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La Vie Ennuyeuse de Dreary Sky

Une fiction écrite par Betshet.

PARTIE I - Chapitre 3 : Chute

La Vie Ennuyeuse de Dreary Sky

PARTIE I : La Dépression de Dreary Sky

Chapitre 3 : Chute

« Dreary ? Hé, tu m'écoutes ? »

L'étalon, perdu dans ses pensées, n'avait pas entendu Sunflower l'appeler. Celle-ci dut lui tapoter l'épaule pour attirer son attention.

« Hein ? De quoi ? » s'exclama-t-il lorsqu'il se rendit compte qu'il était resté planté là à réfléchir pendant un bon moment.

Sunflower soupira. Elle voyait bien que quelque chose clochait avec son ami et associé, mais celui-ci, comme toujours lorsqu'il avait un problème, ne voulait rien lui dire. Et pourtant, il avait l'air réellement troublé cette fois-ci, et la licorne commençait à s'inquiéter pour son état de santé.

Dreary, lui, n'avait pas conscience de l'inquiétude de son amie. Tout ce qui l'importait depuis sa discussion avec Bon Bon une semaine auparavant était de trouver ce qui clochait chez lui. Il avait passé tout son temps à réfléchir, sans comprendre pourquoi tout lui paraissait si gris, si terne. La nourriture n'arrivait plus à le réjouir, tous les petits plaisirs de la vie de tous les jours lui étaient indifférents. Il en aurait presque pleuré, mais il savait que cela ne ferait qu'empirer les choses.

Il ne lui restait qu'à suivre ses routines, à aller au travail, car c'était bien la seule chose qui pouvait encore l'intéresser. Mais Dreary Sky ne comptait pas le travail comme un amusement. Certes, il avait encore cette étincelle en lui à chaque fois qu'il contemplait l'imposante majesté du château royal, mais c'était naturel pour lui. C'était son talent, ce qu'il était censé faire de sa vie, il était normal que cela l'intéresse et le passionne autant qu'avant.

« Je te demandais si c'était toujours bon pour notre rendez-vous demain. » demanda-t-elle, soucieuse. « Tu n'as vraiment pas l'air en forme. Je comprendrais si tu voulais rester te reposer chez toi, ou même prendre un jour de congé... »

« NON ! Je veux dire, non, ça ira. » corrigea-t-il lorsqu'il se rendit compte qu'il avait un peu trop haussé la voix. « Merci de t'inquiéter, mais je t'assure que je vais bien. J'ai juste... Un peu de mal à dormir, voilà tout ! Ça passera vite. »

Sunflower n'en crut pas un mot, mais ne dit rien, par respect pour la vie privée de Dreary. Après tout, peut-être que cela ne la concernait pas. Mais les cernes de l'étalon qui se creusaient de jour en jour, et le ton avec lequel il avait répondu lorsqu'elle lui avait demandé de se reposer... Elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Elle s'éloigna et retourna au travail, jetant un dernier coup d'œil soucieux à son ami.

Une fois qu'elle fut partie, Dreary se frappa le front de son sabot.

« Quel idiot ! » se blâma-t-il.

Il soupira. Il n'aurait pas dû crier, il savait se contrôler mieux que ça. Mais lorsqu'elle avait proposé de prendre un congé, la simple pensée de rester seul chez lui pendant quelques jours l'avait terrifié. Ces derniers temps, il s'était plongé dans le travail comme un ivrogne se plonge dans l'alcool pour oublier ses soucis. Son travail d'architecte était la seule chose qui tenait encore debout dans sa vie, il s'en rendait compte à présent. Tout le reste n'était que ruines. À chaque fois qu'il rentrait chez lui, cette vérité le frappait de plein fouet. Les photos de sa famille. Les souvenirs de ses amis. La maison elle-même avait été un cadeau de ses parents. Tout chez lui reflétait ce qu'il avait été, ce qu'il aurait dû être, et pourtant, lorsqu'il se regardait dans la glace, tout ce qu'il voyait, c'était une ruine. La ruine d'une vie laissée à l'abandon, sur laquelle le temps avait passé.

Il eut un sourire jaune à la comparaison. Se voir comme une ruine, c'était typique de lui, ça. « Architecte jusqu'à l'âme ».

Et puis ? Architecte, et puis quoi ? Était-ce réellement la seule chose encore debout dans sa vie ? La seule chose qui le reliait aux autres, au monde, à la vie ?

Il soupira. Cela faisait une semaine. Une semaine qu'il se torturait l'esprit. Une semaine que rien ne tournait plus rond. Sa vie lui convenait parfaitement quelques jours plus tôt, sa vie tranquille et réglée, où tout avait sa place... Où il faisait la même chose depuis des années... Où il n'avait jamais fait autre chose que travailler...

Sa vie où il avait pris l'habitude de marcher comme un robot.

Ce fut la quatrième révélation de Dreary Sky, et le mot-clé était ici « habitude ». Le poney terrestre venait de se rendre compte que sa vie entière, du lever au coucher du soleil, était réglée comme du papier à musique. Chaque jour se ressemblait. Tout dans sa vie, sans qu'il ne le réalise, s'était optimisé, s'était organisé, et à présent, inconsciemment, il suivait les directives de son corps, forgé par l'habitude.

Dreary Sky comprit que cela faisait des années qu'il n'était plus le maître de son corps.

Pas étonnant, dès lors, que la nourriture n'ait plus aucun goût pour lui. Pourquoi apprécier le goût de quelque chose lorsque l'on mange uniquement par habitude ? Pourquoi faire l'effort de changer de plat, de tester quelque chose de nouveau, d'apprécier et savourer un bon plat de restaurant ? Au final, tout sera consommé, et le lendemain, la même chose sera resservie. Il en conclut avec horreur que son corps avait été détruit par l'habitude, et que s'il ne ressentait plus rien aujourd'hui, c'est qu'il avait inconsciemment supprimé lui-même toute sensation de plaisir.

Dreary Sky n'était plus qu'une coquille vide.

Une douleur soudaine lui fit brutalement reprendre contact avec la réalité. Il porta le sabot à sa joue, qui lui faisait mal, et regarda autour de lui. Une dizaine d'ouvriers le fixaient étrangement, et il se sentit d'un coup mal à l'aise.

« Dreary. »

La voix venait de devant lui. Sunflower le regardait d'un air plus inquiet que jamais, presque paniquée. Elle avait le sabot levé. Il en déduit que c'était elle qui l'avait frappé.

« Qu-qu... qu'est-ce que... ? Je... » balbutia-t-il, perdu. De son point de vue, il avait juste été encore une fois perdu dans ses pensées quelques secondes, mais apparemment, il s'était passé plus que ça. Le regard de panique de Sunflower commença à lui faire peur.

Celle-ci prit une grande respiration, et prit le visage de Dreary entre ses sabots.

« Écoute-moi bien, tête de mule. Tu vas rentrer chez toi pour aujourd'hui, et je ne veux pas de discussion. » asséna-t-elle fermement.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » finit-il par réussir à demander.

Elle soupira, les yeux fermés. « Tu as fait une crise de panique. Je t'ai laissé seul trente secondes, et tu as commencé à transpirer et à trembler comme une feuille. Je t'ai appelé plusieurs fois, mais tu n'as pas répondu. Tu ne t'es calmé que quand je t'ai giflé. »

L'étalon se rendit alors compte qu’effectivement, il était trempé de sueur, et qu'il tremblait encore légèrement. Une douleur lui compressait la poitrine, et il se sentait exténué. Il tenta de bouger, mais ses jambes étaient trop faibles, et il faillit trébucher. Mais plus que tout, il avait peur. Dreary ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il n'avait jamais fait de crise d'angoisse auparavant, et ce phénomène nouveau le terrorisait. Et la présence d'une dizaine de personnes le fixant bizarrement n'aidait pas. Sunflower sembla s'en rendre compte, et dit aux ouvriers de retourner au travail.

« Écoute, je vais demander à une calèche de te ramener chez toi, et tu vas me promettre de te reposer. Je ne peux pas te faire travailler ici si tu me fais une crise de panique toutes les cinq minutes. Donc pas de discussion. »

Le poney gris, trop confus pour discuter, acquiesça simplement.

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Dreary se réveilla en sursaut.

Il était chez lui, dans son lit. Les couvertures avaient été poussées hors du lit dans son sommeil. Il porta un sabot à son front. Il était en nage.

Il haleta quelques secondes, encore prit dans les dernières bribes du cauchemar qu'il venait de faire. Une fois calmé, il alluma la petite lampe sur sa table de chevet. Plissant les yeux, il regarda l'heure sur son réveil. Il était beaucoup trop tôt pour se lever, mais après un cauchemar pareil, et avec la tête pleine de pensées, il savait qu'il n'arriverait pas à se rendormir. Il avait déjà dû prendre des somnifères pour réussir à se calmer avant de se coucher, et préférait ne pas en reprendre maintenant.

Il se leva, et, les jambes aussi lourdes que du plomb, se dirigea péniblement vers la salle de bains. Là, il s'appuya sur le rebord du lavabo, et se dévisagea dans le miroir.

Il y vit un poney à la fourrure grise, vieux et fatigué. Il ne le reconnut pas. Sa fourrure à lui, même si elle était grise, avait un jour été lustrée et brillante. Celle qu'il voyait dans le miroir n'avait pas reçu ce genre de soins depuis longtemps.

Il regarda la crinière du poney dans le miroir. Elle était, comme dans ses souvenirs, noire et blanche, mais aujourd'hui plus que jamais, ses mèches blanches ressemblaient à des signes de vieillesse. Pourtant, elles avaient été là depuis son adolescence, mais rien à faire. En regardant le poney dans le miroir, Dreary le trouvait vieux.

Malade, aussi. Il avait l'air de ne pas avoir dormi depuis deux jours, alors qu'il sortait d'une nuit de sommeil. Pire, on aurait dit qu'il avait entamé un régime trop brutal, ses côtes commençant à apparaître sous sa peau.

Il regarda le reflet dans les yeux. Ses yeux dont il avait toujours aimé la couleur violette, ses yeux dont il était si fier, aujourd'hui, lui paraissaient, eux aussi, ternis. Dreary Sky avait l'impression que tout dans sa vie avait été recouvert d'un filtre en noir et blanc. Ironique, quand on regardait la couleur de son pelage, de sa crinière et de sa queue. C'était la première fois qu'il se sentait comme un personnage de vieux film dans un dessin animé en technicolor, alors qu'il avait porté ces couleurs toute sa vie.

Il repensa quelques secondes à ce que lui avait dit Bon Bon. Elle s'était teint les cheveux, afin d'échapper à la spirale de pensées que vivait actuellement Dreary. Peut-être était-ce là la solution, mais il en doutait. Changer la couleur d'un objet ne servait à rien, si le problème venait de lui. Il avait vécu des dizaines d'années avec ce pelage, s'il avait un problème, c'était donc à l'intérieur qu'il se trouvait.

Dreary se passa de l'eau sur le visage. Le contact du liquide frais le sortit momentanément de ses sombres ruminations. « Je dois réagir » se dit-il, sortant de la salle de bains.

Il se déplaça silencieusement dans sa maison vide, traversant à l'instinct des pièces plongées dans le noir. Le son de ses pas feutrés sur le sol le rassurait étrangement. Doucement, il se dirigea vers son atelier, la pièce où il rangeait tous ses outils créatifs. Il en ouvrit la porte, alluma la lumière, et fut accueilli par la vue d'un bazar monstre. Des feuilles et des plans gisaient partout dans la petite pièce, des crayons et autres instruments de mesure et de dessin traînaient un peu partout. En entrant, l'architecte faillit poser le sabot sur un compas. Il rassembla les feuilles éparpillées par terre, puis les posa sur le coin d'une table, et commença à ranger son matériel de dessin dans les tiroirs prévus à cet effet.

Il s'était peu rendu ici ces derniers temps, occupé par son travail au château et ses problèmes, mais c'était là qu'il passait le plus clair de son temps, il fut une époque. Sortant d'anciens plans de cartons poussiéreux, il contempla quelques secondes les projets démesurés du jeune architecte qu'il fut. Des palais dont la hauteur dépassait celle du château royal, des maisons aux formes tordues et complexes... Tant de projets ambitieux mais irréalisables, qui le faisaient pourtant rêver, plus jeune. Il rangea les dessins avec un sourire nostalgique.

Alors, Dreary vit la solution à son problème. Cela faisait bien trop longtemps qu'il ne s'était pas investi à fond dans son travail. Si rien d'autre ne marchait, il allait faire ce pour quoi il était né, ce que sa Cutie Mark le destinait à faire. Il allait de nouveau créer, partir dans des projets fous, et s'abîmer dans ce qui était autrefois sa passion et qui était aujourd'hui devenu son travail.

Il prit une feuille vierge, réunit le matériel minimum sur son bureau derrière lequel il s'assit, et, un sourire aux lèvres, Dreary commença à dessiner.

Deux heures après, sa feuille était toujours vierge.

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Note de l'auteur

J'ai du wi-fi! Voilà donc le chapitre 3 de la vie ennuyeuse de mon cher Dreary Sky.
Le chapitre 4 arrive dans deux ou trois jours.
Encore merci à tous ceux qui commentent et notent ma fiction, savoir que mon travail est lu et apprécié motive énormément.

PS : J'ai remarqué que lorsque l'on supprime un chapitre, le nombre de mots total de la fiction ne diminue pas... Or j'avais "caché" des chapitres pour tester le traitement de texte, la validation et plein de détails, et quand je les supprime et que je les republie pour que ceux qui suivent la publication aient la notification, ça double le nombre de mots. Du coup en vrai y'a pas 19000 mots dans la fiction.

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