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Allegrezza

Une fiction traduite par Littera Inkwell.

Concerto Quindici

Vinyl éclusa nonchalamment une nouvelle gorgée de sa boisson, et s’en vit plus comblée encore. Jamais l’alcool n’avait été considéré comme un vecteur fonctionnel vers la paix intérieure par le commun des poneys, pourtant Vinyl avait toujours trouvé que c’était un excellent agent relaxant. Il étouffait son torrent de pensées en un mince filet qui se révélait d’un débit bien plus lent et agréable à suivre.

C’est par la faute de ce nouvel état d’esprit qu’elle ne remarqua pas les attaques répétés du barcolt dans les environs, descendant en piqué sur les tables proches et revendiquant leurs verres abandonnés. Chaque raid avait lieu plus près que le dernier, et ils se soldèrent par un regard ardent dirigé sur le duo. Le barcolt avait mené plusieurs de ces assauts passifs quand Vinyl remarqua enfin l’attention qu’elle et Octavia recevaient. Elle leva les yeux vers le barcolt comme il allait assaillir la table adjacente à elles, ce qui eut pour effet de le faire tousser et revêtir un sourire poli.

« Bonsoir, mesdames. J’espère que vous passez une bonne soirée. »

Vinyl haussa les épaules, déplaçant Octavia au passage. Celle-ci s’était endormie sur son épaule, une idée compréhensible au vu des épreuves de la journée. Octavia appréciait rarement la sensation des réveils involontaires. Et le fait que la méthode employée soit un coup d’épaule pas très subtil de Vinyl ne la mettait pas vraiment dans de meilleures dispositions.

« Ouais, apparemment Octy passe aussi une bonne soirée. »

« La f… silence, toi. Sommes-nous toujours dans le bar ? »

« Ouais, on est censé rentrer chez soi avant de roupiller. »

Octavia quitta l’épaule de Vinyl, et s’appuya sur la table pour tenter de rester alerte.

« Tu aurais pu me réveiller plus tôt, ou au moins d’une manière plus élégante. »

Vinyl haussa encore les épaules, en imitant la moue d’Octavia au passage.

« Qu’est-ce que tu veux que je dise ? T’avais l’air si paisible, et j’aimais bien le silence. »

La moue d’Octavia dépassa les capacités d’imitation de Vinyl, les sourcils froncés en un regard irrité. C’était ce même regard que Vinyl lui avait confié qu’elle aimait par-dessus tout. Ses sourcils étaient rétrécis en de petites lignes délicates qui encadraient ses yeux embrasés. Pendant ce temps, le barcolt regardait, la bouche entrouverte, un sabot pointé vers elles.

« Vous êtes les deux ponettes de l’histoire, c’est ça ? Je me souviens de vous deux de la nuit où Butters est passée, mes tourterelles ! »

« Oh Célestia… nous préférerions ne pas discuter de ce sujet, mon bon Monsieur. »

« Ouais, Octy a pas aimé être le dindon de la farce dans la blague du tuba, mon pote. »

Octavia enfouit son visage dans un sabot et se le frotta contre en grognant.

« Oh, je suis si désolé à propos de ça, Mesdames. C’est juste que j’adore lire ce qu’elle écrit. Tout. Celui sur vous deux est de loin le meilleur, et sans doute le plus populaire ! »

Octavia avait le visage contre la table, et marmonnait contre le bois incrusté de taches de bière.

« C’est laquelle, déjà, qu’on sache quelles copies brûler ? »

« Oh, c’est ‘L’Artiste et le Charlatan’, du numéro quinze… publié le quatre mare… passé gold trois jours plus tard. Je ne comprendrai jamais pourquoi vous voudriez le brûler ! »

« Vous mémoire de quelque chose de privé mais basé sur des événements qui ne se sont pas produits m'inquiète. »

Le barcolt haussa les épaules, tout en maintenant son rictus quelque peu perturbant désormais. Octavia ne l’avait pas encore vu cligner des yeux. Elle était certaine qu’il était physiquement impossible pour un poney de se retenir de cligner si longtemps.

« Eh bien, vous devez admettre que c’est une histoire intéressante, au moins. »

« C’est la création de l’œuvre dans son entièreté que je n’ai pas appréciée. Encore une fois, je préférerais ne pas parler de ça, donc s’il vous plaît, Monsieur le barcolt. »

« Oui, Madame ? »

« Je sous-entendais que vous devriez partir. Maintenant. »

Le barcolt fit un pas en arrière, tout en restant largement à portée de voix. Octavia trouva le silence résultant extrêmement inconfortable, au point de la pousser à se retourner vers le barcolt toujours là avec un regard furieux.

« Vous avez besoin d'aide, Monsieur ? »

Le barcolt gratta distraitement le sol d’un sabot, en fixant un point juste en-dessous d’Octavia sur le divan.

« Je voulais juste dire, je savais que vous seriez bien l’une pour l’autre au moment où je vous ai vues. C’était si adorable la façon dont vous vous regardiez dans les yeux. Vous êtes mes waifus, toutes les deux. »

La barcolt poussa un soupir rêveur, et regarda le plafond d’un air nostalgique.

« Je vois. Mais toutes flattées que nous sommes, nous apprécierons un peu… d’intimité, si vous le voulez bien. »

Le barcolt se ressaisit brusquement. Sa voix déjà relativement efféminée tinta dans des aigus de soprano lorsqu’il parla.

« Ok, je serai juste là si vous avez besoin de quelque chose. N’importe quoi. »

Octavia et Vinyl observèrent le barcolt gambader du côté du bar, à leur lancer des coups d’œil tout en servant les clients.

« Eh bien, cet étalon est plutôt… »

« Flippant ? Je le trouve flippant, Octy. »

« Et puis c'est quoi, une ‘waifu’ ? »

« Je crois que c’est le truc avec lequel on fait les cônes des glaces. »

Octavia soupira, sirota un peu de son vin désormais chaud, avant de le recracher l’air de rien aussi discrètement que possible. Le vin chaud était aussi agréable que la glace chaude, pour elle.

« Tu sais quoi, est-ce que tu as fini ton verre, Vinyl ? »

« Ouais, je l’ai fini avant que tu te sois réveillée. Je commençais à m’ennuyer avec personne d’éveillé à qui parler. »

Octavia se détourna du barcolt omniscient pour faire face à Vinyl, et tenta de voir à travers les lunettes qu’elle avait décidé de porter cette nuit. Octavia méprisait secrètement ces lunettes, elles rendaient extrêmement difficile jauger les pensées de Vinyl, comme si elle cachait quelque chose. Elle se dit que les casser serait, peut-être, un heureux accident. Tant que Vinyl n’y était pas trop attachée, bien sûr.

« Bien, j’ai fini. Le barcolt dévoile un aspect de sa personnalité que je trouve déconcertant, et je suis fatiguée. Que dirais-tu de rentrer à la maison ? Je me suis assez amusée pour cette nuit. »

« Quoi… rentrer maintenant ? »

« Oui, je ne veux pas vraiment rester là. »

« Toutes les deux ? »

« À moins que tu ne veuilles rester. »

Vinyl secoua la tête, presque au point de déplacer les lunettes sur son museau.

« C’est que… euh, est-ce qu’on rentre… ensemble ? »

« Eh bien, si tu le souhaites. »

La phrase resta suspendue aux lèvres d’Octavia, et Vinyl sourit. Alors qu’Octavia ne pouvait pas voir dans ses propres yeux, elle pouvait voir droit dans ceux d’Octavia. Elle se devait d’admettre qu’elle aimait ce qu’elle y voyait. L’invitation admonestée par le doute, une expression qui faisait briller les yeux d’Octavia d’une façon des plus séduisantes.

« Si vous insistez, Madame Octavia. Je suppose qu’il me faudra vous accompagner en vrai gentlecolt. »

« C’est d’un chevaleresque. Allons-y dans ce cas, mais… évite de regarder le barcolt. »

Vinyl passa derrière Octavia, et vit ses yeux attirés par la marque de beauté sur son flanc en trottant dans son sillage. Octavia regarda par-dessus son épaule, une expression moins irritée que Vinyl l’aurait imaginée en la débusquant de la sorte.

« Vinyl. »

« Ouais ? »

« Quand j’ai dit, ‘ne regarde pas le barcolt’, je ne voulais pas dire ‘reluque ma croupe à la place.’ »

* * * * * *

La décision ayant été prise sur le chemin de leur destination, Octavia se retrouva à suivre Vinyl dans son appartement, à fouler prudemment un tapis secondaire de magazines de DJ et de vieux glowsticks. Elle tenta de s’asseoir sur le divan, mais vit ses intentions entravées par un assortiment désordonné de vinyles, boîtes de pop-tarts, et pièces de lecteur CD. Elle poussa doucement les détritus sur le côté, puis s’installa confortablement sur le canapé.

Puisque Octavia avait évoqué ses tiraillements d’estomac soudains en route, Vinyl se faufila dans la cuisine pour préparer de la nourriture. L’alcool drainait habituellement son estomac, apparemment, et l’organe tentait souvent de compenser avec plus de nourriture. Pas toujours une bonne idée, mais la situation s’imposait d’elle-même comme Octavia n’était pas en état mental d’avoir des bonnes idées.

Le divan de Vinyl, bien que n’étant pas un modèle de mobilier exemplaire – ou, dans une moindre mesure, propre – était extraordinairement confortable dû au fait que tous les ressorts à l’intérieur avaient cassé avec le temps. Il en résulta un effet ‘pouf’ quand Octavia sombra avec joie dans ses profondeurs de daim, au point de ressembler à un chien de prairie aristocrate.

Vinyl sortit finalement de la cuisine, un essaim de tasses de thé et de toasts dans son aura magique. En temps normal Octavia se serait plainte à l’idée de manger de la confiture sur des toasts comme une sorte d’écolière, mais, à ce moment, elle était bien trop affamée pour se plaindre de quoi que ce soit.

Les pièces de lecteur CD et autres bidules furent délicatement soulevés dans un nuage de magie, et placés sur une commode avec un niveau de soin presque révérencieux. Octavia regarda la pile en mâchant son toast avec une expression pensive. Elle dut finir son morceau – et plein d’autres – avant que sa bouche ne soit disponible pour accomplir des tâches moins nutritives. Une de ces tâches était respirer, l’autre était parler.

« C’est quoi ce tas de pièces de lecteur CD ? Tu t’es ennuyée et tu as tenté de le détruire ? »

Vinyl leva un sabot, remua furieusement sa mâchoire pour broyer le toast, avant d’avaler. Octavia était forcée d’admettre avec une certaine joie que quelques-unes de ces propres façons déteignaient sur les manières de Vinyl.

« Ben, bien sûr que j’les casse avant. C’est comme ça que j’arrive à avoir les pièces. »

Le sabot tendu d’Octavia oscilla sur sa position indiquant la pile de pièces, comme elle tentait de saisir l’intention derrière l’action.

« Je ne… »

« Regarde. »

La magie de Vinyl saisit les pièces dans une aura grise et les fit léviter sous leurs museaux mutuels. Elle fit avancer chaque objet un par un tout en parlant, en les faisant danser devant les yeux d’Octavia pour lui permettre de les voir de plus près.

« Cette pièce-là est un filtre anti-crépitement, ça permet au disque de jouer plus proprement. Celle-là c’est une platine polyvalente pour toutes les tailles de disques, cette pièce-là c’est pour empêcher les vibrations, surtout si t’as des bonnes basses à côté. Une pointe de lecture de qualité supérieure pour mieux lire la musique, et une table magique haut-niveau pour faire marcher tout ça. Oh, et j’ai pris celui-là comme exemple… parce que je le trouvais cool. »

Le tsunami de connaissances insoupçonnées décrocha la mâchoire d’Octavia. Bien qu’elle fût en général capable de gérer n’importe quelle situation inattendue de façon cohérente, l’alcool est une substance bien connue pour sa capacité à ébranler la cohérence dans des cas pareils. En fait, certains pourraient arguer que c’était la seule et unique raison pour laquelle les poneys buvaient.

« Eh bien… je vois que tu t’intéresses à tout ça en profondeur. Je n’aurais jamais cru que tu puisses être une experte technique, Vinyl. »

Vinyl fit un geste du sabot pour écarter modestement le compliment d’Octavia.

« Nah. Les lecteurs CD c’est facile, c’est qu’un circuit analogique avec un petit préamplificateur pour booster le signal à travers le phono. Brancher une stéréo est une vraie plaie, mais ça donne de chouettes résultats. Monter un ampli et le faire marcher est beaucoup plus dur, crois-moi. »

« Encore une fois… tu as bien plus de connaissances en la matière que ce à quoi je m’attendais. »

Vinyl gloussa, ses sabots libres, et son toast depuis longtemps consigné à l’endroit dans le ciel où vont les toasts après avoir quitté ce monde. Elle fit tomber les miettes sur ses sabots, et trouva une place pour poser son assiette sur une pile de boîtes de céréales non loin.

« Je suis un DJ, si je peux pas me construire un matériel décent, à quoi je suis bonne ? C’est un peu comme toi avec ton violoncelle, non ? Des tas de guitaristes construisent leur propre instrument. »

Octavia tripota nerveusement l’étui de son violoncelle, soudainement consciente du peu qu’elle avait investi dans sa construction. C’était simplement une machine qui remplissait son rôle, ni plus ni moins.

« J’ai reçu mon violoncelle en cadeau à mon anniversaire. La plupart des musiciens que je connais en ont un fait pour eux. »

Vinyl ouvrit des yeux ronds et une bouche grande comme un gouffre jovial.

« Tu rigoles ? Construire ton matériel c’est la moitié du plaisir ! Tu passes une éternité à l’accorder jusqu’à ce qu’il soit parfait, et après il est fait pour toi. J’avais pensé que c’était pareil pour toi et ton violoncelle. »

« Je… le laisse jouer. Je l’accorde, et c’est tout. »

« Ah, de nous deux je suis donc la plus soigneuse et professionnelle, Mademoiselle Octavia. »

Octavia ricana, avant de réaliser qu’elle était en train de ricaner, et à la place poussa de grands éclats de rires falsetto. Les lèvres de Vinyl tremblèrent comme elle tentait de rester impassible, puis atteignirent leur fréquence de résonance et volèrent en éclats, autorisant de puissants et profonds éclats de rires à s’en échapper.

« Oh, Vinyl… tu es une sacrée blagueuse. »

« J’étais sérieuse. »

« La ferme. »

Octavia envoya une claque joueuse dans l’oreille de Vinyl, qui sursauta d’une douleur feinte. Elle se frotta la ‘plaie’ en signalant combien elle se sentait blessée avec une moue peinée.

« Octy, c’était pas très sympa. Il va falloir que tu fasses un bisou pour soigner ça. »

Le clin d’œil espiègle qu’elle voulut donner se vit changé en un clignement confus à mi-chemin comme Octavia lui donnait une autre claque, avec légèrement plus de force cette fois.

« Eh… si je te disais que j’aime quand tu me frappes, tu arrêterais ? »

Octavia s’arrêta une patte dans les airs, méditant la question avec un sourire de contentement. Elle hésita un moment, avant de frapper Vinyl encore une fois, puis baissa son sabot pour s’en remettre à un nouveau clin d’œil.

« Eh bien, je considérerais que tu es une bien étrange jument pour apprécier de tels abus. Mais je sais déjà que tu es une jument étrange. »

« Je préfère ‘pas mainstream’, c’est plus flatteur. »

« Mais bien sûr. Si tout ce que tu aimes est de te faire frapper, j’ignore jusqu’où nous pourrons aller avant qu’il ne me faille te matraquer avec ton propre lecteur CD. »

Vinyl maintint le contact visuel avec Octavia, luttant pour garder une expression évasive.

« Oh, il y a d’autres choses que j’aime. Mais je crois que t’as une bonne idée de tout ça depuis la nuit dernière. »

« Au contraire, je ne rappelle rien de cette nuit. Peut-être devrais-tu… me rééduquer, si ce n’est pas trop te demander. »

Vinyl sourit, s’approcha d’Octavia, et lui murmura à l’oreille.

« Juste pour prévenir, par contre. J’aime enseigner par la démonstration, si tu es d’accord. »

Octavia rougit et toussa dans la plante de son sabot pour le cacher. Elle gloussa, avant de se faire chasser par un sabot comme la leçon commençait.

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constantoine
constantoine : #18347
Ce chapitre entier était perturbant...
Il y a 3 ans · Répondre

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