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Klutu

Une fiction écrite par Brocco.

Contamination

Résumé de l’épisode précédent :

Celestia croit voir en la présence de Klutu le signe d’un grand malheur à venir et désir par conséquent l’étudier. Cependant, suite à une action inconsidérée de Luna, la squidpony se trouve éjectée dans la nature et Rarity profite instantanément de cette opportunité pour assouvir ses pulsions inavouables. La chose faite, Klutu repart découvrir le monde et se trouve prise en embuscade par Fluttershy, piège qui échoue pourtant lamentablement face aux étranges pouvoirs de la jument venue d’ailleurs. Twilight retrouve ainsi l’étrange équidé alors qu’elle batifole gaiement dans des viscères d’ursidés.

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Twiligh émergea doucement et à contrecœur de sa torpeur nocturne. Vu l’état dans lequel elle se trouvait, la bouche pâteuse et les yeux secs, elle devait s’être réveillée en plein milieu de la nuit. La jument tenta bien de se défendre, se roulant dans ses draps dans l’espoir de faire fuir cette insomnie, mais sans succès ; une portion de son esprit paraissait lui refuser le droit de sombrer à nouveau dans l’inconscience. Puis un sentiment, tout d’abord lointain et confus, commença à se faire de plus en plus imposant. Il y avait quelque chose qui n’allait pas ici.

D’un geste sec, comme si elle cherchait à se donner ainsi le courage de se lever, l’alicorne envoya voler les couvertures de l’autre côté du lit avant d’en descendre pesamment. La chambre baignait dans une atmosphère irréelle, traversée par de diaphanes halos aux couleurs singulières, allant d’un vert délicatement bleuté à un pourpre veiné de rose. De manière presque régulière, une suite de fulgurances à la coloration difficile à identifier s’enchainaient de façon stroboscopique, suivant une pulsation par ailleurs absolument inconstante.

La princesse commença à avancer avec difficulté, encore peu réveillée et désorientée par ces éclats décousus qui transformaient régulièrement sa chambre en un gigantesque zootrope déréglé.

« Spike ? » appela-t-elle machinalement, espérant que son ami aurait une réponse à lui donner.

Toutefois, aucun son ne sortit de sa bouche ; plus précisément, ses paroles semblèrent y rester coincées. Elle avait pourtant bien sentie sa gorge vibrer quand elle avait prononcé ces mots, signe qu’elle n’était pas aphone. Gagnée par l’inquiétude, elle tapa du sabot sur le sol cristallin et à nouveau, toute la pièce resta silencieuse, comme si les ondes sonores étaient incapables de se propager dans ce milieu.

« Dans ce milieu ? »

Cette pensée fit sursauter l’alicorne. Son esprit semblait l’avoir remarqué avant sa propre conscience et il y avait en effet quelque chose d’étrange dans l’atmosphère ; bien qu’elle fut capable de s’y déplacer ainsi que d’y respirer sans difficulté, l’air possédait une sorte de résistance fluide qui paraissait se situer au croisement des états solides, liquides et gazeux. Au moindre de ses mouvements, quand elle y faisait attention, il lui était possible de ressentir les turbulences crées par chacun de ses gestes.

Tout cela commençait à devenir réellement inquiétant, elle n’avait aucune idée de ce qui était en train de se passer mais il s’agissait sans aucun doute de quelque chose de sérieux. L’alicorne se précipita par conséquent vers la fenêtre la plus proche, espérant mieux comprendre la situation en ayant une vue d’ensemble de Ponyville. Une nouvelle décharge stroboscopique irrégulière traversa la pièce au moment où elle arrivait à proximité de l’ouverture, la désorientant momentanément et lui faisant ainsi percuter le mur dans un silence déstabilisant.

Machinalement, elle leva les yeux au ciel pour essayer de comprendre d’où venaient de telles lueurs, battant plusieurs fois des paupières pour chasser les larmes de douleur ; quand sa vision redevint nette, la vue lui coupa le souffle. Twilight vouait une véritable passion pour l’astronomie et la découverte de l’univers ; elle connaissait chaque constellation par cœur et était presque capable de nommer l’ensemble des étoiles visibles de leurs noms scientifiques, pourtant absolument abscons.

Ainsi, elle savait d’une certitude absolue qu’en ce moment, soit elle ne se trouvait plus à Ponyville, soit que la cité, voire la planète entière, ne se trouvait plus à la place qui lui était naturellement échue dans le cosmos.

Elle était incapable de reconnaître le moindre alignement chez les différents corps lumineux qui tapissaient le ciel. Ce n’était toutefois pas l’élément le plus dérangeant ; la nébuleuse la plus proche de l’astre où l’alicorne, ainsi le reste des poneys, résidait devait se trouver au minimum à une dizaine d’années-lumière et pourtant, deux de ces gigantesques nuages de gaz et de poussière se détachaient sur la plus grande partie de la voute céleste.

C’étaient eux qui prêtaient à l’environnement ces teintes surnaturelles ; les fulgurances semblaient quant à elles être dues à d’étranges éléments, cachés dans les tréfonds des formations gazeuses, qui paraissaient se rapprocher des pulsars, bien que leur comportement fût anormalement cyclique.

Un vertige commença à gagner Twilight. Tout cela devenait bien trop étrange, trop malsain. Quand elle eut réussi à regagner ses esprits, après un long moment passé adossée contre le mur, une vague d’inquiétude déferla en elle. Et qu’était-il arrivé à ses amis ? Aux autres habitants de Ponyville ? Et au monde entier ?

La peur inonda ses membres d’une vigueur tremblotante et elle commença à parcourir le château dans le moindre recoin, cherchant désespérément et sans aucun succès son assistant. L’alicorne se précipita alors à l’extérieur et ne put réfréner un glapissement d’horreur, qui resta néanmoins coincé dans sa gorge, en observant ce qu’était désormais Ponyville. Les bâtiments se tenaient encore tous debout mais ils paraissaient pourtant avoir en quelque sorte fondu, comme si le bois et le torchis n’avait été que de la cire.

Terrorisée par cette vision atroce, cette caricature dégoulinante de la ville qu’elle aimait tant, elle se précipita avec encore plus d’empressement vers le carrousel de Rarity, puis la pâtisserie des Cake avant de se mettre à frapper sur l’entrée de chaque maison qu’elle croisait, trébuchant régulièrement au moment où les fulgurances stroboscopiques brouillaient sa vue.

A chaque fois, la porte semblait d’abord s’effilocher avant de tomber en poussière sous le coup de ses sabots, et elle ne trouvait à l’intérieur rien d’autre que ce même vide effroyable, comme si toute trace de vie avait définitivement disparue de la cité.

Twilight se retrouvait seule, désespérément seule.

Elle commença doucement à pleurer et ses larmes restèrent en l’air, comme si la gravité ne les concernait plus et resta ainsi, gémissante et couronnée d’un étrange anneau liquide.

Néanmoins, à un moment, une nouvelle vague de détermination gagna son corps. Elle se devait d’aller à Canterlot, sans doute Celestia et Luna y étaient toujours présentes, rien ne pouvant arriver à ces deux déesses. Portée par cette conviction, elle retrouva son courage, déploya ses ailes et s’envola en direction de la capitale.

Le paysage était à l’image de celui de Ponyville, une caricature distordue de ce qu’avait été Equestria, baignant dans la lueur éthérée des nébuleuses qui s’étendaient paresseusement dans le ciel ; il paraissait par ailleurs déterminé à refuser toute stabilité, mû par des contractions qui violaient en permanence les lois de la nature. La plaine s’enroulait parfois en une impossible spirale autour de l’alicorne, ou bien alternait violentes contractions et dilatations qui rapprochaient puis éloignaient Canterlot de manière imprévisible.

Tout cela, cumulé aux réguliers flashes lumineux, commençait à lui donner la nausée et à ronger lentement son espoir ; elle avait l’impression d’être devenue le jouet d’une divinité cosmique qui prenait un plaisir pervers à s’amuser à ses dépens.

Pourtant, Twilight finit tout de même par arriver, dans un atterrissage titubant, à la capitale. Elle eut en premier lieu besoin d’un peu de repos pour reprendre ses esprits, ce voyage irréaliste ayant mis ses nerfs à rude épreuve.

La cité se trouvait dans un état similaire à Ponyville, une grotesque parodie qui paraissait avoir été construite en cire puis laissée trop longtemps en plein soleil. Tout était tordu, croulant, coulant, ne respectant aucunement les propriétés physiques que possédaient normalement les matériaux de construction ; le bois, pour ne prendre que cet exemple, ne fondait pas, c’était fondamentalement impossible, et pourtant…

Délaissant ces pensées bien trop dérangeantes pour mériter une attention soutenue, sous peine d’accélérer la lente déréliction que subissait son esprit dans cet univers dément, Twilight Sparkle se concentra vers son objectif : le palais royal.

Le gigantesque bâtiment se trouvait dans le même état que le reste de la cité et l’ambiance y était elle aussi identique ; morte, silencieuse, atrocement vide. Bravant ces ténèbres aphones, la princesse continua pourtant de se diriger vers son objectif, la salle du trône. C’était là son dernier espoir.

Pour son plus grand désespoir, elle était malheureusement aussi abandonnée que le reste. Nulle présence rassurante ne l’attendait ici, nul sabot compatissant n’était présent pour la sortir de ce cauchemar. Twilight se laissa alors gagner par l’affliction, ses pattes cédèrent et elle tomba au sol dans un silence de mort ; rapidement, un petit anneau liquide fait de ses larmes commençant à nouveau à tournoyer autour de sa tête en une farandole moqueuse.

Machinalement, elle leva la tête vers le plafond et remarqua qu’il était en réalité absent, laissant transparaître cette voute céleste inconnue. Ses yeux se posèrent alors sur le mont qui dominait Canterlot et son cœur cessa de battre un instant lorsqu’elle réalisa que la montagne n’était plus là, remplacée par quelque chose de plus imposant ; une créature aux proportions dantesques, cyclopéennes.

Elle semblait assise à même le sol, les jambes repliées contre son torse, enlacées par ses bras. Trois pairs d’yeux d’un jaune plus ardent que les étoiles se distinguaient sur sa tête, dont la partie inférieure était garnie de gigantesques tentacules, et l’alicorne était certaine que cette chose l’observait, du même regard qu’elle aurait elle-même surveillée une fourmi.

« Klutu ? » murmura-t-elle silencieusement, croyant reconnaître au travers de sa vue brouillée par les larmes l’étrange équidé. Pourtant les deux êtres n’avaient rien à voir, ne serait-ce qu’au niveau des proportions, et leur anatomie était elle-même fondamentalement différente, ce titan étant vraisemblablement bipède.

La gigantesque créature commença alors à remuer, libérant ses bras et écartant ses jambes pour prendre une position en tailleur ; un grondement sourd, qui se ressentait dans les entrailles plus qu’il ne s’entendait, accompagna ces gestes. De gigantesques ailes membraneuses se déployèrent, masquant le ciel et elle pencha doucement son torse vers Twilight, approchant avec lenteur mais inexorabilité sa tête démesurée.

L’alicorne était incapable de faire le moindre mouvement et elle savait avec certitude que quoiqu’elle ait pu essayer de faire, cela aurait été vain ; ce mastodonte dégageait une aura à ce point implacable qu’il lui aurait été impossible de réussir à lever le moindre sabot contre lui.

Le visage de colosse envahissait désormais le champ de vision de la princesse, remplissant l’ensemble de l’espace dégagé au sein du toit délabré. Les gigantesques pseudopodes s’avancèrent alors doucement vers elle, glaçant son sang et faisant trembler son esprit, ce dernier luttant de tout son soûl pour garder son intégrité. L’un des membres labiaux atteignit son visage.

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Twilight grommela, les yeux secs et la bouche pâteuse. Elle pouvait sentir quelque chose lui caresser le visage en de multiples endroits. L’alicorne tenta alors d’écarter les paupières et sa vision fut submergée par une étrange forme verdâtre dont plusieurs éléments filiformes paraissaient s’agiter devant elle. Son regard s’ajusta et elle commença à distinguer des yeux dorés, une crête et moult pseudopodes ; les caresses quant à elles continuaient.

Puis son esprit réalisa enfin ce qui était en train de se passer. Klutu était là, perchée sur le lit royal et visiblement déterminée à pratiquer consciencieusement un travail analytique, basée sur une série de palpations méthodiques du visage de la princesse de l’amitié.

L’alicorne hurla et, dans un réflexe de défense, envoya voler le squidpony d’une décharge télékinétique qui lui fit traverser la fenêtre. Si le mot que prononça la créature durant ce nouveau vol fortuit était aussi incompréhensible que d’habitude, ressemblant peu ou prou à « Gh’iajt », il semblait néanmoins possible d’en deviner le sens sans avoir beaucoup de chances de se tromper. Cela ressemblait bien trop à un « décidemment » blasé.

« Twilight ? Que se passe-t-il ? » cria Spike en déboulant, paniqué, dans la pièce.

La princesse eut besoin d’un petit moment pour reprendre ses esprits autant que son souffle ; une telle expérience au réveil avait de quoi décontenancer le poney le plus endurci.

« - Il y a que Klutu était ici, sur mon lit, commença-t-elle, en train de me… De me…

- De te quoi ?

- Raah mais tu sais très bien ! » répliqua l’alicorne, dégoutée autant que gênée par cette situation inconfortable et indigne de son rang.

Le dragon, quant à lui, commença à regarder autour de lui.

« - Et elle est où désormais ? interrogea-t-il.

- Je pense que je l’ai jetée par la fenêtre.

- Par la fenêtre ?

- Oui, murmura-t-elle, mal à l’aise.

- Tu veux dire que tu l’as balancée dans la nature le jour où tu devais l’amener à Canterlot ? Alors que tu avais bien pris soin de l’enfermer dans une chambre protégée par des sorts de haut niveau pour éviter tout imprévu ? »

Spike s’arrêta un instant, comme s’il venait de réaliser quelque chose, avant de reprendre.

« - D’ailleurs comment en est-elle sortie ? Je croyais que tu avais créé une protection que seule une alicorne aurait pu briser.

- Et bien disons que c’est une alicorne ! » répliqua violemment Twilight.

Le jeune saurien recula d’un pas, surpris par cette soudaine montée de colère. Cela faisait déjà un petit moment qu’il avait l’impression que quelque chose d’inquiétant grandissait au sein de son amie, un ensemble de pulsions brutales qui émergeaient de temps à autre, sans prévenir.

« Excuse-moi Spike » dit doucement la princesse, visiblement elle aussi consciente de sa maladresse. « C’est juste que elle m’a… elle m’a… Beurk ! » gémit-elle en se frottant vigoureusement le visage, comme si elle essayait ainsi de faire disparaître une quelconque souillure.

« - Et qu’est-ce que l’on peut faire maintenant ? hasarda le dragon.

- Et bien… Te serait-il possible d’aller la chercher ? » lui demanda l’alicorne, accompagnant cette requête d’un sourire dont le moindre détail était savamment calculé pour ne laisser à son interlocuteur qu’une seule réponse possible. L’expérience du monde politique avait ses avantages.

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Spike sortit en maugréant du château. Trouver Klutu, en voilà une bonne idée. De ce qu’il avait pu voir de la squidpony, elle était loin d’être le poney le plus prévisible de la création. Si en plus elle avait eu l’idée d’utiliser ses ailes, il était tout à fait possible qu’elle fut désormais loin.

Il lâcha un soupir et se résigna. Twilight lui avait demandé un service et il se devait de le faire. Il commença alors à interroger les poneys qu’il croisait, espérant trouver une piste. Ce n’était pas toujours très concluant, bien que certains admettaient avoir vu un équidé non-identifié partir en ballade d’un pas étrangement sautillant à l’ouest de la ville. C’était de toute façon l’information la plus pertinente qu’il avait pu trouver.

Durant son enquête, il eut aussi droit aux remontrances de la maire de Ponyville, qui trouvait difficilement acceptable que la princesse laisse un tel être se promener de la sorte. L’histoire du cottage de Fluttershy s’était en effet répandue dans l’ensemble de la bourgade et la squidpony commençait à être considérée comme un danger public, même si elle ne semblait pas s’attaquer aux poneys.

A cette pensée, Spike eut alors une déglutition incontrôlable. Elle ne faisait rien aux poneys, certes, mais aux dragons ? Le courage commença à lui manquer et ses jambes devinrent flageolantes, c’était là une perspective à prendre en compte. Son regard dériva alors instinctivement vers le de carrousel et cette vision, accompagnée de l’image de Rarity, lui redonna sa force.

Il se dirigea par conséquent vers la maison de la licorne, espérant qu’elle pourrait peut-être l’éclairer sur la fugitive, avant de frapper à la porte une fois arrivée sur le palier. Il entendit alors une succession de bruits étouffés et de pas incertains s’approcher lentement de l’entrée. Enfin, après une longue attente, la porte s’ouvrit.

Des étoiles s’allumèrent dans les yeux du dragon, comme à chaque fois qu’il la voyait. Elle était la perfection incarnée, une beauté d’une pureté et d’une distinction sans égale. Même avec un regard absent, une crinière ébouriffée, une démarche chancelante et un long filet de bave pendouillant de sa lèvre inférieure, car c’était ainsi qu’elle se présentait en ce moment, elle restait splendide.

Se rappelant de la raison de sa présence, Spike commença à l’interroger mais aucune réponse intelligible ne sortit de la bouche de la jument, seulement un concerto de gémissements étouffés. Cependant, quelque chose sembla changer en elle quand il prononça le nom de Klutu. Un sourire aussi radieux que baveux s’épanouit sur son visage et ses roucoulements doublèrent d’intensité.

Sans savoir pourquoi, le dragon fut pris à ce moment pris d’un intense sentiment de jalousie ; sans doute désirait-il inconsciemment que ce fût son nom qui fasse un tel effet. Mal à l’aise, le charme brisé, il décida de battre poliment en retraite. Rarity ne le remarqua pas s’éloigner, les yeux toujours perdus dans le vague.

« Mmmmpf » susurra-t-elle béatement.

Spike, quant à lui, se sentait en colère bien qu’incapable d’en déceler la raison exacte. Ses pas l’amenèrent vers l’extérieur de la ville, inconsciemment dans la direction que lui avaient auparavant indiqué certains des passants. Des rires entendus à proximité le sortirent de ses sombres réflexions et il les suivit, cherchant à en trouver l’origine.

Il vit alors apparaître Klutu, voletant à un mètre du sol et entourée par les cutie mark crusaders qui sautillaient autour d’elle, euphoriques. Il s’approcha doucement et lâcha un toussotement poli pour indiquer sa présence. Quand elles s’en rendirent compte, les trois pouliches accoururent vers lui avec un enthousiasme inquiétant.

« - Spike ! Spike ! Regarde ! l’invectiva Applebloom.

- Regarde ! Regarde ! répétèrent à l’unisson Scootaloo et Sweetie Bell. »

Puis, mettant toutes leurs flancs bien en évidence, elles s’exclamèrent en cœur : « Nous avons nos cutie mark ! »

Le saurien resta muet de surprise, et en effet, elles avaient raison ; différents symboles se dessinaient sur la peau anciennement vierge des trois pouliches. Cependant, ils étaient particulièrement étranges et Spike n’arrivait pas en déterminer la signification. Applebloom arborait ce qui ressemblait à un pilier ceint d’étranges glyphes, Scootaloo une sorte de spirale ésotérique à la construction particulièrement complexe et Sweetie Bell ce qui ressemblait à un visage dont la bouche était ceinte de tentacules.

« - Que s’est-il passé ? balbutia-t-il avec difficulté.

- On n’en sait rien, répondirent les pouliches à tour de rôle, on était ici quand on a vu Klutu arriver, on a joué un peu avec elle, et pouf ! Nous avons nos cutie mark ! »

Cette dernière phrase avait été prononcée en cœur et sur un ton qui s’approchait de l’hystérie. Spike trouvait la situation… étrange quoiqu’en même temps, cela signifiait l’arrêt des tentatives d’assassinats – de ponycide involontaire dirait Twilight- des cutie mark crusaders, ce qui était finalement une bonne chose.

De plus il avait réussi à retrouver la squidpony. En fait, la journée ne commençait pas trop mal.

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La princesse Twilight Sparkle attendait patiemment ses amies à la gare de Ponyville, accompagnée d’une squidpony et d’un jeune dragon. Le second essayait d’ailleurs, et avec difficulté, d’empêcher la première de poser ses tentacules n’importe où, particulièrement sur les voyageurs qui regardaient l’étrange créature d’un regard moitié inquiet, moitié curieux.

L’alicorne était globalement rassurée ; Klutu n’avait apparemment rien tué au cours de sa dernière virée. De plus, elle semblait se retenir de faire exploser les dragons, ce qui était tout aussi positif. Peut-être qu’au final, elle épargnait instinctivement les êtres doués de parole ? Cependant le bilan n’était pas totalement satisfaisant et Spike lui avait transmis les remontrances du maire, chose qui ennuyait profondément Twilight. A quoi bon devenir une princesse si c’était pour ensuite subir les remontrances d’un personnage élu démocratiquement par le peuple ?

Il y avait aussi cette histoire des cutie mark crusaders à laquelle elle aurait bien jeté un coup d’œil si elle avait eu le temps, ce qui n’était malheureusement pas le cas ; rares étaient les choses qui mettaient Celestia de mauvaise humeur, mais le retard à une convocation prioritaire en faisait assurément partie. Au pire elle verrait ça à son retour, ce n’était pas comme si les pouliches allaient provoquer la fin du monde dans les jours qui venaient.

Twilight fut tirée de ses pensées quand elle vit deux pégases arriver lentement. Un sourire sincère commença à s’épanouir sur son visage à la vision de ses deux amies, avant de s’évanouir en une fraction de seconde quand elle croisa leur regard. Rainbow Dash ne semblait toujours pas avoir digéré ses défaites dans les différentes altercations qu’elle avait eu avec Klutu. Quant à Fluttershy…

Si la ponette beurre, pourtant habituellement d’une gentillesse capable de faire fondre l’esprit le plus buté, avait pu découvrir le moyen de tuer d’un simple regard, elle l’aurait sans aucune hésitation testé sur la squidpony. Cette dernière n’avait toutefois pas remarqué leur arrivée, trop occupée qu’elle était à essayer d’échapper à la surveillance de Spike.

L’alicorne tenta bien d’alléger l’atmosphère mais ce fut peine perdue. Même son sourire le plus travaillé, celui qu’elle réservait aux occasions exceptionnelles, telles la visite officielle d’un orphelinat pour poulains cancéreux, ne réussit à faire disparaître l’humeur maussade, voire haineuse, des deux pégases.

L’apparition des trois dernières porteuses des Eléments de l’Harmonie fut alors un réel soulagement, bien qu’elle déchanta très vite en remarquant que Pinkie Pie et Applejack poussaient Rarity plus qu’elles ne l’accompagnaient. L’étrange état dans lequel était plongé la licorne ne semblait pas avoir changé ; son pas était incertain, ses yeux perdus dans le vide et elle n’avait fait aucun effort pour paraître un tant soit peu présentable. Twilight n’avait aucune idée sur la nature de ce mal, mais c’était sans aucun doute quelque chose de sérieux. En fait, la fashionista ne parut aller mieux que lorsqu’elle posa son regard son Klutu et personne ne fut capable de dire s’ils avaient gagné au change ; les gémissements rêveurs que poussait désormais sans cesse la licorne avaient quelque chose d’inquiétant.

Néanmoins, tous rentrèrent dans le wagon qui leur était attribué au moment où le chef de gare signala le départ imminent du train. Le voyage se déroula sans aucun accroc si ce ne fut un léger heurt avec les contrôleurs. Qu’importe que Rarity fût en compagnie d’une princesse, ils goûtaient peu le fait que l’on bave sur les fauteuils de la voiture.

#

Arrivée à Canterlot, la petite troupe se divisa. Celestia avait certes requis la présence des six ponettes et de la squidpony mais seules Twilight et Klutu avaient été convoquées pour une entrevue. Avant de partir, la jeune alicorne prit néanmoins Applejack à part pour lui demander d’essayer de tenir Rarity autant que possible à l’écart de la foule. Vu son état, mieux valait-il qu’elle ne croise aucune de ses connaissances sous peine de voir sa réputation ruinée. Fidèle à elle-même, la fermière accepta cette mission sans renâcler et la princesse de l’amitié s’en alla l’esprit allégé.

Elle arriva ensuite au château, accompagnée de la créature venue d’on ne savait trop où, et fut accueillie avec déférence par la soldatesque qui jalonnait les nombreuses portes du massif bâtiment. Après avoir traversé plusieurs couloirs, elle entra enfin dans la salle du trône où patientaient trois gardes, qui lui apprirent que la princesse du Soleil désirait s’entretenir seule avec elle et qu’ils étaient là pour s’occuper de la squidpony.

Twilight se sentit mal à l’aise à l’idée d’abandonner ainsi Klutu, non pas qu’elle s’inquiétait pour la jument mais au contraire pour les soldats. Savaient-ils vraiment dans quoi ils s’embarquaient ? Cependant, il lui fallait bien rencontrer Celestia et elle n’accepta qu’à contrecœur cette séparation, après avoir toutefois donné quelques conseils qu’elle jugeait nécessaire.

« Ne soyez pas brutal mais méfiez-vous d’elle, elle peut parfois se montrer un peu trop… affectueuse » avait dit l’alicorne d’un sourire gêné. « Et surtout, ne la regardez jamais directement dans les yeux. »

Sur ces paroles, elle se détourna, délaissant les gardes désormais un peu anxieux, pour se diriger vers les appartements de Celestia.

Il ne lui fallut pas quinze pas pour entendre derrière elle l’exclamation de l’un des étalons. « Eh ! Mais enfin ! Voyons mademoiselle ! » avait-il prononcé.

Twilight regarda en arrière, les yeux las ; elle n’avait eu aucun mal à deviner le problème. Klutu s’était en effet prise de curiosité pour les armures que portaient ses surveillants et elle s’était par conséquent mise en tête de les analyser avec moult palpations de ses pseudopodes. Les trois gardes, quant à eux, n’avaient visiblement aucune idée de comment réagir, en particulier celui qui avait eu la malchance d’être la cible de l’intérêt de la squipony.

L’alicorne soupira et reprit sa route. Après tout, ils avaient été prévenus.

Celestia l’attendait dans ses appartements, l’air inquiet et entourée par de nombreux parchemins à demi-moisis qui jonchaient le sol.

« - Entre donc Twilight, lui dit-elle de sa douce voix. J’espère que tu as de bonnes nouvelles.

- Et bien… répondit avec difficulté la jeune alicorne, gênée par situation. Disons que cela ne va pas trop mal.

- Pas trop mal ? »

Cette dernière parole avait été prononcée sur un ton ferme et autoritaire qui ne laissait aucune échappatoire ; la princesse du Soleil ne semblait pas prête à se satisfaire de réponses évasives. Par conséquent, Twilight lui raconta les derniers meurtres de Klutu ainsi que son étrange rêve. Une fois son récit terminé, Celestia soupira.

«- Pardonne-moi ma très chère disciple, mais cette situation m’inquiète au plus haut point. Beaucoup trop de choses concordent avec les écritures.

- Les écritures ? s’étonna la princesse de l’amitié.

- Oui, ces parchemins oubliés et aux récits déments dont je t’avais parlé hier. Tiens, dit-elle en accompagnant la parole d’un geste de sabot vers l’un des feuillets qui reposait sur la table au centre de la pièce, lit donc ceci. »

Twilight s’exécuta poliment et fit venir le texte à elle en utilisant sa magie avant de commencer à le lire. Il ne lui fallut pas trois mots pour qu’une grimace n’apparaisse sur son visage ; c’était absolument affreux.

« É alor viendra la bette venu du fon dé abimes, héro damnait de la volontait implacable de sons mètre ; ibride daiman ou le sant de nôtre rasse se mailanje avaic selui de sont saigneur é paire. Un cort aiquin avaic sur la dot les èles des kréatures modites de la nuid é sure le visaje un assamblaje imonde de mambre sinueuh ; çon regar ne serai kant a lui ke lé reflait dé abiss lé plu profont… »

L’alicorne cessa sa lecture, c’était bien plus qu’elle ne pouvait en supporter. Comment Celestia avait-elle bien pu lire l’ensemble de ces écrits immondes sans devenir folle ? Elle leva les yeux vers la princesse du Soleil et remarqua alors la pointe de lassitude qui se terrait au fond du regard de la souveraine, ce qui fit naître un intense sentiment de compassion chez la jeune jument.

« Alors ? » reprit Celestia, coupant court aux réflexions de la jument. « Ne trouves-tu pas que tout cela concorde ? »

Twilight resta un moment indécise, perdue dans ses pensées ; elle devait bien admettre que cette description, ou du moins ce qu’elle arrivait à en comprendre, ressemblait un peu trop à celle de Klutu. Machinalement, elle promena son regard d’un parchemin à l’autre, cherchant tout et rien à la fois. Un passage, griffonné à la va-vite et d’une calligraphie déplorable, retint alors son attention.

« Touchait part la bainaidiction du héro les faimailles se soumaittron é eur espri divaggera dan lé laimbe du paçé é du présant ou riain n’aurat plu d’importansse poure aile ci se n’ait le héro kar tail é la pouvoire de l’omaigasme ! »

« Tiens, on dirait une description de l’état dans lequel se trouve Rarity en ce moment » murmura la jeune alicorne en lisant cette horreur littéraire. Sa réflexion intrigua fortement Celestia, qui parut d’un coup encore plus troublée.

« - De quoi parles-tu Twilight ? lui demanda-t-elle d’une voix nerveuse.

- Et bien cet état, là, « l’omaigasme », on dirait vraiment l’état dans lequel Rarity est plongé depuis hier…

- … suite à la fugue de Klutu… » coupa la monarque d’une voix dorénavant angoissée.

Soundain, le visage de la princesse du Soleil laissa transparaître une intense surprise, comme si elle venait de réaliser quelque chose d’absolument terrifiant.

« Oh non ! Non ! Non ! » commença-t-elle à maugréer en se dirigeant avec empressement vers l’entrée de son appartement. Twilight lui emboîta la pas et essaya de la questionner sur cette inquiétude soudaine mais sa tutrice resta muette, trop absorbée pour ne serait-ce qu’entendre les interrogations de la princesse de l’amitié.

Elles déboulèrent dans la salle du trône, Twilight un peu en arrière et peinant à suivre les longues enjambées de la souveraine d’Equestria sans se mettre à galoper. Les trois gardes, ceux censés garder Klutu, étaient toujours présents mais la squidpony ne pouvait se voir nulle part.

« Où est-elle ? » questionna Celestia d’un ton rendu étonnamment brutal par la peur. Les soldats eurent tous un léger mouvement de recul, clairement peu à leur aise face à la colère de l’alicorne céleste. La discipline reprit néanmoins vite le dessus et le plus gradé d’entre eux donna une réponse audible quoique bégayante :

« - Et bien votre sœur, la princesse Luna, est venu nous trouver il y a de cela environ une vingtaine de minutes. Elle avait apparemment une audience de prévue avec la demoiselle que nous étions censé garder.

- Une audience ? répliqua brutalement Celestia.

- Et bien… oui, répondit l’officier d’une voix de moins en moins assurée.

- Et vous avez obéi ? »

Si l’étalon avait pu à cet instant trouver un terrier dans lequel se cacher, il s’y serait jeté sans même prendre le temps d’y réfléchir. Jamais dans toute sa carrière militaire il n’avait vécu une situation aussi inconfortable, et jamais il ne s’était senti aussi proche de gagner un voyage gratuit quoique définitif pour la lune.

« Votre majesté, reprit-il avec difficulté, la princesse Luna est elle aussi… heu… notre supérieur hiérarchique. Nous ne pouvons discuter ses ordres sauf en cas de contre-ordre de votre part. »

Celestia se détourna vivement des soldats et s’en retourna sans rien dire vers les appartements royaux d’une marche toujours aussi pressée, Twilight sur ses talons. L’alicorne céleste se maudissait intérieurement ; en effet, c’était bien sa faute, elle aurait dû penser à tenir la squidpony absolument éloignée de sa sœur.

Les deux juments arrivèrent à l’entrée des appartements de Luna et Celestia ne perdit pas un instant pour frapper violemment à la porte en appelant sa sœur. Pour toute réponse, il n’y eut qu’un long silence avant que ne se fasse entendre des bruits étouffés et le son de pas mal assurés ; finalement, la porte s’ouvrit.

Klutu en émergea immédiatement d’un pas sautillant et toujours nantie de cette indescriptible attitude, comme si rien de ce qui se passait autour d’elle ne pouvait l’affecter d’aucune manière. Twilight l’arrêta immédiatement d’un sabot pour empêcher la squidpony d’aller gambader dans les couloirs.

Luna se tenait quant à elle dans l’embrasure de la porte, avachie contre l’un des montants finement ouvragées, un peu comme si elle avait du mal à tenir sur ses pattes. La princesse de la nuit arborait un demi-sourire absent et légèrement baveux alors que ses yeux regardaient clairement dans le vide ; la présence des deux alicornes ne semblait pas la concerner le moins du monde.

« Mais ! On dirait exactement le mal qui touche Rarity ! » s’exclama Twilight en reconnaissant les étranges symptômes qui avaient drastiquement changé la personnalité de l’alicorne.

Celestia, quant à elle, se grattait nerveusement le bas du front avec l’une de ses pattes. Entre la gravité de la situation, sa propre colère et l’innocence un peu inquiétante de celle qui avait été son élève, elle avait le plus grand mal à se concentrer.

Luna sembla alors se mettre à réfléchir, cherchant apparemment à donner une explication à la situation actuelle. Cependant, ce moment ne fut que trop fugace et rapidement, elle retrouva son expression béate.

« Mmmmmmmpf » fut tout ce qu’elle réussit à exprimer.

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Note de l'auteur

Après de nombreuses fictions à tourner autour du pot, voici enfin la première apparition de Monsieur C. Je suis ému.

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DaddyPhagocyt
DaddyPhagocyt : #23734
Si le jours où j'ai commencé MLP, on m'avait dit que cet univers mignon et coloré croiserait un jours les horreurs cosmiques lovecraftiennes et les petites productions japonnaise où problème intestinaux et sexe ne font plus qu'un pense, que je n'y aurais pas cru.
Enfin bon c'est toujours aussi drôle, je suis conquis
Si vous voulez bien m'excusé une douche froide m'attend pour effacer de mon esprit cette souillure faite à Luna.
Modifié · Il y a 3 ans · Répondre
Brocco
Brocco : #19169
@Hans : En fait, même le dessin de Lovecraft le montre avec trois yeux : [lien]
Il y a 3 ans · Répondre
Derpyna
Derpyna : #19081
moa jé conpri vautr convairçassion ai jé hatte deu voire meusieu cé an akssion
Il y a 3 ans · Répondre
Brocco
Brocco : #18808
@Hans : Si je ne m'abuse, c'est un détail dont ne parle pas Lovecraft. Cependant, dans le Necronomicon, Monsieur C. est décrit avec 3 paires d'yeux. Vu que ce bouquin, au-delà de sa qualité narrative discutable, est une bonne synthèse du mythe de Monsieur C., j'ai conservé cet aspect.

(Vous admirerez la conversation de vieux geeks qui pinaillent sur des détails)
Il y a 3 ans · Répondre
constantoine
constantoine : #18737
Moi aussi je suis ému
Il y a 3 ans · Répondre

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