La Vie Ennuyeuse de Dreary Sky
PARTIE I : La Dépression de Dreary Sky
Chapitre 2 : Ruines
Canterlot, la nuit, est peut-être aussi animée qu'elle l'est durant la journée. On y trouve de nombreux bars, boîtes de nuit, et autres établissements faits pour que les poneys puissent s'amuser sans retenue jusqu'aux premières heures du matin. La ville a toujours été connue pour ses nuits, qui semblaient, ces derniers temps, être de plus en plus actives, sans aucun doute grâce à l'influence récente de la princesse Luna. Ses fêtes nocturnes sont renommées dans tout Equestria, et sont ouvertes à tous, des nobles en manque d'amusement aux citoyens insomniaques.
Mais si Dreary Sky errait dans les rues de la capitale cette nuit-là, ce n'était pas pour s'amuser, ni même pour se soûler jusqu'à en oublier qui il était. Car c'était bien l'inverse qu'il cherchait à faire en ce moment, savoir qui il était.
Il se baladait au hasard dans les quartiers animés de la ville, mais ne prêtait guère attention aux fêtards et aux ivrognes autour de lui. De temps en temps, il jetait un œil à l'entrée d'une boîte de nuit, les vibrations de la musique se répercutant à des mètres à la ronde, mais reprenait toujours son chemin, de son pas lent et régulier.
Voilà encore une chose dont l'étalon avait pris conscience après sa réalisation soudaine : il marchait comme un métronome, chaque pas faisant exactement la même distance, chaque mouvement étant réglé au centimètre près. Dreary savait qu'il aimait bien l'ordre, mais était effrayé à l'idée qu'inconsciemment, il ait pris une telle habitude.
Et pourtant, alors qu'il errait sans but, il se demandait ce qui n'allait pas chez lui. Depuis plusieurs semaines, il ne se sentait pas bien. Ce n'était pas une sensation physique, mais plus quelque chose d'inconfortable, une sensation qu'il ne parvenait pas à identifier, et qui commençait peu à peu à le ronger. Jusqu'à ce qu'il réalise que plus rien ne l'intéressait.
Il avait essayé de faire une liste de ses activités favorites, mais ne trouvait rien qui ne l'intéresse réellement. Rien qui ne fasse briller ses yeux comme avant. Tout, à ses yeux, lui paraissait gris et sans intérêt. Mais il refusait cette pensée. Il refusait de croire qu'il était devenu aussi insensible au monde extérieur.
Une idée le traversa. Un plaisir que tous les poneys ont en commun, car biologique, était manger. Il suffisait qu'il entre dans un restaurant, commande son plat favori, et le déguste en le savourant. Ce genre de petits plaisirs de la vie ferait sûrement revenir en lui cette petite étincelle qui l'ouvrirait aux autres activités qui lui faisaient autrefois plaisir. Il suffisait de ça. C'était forcément la solution.
Son entrain retrouvé, le poney terrestre se dirigea vers son restaurant habituel, espérant y retrouver ce qu'il avait perdu.
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La clochette sonna deux fois. La première quand la porte s'ouvrit, la deuxième lorsqu'elle se referma. Les conversations s'interrompirent quelques secondes, les clients tournant leurs regards vers le nouvel arrivant, puis s'en désintéressèrent et retournèrent à leur discussion et leurs plats.
Le bar de Steamy Pot était l'un des rares établissements fréquentables ouverts à cette heure de la nuit. En général, les bars qui se permettaient de rester ouverts la nuit étaient des repaires de fêtards beaucoup trop alcoolisés pour se tenir correctement (le barman étant lui aussi plus ou moins amoché, Dreary préférait se tenir à l'écart de ce genre d'endroits).
Steamy Pot, lui, était un Poney Nocturne, et connaissait son métier. Il restait ouvert toute la nuit, et savait se montrer ferme avec les différents soiffards qui tentaient de se soûler à mort. Mais pour ses habitués, il était un poney des plus sympathique, toujours prêt à vous faire la conversation.
Lorsqu'il vit entrer Dreary, le visage du barman s'éclaira, puis un air inquiet remplaça bien vite son expression de joie lorsqu'il vit que quelque chose clochait chez son habitué. Quand celui-ci arriva jusqu'au bar, il tenta de le réconforter :
« Dure journée, je parie. »
Dreary soupira : « Même pas. Mais ne t'en fais pas, ça va passer. J'ai juste besoin d'un remontant. Oui, un bon petit plat et tout ira beaucoup mieux. »
La façon dont il avait dit cette phrase fit hausser un sourcil au barman. Il pouvait se tromper, mais il avait l'impression que le poney gris tentait de se convaincre lui-même. Dans tous les cas, quelque chose ne tournait définitivement pas rond.
« Écoute, je vais demander au chef de te faire son meilleur plat, ça va te requinquer. Va donc t'asseoir où tu veux, et détends-toi pour le moment. Et si tu veux parler à quelqu'un, n'oublie pas que je suis là. »
« Merci, Steamy. »
Suivant le conseil, Dreary s'approcha de sa table favorite, au fond de la salle. Seulement, quelqu'un y était déjà assis. Haussant les épaules, il s'apprêtait à aller chercher une autre place, lorsqu'il reconnut la jument assise à la table.
« Bon Bon ? »
La jument à la fourrure crème et à la crinière rose et bleu, en entendant son nom, leva les yeux, et un grand sourire apparut sur son visage lorsqu'elle reconnut qui l'avait interpellée.
« Dreary ! Wow, ça fait un bail ! » s'exclama-t-elle.
« Tu m'étonnes ! » continua-t-il en s'asseyant en face de son amie. « Ça fait, quoi, cinq ans ? Qu'est-ce que tu deviens ? »
« Oh, je me suis posée à Ponyville. C'est un village tellement reposant, bien plus calme que Canterlot. J'ai pris la bonne décision en m'éloignant de cette ville, je crois. »
« À ce point-là ? » demanda-t-il, un peu étonné. « Je veux dire, je peux comprendre que certains n'aiment pas trop l'agitation, mais Canterlot a ses charmes aussi. »
« Dreary, tu dois être le seul poney que je connais pour qui le « charme » de Canterlot est son architecture. Tu es toujours autant obsédé par ça, à ce que je vois. »
Dreary sourit, le ton de son amie faisant monter en lui une vague de nostalgie. Il est vrai qu'il avait été réellement passionné, à l'époque. Mais ce temps était passé.
« Non, plus tant que ça. Je veux dire, évidemment que j'aime les belles constructions, c'est un peu mon métier, tu te souviens ? Mais si je dis que j'aime Canterlot, c'est avant tout à cause de... »
Il s'arrêta. Pour la deuxième fois de la journée, Dreary Sky le poney terrestre réalisa quelque chose.
« Pourquoi est-ce que je reste ici, déjà ? » pensa-t-il à voix haute.
Elle eut un petit rire. « Tu vois ce que je veux dire ? »
Mais l'étalon gris était réellement troublé par la question. Bien sûr, tout ce qui avait trait à la construction l'attirait, c'était son talent après tout. Il n'avait pas un marteau comme Cutie Mark pour rien. Mais cela l'empêchait-il vraiment de quitter la capitale ? Ou avait-il décidé inconsciemment qu'il passerait le reste de sa vie dans son cocon confortable ?
« En parlant de ton métier, » continua Bon Bon, inconsciente du trouble qui agitait son ami, « où est-ce que tu en es ? La dernière fois que je t'ai vu, tu parlais de monter ta propre société, non ? »
Sortant de ses pensées, il mit quelques secondes à comprendre la question.
« Oui ! La société. Oui, ça s'est parfaitement bien passé. Je me suis mis en association avec une architecte renommée qui voulait aussi avoir sa propre affaire, et on gère actuellement une équipe d'une centaine d'ouvriers, et d'une dizaine d'architectes. On a le vent en poupe, en ce moment, grâce – ou plutôt à cause – des diverses catastrophes qui ont frappé Equestria cette année. »
« Oh, ne m'en parle pas. » soupira-t-elle. « Vous avez de la chance, ici, vous n'avez eu que les quelques grosses catastrophes. À Ponyville, depuis l'arrivée de la princesse Twilight, si on a pas au moins une catastrophe par semaine, certains vont vérifier qu'elle n'est pas malade. »
Dreary faillit s'étouffer de rire avec le verre d'eau qu'il était en train de boire.
« Et tu dis que c'est un village paisible ? » demanda-t-il une fois calmé.
« On s'y fait. Et tous les poneys y sont vraiment sympathiques. D'ailleurs– »
Elle fut interrompue par Steamy Pot, qui apportait les plats des deux clients.
« Je vois que tu as trouvé de la compagnie ! » dit-il avec un clin d'œil à son habitué.
« Que – non, Steamy ! C'est une vieille amie ! Et tu sais très bien que je suis marié. »
« Et je sais aussi que ça fait plus d'un an que vous êtes séparés. » rétorqua-t-il. « Il serait peut-être temps de penser à – »
« Non. »
La réponse tomba comme un bloc de ciment sur la table. Steamy Pot déglutit en voyant le regard froid de son ami. Le message était très clair.
« Okay Dreary, je me mêle de ce qui me regarde. Appelez si vous avez besoin de quelque chose. » dit le Poney Nocturne en s'éloignant.
Bon Bon avait suivi l'échange avec étonnement, mais n'avait rien dit. Une fois le barman parti et le silence retombé, elle reprit la parole :
« Est-ce que tu veux en parler ? » demanda-t-elle doucement.
« Non, pas maintenant. Ce – c'est compliqué. » répondit-il, hésitant. Il se sentait plus fatigué que jamais. Ne voulant pas aller plus loin dans la conversation, il se concentra sur son plat et commença à manger.
Haussant les épaules, Bon Bon ne fit aucun commentaire, et reprit la conversation : « Donc je te disais, tout le monde y est vraiment sympathique et accueillant. J'y ai rencontré une licorne, Lyra, qui m'a fait faire le tour du village à mon arrivée... »
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Dreary et son amie échangèrent des banalités pendant quelque temps, chacun se racontant sa vie, rattrapant cinq ans de séparation. À un moment de la conversation, Bon Bon demanda :
« Je vais rester à Canterlot quelques jours, pour voir ma famille. Est-ce que tu as des endroits que tu me conseilles de visiter ? Tu connais mieux la ville que moi, je pense. »
L'étalon réfléchit quelques secondes. « Je ne sors pas beaucoup, donc je ne connais pas vraiment les lieux populaires de la ville ces temps-ci. Mais le château royal reste un incontournable. »
La jument regarda son interlocuteur, consternée. « Dreary, ça fait plus de cinq ans que tu vis ici. Tu me dis que tu n'as jamais réellement visité la ville ? »
« Si, bien sûr que si, mais juste dans les rues. Je n'ai jamais fait de musée, je ne suis jamais allé en boîte... » Il s'interrompit, prenant encore une fois conscience du vide de sa vie. « Mais c'est parce que je travaille beaucoup. Je suis en charge des réparations du palais, tu sais ! »
« Oui, c'est impressionnant, mais, tu n'as jamais envie de... faire une pause ? Je sais pas moi, d'aller t'amuser, d'oublier le travail. Ça ne t'es jamais arrivé ? »
« C'est que... » répondit-il, visiblement gêné. « Je ne suis pas très sociable, tu le sais bien, et... Et j'aime mon travail, surtout... Je... »
« Dreary, réponds-moi franchement. Es-tu heureux ? »
Cette phrase fit l'effet d'une douche froide à l'architecte. C'était la troisième réalisation qu'il avait aujourd'hui, et de loin la pire. Il ne savait même pas s'il était heureux.
Il ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois, le cerveau bloqué sur la question de son amie se répétant en boucle dans sa tête, jusqu'à ce qu'il réussisse à bégayer : « Je... Je ne... »
Comprenant le déchaînement de pensées qui devait agiter la tête du poney gris, Bon Bon tenta de le calmer :
« Ne t'en fais pas. Je suis passée par là, moi aussi. »
Stoppant net dans ses réflexions, Dreary fixa la jument en face de lui.
« Pourquoi crois-tu que j'ai quitté Canterlot sur un coup de tête pour aller m'installer dans un petit village perdu ? » demanda-t-elle rhétoriquement. « Je ne me sentais pas bien dans ma vie, à l'époque. J'avais l'impression que rien n'avait d'importance, et rien ne me faisait réellement plaisir. Pour moi, chaque jour ressemblait au précédent. »
Dreary acquiesça, écoutant attentivement l'histoire.
« Alors j'ai décidé de tout changer. De tout arrêter, et de repartir à zéro. J'ai changé de métier, j'ai changé de ville, j'ai teint ma crinière, » elle passa un sabot dans ses mèches roses « j'ai même décidé de changer de bord – et ça m'a bien réussi, vu que je suis en couple avec Lyra depuis trois ans. J'ai voulu tout recommencer, j'ai une nouvelle vie, et je suis beaucoup plus heureuse qu'avant. »
« Tu penses que je devrais faire pareil ? » demanda-t-il d'une voix faible.
« Pas forcément. Ça dépend de chacun, et toi-même tu peux ne pas savoir ce que tu veux réellement. Pour moi, changer de vie a été le bon choix, peut-être qu'il ne t'ira pas. »
Ils restèrent silencieux quelques secondes, Dreary réfléchissant à ce qu'il voulait réellement faire de sa vie. Après un temps, il leva les yeux.
« Je vais y réfléchir, Bon Bon. Merci de tes conseils. »
La jument sourit, puis se leva.
« Je dois partir, maintenant, avant que mon hôtel ne ferme. Ça m'a fait plaisir de te revoir, Dreary Sky. J'espère que tout ira bien pour toi. »
« Merci de m'avoir parlé. Bonne nuit. »
Elle se dirigea vers la sortie, et fit tinter la clochette en partant.
Seul, il soupira. Il était entré dans le restaurant dans l'espoir de trouver ce qui n'allait pas chez lui, et il avait maintenant encore plus d'inquiétudes et de questions. Il remarqua alors qu'il n'avait pas touché à son assiette, qui avait largement eu le temps de refroidir. Il prit une bouchée de son plat.
La nourriture n'avait aucun goût.
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Non c'est ma faute, j'aurais dû le préciser dans la note de l'auteur ><
J'ai pris d'autres petites libertés de VF dans d'autres chapitres, j'espère que ça ne gênera personne ^^
Concernant la fic en elle-même, elle m'intéresse de plus en plus. Comme d'habitude, j'attendrai un peu avant de noter, mais il est probable que je mette un "à lire" à terme : la narration est fluide, je n'ai remarqué aucune fautes, le background est sympa. J'ai juste un peu tiqué à la mention de poney nocturne, j'imagine que tu parle de ce qu'on appelle communément les batponies, mais j'ai un peu de mal avec le concept. Étant un humain relativement "nocturne", je n'ai pas pour autant d'ailes de chauves-souris (dommage).
EDIT : Je viens de voir que tu disais vouloir utiliser ce terme dans ton article sur le groupe de relecture, désolé si mon commentaire t'as semblé un peu récurent ^^'