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Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 11 : Cliffhanger

« Le déménagement aérien, une garantie de sûreté » pouvait-on lire sur la toile du chariot. Et, à en croire la plupart des poneys, c’était vrai. Le transport aérien d’objets ou de marchandises présentait de nombreux avantages par rapport au transport terrestre. Moins de cahots, moins de dangers, et surtout moins de détours. Les citoyens d’Equestria ne s’y trompaient pas, puisque la majorité des déménagement à l’intérieur du pays s’effectuaient à présent à tire d’aile. Plus cher, certes, mais plus sûr et plus rapide, indéniablement.

Le chariot qui lévitait présentement au dessus de Poneyville, maintenu en l’air par un attelage de quatre solides pégases, survolait les dernières maisons en direction de l’est. Chargé à raz-bord, il fendait lourdement les airs, son contenu soigneusement harnaché. Soigneusement, si ce n’était le dernier tiroir du meuble posé contre la planche arrière, face au vide. Centimètre après centimètre, il glissait, s’ouvrait, coulissait, poussé par le léger mouvement vertical qui animait le chariot à chaque battement d’aile des pégases qui le tiraient. Une soubresaut un peu plus marqué que les autres le fit s’ouvrir d’une dizaine de centimètres d’un coup, l’envoyant pendre un peu plus au dessus du vide. Lorsque le pégase qui fermait le convoi s’en aperçut, il était déjà trop tard. Il ne put que contempler, interdit, l’objet se détacher complètement du meuble et entamer son inévitable chute.

Une centaine de mètres plus bas, au bord de l’étang, une jeune princesse alicorne et ses amies profitaient avec délice du soleil de l’après-midi. La ponette mauve, secondée de Rainbow Dash et d’Applejack, se dorait tranquillement la pilule, tandis que Pinkie Pie gazouillait joyeusement au bord de l’eau et que Fluttershy discutait avec les poissons. Rarity, elle, se tartinait consciencieusement de crème solaire, tandis que Spike, des coeurs dans les yeux, tenait son ombrelle au dessus d’elle.

Sur l’étang, couché sur un matelas gonflable, une grande créature sans pelage dérivait tranquillement au fil de l’eau, un caleçon en guise de maillot de bain. Les yeux fermés, les muscles relâchés, Maxime savourait la douce chaleur du soleil, un vague sourire aux lèvres. Bras et jambes étendus, il laissait ses doigts et ses orteils effleurer la surface de l’eau, jusque assez pour sentir l’agréable fraîcheur de l’élément liquide au bout de ses membres. Jamais, depuis son arrivée à Equestria, il ne s’était senti aussi détendu. Même son éternelle migraine semblait avoir profité de cette radieuse journée pour le laisser en paix. La seule chose qui manquait pour que le moment soit parfait était un cocktail bien fruité, mais demander à Spike de lui en amener un aurait mis Twilight en rogne et, aujourd'hui, ça n’en valait pas la peine. S’était-il jamais senti aussi détendu dans le monde humain ? Il n’en était pas sûr. Après tout, peut-être que…

- ATTENTION, EN DESSOUS !!!

Le cri, venu d’en haut, claqua comme un coup de fusil. Max, tiré de son agréable rêverie, leva paresseusement une paupière. Un point sombre se détachait dans le bleu du ciel, pile au dessus de lui. Un point sombre qui grossissait.

Les ponettes sur la berge entendirent le bruit boisé d’un choc, puis celui d’un corps qui tombe dans l’eau. Quand elles se retournèrent, elles eurent tout juste le temps de voir une silhouette vaguement humaine s’enfoncer, inconsciente, dans les profondeurs de l’étang.

 

 

La froideur de l’herbe couverte de rosée. La molle moiteur du sol imbibé d’eau. L’inconfortable dureté des cailloux et des branches qui jonchaient le fond du fossé. Et, surtout, le bruit de fond incessant que produisaient les voitures et les camions qui sillonnaient sans interruption la voie express, de l’autre côté de la rangée d’arbres.

Voitures ? Camions ? Fossé ?

Maxime rouvrit les yeux, comme électrocuté. Une vague mélangée de douleurs diverses déferla aussitôt sur son organisme, mais, résistant héroïquement au douloureux assaut, il se redressa, yeux écarquillés.

Il se trouvait effectivement au fond d’un fossé, entouré de caillasses, de branches mortes et de divers détritus. Quelque mètres plus loin, l’herbe luisante de rosée laissait place à l’asphalte d’un parking, sur lequel étaient garées une dizaine de voitures. Un long bâtiment gris et plat se dressait de l’autre côté. Les néons qui ornaient sa façade étaient éteints, cependant on pouvait toujours y lire le nom de l’établissement : le Colibri, une des boîtes de nuit les plus connues du coin.

Boîte de nuit, parking, fossé. À mesure que les pièces du puzzle tombaient en place, les souvenirs refaisaient surface dans l’esprit de l’humain.

Il avait beaucoup bu, ce soir là ; tellement qu’il ne savait même plus comment il s'appelait. En sortant de boîte, il s’était affalé dans un fossé, ivre mort. Le lendemain, il s’était réveillé dans une ville remplie de poneys. Des poneys qui parlent, qui volent et qui font de la magie. Mais c’était fini, maintenant. Il était de retour chez lui, dans le monde humain. Le monde humain. L’esprit de Maxime n’était plus occupé que par ces trois mots. Comment était-ce possible ? Il s’était pris quelque chose sur la tête, était tombé dans l’eau, puis le noir l’avait englouti. Et voilà qu’il se réveillait, devant ce même parking, avec ses mêmes habits trempés, dans ce même fossé au fond duquel il avait roulé, des semaines plus tôt. Ou n’était-ce en réalité que quelques heures ? Les questions l’assaillaient par dizaines, cependant une nouvelle émotion s’élevait, les chassant les unes après les autres.

Tel un cabri, il sauta hors du trou et galopa vers le parking. Prudemment, il tâta l’asphalte du pied, avant de s’avancer dessus. Il tendit ensuite le bras et caressa du bout des doigts le capot de la voiture la plus proche. Un tremblement incontrôlable s’emparait de lui. Un immense sourire se dessina sur son visage, étirant sa peau jusqu’à lui faire mal. D’un geste lent, il leva ses bras frémissants au ciel, dos cabré, tandis que sa poitrine se serrait pour lancer à la face du monde son triomphal cri de victoire. Ce n’était pas un rêve, c’était bien réel. La dureté de l’asphalte, la froideur luisante des carrosseries, les murs de béton sales, les déchets abandonnés dans l’herbe, les odeurs de gaz d’échappement, le bruit incessant de la circulation… Bon sang, qu’est-ce que ça lui avait manqué !

Soudain, alors qu’il jubilait au milieu des autos, une étrange impression le prit aux tripes. Un immense frisson lui parcourut les épaules. Quelque chose le tirait en arrière, comme s’il venait d’être hameçonné. Une bourrasque de vent se leva et le poussa violemment, comme pour le faire retomber dans le fossé. Le décor enchanteur du monde humain se faisait flou. Un voile noir déferlait du bord de son champ de vision et envahissait peu à peu l'idyllique tableau de béton et de macadam. Plaqué à terre, il s’agrippa au sol et tenta en vain de s’accrocher.

- Non ! NOOOOON !!!

Le vent l’arracha alors à sa prise et il sombra dans le noir.

 

 

L’humain se redressa brutalement, assis dans l’herbe. Il cracha aussitôt un bon demi litre d’eau, puis, dans une immense aspiration, avala goulûment l’air pour en remplir à nouveau ses poumons. Des étoiles bleues et vertes éclataient devant ses yeux. Quand il reconnut les six visages rondouillards et colorés qui l’entouraient, il retomba sur le dos.

- Oh non, dites-moi que c’est pas vrai !

À côté de lui, Applejack souriait.

- Bon retour parmi les vivants, mon grand ! Tu nous as flanqué une sacrée frousse !

- Mais qu’est-ce que vous avez fait ?!

Les ponettes se regardèrent, étonnées.

- Euh, on t’a sauvé la vie, je te signale, répondit la jument au chapeau. D’habitude, les gens sont plutôt reconnaissants pour ça.

- Mais tu comprends pas, c’est une catastrophe !

D’un bond, il se remit debout et agrippa la fermière par les épaules, la soulevant à moitié.

- J’étais de retour dans le monde humain, chez moi ! J’étais enfin réveillé !

- Héla, on se calme ! intervint Rainbow Dash.

D’une bourrade, elle l’obligea à lâcher la fermière. L’humain, fulminant, fit volte face et s’éloigna d’un pas. Une vive douleur lui vrillait le crâne, comme si on lui avait flanqué un coup de marteau sur l'occiput. Quand il passa la main sur sa tête, il sentit sous ses doigts la forme dure et douloureuse d’une bosse en train de se former. Derrière lui, les ponettes continuaient de se regarder, de plus en plus perplexes.

- On dirait qu’il s’est vraiment pris un sacré coup, murmura Rainbow. Ça lui a peut-être endommagé le cerveau.

Applejack semblait du même avis. Twilight fronçait les sourcils, pensive.

- Qu’est-ce que tu veux dire, « réveillé » ? lança-t-elle à l’humain.

Maxime siffla, les dents serrées, les mains toujours pressées sur con crâne.

- J’étais de retour dans le vrai monde, pile là où je m’étais endormi ! Tout était redevenu normal, enfin ! Et vous, vous m’avez fait revenir ici !

- Mais tu voulais qu’on fasse quoi, qu’on te laisse te noyer ?

- Mais je ne serais pas mort pour de vrai, tu piges ?!

Mais visiblement, non, elle ne pigeait pas, ni elle ni les autres. Il n’y avait dans leurs regards que de l'inquiétude et de l’incompréhension, mêlées d’une pointe d’indignation face à tant d’ingratitude. Le pauvre humain ne savait plus quoi dire. À vrai dire, il n’avait plus envie de dire quoi que ce soit. Les voix des six juments se perdaient dans le flou, éclipsées par cette terrible pensée : il était à nouveau coincé au milieu des poneys.

Sans un mot, il se redressa, poings serrés, paupière palpitante. Laissant là les quadrupèdes, il gravit en silence le talus d’herbe jusqu’au chemin avant de reprendre la route du château. Ce n’est que quand il fut hors de vue que les ponettes entendirent s’élever, par delà la colline, le déchirant cri de désespoir de l’humain en larmes.

 

 

Midi venait de sonner à la pendule. Spike, toque blanche sur la tête, tirait du four le plat de gratin aux légumes qu’il avait passé la matinée à préparer. Il l’amena ensuite vers la salle à manger et le posa triomphalement au milieu de la table.

- C’est prêt ! hurla-t-il en direction de du couloir.

Twilight, l’oreille dressée, reposa sa plume et referma son livre, un sourire gourmand aux lèvres. L’alléchante odeur emplissait le château depuis plus d’une heure, mettant sa concentration à rude épreuve. Sans plus attendre, elle quitta son bureau et remonta le couloir jusqu’à la salle à manger. Spike, débout sur une chaise, bombait le torse avec fierté. Twilight ne put retenir un sourire. On aurait dit qu’il posait pour la couverture d’un magazine de cuisine, avec sa toque trop grande et son tablier à coeurs. Le sourire de l’alicorne s'effaça cependant quand son regard se posa sur la chaise vide d’en face. Avec un soupir, elle se tourna vers le hall.

- Il n’est toujours pas descendu ?

- Non, toujours pas, répondit Spike.

La ponette fronça les sourcils.

- Ça a assez duré, maintenant. Il est déjà resté enfermé toute la journée, hier. Il pourrait au moins descendre pour les repas !

- Mais Twilight, peut-être qu’il a juste envie d’être seul ? Tu sais, il n’y a pas si longtemps, toi-même tu…

- Ça va, pas besoin de me le rappeler, l’interrompit la ponette en plaquant le sabot sur la bouche. Va plutôt le chercher et dis-lui de descendre.

- Et s’il ne veut pas ?

- Alors dis-lui que c’est moi qui irai le chercher.

Résigné, le jeune reptile ôta sa toque et grimpa les escaliers en direction des chambres. Twilight s’approcha en silence des marches, l’oreille tendue pour suivre la conversation. Elle entendit le petit dragon toquer à la porte puis, faute de réponse, l’ouvrir lui même.

- Maxime, tu es là ? C’est prêt.

La ponette n’entendit rien d’autre de la réponse de l’humain qu’un grognement inintelligible. Un silence s’ensuivit, rompu seulement pas le bruit de la porte qui se refermait.

- Euh... il dit qu’il a pas envie de venir, lui lança Spike du haut des escaliers.

La ponette soupira à nouveau, exaspérée.

- Bon, ça suffit comme ça, grommela-t-elle.

Elle gravit à son tour l’escalier puis, sans prendre la peine de toquer, ouvrit par magie la porte et s'engouffra à l’intérieur.

La pièce était plongée dans l'obscurité, lampes éteintes, rideaux tirés, à l’exception de la fenêtre la plus éloignée. Assis sur une chaise en face de la vitre, Maxime, en robe de chambre, contemplait d’un air morne le paysage. Il avait toujours, enroulé autour de la tête, le bandage qu’il portait depuis l’incident de l’étang. Sur le bureau en face de lui était posé le tiroir qui l’avait envoyé dans les pommes, deux jours plus tôt. De l’autre côté de la fenêtre, un demi kilomètre plus loin, les eaux de l’étang scintillaient au soleil.

- Le repas est prêt, annonça Twilight en guise de coup de semonce.

L’humain ne tourna même pas la tête. La ponette s’approcha encore.

- Spike et moi, nous t’attendons pour manger, ajouta-t-elle avec un air de menace.

- J’ai pas faim, répondit-il sans quitter la fenêtres des yeux.

- Nous aimerions quand même beaucoup que tu viennes à table.

- J’ai pas envie.

- Tu comptes rester enfermé ici jusqu’à la fin des temps, alors ?

- Oui.

- Et tu t’imagines que je vais te laisser rester là à ne rien faire ?

- M’en fiche.

- Tu sais que je pourrais sans problème te forcer à descendre, n’est-ce pas ?

- Alors pourquoi tu ne le fais pas ?

- Parce que j’aimerais mieux que tu descendes par toi-même.

- J’ai pas envie.

Twilight avait la désagréable impression que la conversation tournait en rond. L’humain, avachi sur sa chaise, robe de chambre sur le dos et bandage sur la tête, aurait pu servir d’image de couverture à un ouvrage sur la dépression. Un déclic se fit alors dans l’esprit de la jeune princesse et elle se pencha vers son assistant.

- Spike, va jusqu’au Sugarcube Corner et demande à Pinkie de venir.

 

 

Il ne fallut pas attendre longtemps pour que la ponette rose rapplique. Sans même que Twilight ait besoin de lui dire où aller, elle monta les escaliers en bondissant, remonta le couloir jusqu’à la chambre de Max et ouvrit en grand la porte. Twilight et Spike, campés au bout du couloir, suivaient la scène avec attention.

- Salut, mon ami à deux patte ! lança Pinkie en bondissant dans la chambre.

- Casse-toi, lui répondit la voix grinçante de Max.

- Spike m’a dit que tu étais tristoune, alors Tata Pinkie est venue te remonter le moral !

- Et bah commence par dégager, ce sera déjà bien.

- Oh, allons !

Le gloussement de la ponette retentit, suivi presque immédiatement d’un grognement d’exaspération. Twilight en déduisit que son amie rose avait essayé de faire un câlin au bipède, ce qui, sans grande surprise, n’avait pas plu à ce dernier.

- Tu ne veux pas me dire ce qui ne va pas ? reprit la terrestre. Qu’est-ce qui peut bien te rendre aussi ronchon ? Tata Pinkie est là pour t’aider, tu sais.

Il n’y eut pour toute réponse que le raclement boisé d’une chaise qui se traîne, suivi du bruit de deux pieds au sol.

- Tu veux que je te dise ce qui ne va pas, la baudruche ? siffla Max. D’accord, je vais te le dire.

Twilight vit la main du bipède attraper la poignée de la porte pour la refermer.

 

 

Un quart d’heure s’était écoulé. Twilight et Spike, toujours embusqués au coin du couloir, guettaient avec attention le moindre mouvement en provenance de la chambre. Le petit dragon avait essayé d’écouter à ce qui se passait dans la chambre en plaquant son oreille contre le mur, mais les voix étaient trop étouffées pour qu’il puisse suivre la conversation et Twilight n’avait pas voulu se servir de sa magie pour en augmenter le volume. Résigné, le petit reptile s’était assis contre le mur à côté de l’alicorne, attendant que quelque chose bouge. Enfin, la poignée pivota et la porte s’ouvrit.

- Voilà, comme ça tu sais tout, lança la voix de Maxime depuis l’intérieur de la pièce. Va donc emmerder quelqu’un d’autre, maintenant.

Pinkie sortit lentement, au pas, sans un bond. Sa crinière et sa queue semblaient avoir perdu leur bouffant naturel. L’alicorne et son assistant, étonnés, la virent passer devant eux sans rien dire, en direction de la sortie.

- Euh… Pinkie, ça va ? demanda Twilight.

La ponette rose inspira tristement, le regard dans le vague.

- Je… Je crois que je vais aller faire un tour, Twilight. Il y a des choses auxquelles il faut que je réfléchisse.

Sans attendre de réponse, elle s’en repartit, courbée et muette, vers la sortie. La porte de Max claqua, enfermant à nouveau le bipède dans l’obscurité.

 

 

La pendule terminait de sonner midi. Spike venait de déposer le plat sur la table. Twilight tourna le regard vers les escaliers.

- Ça va être comme ça tous les jours, alors ? siffla-t-elle.

- Boh, après tout, qu’est-ce que ça peut bien nous faire ? fit Spike, déjà occupé à se servir.

- C’est une question de principe, répondit l’alicorne avec cet air officiel qui lui allait si bien. Une question de respect, de politesse et de savoir vivre.

- Mais tu as bien vu qu’il n’avait pas envie de venir, hier. Tu ne vas quand même pas l’obliger par magie à descendre, si ?

Un sourire se dessina au coin des lèvres de la ponette.

- Non, Spike, ce ne sera pas nécessaire. C’est lui qui descendra lui-même. Prépare donc une lettre…

 

 

- Oh, Twilight Sparkle, je suis si heureux que tu m’aies demandé de venir ! J’en suis transporté de joie !

Twilight commençait déjà à regretter son idée. Discord, incapable de rester en place, pirouettait dans le salon, menaçant à chaque instant de reverser le lustre.

- Alors, pour quel épineux problème la brillante élève de cette chère Célestia peut-elle bien faire appel à moi ? reprit le draconequus. Un horrible monstre à terrasser ? Des fuites de magie à boucher ? Des laitues à repiquer ?

- Rien de tout ça. C’est au sujet de Maxime.

- Ah oui, monsieur cent-mille volts, se rappela la chimère. Comment va-t-il, ce brave garçon ?

- Il refuse de sortir de sa chambre.

Le draconequus leva un sourcil, étonné.

- Et bien, fais donc marcher ta petite corne et sors l’en de force. À moins que tu sois à cours de jus ?

- Ce n’est pas le sujet. Contentez-vous d’aller le voir et convainquez-le de sortir.

Discord se remit debout, mains sur les hanches, l’air sérieusement désappointé.

- Et c’est pour ça que tu m’as fait venir ? Franchement, tu ne trouves pas ça un peu léger ? Je veux dire, je suis toujours prêt à aider une amie dans le besoin, mais là, c’est ridicule. Tu l’ignores sans doutes, mais, moi aussi, j’ai des choses importantes à faire, et je n’ai pas le temps de...

Twilight avait compris le message. Avec une moue de lassitude, elle activa sa magie et fit apparaître une enveloppe qu’elle tendit au draconequus. Quand il eut jeté un œil à l’intérieur, il se tut aussitôt, sourire en coin.

- Mais bien sûr, c’est avec joie que je te rendrai ce service ô combien crucial. Alors, où se cache-t-il, cet ours des cavernes ?

Sans que la ponette ait besoin de le guider, il s’envola jusqu’à l’étage. Twilight l’entendit ouvrir en grand la porte de Max.

- Alors comme ça on déprime, vielle branche ?

- Fous le camp !

- Oh allons, ne me dites pas que vous m’en voulez encore pour cette stupide histoire d’arbre, si ? C’est de l’histoire ancienne. Je ne souhaite que vous aider à aller mieux, vous savez. Pourquoi n'allons-nous pas faire un petit tour dehors ?

- Va plutôt faire un tour en enfer !

- Oh, le Tartare n’est pas le meilleur endroit pour ça. Pourquoi n’allons-nous pas nous poser au salon, autour d’un bon thé ? Ce serait tellement plus…

La mention du mot thé fut visiblement la goutte de trop. Twilight, depuis le bout du couloir, entendit le bruit étouffé d’un coup, suivi de nombreux autres. Elle accéléra le pas, corne allumée, prête à agir pour mettre fin à la bagarre. Alors qu’elle n’était plus qu’à un mètre, elle pila juste à temps pour éviter la masse colorée qui jaillissait, éjectée avec force. Discord, le pelage en pagaille et le museau éraflé, s’affala de tout son long en travers du couloir. Depuis l’intérieur, un dernier objet vola pour s’abattre tout droit sur le crâne de l’hybride. Un instant plus tard, Maxime, toujours en robe de chambre, s’avança et se pencha pour ramasser le tiroir qu’il venait de lancer.

- Tu n’existes pas ! Rien de tout ça n’existe, c’est qu’un rêve ! Fous-moi la paix, maintenant !

D’un coup de pied, il écarta la patte du draconequus afin de pouvoir claquer la porte. Discord émit une vague protestation de douleur, puis entreprit de se relever.

- Il y en a qui n’ont vraiment aucun sens de l’humour, grommela-t-il en se passant la main sur le crâne.

Twilight baissa la tête, fatiguée. Derrière elle, Spike, alerté par le bruit, rappliquait au pas de course. Cependant, avant de poser quelque question que ce soit, il se pencha pour ramasser, curieux, l’enveloppe qu’avait donnée Twilight à Discord et que ce dernier, dans la bagarre, avait laissée tomber au sol. Quand il en vit le contenu, son visage s’empourpra.

- Mais c’est quoi, ça ?!

Il brandit une série de photos sur lesquelles on pouvait voir Célestia dans sa salle de bain, la crinière et la queue plaquées sur son corps, dégoulinantes d’eau. Discord se contenta de croiser les bras en détournant le regard.

- Quoi ? Elle a mis des sorts de protection autour de la salle de bain pour m’empêcher d’entrer. Comme si j’étais ce genre de personne, franchement !

- Mais c’est dégoûtant ! protesta l’assistant.

- Oh, allons, ce n’est que du papier, répliqua la chimère en récupérant subrepticement les clichés. La question qu’il faudrait plutôt te poser c’est celle-ci : comment cette chère Twilight s’est-elle procurée ces photos ?

Ce fut au tour de l’alicorne de rougir. Dans un craquement douloureux, Discord s’étira le dos, passa la patte sur son crâne et s’en alla vers les escaliers. Dans la chambre, les pieds de la chaise de Maxime crissèrent, signe que l’humain avait repris place face à la fenêtre.

 

 

Midi sonnait, le plat fumait sur la table. Twilight et Spike se tenaient en bas des escaliers, museau dressé vers le couloir des chambres.

- Cette fois j’en ai assez, grinça la ponette. Je vais le chercher moi-même.

- Mais Twilight tu avais dit que…

Sans prêter oreille à son assistant, la jument mauve grimpa les marches et, sans ralentir, se campa devant le porte de Max, qu’elle ouvrit d’un coup de magie.

- Maxime, si tu ne descends pas tout de suite, je…

Elle s’interrompit, le regard fixé sur la chaise au fond de la pièce. La chambre était déserte. Twilight, sourcils froncés, activa sa magie pour ouvrir les tentures, mais, même à la lumière du jour, l’humain restait introuvable.

- On dirait qu’il est parti, fit remarquer Spike.

- Ça ne va pas recommencer, bon sang ! lança la ponette.

Corne allumée, elle ouvrait l’un après l’autre tous les placards, à la recherche du bipède disparu. Spike se contenta de grimper sur la chaise pour jeter un œil dehors, comme s’il espérait voir l’humain à la fenêtre. Son regard se posa alors sur le bureau, où un livre était ouvert.

- Twilight, viens voir ça, lança-t-il à son amie.

La jeune princesse s’approcha à son tour du bureau pour découvrir, étonnée, le grand livre ouvert sur la planche.

- Le grand atlas illustré d’Equestria, lut-elle en soulevant l’ouvrage.

- Et il a écrit dedans, fit remarquer Spike. Regarde ici.

L’assistant pointa du doigt la page à laquelle l’ouvrage avait été laissé ouvert. La partie gauche était occupée par une carte de la côté ouest du pays, accompagnée, à droite, de photos de quelques uns des lieux mentionnés. Un des noms sur la carte avait été souligné à l’encre, tandis que l’image correspondante était encerclée.

- Rocky Shores, les plus hautes falaises maritimes d’Equestria, lut le petit dragon dans la légende. Ça n’a pas l’air très joyeux, comme endroit.

Twilight ne pouvait qu’approuver. La photo montrait de hautes falaises de basalte couleur de cendre, sans la moindre végétation, dont les murs plongeaient à pic dans les vagues grises de l’océan.

- Pourquoi est-ce qu’il a entouré ça ? s’interrogea la jeune alicorne.

Son regard se posa alors sur la corbeille posée à côté du bureau et sur la feuille de papier froissée qu’elle contenait. Le logo de la société équestrienne des chemins de fer était imprimé en haut de la page. Prise d’un doute, elle fit voler la feuille jusqu’à elle et la déplia devant son museau.

- Des horaires de train ? s’étonna Spike et lisant à son tour le titre. Mais qu’est-ce qu’il peut bien vouloir faire avec...

Il s’interrompit en voyant l’expression sur le visage de Twilight. La ponette avait levé le regard de la feuille pour le braquer au dehors, par la fenêtre. Quelques centaines de mètres plus loin, les eaux de l’étang brillaient au soleil.

- Spike, on part, lança-t-elle en tournant les sabots.

Spike se tourna à nouveau vers elle pour demander, étonné, où elle voulait qu’ils aillent, mais la ponette avait déjà quitté la pièce.

 

 

Le vent soufflait, charriant les nuages qui défilaient, gris et lourds, sur le plafond du ciel. Au pied de la falaise, les vagues se fracassaient, rang après rang, contre les rochers effondrés qui s’empilaient en bas. Une haute silhouette bipède se dressait au sommet, tel un arbre mort. Maxime, debout au bord du précipice, contemplait d’un regard vide et morne la platitude grisâtre de l’horizon. Il tenait toujours dans ses mains le tiroir qu’il l’avait envoyé au fond de l’étang, des jours plus tôt. Après un dernier coup d’œil à l’objet, il tendit le bras et le laissa tomber dans les flots. Il baissa ensuite le regard vers le pied de la falaise, quarante mètres plus bas. Il respira un grand coup, emplissant ses poumons pour la dernière fois, puis ferma les yeux.

- Maxime, non !!

Le cri avait jailli derrière lui, aigu et tranchant par dessus les vagues. Twilight galopait dans sa direction, Spike sur ses talons. L’humain, toujours immobile, tourna lentement la tête vers elle pour lui lancer un dernier regard ; un regard qui signifiait à la fois adieu, merci, désolé et bon débarras. Il se tourna ensuite à nouveau vers l’océan, referma les yeux et fit un pas en avant.

Twilight sut aussitôt qu’elle n’aurait pas le temps de la rattraper avant qu’il ne n’écrase, cependant elle ne cessa pas de galoper. Une poignée de secondes plus tard, elle se coucha au bord de la falaise, les yeux écarquillés, redoutant ce qu’elle allait découvrir en regardant en bas. À sa surprise, cependant, elle ne vit aucune trace du corps du bipède, ni dans l’eau, ni sur les rochers. Quand Spike la rejoignit, elle ne put que lui jeter un regard paniqué d’incompréhension, que les larmes commençaient déjà à noyer.

- Spike, il... il…

Le petit dragon redoutait d’entendre la suite. Le bruit des vagues en dessous, mêlé au mugissement du vent, était plus assourdissant que jamais. Cependant, un autre bruit s’éleva soudain, clair et lumineux. La ponette et le dragon ne purent s’empêcher de tourner la tête vers le bas de la falaise, d’où une étrange mélodie s’était mise à monter. La surface de l’eau était agitée de bulles.

- Mais qu’est-ce que…

- SHOO BE DOO, SHOO SHOO BE DOO !!!

L’eau de l’océan s’était soudain faite claire comme du cristal. De grandes bulles colorées dansaient dans les vagues, entourées de formes étranges et multicolores qui tournaient autour. Une entêtante mélodie surgie de nulle part s’élevait, assourdissante, pour remplir les oreilles de la ponette et de son assistant. Spike plissa les yeux puis les écarquilla quand il reconnut les silhouettes vaguement équines qui virevoltaient dans l’eau.

- Mais ce sont… des poneys ?!

Twilight resta muette, le regard braqué sur l’irréel spectacle qui se déroulait en bas. Dans une des bulles au centre de la farandole se tenait Maxime, main plaquées sur la surface, le regard empli d’une incrédule panique. Et, tout autour de lui, la parade des poneys aquatiques continuait.

 

 

Le vent avait baissé, calmant les vagues. Les lourds nuages gris qui avaient recouvert le ciel de la côte pendant toute la journée se dispersaient enfin, laissant poindre ici et là les rayons du soleil. Twilight, Spike et Max se tenaient sur la petite plage où les poneys aquatiques avaient ramené l’humain, à quelques pas de la falaise. Le bipède, trempé jusqu’aux os mais indemne, était assis en tailleur sur le sable, un regard assassin braqué sur les créatures attroupées dans l’eau, avec lesquelles Twilight tentait de converser.

- Hem… et bien, merci d’avoir sauvé notre ami, tenta-t-elle d’un ton mal assuré.

- Mais de rien ! lança un de ces étranges habitants des flots. Les poneys aquatiques viennent toujours en aide à ceux qui sont en détresse !

Comme pour illustrer son propos, le poney à queue de poisson jaillit hors de l’eau pour faire une pirouette, immédiatement imité par ses congénères. Par réflexe, Twilight tourna la tête pour éviter d’être éclaboussée.

- Envoyez un SOS, on rapplique en vitesse ! continua l’équidé marin.

- Euh… D’accord, on s’en souviendra. Il faut qu’on y aille, maintenant. Merci encore.

Derrière elle, Maxime, encore tout dégoulinant d’eau, se relevait vaille que vaille, le regard toujours aussi haineux. Tandis que le trio s’éloignait, les poneys aquatiques lancèrent un ultime salut.

- Eh, n'oubliez pas ça ! chanta le dernier avant de disparaître.

D’un coup de queue, il leur lança un objet de bois, que Twilight attrapa par magie. C’était le tiroir que Maxime s’était pris sur le crâne, lui aussi sauvé pas les habitants des flots. La ponette, après une seconde d’hésitation, le tendit à l’humain, qui s’en empara d’un air rageur.

- Dis, Twilight, tu savais que ça existait, des poneys comme ça ? demanda Spike d’un air songeur.

La ponette se garda de répondre. Tout en marchant, elle continuait à surveiller du coin de l’œil l’humain encore trempé qui marchait à côté d’elle.

- Tu ne vas plus faire de bêtises, maintenant, hein ? demanda-t-elle de son ton le plus diplomate.

L’intéressé grommela une réponse inaudible. La ponette décida qu’il valait mieux ne pas insister pour l’instant. Elle ignorait cependant que l’expression de taciturne colère qu’arborait le bipède était en réalité due à l’état d’extrême concentration dans lequel il était plongé, occupé qu’il était à essayer en vain de faire taire l’insupportable chanson qui tournait en boucle dans sa tête. D’un geste plein de rage, il prit le tiroir par la poignée et le lança aussi fort qu’il put vers l’eau.

- Il y a intérêt à ce qu’il reste à boire au château...

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cedricc666
cedricc666 : #29993
Fais plaisir de retrouver ce cher maxou! ^^ Toujours aussi ... spécial ce cher poivrot! ^^
C'est toujours aussi barge et c'est trop bon.

C'te musique... C'est le genre de truc qui te reste bien ancré dans la tête! ^^
Il y a 2 ans · Répondre
Br0hoof
Br0hoof : #29969
Nooooon pas la musique pas la musique noooon
Hmmhmm bref un chapitre intéressant en soit
Celestia + douche =moyen de soudoyer Discord °-° fallait y penser

En bref une bonne tranche de rigolade avec de la dépression
Au finale le seul mot à retenir du chapitre : SOS

Il y a 2 ans · Répondre

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