L'arbitre

Cadence se releva difficilement en grognant entre ses dents. Elle avait la nausée et ne voulait déjà plus que retourner se coucher, mais elle avait un rendez-vous très important et ne pouvait le manquer sous aucun prétexte. Elle referma la porte de son logement avant de descendre lentement les marches de la petite habitation. C’était un immeuble des vieux quartiers de Canterlot, ce qui expliquait la taille plutôt réduite des appartements. Mais cela importait peu pour l’alicorne, cette zone de la capitale était habitée par la magie de l’ancien temps, car c’était l’une des rares parties de la ville qui avait été conservée le plus longtemps avec ses maisons étroites, mais très hautes, ou encore les rues sinueuses habillées de vieux pavés polies par les sabots et les pluies.

Ce genre de lieu qui regorgeait de cette magie ancestrale attirait forcément la plupart des créatures surnaturelles en quête de puissance. Il était normal que Uncle Wing habite lui-même dans ce quartier étant donné qu’il était toujours à la recherche d’objet étrange qui aurait pu être utilisé par le passé.

Cadence quitta enfin la vieille bâtisse et plissa les yeux pour diminuer l’intensité des rayons du soleil. Il devait bientôt être six heures à en juger par la position de l’astre diurne. Le marché n’allait fermer qu’à neuf heures, mais la Marshall avait déjà perdu la trace de la jument et de son arbitre. Pourtant, elle ne semblait pas s’en faire une seule seconde, elle décida même de se diriger vers l’un des nombreux stands qui jonchaient la rue principale. Celle-ci proposait de nombreuses pâtisseries traditionnelles venant de Vanhoover et permettait même d’acheter tous les ingrédients pour en refaire chez soi. Cadence se contenta d’acheter un petit sachet contenant une douzaine de baisers de Yan et paya avec le peu d’argent qu’elle avait emporté dans sa précipitation pour quitter son appartement.

Elle ouvrit le sachet en se baladant paisiblement dans le marché. Les baisers de Yan étaient des petites pâtisseries composées de deux macarons croustillants avec de la crème au beurre et saupoudrés de sucre glace. Cadence n’avait pas l’air de s’inquiéter de ne pas trouver la jument, car elle était sûre de croiser son chemin. En effet, Luna lui avait prédit qu’elle allait se retrouver en face d’elle. La jument rose continua de manger tranquillement les petits gâteaux en observant les autres stands. Il y en avait un qui vendait de la teinture pour crinière, ce qui fit aussitôt stopper l’alicorne. Sa mèche noire ne la dérangeait pas pour son esthétique, mais pour ce qu’elle représentait. La crinière était une chose importante pour les poneys d’Equestria. En réalité, elle représentait une partie de leur âme. Et quand cette dernière se liait à une autre, il pouvait y avoir quelque problème quand l’âme sœur disparaissait brusquement. La crinière continuait ainsi de refléter l’âme dans son ensemble, dans sa lumière comme dans ses parts les plus obscures.

Mais elle refusait de cacher cet échec. S’il lui avait été plutôt facile de se séparer du pendentif de Shining c’est parce que celui-ci la retenait dans le passé, l’empêchait de lui donner la force de poursuivre le monstre qui l’avait enlevé. Sa crinière sombre lui rappelait qu’elle devait avancer, continuer de le traquer, pour récupérer son âme sœur.

Jetant un coup d’œil sur un autre stand, elle remarqua une pégase qu’elle avait aperçu il n’y a pas si longtemps de ça. Juste à ses côtés, un poney quasi deux fois plus grand qu’elle et entièrement gris semblait attendre quelque chose. Il ne bougeait pas d’un millimètre et restait totalement sourd à tous les bruits et à l’agitation qui l’entourait. Il se contentait de rester debout, juste à côté de la jument jaune canari. Cette dernière était en train d’observer un étalage sur lequel reposait une quantité incroyable de pommes toutes en provenance d’Appleloosa. La marchande n’arrêtait pas de vanter la saveur et la fermeté de ses fruits à qui voulait l’entendre. Pourtant, elle ne semblait pas faire attention à la pégase qui observait ses pommes. En un battement d’ailes qui simulait un vague geste pour se gratter, la jument jaune canari embarqua deux pommes sous son aile avant de s’éloigner du stand.

La Marshall en avait le souffle coupé. Pas par le geste de la jument, mais par le regard qu’avait présenté l’arbitre à cette dernière. Il avait lentement ouvert les paupières pour dévoiler deux orbes rouges unies, brûlant d’une colère toute dirigée à son attention. Il désapprouvait ce qu’elle venait de faire, et Cadence se demandait comment la pégase ne l’avait pas ressenti. Même s’il fallait être doté de capacité de perception bien plus développée pour voir ce genre de créature, il fallait être complètement sourd et aveugle pour ne pas sentir une telle énergie irradier les alentours.

L’alicorne se mit à suivre discrètement la jument, toujours collée par son arbitre, qui ne semblait pas vouloir agir tout de suite. Peut-être qu’il lui fallait attendre un moment où ils seraient seuls. Cadence n’allait certainement pas laisser les choses prendre cette tournure, c’est pourquoi elle continua de la suivre sans intervenir. Elle ne savait pas ce qui allait réellement provoquer une réaction de la part de l’arbitre. Uncle Wing lui avait dit qu’il avait tué l’étalon avec un couteau de cuisine juste après avoir ouvert les yeux, de plus, il avait fait en sorte que l’étalon utilise ses propres sabots pour tenir la lame. Cadence en déduisit qu’il lui fallait peut-être une arme pour agir… mais vu sa taille, il n’aurait pourtant aucun mal à s’occuper d’une jument à sabot nu.

Si Cadence ne craignait pas de précipiter les choses, elle aurait interpellé la pégase depuis un moment pour la prévenir. Mais là encore, elle se confrontait à un nouveau problème : elle passerait pour une échappée de l’asile. C’était le plus gros problème pour un individu possédant ce genre de dons, personne ne vous croyait. Et c’était bien normal, Cadence elle-même n’aurait jamais cru ce genre d’histoire avant de les voir de ses propres yeux, et encore maintenant elle avait du mal à y croire par moment.

C’est pourquoi elle continua sa filature, avant de se stopper net, quand cette dernière se retourna brusquement pour la dévisager. Cadence écarquilla les yeux, remarquant après coup que ce n’était certainement pas l’attitude à aborder lorsque quelqu’un vous regarde en se demandant si vous n’êtes pas en train de la suivre. La jument reprit alors sa route, mais d’un pas beaucoup plus rapide.

Elle en était certaine, si elle ne la rattrapait pas très vite, elle allait s’envoler, heureusement, la pégase avait vu que sa poursuivante était elle aussi dotée d’aile, c’est pourquoi elle n’avait pas encore prit son envol. Elle attendait sûrement que Cadence perde sa trace pour pouvoir déguerpir à tir d'aile.

La pégase canari bifurqua à plusieurs reprises dans les allées sinueuses des vieux quartiers de Canterlot. Elle pensait semer Cadence, mais cette dernière avait déjà repris son calme. Luna avait dit qu’elles se parleraient, alors il ne pouvait en être autrement. C’est pourquoi l’alicorne se contenta de la suivre en trottinant, peu inquiète de la perdre.

Au fur et à mesure que Cadence se rapprochait, la pégase accélérait l’allure. Bien vite, elle se retrouva à galoper pour fuir l’alicorne. Deux gardes se trouvaient en face de la pégase, celle-ci décida donc de tourner dans une petite ruelle, très certainement pour fuir en volant. Heureusement, la Marshall connaissait bien le quartier et savait que cette sortie était en réalité une impasse. Elle la rejoignit néanmoins sans perdre de temps pour éviter qu’elle utilise ses ailes, mais une fois dans la ruelle, la scène qu’elle découvrit la fit s’arrêter brusquement.

La jument était accoudée contre le mur d’une bâtisse et semblait ne plus savoir respirer. L’arbitre y était pour quelque chose puisqu’il utilisait les propres sabots de la jument pour lui comprimer la gorge. Cela confirmait les doutes de Cadence, il attendait d’être seul pour agir.

« Arrête ça ! » Hurla-t-elle en se précipitant. Son sang n’avait fait qu’un tour et elle n’avait pas réfléchi plus que de raison avant de se mettre à galoper vers la jument canari et l’arbitre. L’alicorne sauta les pattes en avant, en espérant pouvoir toucher la créature et ne pas juste passer à travers. En effet, elle sentit quelque chose de solide sous ses sabots lorsqu’elle approcha au niveau de son épaule. L’arbitre fut repoussé contre le mur de l’impasse, et Cadence s’approcha aussitôt de la pégase en lui tendant un sabot pour lui intimer de la suivre.

« Ne m’approchez pas ! » Hurla cette dernière recroquevillée sur elle-même en portant un sabot à sa gorge. « Laissez-moi tranquille, je ne vous ai rien fait !

- Vous ne comprenez pas, je suis là pour vous aider !

- Vous mentez, c’est vous qui m’avez fait ça ? » Dit-elle en se frottant l’encolure.

Cadence se rapprocha d’elle pour la presser un peu et fuir l’arbitre. La pégase ne pouvait pas le voir, mais il était en train de se relever lentement, comme s’il n’était pas pressé d’en finir.

La jument canari se jeta alors sur l’alicorne pour la repousser. Cette dernière trébucha au sol et fit étendre une de ses ailes, dévoilant par la même occasion les lames qu’elle avait attaché grâce aux holster de cuir qu’elle avait autour de la taille.

La pégase se rua alors sur elle pour lui en dérober une et la pointer devant Cadence.

« Qui êtes-vous ? Pourquoi vous me suivez ? C-c’est parce que j’ai volé une pomme ? Vous venez me tuer pour ça ? » Interrogea-t-elle en tenant le couteau de ses deux sabots tremblant.

« Pas du tout, je vous ai dit que je venais pour vous aider ! » Expliqua l’alicorne quelque peu sur les nerfs.

« M-me sauver de quoi !? »

Cadence ne répondit rien et tourna son regard vers l’arbitre qui n’était plus dans le fond de la rue, mais juste à côté de la jument. Il n’avait pas l’air de vouloir reprendre ses assauts et fixait l’alicorne rose d'une manière qu’on aurait pu qualifier d’intense. Il ne la dévisageait pas particulièrement, mais semblait observer quelque chose au niveau de son ventre.

Baissant les yeux pour voir l’objet de la curiosité de l’arbitre, Cadence aperçut une large entaille au niveau de son ventre. Elle n’était pas profonde, mais laissait couler de fins filets de sang. Elle avait certainement été faite lorsque la pégase canari lui avait volé son couteau.

L’alicorne reporta alors aussitôt son regard sur l’arbitre et eut une vision d’horreur qui la fit trembler. Il était en train de sourire, pas un sourire joyeux comme pourrait arborer un poney normal, non, un sourire qui dessinait une ligne qui partait de la base d’une de ses oreilles pour aller jusqu’à l’autre. Des crocs immenses. On aurait pu se demander comment ils pouvaient être aussi grands sans transpercer sa bouche ; visibles alors qu’il étirait encore et encore les lèvres. Quelque chose de vivant brillait dans son regard, et ce n’était rien d’amical, c’était un vengeur et non un arbitre.

Il attrapa la gorge de la pégase avant de la plaquer contre le mur le plus proche. Il s’était dressé sur ses postérieurs, empêchant ainsi la pégase de toucher le sol de ses sabots. Il était encore plus grand dressé ainsi pensa Cadence en hésitant. Elle le vit utiliser l’un des sabots de la jument qu’il tenait pour la plaquer contre le mur tandis qu’il s’emparait de l’autre sabot de la jument canari, celui qui tenait le couteau qu’elle avait volé à la Marshall.

Cadence se précipita pour le repousser comme la dernière fois, mais on aurait dit que l’arbitre avait remplacé sa peau grise pour du marbre, car elle ne réussit pas à le faire bouger d’un centimètre. Voyant la lame se rapprocher de la gorge de la jument l’alicorne se précipita à nouveau pour arrêter l’arbitre. Elle savait qu’elle n’arriverait pas à repousser l’arme, elle battit des ailes pour s’agripper à la patte de l’entité qui contrôlait celle de la jument, équipée de l’arme.

Elle fit peser tout son poids contre le bras de l’arbitre, mais celui-ci ne semblait pas être incommodé par la jument alors même qu’elle ne touchait plus le sol. Cadence utilisa ses pattes postérieurs pour pousser contre le mur où était plaqué la jument et ainsi exercer encore plus de résistance, mais la lame avançait toujours lentement vers la gorge de la pégase.

« Bordel, tu vas lâcher saloperie ! » Éructa l’alicorne en usant de toutes ses forces pour repousser le sabot de l’arbitre. Mais il semblait inflexible. Et avançait toujours, petit à petit. Cadence pouvait voir la lame qui se colla alors lentement sur la gorge de la jument.

Pourquoi lui faisait-il ça ? C’était parce qu’elle avait volé des pommes ? Il avait essayé de l’étrangler au début, mais Cadence était intervenue avant qu’il n’en finisse… Après, les choses sont devenues étranges. Il s’était mis à sourire lorsqu’il avait vu la blessure de l’alicorne et s’était remis à l’attaque. Peut-être qu’il ne faisait plus ça pour les pommes, mais pour le sang qui avait été versé. Qu’est-ce qu’insinuait Luna et Chrysalis en disant que Cadence était incapable de faire preuve d’indulgence ? Peut-être qu’il y avait un moyen de stopper l’arbitre si la personne lésée intervenait…

« Je te pardonne ! » S’exclama-t-elle à la face de la jument, dont la lame avait commencé à entailler la chair.

L’arbitre s’immobilisa brusquement. Cadence aurait voulu louer le soleil, mais la créature disparue brusquement ce qui fit tomber les deux juments à terre. En heurtant le sol, la pégase se blessa le sabot avec le couteau qu’elle lâcha. L’alicorne se releva en grognant et en se frottant l’arrière du crâne, mais oublia très vite sa douleur quand elle entendit les pleures de la jument canari.

Elle avait beau l’avoir attaquée, la Marshall ne pouvait pas lui en vouloir d’avoir eu peur alors qu’elle se faisait étrangler par quelque chose d’invisible. Cadence se rapprocha d’elle alors que cette dernière était complètement recroquevillée sur elle-même, en train de pleurer.

« Ça va aller… » Bredouilla l’alicorne avec peu de conviction. « Ce serait trop long à vous expliquer, mais vous ne risquez plus rien à présent.

- Mais qu’est-ce qui vient de se passer ? » Demanda-t-elle presque en hurlant tellement elle était à bout de nerf.

La jument rose s’assit juste en face d’elle et tenta de la relever avant d’examiner sa patte. La plaie n’était pas profonde, mais il fallait s’en occuper pour éviter qu’elle ne s’infecte. C’est pourquoi l’alicorne fit briller sa corne pour recouvrir la blessure d’un halo rose. La pégase agita aussitôt le sabot comme si on lui jetait un mauvais sort, mais s’immobilisa aussitôt en voyant qu’elle n’arrivait pas à se défaire de l’emprise de la Marshall.

« Vous ne risquez plus d’aggravation de la blessure, mais je vous conseille d’aller mettre un bandage dès que possible.

- Qu… qui êtes-vous ? » Elle avait les yeux rouges d’avoir trop pleuré.

« Marshall Mi amor Cadence.

- Marshall ?

- Oui, pour vous la faire courte, j’étais à la poursuite de la chose qui a tué votre rendez-vous d’hier soir.

- Red Wipe ? » Dit-elle en posant un sabot sur sa bouche en écarquillant les yeux. « J-je vous jure que je n’y suis pour rien… J-je l’ai menacé parce qu’il ne m’avait pas pay… » Elle fut interrompue par le sabot rose de l’alicorne qui se plaça entre elles.

« Je sais, je ne parlais pas de vous, mais de la chose qui s’est mise à votre poursuite après en avoir fini avec lui.

- M,-mais… je n’ai rien vu…

- Et pourtant. » Dit-elle en haussant un sourcil en approchant son visage de celui de l’innocente. « Êtes-vous sûre qu’il ne s’est rien passé dans cette ruelle ? »

Les yeux de la jument s’écarquillèrent encore plus avant de reprendre un air plus triste. Mais étrangement, la pégase réussit à se reprendre avant d’exploser en larme et demanda sur un ton grave : « Comment puis-je vous remercier ? »

Cadence se mit à lui sourire avant de pencher la tête sur le côté.

« J’habite à la quatrième rue du vieux quartier, la maison avec la porte rouge… pourquoi ne pas venir me rendre visite un soir la semaine prochaine ? » Proposa-t-elle en haussant un sourcil et en jugeant la pégase de haut en bas.

Cette dernière fronça les sourcils d’incompréhension avant de bégayer : « J-je crois, que je ne vous comprends pas… » Elle continua de dévisager l’alicorne qui laissa un sourire étirer ses lèvres. Elle reprit plus vivement : « Attendez… vous ne me demandez pas de… » Elle réfléchit ensuite à ce qu’elle venait de traverser et ce qu’avait fait l’alicorne pour elle. Elle laissa alors un sourire apparaitre sur son visage à son tour et se releva en même temps que la jument rose pour lui dire d’une voix mielleuse : « La maison avec la porte rouge dans la quatrième rue ? »

Cadence hocha la tête.

« J’y serai. » Conclut-elle avant de s’éloigner de l’alicorne en faisant onduler ses hanches et en fouettant l’air avec sa queue. « Je fais de très bons massages pour les ailes. » Informa-t-elle avant de disparaitre en tournant au bout de la ruelle.

Cadence n’oubliait pas qui elle était et n’ignorait certainement pas sa malédiction. Elle n’avait pas honte de profiter ainsi d’une personne qu’elle venait de sauver, après tout, c’était elle qui lui avait demandé ce qu’elle pouvait faire pour lui rendre service.

Elle n’eut malheureusement pas le temps de profiter longtemps du bonheur de la tâche accomplie, car elle sursauta en voyant l’arbitre apparaître juste en face d’elle, lui bloquant le passage vers la sortie du cul-de-sac. Elle maugréa une insulte en faisant un pas en arrière. L’arbitre ne semblait plus vouloir s’attaquer à la pégase et avait son visage dirigé vers elle. Pourtant, il gardait les yeux fermés, cela signifiait peut-être quelque chose. Il fit un pas un avant, suivit d’un autre, et ainsi de suite. Il n’avait pas l’air de vouloir l’attaquer, c’est pourquoi l’alicorne resta figée autant par la peur que par l’attente d’une véritable offensive.

L’arbitre s’arrêta à moins d’un mètre de l’alicorne et baissa sa tête pour qu’elle puisse voir ses paupières s’ouvrir lentement. Ses yeux n’étaient plus rouge vif, mais d'un bleu azur tout simplement surnaturel. Cadence ne savait pas ce que cela signifiait, mais à l’heure actuelle, elle n’avait plus si peur de lui.

Elle fit alors un pas de côté pour le contourner et il se contenta de la regarder faire, sans émettre la moindre protestation. Une fois que la jument fut de l’autre côté de l’arbitre, celui-ci se retourna lentement avant de lever brusquement les pattes en l’air. Le cœur de cadence manqua un battement et elle n’eut pas le temps d’éviter le coup, qu’il était déjà sur elle. Elle se retint sur ses quatre sabots pour supporter le poids imposant de la créature qui enserra la taille de la jument de ses longues pattes.

Elle s’exclama violemment avant de constater que l’arbitre ne faisait rien pour l’attaquer. Il se mit même à frotter son visage aux yeux bleu contre son encolure.

« T’étais sur le point de tuer une jument et maintenant tu fais un câlin ?! »

...

« Lunaaaaa ! » Hurla l’alicorne à bout de nerfs en poussant les grandes portes de ses appartements. Elle n’avait plus grimpé les marches de la tour pour venir jusqu’ici depuis des lustres, préférant utiliser ses ailes pour directement arriver sur le balcon. Mais là c’était différent, car elle avait un arbitre qui la collait tellement fort qu’elle ne pouvait même plus déployer ses ailes. De plus, il fallait avouer qu’il pesait son poids et Cadence ne s’était plus senti faire autant d’exercice depuis qu’elle ne travaillait plus comme boniche pour la princesse de la nuit.

La jument s’écroula à terre après avoir perdu son équilibre à cause de l’arbitre qui s’amusait à se frotter contre elle.

« On dirait que tu t’es fait un ami… » Déclara l’alicorne bleue assise sous son arbre habituel. Elle avait des cernes sous les yeux et avait du mal à tenir ses paupières bien ouvertes. « Tu peux te dépêcher et arrêter de jouer s’il te plait, j’aimerais pouvoir encore dormir quelques minutes avant d’aller lever la lune.

- Vous croyez que c’est facile ? » Demanda-t-elle en se relevant difficilement, mais son partenaire ne semblait pas l’entendre de cette manière et continua de grimper sur le corps de l’alicorne pour se presser encore plus contre elle. « Aaaah mais lâche moi ! » Elle roula sur elle-même pour inverser leur position et s’écarta alors brusquement de l’arbitre en utilisant plus que de raison ses pattes postérieures pour le repousser.

Cadence galopa ensuite jusqu’à sa place habituelle, de l’autre côté de la table, en face de Luna, et s’assit avant de la saluer d’un geste de la tête. Elle voulut reporter ensuite son attention sur l’arbitre qui était à terre, mais celui-ci s’était déjà relevé et l’avait poursuivi pour lui sauter dessus. L’alicorne fut propulsée en arrière et heurta l’arbre lunaire de la princesse avant de reprendre ses esprits.

L’arbitre était blotti contre son ventre et semblait émettre de drôles de bruits équivalant à des ronronnements. Cadence essaya alors de s’extirper de son emprise pour se remettre à sa place, mais ne réussit qu’à le faire se presser encore plus contre elle. Voyant son échec, la jument rose se contenta alors de simplement s’assoir à sa place alors que le visage de l’arbitre était plaqué contre sa joue, et que ses pattes enserraient sa taille.

« On dirait qu’il a vécu des moments très durs. » Jugea Luna en regardant l’arbitre.

« Je vous rappelle que c’est lui qui a tué des poneys.

- Les arbitres n’ont pas les mêmes notions de la loi que toi. Cela fait peut-être longtemps qu’il est dans notre monde à tuer toute personne qui commettrait un crime. Imagine son bonheur en trouvant enfin une personne qui décide de faire le bien.

- Je n’ai rien fait de particulier.

- Ah bon ? » La princesse pencha la tête sur le côté en souriant. « Et cette pégase à qui tu as apporté les premiers soins, en oubliant complètement la tienne par la même occasion.

- C’est pour ça qu’il me suit ?

- Pas vraiment. » Dit-elle en secouant la tête. « Il y a plusieurs façons pour voler l’arbitre de quelqu’un, mais il n’y en a qu’une seule qui l’empêche de tuer sa victime…

- Quand j’ai pardonné la jument… » Souffla Cadence en fronçant les sourcils.

« Un geste au combien dur pour toi qui est pleine de rancœur.

- Ce n’est pas… » Le regard que lui offrit la princesse de la nuit la fit stopper net. Si Luna lisait dans votre cœur, ce n’était pas pour vous entendre dire le contraire après. « Soit… et comment je fais pour m’en débarrasser maintenant ? Il va continuer de me coller comme ça longtemps ? » Elle tourna son regard sur l’arbitre qui semblait avoir entouré son corps longiforme tout autour du sien.

« J’ai perdu mes lunettes, pourrais-tu m’aider à les retrouver ? » Demanda l’alicorne couleur de nuit.

« Je vous demande pardon ?

- Mes lunettes, tu ne les aurais pas vues quelque part ? » Insista-t-elle en faisant un signe de la tête pour désigner le dessous de la table.

Cadence baissa alors les yeux pour voir qu’entre les pieds de la table, une paire de lunettes rouges étaient posées à même l’herbe. Elle les prit du sabot et fronça les sourcils en les montrant à Luna. Elle n’avait jamais vu Luna porter des lunettes, mais pourtant, cette dernière hocha la tête en tendant sa patte pour les prendre.

« Merci beaucoup Cadence. » Dit-elle en les mettant sur son museau.

« Luna, qu’est-ce que vous venez de dire ?! » S’emporta l’alicorne rose en se relevant. On lui avait toujours interdit de remercier quelqu’un, et voilà que son mentor, celle qui l’avait toujours sanctionnée quand elle l’entendait le faire, utilisait aussi simplement que ça le mot ‘merci’. Mais elle se calma aussitôt qu’elle vit l’arbitre se lever pour marcher silencieusement vers Luna avant de s’allonger à ses côtés. Ses yeux étaient à nouveau fermés et n’avaient pas l’air aussi affectueux avec Luna qu’il ne l’avait été avec elle. « Expliquez-moi, je ne comprends plus rien. »

La princesse de la nuit gloussa avant de dire : « Si lorsqu’un poney commet un acte répressible, l’arbitre se charge de le tuer avant de passer à la personne lésée, il va simplement passer à une autre personne sans faire de dégât si le poney qu’il accompagne fait un acte de charité et que l’autre personne le remercie. Avoir un arbitre est un fardeau, en te remerciant, j’accepte ce fardeau. Tout comme la pégase a failli récupérer ce fardeau si elle t’avait remercié directement au lieu de te demander ce qui t’aurait fait plaisir.

- Attendez, vous m’observiez depuis tout ce temps ?

- Oui, et ça m’a bien fatigué, surtout que je n’ai rien vu de l’action étant donné que l’arbitre faisait interférence. Je n’ai vu que le moment où tu l’as soignée jusqu’au moment où tu as hérité de l’arbitre.

- Comment vous allez faire pour vous en débarrasser ? » S’enquit Cadence en fronçant les sourcils et en reportant son attention sur lui. En effet il semblait calme pour le moment, mais elle l’avait vu quand il se déchainait et n’avait pas particulièrement envie de revoir ça.

- Ce ne sont plus tes affaires à partir de maintenant. » Lui répondit simplement Luna. « Décidons simplement du payement que je te dois.

- Ajoutez ça sur votre note pour le retrouver ! » Dit-elle aussitôt, quand au même moment, un éclair vrilla le ciel et poussa un grondement qui fit vibrer le sol.

« Je crois que j’ai perdu assez de temps à te dire que ce n’était pas la bonne chose à faire, alors soit. Je ne vais pas plus te faire perdre de temps, on dirait que quelqu’un a l’air pressé que tu fasses ce qu’il t’a demandé. » Expliqua-t-elle en observant la grande fenêtre qui menait sur le balcon, et commençait peu à peu à se faire inonder par la pluie.

Le sang de Cadence ne fit qu’un tour quand elle pensa à voix haute : « Rainy ! » Elle se releva rapidement et se mit à galoper jusqu’à la grande arche qui donnait sur l’extérieur. « Au revoir Luna, priez pour moi ! » Lança-t-elle en déployant ses ailes avant de décoller en trombe.