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Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 8 : Une brique dans le ventre

- Voulez-vous bien arrêter de bouger deux minutes ?

- Il y en a encore pour longtemps ?

- Ça irait plus vite si vous vous teniez un peu tranquille.

Maxime soupira, leva les yeux au plafond et écarta les bras. Le mètre ruban, entouré de l’aura bleutée de Rarity, lui passa sous le nez et s’étira de son épaule jusqu’à son poignet. La licorne rajusta ses lunettes pour lire la mesure, puis reposa le mètre sur sa table.

- C’est bien ce qu’il me semblait, il faut resserrer l’ourlet de deux centimètres.

La couturière piqua une épingle au bout de la manche. Elle entoura ensuite la veste toute entière dans sa magie, l’ôta à son propriétaire et la fit flotter jusqu’à sa machine à coudre. Pendant que la licorne s’activait pour faire les dernières retouches, Maxime, en jeans et T-shirt, s’avança vers la rangée de cintres où pendait le reste de sa future nouvelle garde robe.

Quelques jours plus tôt, il avait été décidé que Maxime avait grand besoin de nouveaux vêtements. Les seuls qu’il possédait, à savoir ceux qu’il avait sur le dos lorsqu’il était arrivé, tombaient en ruine après des semaines d’utilisation continue et intensive, c’était donc tout naturellement que Twilight et Spike l’avaient emmené rendre visite à leur amie couturière. Bien entendu, il avait fallu négocier avant d’arriver à convaincre l’humain.

- Mais pourquoi est-ce qu’il y a des couturiers chez les poneys, d’abord ? J’en ai jamais vu un seul porter de vêtements.

- C'est réservé aux évènements mondains, comme des bals ou les spectacles, avait patiemment expliqué Twilight sur le chemin de la boutique. Nous n’en mettons pas tous les jours.

Maxime avait passé le reste du trajet à essayer d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler une robe de bal pour poney. Il avait eu sa réponse quelques minutes plus tard, à l’intérieur de la boutique.

- Mouais, c’est à peu près à ça que je m’attendais…

- Bienvenue à la Boutique Carrousel ! les avait accueillis Rarity, tout sourire. Que puis-je faire pour…

Elle s’était arrêtée en reconnaissant l’humain, mais Twilight lui avait épargné la peine de chercher quoi dire en continuant à sa place.

- Salut Rarity. Écoute, nous sommes venus te voir parce que Maxime a besoin de nouveaux vêtements, et nous voulions te demander si tu pouvais t’en occuper.

La licorne blanche s’était approchée de l’humain pour observer avec prudence ce qu'il portait, avant de se retourner avec dégoût.

- En effet, il y a urgence.

- Eh, je ne vous permets pas !

- Alors, avait continué Twilight, tu penses pouvoir t’en charger ?

Un petit sourire était apparu sur les lèvres de la licorne.

Tout s’était ensuite déroulé très vite, à tel point que Maxime n’était pas certain d’avoir tout suivi. Le mètre ruban avait volé pour prendre ses mesures, des rouleaux de tissus avaient flotté jusqu’au plan de travail et, avant qu’il ait pu dire un mot, la licorne blanche les avait mis dehors, en annonçant qu’elle avait du travail.

Quelques jours s’étaient écoulés, et Twilight, Spike et Maxime étaient à présent de retour dans la boutique, tandis que Rarity faisait les dernières retouches à ses nouvelles tenues. En observant les vêtements pendus aux cintres, Max devait reconnaître que la couturière s’était bien débrouillée. Il y avait deux pantalons, plusieurs chemises et une sorte de grande robe de chambre à ceinture. Et, à son grand soulagement, nulle dentelle ou fanfreluche n’était visible. Même les couleurs et les motifs lui plaisaient. Il ne manquait plus que la veste que Rarity était en train de terminer.

- Et voilà ! annonça la licorne blanche en exhibant le vêtement tout juste achevé. Allez-y, dites moi franchement ce que vous en pensez.

- C’est magnifique, Rarity, miaula Spike en se dandinant devant la ponette.

- Tu as fait de l’excellent travail, comme d’habitude, fit Twilight. N’est ce pas, Maxime ?

- Mouais, c’est pas mal…

La couturière fit la moue, puis se tourna vers lui, la veste flottant à ses côtés.

- Et bien, qu’attendez-vous pour vous changer ?

- Quoi, maintenant ?

- Bien sûr, maintenant ! Il est hors de questions que vous continuiez à porter ces frusques une seule minute de plus alors que vos nouveaux vêtements sont prêts.

Maxime baissa le nez vers les frusques en question, à savoir son jeans dont les bords et les genoux partaient en lambeaux et son T-shirt tellement taché qu’on n’en distinguait plus qu’avec peine la couleur d’origine. Avec un profond soupir, il passa derrière le paravent et les retira pour enfiler ses désormais nouveaux habits.

- Comme un gant ! fit Rarity en l’entraînant devant le miroir.

Une fois de plus, Maxime devait reconnaître qu’elle avait raison. Tandis qu’il s’admirait, la licorne pointa la pattes vers ses vieux vêtements, qu’il avait abandonnés en tas à côté du paravent.

- Spike, sois gentil et va mettre ces choses à…

- À laver ?

- J’allais plutôt dire à brûler.

- Ah non !

L’humain se précipita pour récupérer ses frusques des pattes de l’assistant. Rarity semblait choquée.

- Mais enfin, vous ne pouvez pas garder ces… guenilles ! Elles sont irrécupérables !

- M’en fiche, c’est à moi. Je veux les garder.

- Mais pourquoi, voyons ?

Maxime inspira tristement. Ces vêtements étaient tout ce qui lui restait du monde humain. Ils étaient les seuls objets qu’il avait emmenés avec lui, ses seuls souvenirs, ses seuls compagnons. Pas question qu’il les jette !

Rarity décida de laisser tomber.

- Bon, si vous y tenez. Viens m’aider à emballer le reste, alors, Spike chéri.

Le petit dragon suivit la ponette comme un toutou vers la rangée de cintres et l’assista pour ranger le reste des nouveaux vêtements de l’humain dans des housses.

- Et combien ça va coûter, tout ça ? fit le bipède en les regardant s’affairer.

- Qu’est-ce que ça peut te faire, puisque c’est moi qui paie ? répondit Twilight.

- Quand tu dis toi, c’est la caisse du château, c’est ça ? répliqua l’humain avec un sourire en coin.

La ponette souffla par les naseaux, exaspérée.

Depuis qu’elle possédait son propre château, la bourse d’étude qu’elle recevait jusqu'alors avait été remplacée par une dotation civile destinée à couvrir ses frais de princesse et l’entretien du bâtiment. Maxime étant désormais plus ou moins officiellement à sa charge jusqu’à ce qu’elle parvienne à le renvoyer chez lui, les dépenses liées à sa présence étaient également couverte par cette dotation, cependant la jeune princesse se gardait bien de révéler à l’humain de quelle somme elle disposait pour cela. De toute façon, un montant en bits d’Equestria n’aurait probablement pas eu beaucoup de signification pour lui. À ses yeux, les prix équestres ne semblaient pas suivre la moindre logique. Certaines choses qui auraient été hors de prix dans le monde humain coûtaient ici moitié moins cher que des articles communs, et inversement. Cependant, dans un pays où les diamants servaient autant de monnaie d’échange que de friandises pour dragon, il commençait à ne plus s’étonner de rien.

Tandis que les autres finissaient d’empaqueter ses nouveaux habits, il fit une nouvelle fois le tour de la boutique pour regarder les prix sur les étiquettes des robes. Celle au milieu de la vitrine était cotée à 150 bits. Combien cela pouvait-il bien représenter en euros ? Il n’en avait pas la moindre idée.

- Bon, on peut y aller, annonça enfin Twilight quand tout fut emballé. Merci encore, Rarity.

- À ton service, ma chère.

La sonnette de la porte tinta une nouvelle fois et le trio s’en repartit vers le château. Environ à mi-chemin, Maxime décida que le moment était venu de passer à l’attaque.

- Dis, quand est-ce que j’aurai droit à une petite bourse à moi ?

- Tu n’en as pas besoin, je te l’ai déjà dit, répondit la ponette sans détourner le regard de la route.

- Mais si jamais j’ai besoin de quelque chose ?

- Et bien tu n’as qu’à me le dire et je te l’achèterai.

- Mais si c’est quelque chose de gênant, comme de la crème pour les mycoses ou un truc dans le genre ?

- Tu as des mycoses ?

- Non, mais…

- Alors tu n’en as pas besoin, trancha le ponette. Et je t’interdis d’extorquer l’argent à Spike, ajouta-t-elle en voyant le regard en coin que l’humain avait lancé au jeune dragon.

- Pff…

Il continua sa route en traînant des pieds, les mains dans les poches. Pour qui le prenait-elle, un môme qui réclamait de l’argent de poche ? Il était parfaitement capable d'en gagner lui-même, s’il le voulait. Le tout était de trouver le bon filon. Le bon filon…

 

 

- … envoyer les invitations pour la réunion de samedi et noter les réponses. Et penser à vérifier s’il ne faut pas racheter du parchemin et des plumes, aussi. Ça va, tu as tout noté ?

- Parchemin et plumes, marmonna le petit dragon en complétant la liste. Voilà !

Il renroula le mètre de papier désormais couvert d’encre et le glissa sous son bras. Devant lui, dans le hall, Twilight passait sa sacoche sur son flanc.

- Tu peux déjà commencer à ranger le bureau pendant que je vais à la pâtisserie, lança-t-elle en marchant vers la sortie. Je ne devrais pas en avoir pour longtemps. Ensuite, nous…

Elle dressa alors l’oreille. Depuis l’aube, il y avait quelque chose d’étrange dans l’atmosphère du château. Pas de pieds qui traînaient, pas de grognements, pas de soupirs fatigués en provenance du sofa… Twilight comprit alors ce qui manquait.

- Spike, est-ce que tu sais où est Maxime ?

Le petit dragon regarda autour de lui comme s’il s’attendait à voir l’humain surgir de derrière une porte.

- Euh, non, avoua-t-il sans vraiment savoir si c’était un tort ou pas. Il est descendu ce matin, mais je ne l’ai pas vu depuis. Il doit être quelque part en ville.

- Mh… préviens-moi s’il revient pendant que je suis partie, répondit la jeune ponette. Je n’aime pas beaucoup ne pas savoir où il est.

Le jeune reptile approuva. Twilight rajusta une derrière fois la lanière de sa sacoche, puis quitta le château en direction du centre ville.

 

Aussitôt qu’elle passa le porte du Sugarcube Corner, Twilight sentit que quelque chose n’était pas comme d’habitude. Il n’y avait pas dans l’air cette vibration chaude et légère qui faisait d’ordinaire l’ambiance et le charme de l’endroit. Une légère tension régnait même du côté du comptoir, là où se tenait Mme Cake. L’expression sur le visage de la rondouillarde jument capta immédiatement l’attention de la jeune princesse, entraînée, en étudiante appliquée qu’elle était, à reconnaître les multiples nuances que pouvaient prendre le stress et le doute. La pâtissière affichait l’air typique de quelqu’un qui vient de prendre une décision dont il n’est pas encore absolument certain qu’elle était totalement bonne.

- Bonjour, Mme Cake, fit Twilight en s’avançant pour tâter le terrain. Vous allez bien, aujourd’hui ?

- Oh, bonjour Princesse Twilight, répondit la ponette en sortant de sa réflexion. Oui, oui, tout va très bien.

- Pas de problème avec les enfants, dernièrement ?

- Comment ? Oh non, ils se portent à merveille, à merveille.

- Et les affaires marchent bien ? Aucun problème de ce côté-là ?

- Non, non, aucun problème. Tout va vraiment très bien.

Twilight décida de ne pas insister. Peut-être qu’elle se faisait des idées, après tout. Ses soupçons revinrent cependant à l’assaut lorsque Mr Cake sortit de la cuisine pour rejoindre sa femme au comptoir. Il affichait exactement la même expression qu’elle. Twilight remarqua également quelque chose sur le mur, derrière eux. Une grande feuille blanche, couverte d’une écriture bizarre, épinglée bien en évidence au milieu du mur. Twilight aurait juré que cette étrange affiche n’était pas là lors de sa dernière visite.

- Mr Cake, est-ce que je pourrais jeter un œil à ça ? fit la ponette mauve en désignant la feuille.

Un sourire un peu trop prononcé pour être totalement spontané se dessina aussitôt sur le visage de l’étalon.

- Oh, vous voulez parler de notre nouvelle acquisition ? Bien sûr, regardez ! Nous avons conclu l’achat ce matin. C’est merveilleux, n’est-ce pas, chérie ?

- Oui, merveilleux, fit la jument avec le même sourire.

- Acquisition ?

Twilight s’avança vers le mur et leva le museau, de plus en plus soupçonneuse.

 

Suivant acte reçu en la date du 20 septembre à Poneyville, nous déclarons Mr et Mme Cake propriétaires exclusifs du bien connu sous le nom de Château de Versailles, ainsi que tous ses terrains et dépendances.

 

En dessous figuraient les signatures des Cakes ainsi qu’une troisième que Twilight ne put déchiffrer.

- « Château de Versailles » ?

- Une vraie affaire, n’est-ce pas ? continua Mr Cake, avec l’air douloureux de celui qui essaie autant de convaincre son interlocuteur que lui-même. Seulement 600 bits ! L’idéal comme résidence secondaire, d’après le vendeur.

- Mr Cake, à qui avez-vous acheté ça ?

Avant que l’étalon n’ait pu répondre, la clochette de la porte tinta et une ponette que Twilight reconnut sans même avoir besoin de la regarder s’avança en bondissant.

- Twilight, regarde ce que je viens d’acheter ! C’est pas super génial ?

La jument rose lui déroula devant le museau une feuille semblable à celle au mur des Cakes.

- Ça s’appelle « l’Empailleur Stète Bulding », expliqua la terrestre. C’est un truc ÉNORME, dans une ÉNORME ville ! Et c’est à moi, maintenant !

- Pinkie, combien as-tu payé pour ça ? fit l’alicorne en repliant le papier.

- Seulement 350 bits ! répondit la ponette, surexcitée. Il m’a fait un prix !

- Qui ça, il ?

Mais Twilight connaissait déjà la réponse.

- Où est-il ? fit-elle avec une voix de tueur à gage.

- Sur la place, devant la mairie, s’empressa de répondre Mme Cake. Il y est depuis ce matin.

Twilight souffla par les naseaux.

- Pinkie, donne-moi ça. Mr et Mme Cake, voulez-vous bien que je vous emprunte ce papier ?

- Euh… oui, mais faites-y attention, hésita Mr Cake. C’est notre titre de propriété, tout de même.

- C’est ce qu’on va voir…

 

 

La ponette relut attentivement le papier.

- Mais… je n’ai jamais entendu parler d’un tel endroit.

- C’est normal, c’est un coin très tranquille, l’assura le chaland. Un vrai havre de paix, loin du stress de la ville. Imaginez : pas de foule, pas de cohue, pas de visites intempestives…

- « La Maison Blanche », lut la ponette en replongeant le museau sur le papier.

- Vous voyez ? Même le nom est bucolique !

- Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment ce dont j’ai besoin, fit prudemment la terrestre en repoussant le papier vers le comptoir.

- Oh, qu’à cela ne tienne, j’ai d’autres biens qui devraient vous intéresser, répliqua l’humain en fouillant dans les affiches roulées à côté de lui. Regardez ceci, si vous aimez un peu la géométrie ça devrait vous brancher. Plan audacieux, forme originale…

- « Le Pentagone » ?

- Une vraie affaire, en un mot tout est dit ! Et cette merveille est à vous pour seulement 400 bits !

- Mais ce n’est pas un peu… grand ? Je ne suis pas sûre d’avoir besoin d’autant…

- Mais réfléchissez à l’investissement ! souffla le bipède comme si refuser une telle offre eut été une insulte au bon sens. Avec l’inflation actuelle, c’est tout bonnement…

- MAXIME !!

Le vendeur et sa cliente levèrent brusquement la tête. Je l’autre côté de la place, une jument mauve et passablement en colère galopait dans leur direction, des éclairs dans les yeux. La ponette s’éclipsa prudemment, mais l’humain se contenta de sourire sereinement.

- Qu’est-ce que c’est que ça ?! aboya Twilight en plaquant sur la planche qui faisait office de comptoir les affiches qu’elle avait prises à Pinkie et aux Cakes.

- C’est de l’immobilier, répondit Max avec un grand sourire. Tu en veux aussi ? Tiens, regarde ça, ça devrait te plaire, lança-t-il en déroulant une autre affiche. Ça s’appelle la Basilique Saint Pierre. De l’espace, du volume, entièrement décoré, l’idéal pour une surboum ou un…

Twilight activa sa magie et le tira par le col de sa chemise par-dessus le guichet.

- Eh, attention à la chemise, c’est Rarity qui l’a faite !

- Silence ! Tu vas immédiatement aller rendre leur argent à tous ceux que tu as escroqués, et leur présenter tes excuses !

- Des excuses pour quoi ? Tout ça existe pour de vrai, je n’ai rien inventé. Et je peux te dire que si on me proposait à moi d’acheter Versailles ou la Tour Eiffel, je sauterais sur l’occasion !

- Arrête de me prendre pour une idiote ! Tu vas rendre cet argent tout de suite !

- Et je peux savoir comment tu comptes m’y obliger ?

L’aura magique qui le tira en avant et le sabot qui s’abattit avec force sur sa joue répondirent à sa question. Il se releva en grommelant, la main sur le visage.

- Tu sais que tu deviens violente, ces temps-ci ?

- Exécution !

Avec un profond soupir, l’humain remballa ses affiches, attrapa le seau dans lequel se trouvait sa recette du jour et suivit à contrecœur la ponette.

- Tu pourrais être envoyé en prison pour ça, le sermonna la jeune princesse sur le chemin de la boulangerie.

- Oh, allez, tu n’enverrais quand même pas un ami au trou, si ?

- Les escrocs ne sont pas mes amis. Vendre des choses qu’on ne possède pas est un délit.

- Et qui te dit que je ne possède pas réellement tout ça ? Tu es allée vérifier ?

- Tu veux une autre gifle ?

- Pff…

 

 

Deux jours s’étaient écoulés depuis l’arnaque immobilière. Twilight avait veillé à ce que Maxime rende jusqu’à la dernière pièce, tâche à laquelle il avait bien été obligé de se plier. L’aube se levait à présent sur la petite ville, et la jeune princesse fraîchement réveillée cheminait vers la salle à manger, d’où embaumait déjà une bonne odeur de chicorée et de pain grillé. Avec un petit bâillement, elle souhaita le bonjour au poney déjà attablé, s’installa à sa place habituelle et fit voler à elle les toasts et le beurre, tout en faisait mentalement la liste des choses à faire de la matinée. Elle avait plusieurs lettres à écrire, des livres à faire venir de la bibliothèque de Canterlot, et il fallait aussi…

Le poney déjà attablé ? Quel poney déjà attablé ?

Comme si elle se réveillait une seconde fois, elle leva la tête, les yeux grands ouverts.

Il était bien là, assis à sa gauche, tranquillement occupé à grignoter une biscotte. Un terrestre brun-roux à la crinière sombre, qu’elle n’avait jamais vu avant. Il se tourna lui aussi vers elle, un grand sourire sur le visage.

- Magnifique bâtiment, n’est-ce pas ? C’est la première fois que je vois un endroit comme celui-ci.

- Mais… qui êtes-vous ? fit Twilight en faisant de son mieux pour concilier étonnement et politesse.

- Rock Sound, de Baltimare, fit l’étalon en tendant la patte pour serrer celle de Twilight. Je suis arrivé à Poneyville hier soir, mais je n’avais pas réservé d’auberge. Quand j’ai vu l’affiche, j’ai tout de suite sauté sur l’occasion.

- Quelle affiche ?

- Celle qui est placardée dehors, à l’étage, l’informa-t-il, toujours souriant. Et vous, vous restez combien de jours ?

- Moi ? Mais… je…

Elle secoua la tête et se leva, de plus en plus confuse. Auberge ? Pancarte ? Tandis que le poney reprenait tranquillement son déjeuner, elle remonta le couloir vers le hall d’entrée. Une fois dehors, elle fit au trot le tour du bâtiment, le nez en l’air, jusqu’à tomber sur l’affiche en question, placardée à côté de la chambre qu’occupait Maxime.

 

À louer, chambre entièrement meublée, spacieuse et lumineuse. Location à la journée, petit déjeuner inclus. Pour toute réservation, s’adresser à Maxime l’humain.

 

Les oreilles de la ponette se mirent à siffler.

 

 

La porte de la grange s’ouvrit en claquant, soulevant la poussière. Maxime, douillettement installé au milieu d’une meule de foin, leva paresseusement une paupière et jeta un vague regard en direction de la ponette mauve campée devant lui, dont la silhouette se découpait dans la lumière du jour. Il ne put retenir un sourire en voyant l’expression qu’affichait la jument. Elle semblait sur le point de s’enflammer tant elle était en colère. Sans se presser, il se redressa et s’étira longuement. C’était la première fois qu’il passait la nuit dans une grange, et il devait reconnaître que, une fois passé l’odeur, c’était plutôt confortable.

- Comment ça va, Twilight ? Bien dormi ?

Il n’eut pas le temps de terminer de s’étirer que l’aura violette de la jeune alicorne le saisit tout entier pour l’extraire du foin et l’amener devant elle.

- Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te mettre à la porte sur le champ !

- Mais qu’est-ce que vous faites ici ?

L’accent paysan ne laissait que peu de doutes sur l’identité de l’intervenant. Twilight laissa retomber l’humain au sol et se tourna vers Applejack, qui galopait vers eux depuis le verger.

- Regarde ce qu’il a fait ! glapit-elle en brandissant l’affiche devant le museau de la fermière.

Le sourcil de la jument orange se leva à mesure qu’elle lisait les lignes griffonnées sur la feuille. Quand Maxime se remit debout et se tourna vers les ponettes, toutes deux le fixaient avec un regard de peloton d’exécution.

- Oh allez, c’est pas comme si j’avais commis un crime, si ?

- Tu vas immédiatement rendre cet argent !

- Je ne l’ai pas encore, fit l’humain et retirant les brins de paille de ses cheveux. Il doit me payer aujourd’hui.

- Il ne te paiera rien du tout !

- Bon, ça va, j’ai compris, fit le bipède en croisant les bras. Cinquante-cinquante, ça te va ?

Pendant une fraction de seconde, une flamme sembla brûler dans le regard de la ponette mauve. Elle activa sa magie, attrapa l’humain par l’oreille et le tira sans ménagement au dehors, sous le regard sentencieux de la fermière.

- Arrête, ça fait mal ! brailla-t-il en agitant inutilement les bras.

- Ça nous fait plus mal qu’à toi...

 

Rock Sound souriait toujours comme un bienheureux. Twilight commençait à se demander s’il avait bien compris la situation.

- Écoutez, c’est un simple malentendu. Vous n’avez pas à payer quoi que ce soit.

- Je vous en prie, Mlle Sparkle, fit l’étalon en levant la patte d’un air digne. J’ai passé une excellente nuit, et je tiens à la payer. C’est une question de principe.

Twilight s’efforça d’ignorer le regard insolemment triomphant que lui lança Maxime. Devant elle, Rock Sound sortait déjà sa bourse de sa sacoche.

- Tenez, et gardez la monnaie, fit-il en lui fourrant une vingtaine de pièces dans les pattes. Ça me fait plaisir.

Sous le regard médusé de la jeune princesse, il ramassa sa valise, fit un signe de la patte puis quitta tranquillement le château. Quand il fut sorti, Maxime se pencha vers Twilight.

- Alors, qu’est-ce qu’on va en faire, de notre cagnotte ?

Le regard assassin que lui lança la jument mauve ne suffit pas à effacer le sourire qui s’étalait d’un bout à l’autre de son visage. Twilight contempla les pièces d’un air las.

- Nous allons en faire bon usage, trancha-t-elle.

 

Max regarda avec tristesse les pièces disparaître dans la tirelire.

- Le Fond des Bonnes Œuvres de Poneyville vous remercie ! chanta la ponette bénévole avec un sourire ému.

Twilight lui sourit en retour, puis caressa affectueusement la crinière de la mignonne petite pouliche qui agitait la cloche pour attirer les donateurs. Maxime se contenta de hausser les épaules.

- Je suppose que tu vas me dire que bien mal acquis ne profite jamais, ou une ânerie du genre ? railla-t-il sur le chemin du château.

- Exactement.

- Mais tu réalises quand même que tout ça ne serait pas arrivé si tu avais accepté de me donner un petit quelque chose dès le début, j'espère ?

- Après ce que tu as fait, tu peux toujours courir.

La ponette leva le museau avec dignité, cependant un rictus de satisfaction se dessinait déjà sur le visage de l’humain.

- Je veux au moins autant que Spike.

- Dans tes rêves. Spike a presque dix ans d’ancienneté à mon service. Tu auras le barème de base, et pas un bit de plus.

- Et si je passe le balais dans le château ?

Twilight, sans daigner répondre, continua sa route à travers le centre-ville, la tête haute.

- Fais aussi les fenêtres, et on en reparlera.

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Note de l'auteur

La vente de monuments historiques est largement inspirée d'un passage du Château des Quatre Lunes, troisième album des aventures d'Olivier Rameau.

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Enis
Enis : #22296
Ce mec est vraiment..

Énorme. xD
Il y a 3 ans · Répondre

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