l'âme en peine

« C'est bon, c'est bon, je suis là maintenant ! » Hurla Cadence la tête levée vers le ciel. La pluie s'arrêta alors brusquement, comme si elle avait entendu son appel.

Selon l'alicorne, c'était exactement le cas. Rainy lui rappelait gentiment que Cadence avait un devoir envers elle et se contentait de la harceler jusqu'à ce qu'elle y réponde. De toute manière, une grosse averse valait mieux qu'une énième fuite dans le toit de sa maison. En y repensant, la jument rose n'avait pas vu la moindre infiltration quand elle était partie du château en repassant chez elle pour récupérer le parapluie et son arrosoir. Rainy voulait peut-être se montrer gentille avec elle… ce qui était quelque peu étrange.

La pluie avait continué jusqu'à ce qu'elle n'arrive au parc privé de Canterlot. Elle était Marshall, les gardes n'avaient pas à lui refuser l'accès, mais son devoir en tant que tel était de chasser les créatures surnaturelles ou simplement chasseur de prime quand elle devait s'adresser à de simples poneys qui ne possédaient pas de facultés de perception plus développées que la moyenne. Néanmoins, les gardes regardaient toujours l'alicorne de travers quand ils la voyaient arriver avec son arrosoir. C'est pourquoi la princesse Luna avait donné l'ordre de ne jamais lui poser de question sur ses intentions et de lui faire une entière confiance en lui laissant toujours le libre passage.

« Bonjour Marshall. » Fit l'un des gardes en la voyant arriver. « Il est un peu tard, le parc va fermer d'ici moins d'une heure. J'espère que vous n'en aurez pas pour longtemps. » Il lui ouvrit la grande grille du parc.

« Je ne pense pas soldat Quicksilver. Au pire fermez derrière moi, je quitterai le parc en m'envolant.

- D'accord. » Répondit-il en fermant l'entrée derrière elle.

Les jardins privés étaient très certainement les plus luxuriants de toute la capitale. Et même alors que le soleil était couché et que la lune commençait peu à peu son ascension dans ciel, la lumière bleutée qui baignait le parc arrivait aisément à lui rendre toute sa splendeur. En fait, Cadence hésitait à dire qu'il était bien mieux une fois la nuit tombée, quand de nouvelles plantes s'ouvraient pour profiter de la lumière de la lune, la seule qu'elles pouvaient supporter.

L'alicorne passa alors dans un champ de cœurs d'argents, des fleurs blanches qui ne s'ouvraient qu'à la nuit tombée et qui réfléchissaient la lumière de la lune. Les sabots de Cadence s'enfonçaient entre les plantes et lui donnait l'impression de marcher sur la lune, avec toutes ses plantes qui donnait au sol cette brillance. La jument rose faisait de son mieux pour ne pas marcher sur les fleurs, et ainsi éviter la colère de Rainy qui devait certainement l'observer non loin.

Elle commença par arroser le premier massif de fleurs. C'étaient des rosiers et le fond du buisson fleuri n'arrivait pas à absorber assez d'eau. Rainy prenait un grand soin de ses fleurs et ne voulait certainement pas risquer de les noyer avec trop d'eau de pluie. L'alicorne passa alors sur plusieurs plants d'hortensia dont certains avaient décidé de pousser sous un grand saule. Elle se gardait bien d'utiliser le parapluie de l'esprit de la pluie. Même si elle lui avait donné en lui disant qu'elle allait en avoir besoin, celui-ci ne ferait que provoquer des averses qui risqueraient de noyer les plantes. C'est pourquoi l'alicorne gardait le parapluie accroché sous l'une de ses ailes.

Cadence s'interrompit lorsqu'elle cru entendre quelqu'un l'appeler. Elle se retourna alors en imaginant voir un garde l'interpeller, mais fut surprise de constater qu'elle était encore seule.

« Y a quelqu'un ? » S'enquit-elle en sentant aussitôt un poids enserrer sa cage thoracique. Heureusement, elle avait gardé ses armes et étendit les ailes pour s'emparer d'un des couteaux. Elle le retenait de son sabot fermement plié dessus et dirigeait la pointe vers l'extérieur, présentant ainsi la lame tranchante à tout ce qui pourrait lui faire face.

Elle sursauta quand elle entendit le même bruit étrange encore une fois derrière elle, on aurait dit des clochettes. Elle eut une nouvelle sensation qui parcourut son corps, comme si le grand saule l'appelait. Elle regarda la base de l'arbre et remarqua plusieurs autres hortensias qui avaient poussé près des racines. Cadence rangea aussitôt sa lame avant de se pencher pour prendre son arrosoir dans la gueule. Chaque chose avait la force de faire réagir les gens autour d'elle, c'est pourquoi l'alicorne pensait juste avoir affaire à l'appel de la nature.

Elle fit plusieurs pas en direction des fleurs, c'est à ce moment là que tout devint sombre autour d'elle. Il n'y avait plus de fleurs, plus d'arbre ni de jardin. Elle était entourée de ténèbres en haut, comme en bas. Son arrosoir avait aussi disparu, ainsi que ses couteaux et les lanières de cuir qui les retenaient.

Un bruit se fit à nouveau entendre, mais ce ne fut pas les bruits de clochettes qu'elle avait entendu tout à l'heure, mais des pleurs. Juste devant elle, la forme d'un poney se dessinait au milieu des ombres. Il était prostré sur lui-même et faisait tressaillir ses épaules à chaque sanglot qu'il lâchait. Cadence en eut le cœur serré et malgré ce décor sombre et intimidant, elle ignora tout ça pour s'approcher le plus doucement possible de ce qui semblait être une petite pouliche pour ne pas lui faire peur.

« Eh, bonjour petit… il ne faut pas pleurer, tu sais. »

La pouliche se retourna alors pour voir qui venait de lui parler et écarquilla les yeux en voyant l'alicorne qui arborait un sourire chaleureux sur ses lèvres.

« Je veux pas partir ! » Cria-t-elle avant de se précipiter sur cadence et de lui attraper l'une de ses pattes qu'elle serra contre son petit corps.

Elle était toute blanche, avec une crinière bleu ciel. Deux petites ailes reposaient repliées sur son dos alors qu'elle continuait de se presser contre la jambe de Cadence.

« Je veux pas partir, je veux pas partir !

- Mais… partir où, ma puce ? » Demanda Cadence en venant caresser sa crinière pour tenter de la consoler. La petite leva un regard plein de larmes vers la jument avant de se mettre à tourner lentement la tête vers quelque chose derrière elle.

Les ténèbres semblaient prendre formes en face des deux poneys. Plusieurs paires d'yeux entièrement rouges s'ouvrirent lentement et se mirent à les scruter. L'alicorne savait ce qu'il fallait faire dans ce genre de situation, les ignorer, les oublier et ils n'auraient pas la moindre emprise sur vous.

« Tu n'as pas à y aller ma puce. » Dit Cadence en se penchant sur elle pour coller son museau contre son front. « Il faut qu'on parte d'ici…

- Mais je peux pas. » Geignit la pouliche. « Je peux pas parce que maman et papa seront en colère contre moi. » Elle se remit à pleurer. Des rires se firent entendre juste derrière elle, provenant des yeux qui les observaient toujours.

Cadence fronça les sourcils à leur égard avant de reprendre un ton de voix le plus chaleureux possible tout en se mettant à serrer la pouliche.

« Tes parents t'aiment, peu importe ce que tu as fait, regarde, moi je ne suis pas en colère contre toi, je veux que tu ailles bien ma puce. »

La pouliche se laissa aller dans l'étreinte de l'alicorne en poussant des sanglots. Cadence la souleva alors du sol pour la porter avec ses sabots antérieurs en posant ses hanches au sol.

« C'est vrai ? T'es pas en colère contre moi, toi ? »

La jument rose se mit à rire ce qui fit sourire la pouliche.

« Non, ma puce, je suis même contente de t'avoir trouvé. »

L'enfant se pressa alors contre son encolure en soupirant d'aise, elle avait enfin arrêté de pleurer. Cadence observa alors les ombres qui se mirent à pousser des cris de lamentation. C'est à ce moment là que Cadence sentit quelque chose glisser le long de son aile avant de tomber au sol, puis vint un bruit de clochette. L'alicorne baissa alors les yeux pour trouver le parapluie de rainy qui était à terre.

« Il est temps que l'on parte, tu es d'accord ?

- Ouiiii. » Dit-elle avec un large sourire, accroché à l'encolure de la jument.

Cadence ramassa simplement le parapluie qui tinta comme une clochette avant de le lever au-dessus d'elles. Elle l'ouvrit ensuite et se sentit tirée vers le haut, ce qui lui fit resserrer son emprise sur la pouliche.

« J'ai peur ! » S'exclama-t-elle en sentant la jument ne plus toucher le sol de ses sabots.

« Tu n'as pas à avoir peur, je suis là pour te protéger, tu vas retrouver ton papa et ta maman, et ils prendront soin de toi. » Rassura la jument rose en continuant son ascension, là où de la lumière commençait à filtrer. Peu à peu, le nuage de ténèbres dans lequel elle était fit place à un océan de lumière, ce qui aveugla la jument rose qui ne put que garder les yeux fermés.

« Merci. » Fit la faible voix de la pouliche.

Cadence ouvrit les yeux en se sentant reprendre une grande inspiration, elle avait les poumons complètement vide. Elle se resitua peu à peu en reprenant son souffle, constatant qu'elle était sous un massif d'hortensias.

« Marshall, c'est vous ? » Fit une voix que Cadence reconnue pour être celle du soldat Quicksilver.

Elle sentit quelque chose lever son sabot droit et en y portant son regard, vit qu'elle tenait le parapluie de Rainy, celui-ci était lui même en train de se faire tirer hors du buisson fleuri.

« Vous êtes là Marshall ?

- Ouais… ouais, sortez-moi de là. » Dit-elle d'une voix rauque en sentant le parapluie se faire tirer vers l'extérieur des plantes et l’entraînait par la même occasion.

Une fois hors du buisson, elle se jeta dans les bras du soldat en le remerciant encore et encore. Et peu importe si Luna lui interdisait d'utiliser ce mot, les gardes n'étaient pas plus au courant des règles des êtres surnaturels que les poneys de ce monde.

« C-ce n'est rien Marshall, c'est juste que ça fait dix minutes que je dois fermer le parc et que j'ai décidé de faire une ronde de sécurité avant pour voir si rien n'avait été dérangé. Mais qu'est-ce que vous faisiez cachée dans les plantes ?

- Un malaise. » Répondit rapidement l'alicorne. « Juste un malaise, et heureusement que vous avez tiré sur mon parapluie, sinon je ne serais pas revenu aussi vite. » Disant cela, elle réfléchit à tout le temps qu'elle venait de passer entre les deux mondes. Cela avait semblé durer moins de cinq minutes, mais l'équivalent dans son monde devait représenter une heure. Si cet étalon n'avait pas tiré sur le parapluie, elle y serait restée encore longtemps et aurait pu ne jamais en revenir.

Elle le remercia encore une énième fois avant de reprendre son arrosoir qui était resté sous le saule. Puis, s'en alla à tire-d'aile pour ne pas perdre la moindre seconde. Elle ne fit pas un long vol et s'arrêta juste après avoir passé les grandes grilles des jardins privés. Elle atterrit le plus vite possible avant de galoper vers le mur de la bâtisse la plus proche et de se pencher pour vomir tout ce qu'elle avait mangé de la journée, heureusement, cela ne représentait pas grand-chose. Elle avait lâché le parapluie pour avoir un sabot libre pour repousser une partie de sa crinière. Les haut-le-cœur continuaient encore pendant plusieurs moments, alors même que Cadence n'avait plus rien dans l'estomac, lui faisant recracher uniquement de la bile acide.

La pluie se mit brusquement à tomber, trempant l'alicorne nauséeuse, mais très vite un parapluie se plaça juste au-dessus d'elle pour la protéger pendant qu'un sabot venait écarter sa crinière pour la protéger de la bile. Cadence n'avait pas besoin de lever un regard vers l'intrus pour savoir que c'était Rainy l'esprit de la pluie.

« Enfin, tu te décides à faire ce que je t'avais demandé, tu sais que j'étais prête à noyer cette ville si tu continuais à m'ignorer comme ça ?

- Tu m'as jamais demandé de m'occuper d'une âme égarée ! » Protesta l'alicorne en essuyant les assauts de son estomac qui semblait vouloir quitter son corps.

« Je m'en contre fiche de cette petite idiote, je voulais juste que mes hortensias ne soient plus dérangés par sa présence, tu sais à quelle vitesse les âmes arrivent à faire faner les fleurs ? Après une semaine j'aurais dû tout remplacer.

- Elle est là depuis longtemps ? » Demanda Cadence en se redressant lentement quelque peu désorientée.

« Dans le jardin ou entre les deux mondes ? Cela fait plus de dix ans que cette pouliche est morte dans un incendie, c'est moi qui l'ai éteint et depuis, cette pouliche n'a cessé de voyager dans la capitale jusqu'à s'arrêter dans mon jardin… mais maintenant, elle est en lieu sûr. » Elle ne voulait certainement pas l'avouer, mais Rainy aimait bien plus les mortels qu'elle ne voulait le faire croire.

La pégase bleu se retourna alors sans un mot avant de faire quelques pas pour s'éloigner et de se stopper. « Tu veux quoi comme récompense ? N'essaye pas de demander à ce que ta dette envers moi soit effacée, le prix est encore trop élevé.

- Je pourrais avoir des hortensias ? Des roses ? »

La pégase continuait de tourner le dos à l'alicorne, mais semblait réfléchir.

« Très bien, mets un bac de terreau sur l'appuie de ta fenêtre et tu auras ça d'ici la fin de la semaine… N’oublie pas de les arroser ! »

Cadence savait qu'elle n'avait certainement pas intérêt à lui désobéir sur ce dernier point. Elle allait devoir grimper sa façade en volant pour pouvoir faire ça étant donné que sa fenêtre ne s'ouvrait pas.

« Une fois pas jour, n'hésites pas à bien les abreuver, ta corniche va m'empêcher de le faire à ta place, et le soleil va taper de plus en plus fort avec le printemps qui va arriver. Bon, je dois partir maintenant, je vois que quelqu'un d'autre a besoin de toi… ou est-ce l'inverse... » Elle se mit alors en marche et s'éloigna peu à peu de l'alicorne en emportant la pluie avec elle.

Cadence n'avait pas compris ce qu'elle avait voulu dire en parlant d'une autre personne, c'est pourquoi elle se retourna et fit aussitôt apparaître un large sourire sur son visage en voyant l'étalon qui s'approchait d'elle. Avec sa robe d'un blanc immaculé, ainsi que sa crinière avec deux tons de bleu, elle ne pouvait que ce mettre à rougir face à ce pégase qui lui souriait en retour.

Elle parcourut le reste de distance qui les séparait et lui sauta dans les sabots, enserrant son encolure en pressant son museau contre le sien.

« Chicha, tu peux pas savoir à quel point je suis heureuse que tu sois là. » Elle se mit à embrasser l'étalon de plus en plus fort, faisant passer sa langue entre ses lèvres pour venir caresser celle du changelin déguisé. Ce dernier finit par se retirer lentement, gardant un large sourire, mais fronçant les sourcils.

« Ewww, tu m'embrasses alors que tu viens de vomir... » Il goutta à l'étrange saveur qui était sur sa langue. « Hey t'as mangé des baisers de Yan, tu m'en as gardé ? »

Cadence se mit à rire contre l'encolure de l'étalon. Il n'y avait que lui qui arrivait à la faire rire et oublier tous ses problèmes. De plus, ce dernier avait bien évité de lui souhaiter son anniversaire, il savait parfaitement que ce jour n'était pas le plus apprécié de l'alicorne, et se gardait bien de le lui rappeler.

« Désolée mon cœur, mais je n'ai pas eu le temps.

- Je sais, je sais, tu as dû t'occuper de l'arbitre ensuite tu as été voir la princesse Luna pour venir après jusqu'ici. »

L'alicorne se recula quelque peu en lui jetant un regard sombre.

« Tu m'espionnes ?

- Pas moi, mais Chrysalis… C'est normal après tout, elle surveille ces intérêts.

- Mais… pourquoi tu ne m'as jamais rien dit ? Et pourquoi tu ne m'as jamais dit qu'elle ne voulait pas me tuer ? Tu sais que je suis resté cachée des mois de peur de me faire assassiner ? »

Le changelin se mit à rire en serrant un peu plus la jument contre lui.

« Et c'est comme ça qu'elle voulait que ça se passe… Je t'avais dit qu'elle n'était pas au courant de notre relation… et bien je crois que je me suis trompé, en fait, c'est plutôt normal qu'elle sache pour nous étant donné qu'elle t'espionne tout le temps... »

Cadence se frappa le front d'un de ses sabots, avant de se secouer la tête et d’enfouir son museau contre son encolure.

« T'es en train de me dire que Chrysalis est au courant que je flirte avec l'un de ses enfants ? C'est bon, maintenant je sais que je suis foutue !

- Ooooh dis pas ça, elle a discuté avec moi et m'a même donné la soirée de libre pour que je puisse te retrouver… et je te promets qu'elle m'a pas empoisonné les lèvres pour que tu meures dans ton sommeil.

- Arrêtes tes blagues andouille. » Dit-elle sans pouvoir retenir un sourire. « Dis-moi que Chrysalis t’envoie pas pour me surveiller.

- Absolument… presque. Elle veut juste vérifier que sa part du contrat est tenue.

- C'est à dire ? »

L'étalon gloussa avant de serrer la jument un peu plus contre lui.

« Hmmm je ne sais pas, des envies passagères, des pulsions impossibles à retenir… t'es sûre que t'as pas envie de te jeter sur le premier étalon qui tombe sur toi ?

- Hmmm non. » Elle dressa la tête pour avoir son museau tout près de l'oreille de l'étalon et se mettre à souffler. « Mais je peux peut-être faire une exception pour toi...