autres ne la dérangeaient.

La trace de Maxime n’étais pas difficile à suivre, même pour une pisteuse aussi inexpérimentée qu’elle. Les herbes et les fougères piétinées et les branches arrachées indiquaient le chemin aussi clairement qu’un parcours fléché. La petite clairière dans laquelle elle venait de débarquer avait visiblement été la scène d’un débordement de colère particulièrement intense. Tel un chien de garde, la ponette rose huma l’air, puis pressa le museau au sol. Il n’était pas loin et, surtout, il n’était pas seul. Avec une nouvelle cabriole, la terrestre continua son pistage entre les arbres. Si sa mémoire était bonne, la hutte d’une certaine enchanteresse ne se trouvait pas très loin…

 

 

- … mais c’était pas moi qui l’avais pris, et pourtant tout le monde m'accusait quand même !

Maxime, au bord des larmes, attrapa le mouchoir que lui tendait Zécora. Tandis qu’il s’acharnait à grand coup de trompette à vider ses fosses nasales, la zèbre lui tapota doucement l’épaule.

- Florence n’a plus jamais voulu me parler, après ça, continua l’humain, larmoyant.

- Tout ça pour un biscuit volé, n’est-ce pas disproportionné ?

- Je suis sûr que c’est cette brute d’Anthony qui l’avait pris, et il m’a laissé me faire accuser à sa place. La semaine d’avant, il m’avais déjà flanqué un coup de pied parce j’avais refusé de lui donner mon chocolat…

Il se moucha à nouveau, puis se roula en boule sur le lit, un chiffon à vaisselle en guise de doudou. Zécora en profita pour remettre un peu d’ordre dans son service à thé. Elle renifla ce qui restait dans la tasse de l’humain, puis le versa par la fenêtre. Son mélange spécial anti-mouron n’avait pas vraiment l’effet attendu, mais le résultat était quand même intéressant. Une simple question de dosage, sans doute.

Un bruit semblable à un ballon qui rebondissait attira soudain son attention. Par la porte ouverte, elle pouvait voir une forme rose qui s’approchait en sautillant.

- Eh, salut Zécora ! Je cherche Maxime, tu ne l’aurais pas…

En l’entendant, l’humain releva la tête. Quand son regard déjà embué se posa sur la terrestre, il éclata en sanglots.

 

Quand Twilight et Fluttershy arrivèrent à leur tour à la cabane, quelques minutes plus tard, elles retrouvèrent Pinkie et Zécora, qui discutaient gaiement autour de la table. Derrière elles, sur le lit, Maxime était replié en position foetale, les jambes tremblantes, le pouce en bouche.

- Mais… qu’est-ce qui s’est passé ?

- Twilight, j’ai retrouvé Maxime ! lança joyeusement Pinkie. Il était venu prendre le thé avec Zécora.

Twilight leva le sourcil. Vu l’état du bipède, il avait dû y mettre autre chose que du sucre. La jument zébrée anticipa sa question.

- Toutes mes excuses, jeune princesse, mais ton ami m’a semblé en détresse. J’ai tenté de l’aider à calmer sa colère, mais ma potion n’est pas encore au point, cela semble clair.

Twilight baissa les oreilles. Elle ne pouvait pas croire que Zécora ait eu de mauvaises intentions. Au moins, ils avaient retrouvé Maxime et Pinkie. Fluttershy s’approcha prudemment de l’humain, qui sanglotait toujours comme un bébé.

- Là, là, tout va bien, chantonna-t-elle d’une petite voix. Il n’y a plus rien à craindre.

Twilight laissa la pégase s’occuper de l’humain et se tourna vers Pinkie. Cette dernière lui adressa son plus beau sourire.

- Il m’a dit qu’il était désolé, et qu’il regrettait tout ce qu’il m’avait dit. Maintenant, on est les meilleurs amis du monde ! Il m’a même pardonné pour cette histoire de parchemin !

Zécora ne put que sourire à son tour. Twilight soupira à nouveau.

- Bon, n’en parlons plus. Il te reste du thé, Zécora ? Du normal ?

La zèbre lui adressa un clin d’oeil.

 

 

Max émit un vague grognement, les yeux fermés, les dents serrées. Sa tête bourdonnait comme un essaim d’abeilles.

- Oh non, pas encore…

Cette vague nausée qui baignait son abdomen, ce poids qui lui comprimait la poitrine, ces courbatures qui lui tiraient les membres, cette impression d’avoir des stalactites à l’intérieur du crâne… Il pensait avoir enfin réussi à l’oublier, mais visiblement il s’était trompé : sa gueule de bois était de retour. Cette fois, cependant, il était dans son lit, et pas étalé par terre dans la rue. Il y avait du progrès.

Après avoir végété encore quelques minutes, il se traîna hors du lit, remonta le couloir et descendit l’escalier. À sa grande surprise, Twilight l’attendait déjà en bas. Maxime grinça des dents, anticipant déjà les réprimandes sur ses excès de la veille, mais, étrangement, il ne se rappelait pas avoir bu le moindre verre. Son dernier souvenir, c’était ce thé qu’il avait pris avec cette étrange zèbre, dans la forêt...

- Alors, ça va mieux ? demanda Twilight, sans aucun reproche dans la voix.

- J’ai un peu de mal à me souvenir de ce qui s’est passé, hier.

- Tu te souviens quand même de ça ?

Elle déplia devant elle le parchemin brûlé. À en juger par la grimace qui s’afficha sur le visage de l’humain, oui, il s’en souvenait. Twilight ne lui laissa cependant pas le temps de se mettre en colère.

- Attends, avant de te mettre à crier. J’ai étudié les morceaux de texte qui restent, et j’ai enfin trouvé de quelle langue il s’agit. Ce sont d’anciens glyphes de l’Empire de Cristal. Je ne peux pas les traduire moi-même, mais je sais à qui m’adresser pour qu’ils le soient.

Maxime savait qu’il était censé se réjouir, mais il n’y arrivait pas. Il se contenta de traîner des pieds jusqu’au salon et se laissa tomber dans le sofa.

- Je me souviens de ce zèbre, Zouraka.

- Zécora, corrigea Twilight. Elle était ravie de te rencontrer. Elle est venue apporter ça pour toi, ce matin, mais tu dormais encore.

Elle désigna un petit paquet posé sur la table. Quand Maxime reconnut de quoi il s’agissait, il grimaça à nouveau.

- C’est le meilleur thé de tout Equestria, expliqua Twilight. Zécora le fait venir depuis son pays natal, au delà du désert. Ça vaut une fortune.

L’humain inspecta distraitement le paquet, puis le reposa sur la table.

- J’ai jamais vraiment aimé le thé, en fait...

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Chapitre précédent Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

Aucun commentaire n'a été publié. Sois le premier à donner ton avis !

Nouveau message privé