À présent qu'il était lâché dans l'intégralité de ce monde inconnu pour lui, Chopin regrettait les intrusions de la voix servant de tutoriel. Il ne savait pas absolument pas où aller, ni comment se procurer de l'argent, qu'il imaginait vraiment nécessaire pour mieux s'équiper. Au cours de ses errances, il revenait sur son précédent affrontement . Il avait eu beaucoup de chance de découvrir assez rapidement le joueur et le sac, car en regardant à nouveau la carte de ses yeux verts, il prit conscience de la vaste superficie de ce simple quartier ayant servi d'arène.
Globalement, il ne rencontra que peu de joueurs en traversant la principale avenue de Brooklyn. De plus, ces derniers n'avaient pas l'air d'être des nouveaux, vu leurs tenues, beaucoup plus soignées que la sienne, et leurs sacs paraissant bien plus solides. Il ne vit pas leurs armes, mais il pensa que c'était normal, on était en pleine ville. Il voulut apostropher un petit groupe de cinq rassemblé à un croisement, mais ces derniers se saluèrent avant de se déconnecter. Chopin soupira tourna à gauche, s'apprêtant à rejoindre un autre quartier, le « Queens ».
Cette première ville lui paraissait désespérément vide et cela lui rappelait tristement qu'il était entré vraiment tard dans la partie. Nul doute que deux ans auparavant, ces mêmes rues silencieuses grouillaient de vie, avec des milliers de joueurs commençant déjà à former des groupes. Néanmoins, il reconnut que d'un point de vue purement ambiance, la cité était parfaitement raccord avec la campagne de promotion du jeu.
Un autre point qui l'inquiétait, même s'il ne s'était pas trop attardé au départ, c'était cette absence de musique. Lui qui aimait, pour ne pas dire adorait les musiques tirées de jeu, il était sacrément dépaysé. Certes, le jeu se voulait réaliste au possible, mais supprimer purement et simplement les musiques d'ambiance... il avait du mal à s'y faire. Pourtant, il aurait bien vu un morceau du genre de « Under the all divine protection », surtout à présent que le soleil s'était couché et que les rues s'éclairaient. Il ne savait pas comment c'était possible dans une cité abandonnée, mais c'était peut-être expliqué dans le scénario ou par les PNJs. Les survivants s'arrangeaient sans doute pour que l'éclairage soit au rendez-vous. En tout cas, c'était bien pratique, car Chopin constata que certains lampadaires étaient cassés, et qu'il n'y voyait pas grand chose dans ces parties. Maintenant qu'il s'était mis la musique dans la tête, le nouveau venu ne put se retenir de la fredonner pour accompagner ses pérégrinations.
Au bout de plusieurs minutes de marche paisible dans le Queens en solitaire, Chopin entendit derrière lui la première voix de joueur depuis un bon moment :
« Eh, toi ! »
Il se retourna et vit courir devant lui une silhouette familière, celle du joueur tatoué qu'il avait pour le moins lâchement égorgé. Il espérait au fond de lui que ce n'était pas pour se venger de sa défaite lors du didacticiel joueur contre joueur. Il porta la main à sa dague dans le doute avant de faire d'une voix réservée :
« Euh... oui ? »
Son ancien adversaire s'arrêta devant lui avec un grand sourire avant de déclarer :
« Je reconnais ta voix ! C'est bien toi qui m'a battu tout à l'heure !
-Euh, en effet, reconnut Chopin.
-C'était vraiment bien joué d'intervertir les sacs, tu m'as complètement pris par surprise ! Le complimenta-t-il en éclatant de rire.
-Tu ne m'en veux pas ? s'enquit l'avatar de Score, un peu surpris par la cordialité de l'individu.
-Tu l'as dit toi-même : c'est le jeu. Tous les moyens sont bons pour gagner. Puis vu ta carrure, tu devais pas avoir des masses de chance de l'emporter en face à face.
-J'imagine que dans ce jeu, la force ne fait pas tout, s'interrogea Chopin.
-Probable, dans ce cas, j'ai pas mal à apprendre.
-Mais pourquoi être venu me parler ? C'était quand même pas simplement pour me complimenter ? »
Le joueur musclé fit de grands gestes de la main, insistant que ce n'était pas le cas. Chopin avait une bonne première impression de lui, il semblait être le genre de personne avec qui il était facile de parler. Celui-ci expliqua alors ses raisons :
« Tu vois, je suis un peu paumé dans cet endroit. Ça a l'air d'être ton cas aussi. Donc je me disais : « Pourquoi ne pas faire équipe ? ». On se sentirait déjà moins seul, hein ? En plus, on devrait pouvoir mieux se débrouiller contre les ennemis. C'est profitable pour nous deux. »
En achevant son discours, il posa sa main sur le cœur pour ouvrir son menu, puis de l'autre, il chercha dans les options, avant de pointer quelque chose dans le vide au regard de Chopin. Ce dernier vit alors apparaître une icône en forme d'enveloppe à droite de son champ de vision. Sachant ce que cela impliquait, il réfléchit attentivement à la proposition. Considérant qu'il n'était pas venu là pour faire ce qu'il faisait à Equestria, il rangea sa dague et ouvrit son propre menu jusqu'à trouver la ligne « invitations » et accepta celle qu'il avait reçu du joueur en face de lui. De nouvelles jauges apparurent en dessous des siennes, plus petites, agrémentées d'un nom, « Break ».
« Alors, comme ça, tu t'appelles Chopin ? Drôle de pseudo...
-Le tien est pas mal non plus dans le genre. »
Les nouveaux alliés se dévisagèrent un moment avant de partir tous deux dans un grand fou rire. Lorsqu'ils parvinrent à s'arrêter, le dénommé Break tendit sa large main, que serra presque aussitôt son équipier :
« Ravi de faire équipe avec toi, Chopin ! Faisons de notre mieux !
-De même, Break. »
Les deux joueurs reprirent ensemble leur avancée dans le Queens. Leur premier sujet de discussion fut ce qu'ils allaient faire. Le tutoriel était achevé et il restait quand même des zones d'ombres qu'il allait vite falloir éclaircir afin de profiter optimalement de HO. Ce fut à cet instant que Chopin se rappela d'un événement survenu plus tôt dans la journée, quand il avait acheté le jeu. Le vendeur lui avait parlé d'un groupe d'accueil des nouveaux joueurs. Il en fit part à son compère, qui lui demanda avec intérêt :
« C'était vers quelle heure ?
-Dix-huit heures, si je me souviens bien.
-Oulà, ça fait déjà vingt minutes que ça a démarré ! fit Break après avoir regardé sa montre. Il t'a dit au moins où c'était dans la ville de départ ?
-Euh....non, avoua Chopin avec embarras, furieux de ne pas avoir été plus curieux tout à l'heure. »
Le duo laissa par conséquent tomber avec regret l'idée. Ils s'échangèrent ensuite leurs horaires de connexion et furent contents de voir qu'ils étaient assortis. Tous deux devaient se déconnecter aux environs de huit heures du soir. Cela leur laissait par conséquent encore une heure et demie de jeu. Sauf qu'il allait falloir la combler et utilement, tant qu'à faire. Le sujet suivant était l'une de leurs plus grandes inquiétudes : comment on se faisait de l'argent dans ce jeu ? Tous deux n'en avaient pas reçu au cours du tutoriel et le babouin de la statue n'en avait pas donné non plus.
« Logiquement, les monstres devraient pouvoir en lâcher, annonça Chopin en fronçant les sourcils. Sauf qu'il n'y en a pas en ville. En plus, elle est immense, on arrivera jamais à en sortir dans le laps de temps qu'on a. Il y a forcément une astuce.
-Si elle est si vaste, il doit sans doute y avoir des « donjons » à l'intérieur, suggéra le grand joueur. On ne les voit sans doute pas parce qu'ils sont différents en apparence des donjons classiques.
-Dans ce cas, essayons d'en chercher. »
Les deux hochèrent la tête et ouvrirent grand leurs yeux et leurs esprits. Que pouvait donc bien être un donjon dans HO ? Ils quittèrent l'avenue principale afin de fouiller les artères et rues du coin, sans rien trouver. Un bon quart d'heure fila ainsi, et Break comme Chopin accumulèrent soupirs sur soupirs.
« Non, mais c'est dingue... jamais vu un jeu aussi frustrant au début, déclara Break d'un ton las.
-À se demander pourquoi ça marche autant, c'est clair. »
Ils continuèrent de la sorte pendant un moment, au point de parvenir dans un autre quartier, Manhattan. Passé l'amusement en voyant que les développeurs (ou l'auteur, ils ne savaient pas, n'ayant pas lu le roman) avaient simplement enlevé le « e » à la Manehattan équestrienne, ils reprirent leur concentration. Quelques minutes plus tard, alors que Break regardait désormais le bitume par dépit, il s'arrêta et tapa un peu brusquement l'épaule de son allié :
« Arrête-toi et regarde par terre, je crois que j'ai trouvé. »
Chopin obéit et nota au sol une bouche d’égout, dont le couvercle en métal était soulevé. Il se posa alors la main sur la tête en la secouant, se sentant idiot de ne pas y avoir précédemment songé. Les égouts, c'était une zone classique dans les jeux de rôles. Vu que c'était ces derniers qu'il avait le plus dans sa collection, abritant la bande-son la plus diversifiée, il n'avait pas d'excuses, même s'il y jouait peu. Il félicita ensuite Break, qui s'apprêtait déjà à descendre à l'intérieur.
« Attends, tu vas en avoir besoin, lui expliqua le joueur à la chevelure auburn tout en posant son sac. »
Il fouilla dedans et en sortit un sandwich au jambon ainsi qu'un barillet pendant que Break remontait. Lorsqu'il lui tendit, ce dernier protesta, sachant que cela faisait partie de la récompense du duel, mais Chopin argumenta :
« On fait équipe, il vaut mieux qu'on se partage l'équipement pour que ni toi, ni moi ne soyons à la traîne.
-C'est vrai, merci vieux, fit Break en acceptant les objets tendus. »
Ils remarquèrent ensuite que leur jauge d'endurance diminuait sans raison. Visiblement, il était temps pour eux deux de se restaurer et de boire. Ils se mirent à l’œuvre et constatèrent que la sensation de goût était simulée dans le jeu. La magie des licornes faisaient vraiment des merveilles. Comme Break mangeait un morceau au jambon, il découvrit un goût jusqu'alors inconnu à son corps réel, étant herbivore. Cela ne faisait aucun doute que cette sensation avait été programmée et qu'elle n'était pas celle de la viande en vérité. Néanmoins, il ne trouvait pas cela mauvais et l'engloutit jusqu'au dernier pixel de miette. Idem pour Chopin, qui n'était pas dépaysé pour sa part.
Une fois leurs endurances rassasiées, le duo descendit dans la bouche, Break en premier. Une fois en bas de l'échelle, ils étaient plongés dans le noir, de l'eau entrant dans leurs pieds, et une odeur des plus désagréables pour seule compagnie.
« Pouah, ils auraient pu se passer d'intégrer ce détail, se plaignit Break »
Même s'il était de son avis, son équipier pensait que les développeurs n'avaient pas voulu faire les choses à moitié. Toutefois, un problème plus important trottait dans son esprit : comment allaient-ils se repérer dans l'obscurité ? Chopin tâta l'air jusqu'à dénicher une paroi et laissa sa main gauche posée dessus.
« On aurait peut-être dû chercher une lanterne ou un truc du genre avant d'entrer ?
-Avec quel argent ? lui rappela Break. On essaye au moins d'avancer un peu, si c'est trop difficile, on remonte.
-Ok. »
La silhouette musclée imita l'exemple de Chopin et ils commencèrent à avancer dans les égouts. Celui-ci prenait bien soin de mémoriser le trajet afin de retourner au plus vite là-haut en cas de souci. La marche était plus pénible dans l'eau, mais cela ne paraissait pas avoir d'incidence sur l'endurance tant qu'ils restaient à leur rythme normal. Ils tournèrent successivement à gauche, à droite, une fois encore à droite, avant de sentir devant eux un croisement. Mais cette fois, la droite paraissait baignée d'une diffuse clarté orange. C'était peut-être ce dont ils avaient besoin. Voyant désormais faiblement leurs traits, ils se mirent d'accord d'un hochement de tête et prirent cette direction.
Il ne leur fallut pas aller bien loin pour découvrir une lanterne à huile légèrement abîmée à côté d'un cadavre en décomposition. Se sentant très mal à l'aise, Chopin mit la main sur sa bouche en émettant un bruit de dégoût qui ne passa pas inaperçu aux oreilles de son équipier, qui éclata de rire :
« Voyons, c'est qu'un PNJ. Si ça se trouve, il est même mort depuis le début du jeu, et il réapparaît dans cet état pour les nouveaux.
-Ça reste choquant, lui rappela Chopin. »
Break ramassa la lanterne et fouilla un peu le corps, faisant détourner le regard de son compagnon. Après quelques secondes de recherche, il trouva un flacon d'huile supplémentaire. Il annonça, tout content :
« Avec ça, on ira un peu plus vite !
-C'est toi qui porte ce truc, lui ordonna Chopin. Je touche pas à un objet trouvé sur un cadavre.
-C'est qu'un jeu, tu te souviens ? J'ai du mal à croire que tu m'as tranché la gorge quand je t'entends. Va falloir que tu t'habitues à ce genre de choses pour progresser. »
Néanmoins, ce fut quand même Break qui éclaira le chemin. Vu que la zone du cadavre formait une impasse, la petite équipe revint au croisement, optant pour l'autre direction. Pour le moment, tout se passait bien, mais le duo avait la franche impression que même si la voix n'était plus présente, ils étaient encore dans une forme de didacticiel. Pour preuve, cette lanterne qui tombait à point nommée. Il était probable que les monstres apparaissent sous peu. Ce fut cette réflexion commune qui les amena à saisir leur dague. Comme Chopin avait encore une main de libre, il s'équipa également de son revolver, prenant soin de faire rouler d'abord le barillet afin de le charger. Une autre précaution que le duo prit fut de marcher à distance respectable l'un de l'autre, juste assez pour que le joueur arborant des lunettes discerne encore la clarté enflammée et qu'ils ne subissent pas d'assaut groupé.
Au fur et à mesure que le temps s'écoulait, une inquiétude grandissante commençait à monter en eux. Aucun monstre n'apparaissait et pourtant ces égouts avaient tout d'un donjon avec ses multiples croisements et impasses. Cela devenait de plus en plus dur pour Chopin de mémoriser le bon chemin. Néanmoins, pensant de plus en plus que cette zone était sûre, lui et Break se détendirent quelque peu. Juste avant que ce dernier ne tourne à gauche devant une énième bifurcation, Chopin observa l'écoulement d'eau et nota qu'il faisait beaucoup plus de bruit qu'au départ, émettant des sortes de gargouillis. Il s'immobilisa et vit rapidement l'eau surgir sous la forme d'un tentacule transparent qui visait son allié.
« Break, derrière toi ! »
L'interpellé se retourna aussitôt, juste à temps pour se faire fouetter en plein visage, le faisant chuter au sol par la même occasion. Chopin vit sa jauge diminuer d'un bon cinquième ainsi qu'une fenêtre d'information à côté du tentacule. C'était bel et bien un monstre, nommé « eau impure ». Comme il s'était armé de son arme à feu, il tenta de viser la créature, mais tentant la chose avec un seul bras, celui-ci gigotait quelque peu. Cependant, s'il ne tentait rien, cette eau allait les attaquer à nouveau. Aussi au moment où il tira, il ne s'était écoulé que cinq secondes. Le recul le fit se cogner contre la paroi, et il ne vit pas si la balle avait atteint son but. C'était le cas, mais le monstre se préparait à frapper à nouveau comme si de rien n'était. Cela ne servait à rien d'attaquer bêtement, il devait y avoir une méthode pour s'en occuper.
Reprenant leurs esprits, Chopin et Break observèrent attentivement le tentacule, qui se dressa au-dessus d'eux, sans exécuter le moindre mouvement. A présent qu'il ne bougeait plus, les deux joueurs s'aperçurent qu'une petite boule ronde paraissant faite de chair circulait à son aise dans le tentacule. C'était cette chose qu'il fallait frapper, comprirent-ils. Break se redressa, posa la lanterne et commença à frapper à plusieurs reprises l'eau, comme pour attirer son attention. Le procédé sembla efficace, car l'eau impure ne pointait plus que dans sa direction, puis l’assaillit à nouveau. Le tatoué attendit et quand le tentacule fut à portée, il plongea sa main gauche dedans, subissant quelques dégâts, mais s'emparant de la sphère qu'il extirpa avant de la planter avec son arme blanche de toutes ses forces. La chose se dégonfla comme un ballon de baudruche avant de fondre dans la main du joueur, soulagé. Il le fut encore plus quand il vit que sa résistance et sa maîtrise des armes blanches à une main s'étaient accrues. Chopin n'avait rien eu de son côté, ayant manqué sa seule action au cours de la bataille.
De plus, il nota que l'eau impure n'avait rien « droppé », pas d'objet, ni d'argent. Certes, elle n'était pas si dure que ça quand on avait compris la technique, mais elle faisait bien mal, mine de rien. Si ce n'était que le premier type de monstre de ce donjon, à quoi allait ressembler les autres, surtout le boss ?
Break examina de son côté ses blessures. Il avait juste subi quelques éraflures sur la main qui s'était emparée du point faible de la créature aqueuse, et un hématome sur le front. Par conséquent, il n'avait pas besoin de se soigner, sa régénération n'était pas entravée par un malus. Il reprit la lanterne et enjoignit Chopin à continuer la route, et celui-ci accepta. Sur le chemin, ils eurent à affronter plusieurs fois ce monstre, mais l'effet de surprise n'étant plus là, le duo parvenait à le battre sans mal. Il suffisait juste de se laisser volontairement blesser pour les attraper, et un simple coup les éliminait. L'avatar de Score eut sa part du gâteau aussi et sa compétence en arme blanche à une main comme sa dextérité et sa force montaient lentement mais sûrement, même si sa maladresse lui jouait des tours, heureusement rattrapés facilement par Break. Néanmoins, ces monstres ne lâchaient toujours strictement rien.
L'exploration méthodique continuait et au bout d'un moment, Break se plaignit à nouveau :
« J'espère qu'il n'y a pas que ça à affronter, ça devient répétitif là. On se croirait dans les anciennes versions de MMO. »
Comme pour répondre à ses attentes, un groupe constitué de trois membres d'une nouvelle catégorie de créature apparut. Il s'agissait cette fois de tortues faisant la moitié de la taille de leurs avatars. Leur carapace était couverte de traces similaires aux veines parcourant les corps des joueurs. Les « chéloniens corrompus », puisque tel était le nom donné dans la fenêtre d'information, avançaient lentement, comme l'on pourrait l'attendre des tortues. Break s'élança, dague en avant, tentant uniquement de ne s'en prendre à une seule des trois, tandis que Chopin se rapprocha pour être à portée d'une autre. Cette fois, il prit bien soin de manier le revolver en se servant de ses deux bras, de façon à trembler le moins possible. Il visa la tête semblant avoir fondue du chélonien qui gesticulait dans tous les sens, puis tira. Il put voir aussitôt qu'il avait touché juste, puisqu'il avait compensé le recul de l'arme. L'animal s'effondra, disparaissant dans la marée écarlate habituelle.
De son côté, Break rencontrait des difficultés avec son opposant. Celui-ci avait rentré la tête et les pattes avant de commencer à faire tourner sa carapace à une vitesse beaucoup plus rapide que celle qu'il adoptait précédemment. Le tatoué essaya de s'en prendre à celle-ci pour stopper sa rotation, mais il brisa seulement sa dague dans le processus, avant que l'ennemi ne décide de le frapper en plein abdomen, le mettant à genoux.
Observant cela, Chopin réalisa une des vérités de ce monde : aucune arme n'était incassable. On peut tout aussi bien manquer de balles que briser une arme blanche. Il mit cette réflexion de côté pour aider son compagnon, qui n'avait pas perdu beaucoup de vie au départ, mais la tortue l'attaquait à nouveau, à peine se relevait-il, si bien qu'il était presque arrivé dans la portion jaune de sa vie. Le souci étant que le monstre ne présentait aucun point faible autre que le corps abritant la carapace. Si Chopin agissait avec son équipement actuel, il finirait par gaspiller des balles ou briser sa propre dague.
Il vit alors la troisième créature s'intéresser à lui et s'interposer entre son allié et lui. La situation commençait à vraiment mal tourner, à ce rythme, ils allaient tous deux réapparaître dans la ville sans autre forme de procès. Il se mit à fouiller les alentours du regard, espérant découvrir une forme quelconque d'aide aux joueurs, comme la lanterne tout à l'heure. Il nota alors un tuyau en ferraille dégageant de la fumée de l'autre côté de l'écoulement d'eau. Il n'y avait pas pensé au départ, mais il était sans aucun doute possible de se servir d'objets qui n'étaient pas conçus comme des armes normalement. Il ne savait pas si ça suffirait à arrêter la toupie de la tortue, mais il fallait essayer.
Il dédaigna le chélonien corrompu devant lui, pour aller dans l'eau sale et puante, puis atteignit l'autre côté. Lorsqu'il arriva au niveau du tuyau, la fumée embrumait ses lunettes, mais il le saisit fermement entre ses mains et commença à tirer. N'ayant pas beaucoup de force, celui-ci avait du mal à venir. Pour couronner le tout, la tortue qu'il avait laissé de l'autre côté le suivait. Il mettait toute sa puissance physique à l'épreuve, et le tuyau commençait à se courber. L'ennemi pour sa part était presque arrivé à côté de lui et avait entamé le tourbillon. Finalement, Chopin entendit un son au niveau du tuyau. Il l'avait finalement récupéré.
Il se retourna et asséna le coup le plus violent qu'il pouvait se permettre sur une des veines de la carapace. La rotation s'interrompit, et l'animal ressortit son crâne, hagard. Chopin prit alors sa dague et planta la tête, infligeant un coup critique. Cela en faisait deux de moins. Ses yeux verts se portèrent sur Break qui passait un très sale moment, assis sur les fesses et essayant de mettre de la distance avec ses pieds. Chopin attira son attention :
« Attrape-ça et frappe l'une des veines avec ! »
Quand il eut fini ces paroles, il lança le tuyau métallique de l'autre côté qui retomba un peu avant le dos de Break. Le bruit de métal servit de signal à ce dernier qui se retourna et récupéra après deux secondes de tâtonnements l'arme improvisée. En ce qui concernait le survivant chélonien , il n'avait toujours pas interrompu son attaque. Break ne se releva pas pour ne pas perdre de temps, comptant principalement sur son attaque physique plus haute que celle de son camarade pour espérer couper l'élan du monstre. Il asséna donc un coup plus maladroit que ce dont il avait l'habitude, mais cela suffit amplement, l'assaut ayant touché l'une des veines. La tortue comme sa voisine fut étourdie, laissant largement le temps à son assaillant de dégainer le revolver et d'appuyer son canon contre son crâne avant de tirer tout en provoquant l'intelligence artificielle :
« Ça, c'est pour t'être défoulé sur moi. »
Évidemment, ayant eu une occasion en or, il élimina le chélonien en un tir. Celui-ci se désagrégea, laissant deux objets derrière lui : des fragments de sa carapace. Chopin, après avoir vu ses attributs de « ruse », « arme de poing » et « arme contondante » augmenter, le rejoignit et ce dernier reçut de sa part l'un des fragments avant de lui serrer la main.
« On devrait pouvoir se faire un peu d'argent avec ceci.
-En effet, admit Chopin. Mais vu comment on a failli y passer, je propose qu'on remonte. »
Break accepta, n'ayant pas digéré les nombreux coups contre son ventre. Mais au moment de repartir, le duo entendit à la fois devant et derrière eux des sons répétés. Ceux d'applaudissements pour être plus précis. Ils se figèrent sur place et au bout de quelques secondes, la flamme de la lanterne illumina plusieurs silhouettes de taille humaine. Break et Chopin s'adossèrent l'un contre l'autre, alertés.
Du côté de l'avatar de Score, il y avait deux joueurs emmitouflés dans un long manteau à capuchons gris métal, arborant la moitié inférieure d'un masque s'apparentant à la mâchoire d'un squelette. Aussi, il ne lui était possible de distinguer que très furtivement les iris des avatars. Quant à Break, il avait droit à la même chose, excepté qu'ils étaient trois, dont deux portant une cage assez grande pour transporter un joueur.
« Et bien, je ne pensais pas que ce serait productif d'arpenter les égoûts, déclara le seul joueur aux mains libres du côté du tatoué. »
Celui-ci avait une voix grave, mais l'on pouvait noter une sévère pointe d'amusement. La manière dont il avait parlé mettait très mal à l'aise Chopin. Break ne se décontenança pas cependant, comprenant vraisemblablement ce qu'il se passait :
« Vous êtes des PKs (1), c'est ça ? »
Le joueur en face de lui ne répondit pas, mais ses compagnons partirent dans un fou rire. Perdant patience, Break empoigna son tuyau et fonça contre le joueur pour l'attaquer au plus vite, même si au fond de lui, il savait pertinemment que ce serait retour immédiat à la ville. Cinq joueurs, sans doute beaucoup plus forts qu'eux deux, réunis. Mais il ne se laisserait pas faire. Chopin demeura inerte comme une statue, ses yeux verts ne lâchèrent pas d'un seul pixel les deux encapuchonnés en face de lui.
Le tatoué mit toute sa force dans son coup, rejetant bien en arrière son arme contondante tout en visant la tête du player killer présumé. Ce dernier attendit bien sagement que l'arme improvisée approche de son crâne, puis arrêta l'assaut en saisissant avec réflexe l'outil de son adversaire. Il se mit à rire devant l'expression surprise de Break avant de sortir une épée courte à la lame noire et à la garde dorée pour de lui transpercer le corps. Il retira aussitôt la lame, et le corps du blessé s'effondra sur le sol.
Chopin se retourna à cet instant, alarmé en voyant la vie de son allié chuter dans le rouge et aussi parce que ce dernier ne bougeait plus. Ce n'était absolument pas normal : on ne ressentait pas la douleur dans HO. Break aurait déjà dû pouvoir se relever. Toutefois, en étant concerné par le sort de son camarade, Chopin commit une erreur fatale : présenter son dos aux deux autres. L'un d'eux en profita et lorsque le jeune joueur arriva à proximité du corps de son ami, il s'immobilisa.
Son regard s'attarda sur le sol, seulement pour voir la lame d'une arme identique à celle qui avait blessé Break dépasser de son propre corps. Il sentit ses membres s'engourdir et lui faire défaut. L'arme restant dans son corps, sa vie diminuait de plus en plus, jusqu'à ce que la voix grave se fit entendre une fois encore, mais ce ne lui était pas destiné, il s'adressait à celui qui l'avait pris en traître :
« N'oublie pas de retirer l'arme... il ne doit pas mourir comme ça, c'est notre règle. »
Le subordonné obéit et ressortit l'épée du corps de Chopin avant de la rengainer. Celui-ci chuta sur le ventre, complètement paralysé. De son point de vue, l'arme devait être modifiée pour y intégrer une altération d'état. Désormais, il luttait contre lui-même pour conserver ses paupières ouvertes, et il ne discernait plus que les pieds du joueur ayant vaincu sans le moindre effort Break :
« On embarque le tatoué. Il a du potentiel. Quant à l'autre, on le laisse. Il est faible, on en entendra bientôt parler. Ce sera l'un des premiers à faire de cette illusion une réalité. »
Chopin se débattait avec ses yeux. Il eut encore le temps de voir ceux derrière lui rejoindre leur chef récupérant le corps de Break gisant à ses pieds. Puis il sombra dans l'inconscience. Il ne sut pas combien de temps s'était écoulé entre le moment de l'attaque et celui de son réveil. La seule chose fut qu'en se réveillant, il était plongé dans les ténèbres.
L'unique couleur qu'il eut l'opportunité de voir dans ce noir absolu fut celle de sa jauge à la frontière séparant le jaune du rouge. Celle de Break avait disparue. Les souvenirs de Chopin se mélangèrent en un tout incohérent et il essayait de tout remettre en ordre. Sa première action concrète et logique fut d'essayer de se déconnecter de HO. Il ouvrit de la façon habituelle son menu et trouva l'option, mais lorsqu'il la désigna de l'index, les mots suivants s'affichèrent :
« Déconnexion impossible »
Cela ne l'inquiéta pas vraiment au départ. Sa pensée recommençait à fonctionner à peu près normalement, et il se disait qu'il n'était probablement pas possible de sortir du jeu dans un donjon. Il se laisserait tuer par un des monstres et il partirait en revenant dans la ville. Il se soucia davantage ensuite du sort de son premier ami virtuel. Il ne savait pas comment fonctionnait réellement le système d'équipe et il se demandait si la disparition du statut de Break était liée à son éloignement ou à une déconnexion. Mais ses souvenirs des événements ayant précédés commencèrent à affluer dans le bon ordre et il réalisa que les « PKs », comme son allié les avait nommé, avaient sans aucun doute capturé ce dernier.
L'autre élément qui résonna pour lui comme un avertissement fut les dernières paroles de leur chef. Entendre bientôt parler de lui ? Parlait-il d'informations dans le jeu ou dans Equestria ? De plus, il avait évoqué sa fragilité. Chopin s'adossa non sans mal contre la paroi en briques et chercha à trier du mieux qu'il put ce qu'il avait entendu. Il en vint à une conclusion : il devait éviter de mourir dans HO, au moins le temps de comprendre ce qui lui était arrivé. Et cela nécessitait pour lui de remonter à la surface et de trouver de l'aide, que ce soit dans la réalité ou dans le jeu.
Évidemment, les ténèbres environnantes étaient devenues un obstacle très important. Elles provoquaient sa désorientation et il était incapable de localiser tout ennemi dans les parages. Seuls lui restaient ses sens de l'ouïe et du toucher. Ce dernier lui permettrait de longer les murs, il lui suffirait juste de mémoriser le chemin et de repartir en cas d'impasse. Quant au premier... il fouilla sa mémoire à la recherche des sons qu'avaient émis les créatures. Il n'en connaissait que deux actuellement : le chélonien corrompu et l'eau impure. L'un comme l'autre émettait des bruits distinctifs, il pouvait donc estimer leur distance et leur type. L'inconvénient étant que ses données personnelles étaient peut-être incomplètes.
Néanmoins, il se mit à quatre pattes à la recherche de son sac. Mais après avoir passé une minute entière à tâtonner, il s'aperçut qu'il avait disparu, tout comme celui de Break. En se relevant, il toucha son propre corps et n'y trouva ni dague, ni revolver. C'était officiel : non content de l'avoir laissé inconscient, le groupuscule avait même enlevé tous ses objets. Il était sans défense dans un endroit clairement hostile.
L'angoisse coula en lui telle une rivière déchaînée. Son cœur simulé par le système battait à la chamade tandis que sa respiration devenait incohérente. Il se colla à nouveau au mur, tremblant de tous ses membres. Il n'arriverait jamais à sortir s'il ne pouvait même pas attaquer à l'aveugle les monstres des déchirures. La peur de l'inconnu concernant l'état de son avatar s'ajoutait à cette panique, faisant couler des larmes factices sur son visage.
Il resta longtemps dans cet état, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à se contenir. S'il restait pétrifié comme une statue, il périrait encore plus vite que s'il essayait de s'échapper de ce traquenard. C'était une nécessité, il devait bouger ou alors mourir et peut-être se retrouver confronté à la véracité des propos du chef. Il serra le poing et commença à avancer dans l'ombre s'étendant tout autour de lui.
Faisant confiance à ses sensations et à l'endroit où il avait chuté, il se retourna, pensant qu'il venait de cette direction. Pour l'instant, tout était calme, juste le son de l'eau supposément saumâtre qui coulait. Sa seule arme était ses oreilles à présent, il ne pouvait compter que sur ça. Et sa mémoire lors de l'aller. Il tourna à plusieurs reprises, devant retourner sur ses pas lorsqu'ils heurtaient une grille. Le bruit qu'il faisait dans ces moments le mettait en état d'alerte. Cependant, quand il réalisait qu'il n'y avait aucun autre son suspect, il se remettait en marche.
Il avançait bien, selon lui. D'après ses estimations subjectives, il devait déjà avoir parcouru plus de la moitié du chemin le séparant de l'entrée. Il se stoppa net contre un coin lors d'un croisement quand il entendit un gargouillis inintelligible dans l'eau. Aucun doute n'était permis : une eau impure était à proximité. Il s'aligna contre le mur, le corps glacé d'effroi. Il ne fallait plus qu'il émette la moindre respiration ou le moindre borborygme. Il ne savait pas comment fonctionnait précisément l'intelligence artificielle des créatures dans HO, mais si ce dernier appliquait la même logique que pour de nombreux autres éléments, la vision et les sons devaient constituer un facteur important. En d'autres termes, s'il dissimulait sa présence, il n'aurait pas forcément à se battre.
Il appliqua par conséquent cette unique stratégie. Vu sa personnalité, il déploya de grands efforts sur lui-même pour maintenir fermement sa position, alors que l'infâme remous dans l'eau se rapprochait. Le son devenait de plus en plus fort et plus d'une fois, il crut que sa présence avait été remarqué. Mais dans son effroi, il oubliait que sa furtivité était l'une de ses rares compétences qui était meilleure que le reste. Il ne s'en rendit compte qu'une fois la créature partie ailleurs, lorsque des mots écrits en blanc contrastant avec le noir ambiant se formèrent devant lui : « Dissimulation augmentée ».
Soulagé, il se déplaça à nouveau, avançant plus lentement que tout à l'heure, puisqu'il était enfin au fait que non, ce n'était pas parce que sa situation était désespérée que le jeu allait se montrer gentil avec lui. Et pourtant, s'il avait une âme, il devait avoir pris en pitié l'infortuné joueur, car il ne fit aucune rencontre supplémentaire jusqu'à trébucher sur une forme dure. Sa tête atterrit alors sur une peau décomposée. Il s'agissait du cadavre à la lanterne. Bien qu'il le répugnait toujours autant, il lui était au moins reconnaissant puisqu'il était l'ultime signal que la surface se rapprochait.
Chopin se précipita en direction du carrefour, prit l'autre direction qu'il avait dédaigné une minute plus tôt. Ayant abandonné sa marche discrète, il courut de toutes ses forces au point de vider de moitié sa jauge d'endurance quand il parvint finalement à l'échelle salutaire. Il monta jusqu'à atteindre la plaque de sortie. L'air frais de New-York traversa ses narines. La nuit était totalement tombée sur la ville de départ, éclairé par la lueur blafarde d'un croissant lunaire. De minces flocons de neige chutaient du ciel, apportant ainsi une nouvelle perspective à ce paysage urbain.
Désormais sorti d'affaire, l'avatar de Score activa immédiatement le menu. Il était en dehors du donjon, il fallait qu'il essaye au plus vite, ses blessures ne guériraient pas de suite, sans compter qu'il était déjà neuf heures du soir à sa montre, soit une heure de plus que ce qu'il s'était permis. Il chercha frénétiquement la touche de déconnexion et cliqua dessus. Hélas, trois fois hélas pour lui, le glas sonna impitoyablement :
« Déconnexion impossible »
« Non, mais c'est pas possible, y a forcément un bug quelque part... »
Chopin demeura immobile devant le message d'erreur, frigorifié par la peur et le froid. Si la douleur était une sensation soigneusement escamotée par le système, ce n'était pas le cas des autres. Et avec son t-shirt déchiré et son simple pantalon, il faisait peine à voir sous les basses températures. Cherchant partout une option du genre « envoyer un message aux développeurs », qui de toute évidence ne semblait pas exister, il se mit à contempler le bitume, absent, laissant une fine couche de neige se former sur ses cheveux.
Il fallait qu'il trouve de l'aide. On était encore en début de soirée, il y avait forcément au moins un joueur qui serait connecté dans cette ville spécifiquement. Il fallait juste le trouver. L'avatar à lunettes marcha alors dans les rues, son propriétaire songeant à ses parents qui devaient s'inquiéter de ne pas le voir s'installer à table. Quelqu'un. N'importe qui ferait l'affaire. Juste un joueur qui aurait la sympathie de Break et qui serait habitué au jeu.
Pourtant, plus il passait de temps à déambuler dans Manhattan, plus il s'apercevait que la cité semblait vidé de ses joueurs. N'ayant plus de carte de cette dernière et du pays, il en perdait toute notion de superficie, ce qui achevait de le plonger dans un abyme de solitude. Allait-il devoir se déplacer jusqu'à la prochaine ville pour croiser âme qui vive ?
Il se traîna d'allées en allées, de rues en rues, d'avenues en avenues de la sorte, avec l'impression montante et persistante d'être seul au monde. Jusqu'à ce qu'il entendit quelque chose qu'il n'espérait plus entendre tant qu'il était dans HO : de la musique. En effet, une suite mélodieuse de sons parvenait de façon très faible à ses oreilles de mélomane. Il n'en fallut pas davantage pour essayer d'en chercher la source.
D'après lui, le rythme provenait de sa droite. Il alla par là et après maints examens des bâtiments, il dénicha l'origine de ce qui n'existait pas selon lui dans le jeu, en dépit de la présence d'une compétence musicale. La musique provenait d'un immeuble comme les autres, à moitié détruit par les créatures issues des failles, mais d'où émanait une clarté comparable à celles des lampadaires dans les rues.
Attiré par la mélodie comme l'odeur du miel attire les ours, Chopin pénétra dans le bâtiment, délaissant la lumière naturelle pour l'artificielle. A l'intérieur, il ne vit aucune présence, mais le son de ce qu'il pensait à présent être un piano acheva de le convaincre que ce n'était qu'une fausse impression. Il marcha tranquillement, percevant davantage encore la musique. Il finit par découvrir dans un coin de la pièce un escalier dont les marches allaient à la fois en hauteur et en descente. Il semblait à ses oreilles qu'il lui fallait descendre pour dénicher l'origine de tout ceci. Il fit par conséquent cela, retournant provisoirement dans les ténèbres avant d'être presque aveuglé lorsqu'il vit en bas une porte en bois ouverte sur une pièce éclairée de part et d'autres.
Il franchit alors le pas de la porte et contempla le spectacle s'offrant à ses iris verts. Il était arrivé dans un bar servant de lieu d'accueil à de nombreux humains. La question était de savoir si ce n'était que des PNJs ou bien de véritables joueurs. Au fond à gauche de la large salle doté d'un parquet en guise de sol, il remarqua finalement le piano et celui qui en jouait. Il assimilait désormais le morceau à du jazz, donnant au bar une atmosphère très particulière avec son rythme entraînant. Au comptoir, le barman chauve vêtu d'un tablier blanc distribuait les commandes des clients et quand il en avait le temps, il nettoyait les verres de sorte à les remettre à disposition. Sur les tables rondes en bois, de nombreuses personnes discutaient dans un brouhaha qui en temps normal, aurait dû perturber la musique interprétée.
Chopin progressa dans la pièce, sans que personne ne fit attention à lui. Il s'arrêta en plein milieu se demandant à qui il devrait s'adresser pour qu'on l'aide. Son regard parcourut tout le bar et se fixa sur un groupe de cinq jouant aux cartes. Il se rapprocha d'eux et suivit un bout de leur conversation. Vu comment ils discutaient dans leur jeu et que leurs sujets abordaient des thèmes très différents de ce dernier, il en concluait que c'était bien des joueurs. Il prit son courage à deux mains et se plaça à côté, afin de demander leur attention d'une voix quelque peu timide et paradoxalement assez forte pour qu'on puisse l'entendre :
« Excusez-moi. »
Les cinq joueurs de cartes interrompirent leur partie et se mirent à dévisager l'avatar de Score, passablement agacés. L'un d'eux, de corpulence moyenne, mais dotée d'une musculature conséquente, de cheveux blonds coupés courts et d'un visage arborant quelques cicatrices, se fit le porte-parole du groupe :
« Qu'est-ce que tu veux, toi ? Tu vois pas qu'on joue ? »
Chopin eut un léger spasme dans le corps en entendant le ton agressif de l'homme. Néanmoins, il se ressaisit, car il n'avait plus d'alternative :
« Un groupe de PKs m'a agressé, moi et mon ami. Ils l'ont enlevé et depuis je ne peux plus me déconnecter, même dans la ville. C'est normal ? »
Les joueurs le regardèrent sans mot dire, avant de s'esclaffer. Le blond saisit alors par le cou Chopin avant de le plaquer contre le parquet, sortant ensuite un couteau. Seulement après, il répondit au joueur dans une voix entrecoupée de rires :
« Apprends un truc le nouveau : les PKs ne laissent pas en vie les joueurs qu'ils attaquent, c'est bien connu. Ils tuent et volent l'inventaire, c'est tout. Quant à ton délire de déconnexion impossible, c'est du grand n'importe quoi : HO est l'un des jeux les plus sécurisés qui soit, et ça fait deux ans qu'il est sorti. Ce genre de bugs existait peut-être au départ, mais plus maintenant. La prochaine fois que tu voudras nous arnaquer, réfléchis bien à tes bobards.
-Mais... c'est la vérité, jura Chopin, dont le son de sa voix était désormais étouffé.
-J'y pense, tiens : si tu peux plus te déconnecter, peut-être que si je te tuais, là maintenant, tu reviendrais dans Equestria. Ça vaut le coup d'essayer, tu ne crois pas ? »
L'avatar de Score tentait de se débattre, mais c'était peine perdue, le joueur le maintenait fermement par le cou. Et ce qui le terrifiait vraiment, c'était de voir ses compagnons de jeu l'encourager en vociférant. Il allait se faire tuer bêtement, juste parce qu'il avait souhaité de l'aide à tout prix. La lame du couteau se rapprochait de son cœur, le poussant à fermer les yeux, se préparant à assister au sort que les PKs lui avaient réservé. Au fond de lui, il espérait que les paroles du chef n'étaient qu'une vaste blague, mais comment en être sûr ?
« Arrêtez-ça. »
Une injonction prononcée d'une voix très calme, mais forte résonna dans la pièce, avant de tomber dans le vacarme de la salle et le morceau de jazz. Néanmoins, elle avait accompli son objectif, car Chopin sentit sa gorge être progressivement libérée de son étreinte. Il ouvrit alors les paupières et tourna sa tête en direction de la source de l'ordre. Dans un premier temps, il ne discerna que des pieds très fins enchaussés dans chaussures en cuir et à lacets. Puis au fur et à mesure que son regard montait, il vit que la personne portait un jean bleu foncé, un pull-over à col roulé noir se mélangeant parfaitement à son imperméable de la même couleur. Avant qu'il ne puisse voir la tête du joueur, ses yeux se posèrent sur ce qu'il tenait à la main : une longue arme à feu noire qu'il devait tenir à deux mains qui était doté d'une forme ovale à proximité du canon. Il s'en servait pour intimider les joueurs.
« C'est pas vrai, une Thompson ? annonça son agresseur, ayant peine à croire qu'on le menaçait avec cela.
-C'est un bar tranquille ici, fit le propriétaire de l'arme. Si vous le tuez ici, vous ne valez pas mieux que des PKs.
-Et toi, alors avec ton arme, tu crois pas que t'es pareille ?!
-C'est vous qui avez commencé à mettre le bazar, rappela le joueur. Et je n'ai pas l'intention de tirer si vous vous calmez. Par contre, si vous persistez... le chargeur est entier, et j'en ai un autre de réserve à ma place. Choisissez. »
Tout au long du dialogue, Chopin nota que l'intonation de la voix était différente de toutes les autres voix qu'il avait entendu jusqu'à présent dans le jeu. Son impression se confirma lorsqu'il put observer le visage fin d'une peau légèrement brunie, aux yeux noisettes et aux longs cheveux noirs tombant en cascade. C'était le visage d'une fille humaine, la première qu'il croisait dans HO. Celle-ci menaçait encore le groupe de joueurs, sans défaillir une seule seconde.
« Tu bluffes, hein ? demanda le blond. »
La joueuse ne répondit pas, se contentant d'afficher un vague sourire tout en tripotant la gâchette. Son assurance mettait ceux qu'elle visait très mal à l'aise, au point que le joueur ayant plaqué Chopin jeta l'éponge et repartit jouer avec ses amis. La femme retourna à sa place située près du piano, tandis que l'avatar de Score se redressait. Il contempla d'une sensation de curiosité mélangée à une forme d'admiration la femme de taille moyenne et il finit par croiser son regard. Elle afficha une mine souriante et lui fit alors un geste de la main, comme pour l'inviter à s'installer en face d'elle.
Chopin se rapprocha et prit le siège devant elle, se demandant quelque peu ce qui allait se passer pour lui maintenant. La jeune fille leva le bras et interpella alors le barman au comptoir :
« Deux pressions par ici, s'il-vous-plaît ! »
Elle croisa ensuite les jambes et dévisagea sans rien dire Chopin, qui ne savait pas trop quoi dire. Vu qu'elle lui devait la vie, il serait sans doute bon de la remercier. Il se lança d'une voix peu assurée :
« Euh... merci pour ce qui s'est passé à l'instant. »
Les choppes de bière arrivèrent à cet instant, et la jeune fille glissa deux billets semblant faits de papier dans la main de la serveuse en jupe ayant apporté sa commande. Elle en but une gorgée avant de finalement daigner répondre à Chopin :
« Pas de souci. J'ai horreur quand les zones calmes virent à la baston. Je veux dire, elles sont faites pour se détendre, mine de rien ! Vas-y, le nouveau, tu peux boire, tu verras le goût est pas mal. »
Le joueur à lunettes renifla la mousse émanant au sommet de la choppe puis se risqua à goûter la boisson. Et il s'aperçut qu'en effet, ce n'était pas mauvais, avec cette consistance gazeuse. Il afficha alors son premier sourire depuis plusieurs heures, tandis que sa bienfaitrice du soir se présenta en tendant sa main :
« Je m'appelle Ciel. Je suis la chef de la « famille » des vagabonds éternels. Et toi ?
-Chopin, répondit ce dernier en serrant la main de la dénommée Ciel. Une « famille » ?
-Ok... t'es donc bien un nouveau dans HO. Les familles, c'est les rassemblements entre joueurs, chacune pouvant exercer l'activité qui lui plaît. La mienne voyage sur l'intégralité de ce continent, allant là où il est possible d'amasser davantage d'argent et d'objets. Nous avons l'intention d'être le mieux équipé possible avant de nous diriger sur un des autres territoires. Tu saisis le concept ? »
Il hocha affirmativement la tête avant de boire une nouvelle gorgée. Ces familles étaient donc l'équivalent d'un système de guilde dans des jeux plus classiques. Mais ce qu'il retint le plus du début de cette conversation et de ses précédents agissements, c'est que cette Ciel devait être assez aguerrie sur HO. C'était peut-être ce dont il avait besoin justement. Il s'apprêtait à prendre la parole, mais fut devancé par la fille aux cheveux noir de jais :
« Alors, comme ça, tu ne peux plus te déconnecter ?
-Oui, répondit Chopin en ouvrant le menu comme pour lui montrer la chose en face.
-Pas la peine d'essayer de me faire voir, la fenêtre est strictement personnelle, aucun joueur ne peut la regarder, expliqua Ciel avant de boire un coup. Je vais devoir te croire au mot. Et tu dis que c'est comme ça depuis que t'as croisé un groupe de PKs ? »
Il répondit par l'affirmative, puis Ciel lui demanda à quoi ils ressemblaient, et comment ils avaient agi. Ainsi, elle serait peut-être en mesure d'identifier le groupe. Chopin lui fit alors un récit détaillé de son exploration des égouts avec Break et de leur altercation. Ciel écoutait avec attention le conteur, son expression changeant même en un léger sourire lorsqu'elle apprit comment le joueur en face d'elle était ressorti des égouts. Néanmoins, elle reprit rapidement une expression grave avant d'expliquer à Chopin :
« Je ne connais pas de groupe de PKs vêtus de la sorte et dotés de ce genre d'armes. En général, ils favorisent celles dotées d'une longue portée, à moins de ne viser que des nouveaux joueurs. Ce qui semble au départ être le cas de ceux qui vous ont attaqué. Mais comme on te l'a fait brutalement remarquer, les PKs ne laissent pas en vie les joueurs, et n'en capturent pas. C'est ce qui rend ton histoire très difficile à avaler, contrairement au contenu de cette chope. »
Elle associa le geste à la parole, et Chopin baissa les yeux. Toutefois, en reposant sa pression, Ciel finit par avouer d'un ton assez léger :
« Mais tu n'as pas l'air d'un menteur, et surtout tu n'as pas de raisons de mentir. C'est pourquoi je te propose un marché : j'ai un moyen de contacter un développeur à Equestria. Si tu me suis, il pourra t'aider. Bien évidemment, tu vas devoir intégrer ma famille, au moins en attendant une réponse. »
Chopin regarda d'un air ahuri Ciel, comme si elle avait proféré une énormité. Pourquoi voudrait-elle d'un débutant comme lui, vue sa propre expérience. Il ne serait qu'un obstacle à leur objectif. Ce fut pourquoi il répondit :
« Mais je ne vais vous servir à rien ! Je n'ai pas d'argent sur moi, même plus d'inventaire !
-Ah bon ? Tu ne sers à rien ? »
D'un bond, Ciel se leva, passa de l'autre côté de la salle, projeta le crâne chevelu de Chopin contre la table, renversant quasiment la choppe de ce dernier, puis s'empara du bras droit du joueur, lui infligeant une clef. Chopin ne pouvait plus bouger un muscle, tandis que Ciel s'amusait de son impuissance avant de lui enseigner la chose suivante :
« Leçon n°1 : Même sans la moindre arme, un humain peut constituer une menace pour un autre humain. Il suffit de savoir où frapper, même quelqu'un qui n'est pas doué en force brute, comme toi, est capable de reproduire les mouvements que je viens de faire avec de l'entraînement. »
Elle libéra son prisonnier et retourna s'asseoir, continuant de boire sa bière. Chopin releva la tête, comprenant qu'elle souhaitait vraiment l'aider, même si elle avait une façon brutale de l'instruire sur ce monde. Quand il fut prêt, Ciel poursuivit sa proposition par une question :
« Quelle est ta passion ? Celle que tu as donné lors du tutoriel ?
-La musique. »
A cet instant, Ciel tapa dans ses mains, l'air très réjouie et enthousiaste. Chopin ne comprenait absolument pas pourquoi, jusqu'à ce qu'elle lui avoua d'un ton plus détendu :
« On a pas de musiciens dans notre famille. J'ai beaucoup de chance de t'avoir rencontré, on dirait.
-C'est bien de jouer de la musique dans HO ? L'interrogea l'avatar de Score.
-Les compétences artistiques représentent un des meilleurs moyens de se faire facilement de l'argent dans ce jeu, la briefa Ciel. En fait, il est impossible que les monstres droppent de l'argent, et leurs restes ne sont pas intéressants à la revente sans avoir été travaillé par de l'artisanat. Avec la musique ou la danse, il est possible d'organiser des spectacles auxquels les PNJ participent. Ils sont une source d'argent pouvant être considérable dans certaines zones. Autrement, il faut davantage compter sur le marchandage et c'est souvent très difficile d'en ressortir vraiment gagnant.
-Je vois. »
S'ils avaient sus cela plus tôt, Chopin et Break ne seraient jamais allés dans les égouts. Ils n'auraient jamais croisés les Pks, et à cette heure-ci, Score serait prêt à se coucher. Il laissa échapper sous la forme d'un soupir ses regrets, qui ne passèrent pas inaperçus aux oreilles de Ciel qui lui fit la suggestion suivante :
« Comme j'ai la méchante impression que tu penses n'être qu'un moins que rien, j'imagine qu'il va falloir te secouer un peu. Tu vois le piano derrière toi ? Tu vas gentiment demander au PNJ de te laisser sa place et tu vas interpréter un morceau, n'importe lequel, sache juste qu'on aime bien le jazz dans le coin. Si tu réussis à gagner ne serait-ce qu'un dollar, je t'emmène avec moi.
-D'accord, mais je ne sais pas jouer du piano, rétorqua Chopin.
-Et tu recommences... Tu ne sais pas jouer du piano à Equestria, ça ne veut dire en rien que tu en seras incapable ici. Pourquoi abandonner avant même d'essayer ? J'ai de plus en plus de mal à me convaincre que tu es vraiment sorti des égouts dans le noir complet. »
Persuadé par les mots âpres de Ciel, l'avatar de Score se leva, les jambes tremblotantes puis s'avança en direction du piano à queue. Il s'adressa au pianiste faisant office de PNJ dans un murmure qu'ils furent les seuls à entendre dans l'ambiance enthousiaste du bar. Le PNJ se leva, laissant son siège de cuir à Chopin, dont le regard était rivé sur les touches monochromes du clavier. Il ne les lâcha pas, même en s'asseyant.
C'était un jeu, et un qui lui avait accordé le talent musical qu'il n'avait pas selon toute vraisemblance dans la réalité. Il devrait se lancer de suite sur le clavier, interprétant une des musiques qu'il avait toujours rêvé de jouer à Equestria. Alors pourquoi se raidissait-il ? Était-il un raté comme dans l'endroit d'où il venait ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir : en jouant, tout bêtement.
Mais quel morceau jouer ? Il gardait en mémoire le conseil prodigué par sa potentielle nouvelle alliée : ici, on aimait le jazz. Malheureusement, ses connaissances en la matière étaient faibles, aussi ne voyait-il aucune piste à jouer, hormis celle qu'il avait entendu en arrivant. Mais il se refusait à la singer comme une machine. Il était peut-être mauvais au piano, mais il avait encore un peu de dignité. En posant les mains sur celui-ci, il se mit à réfléchir intensément et extirpa un morceau d'un coin de ses souvenirs. Un autre thème d'Horsechopin, l'« Héroïque Polhoofnaise ». Il n'avait pas d'explication à donner au pourquoi du comment c'était cette piste qui était arrivée dans sa tête, faisant résonner en lui les premières notes, mais ce serait cette musique qu'il essaierait d'interpréter, que cela plaise ou non à son auditoire...
Il inspira profondément et débuta l'ouverture. Il sentit dès ce moment qu'il y avait un élément très différent de la réalité : ses mains étaient en partie assistées par le système du jeu, qui l'aidait à retranscrire les notes qu'il avait à l'esprit. La chose était plutôt déstabilisante au début, au point que cela se répercuta sur sa performance via quelques fausses notes, mais il parvenait à se remettre sur la piste malgré tout. Il y avait aussi la possibilité que ce soit son malus dû à sa maladresse qui s'amusait à ses dépens, néanmoins il ne s'attarda pas sur le sujet, cherchant à sentir les sons qu'Horsechopin avait souhaité transmettre.
De sa place, Ciel avait fermé les yeux, paraissant écouter attentivement ce que sa potentielle recrue était capable de produire. Le restant des joueurs ne prêtaient pour la plupart qu'une oreille distraite au changement de registre musical à côté d'eux, préférant davantage poursuivre leurs activités. La musique en elle-même était très rythmée, bien que ponctuée de nombreuses variations de tempo. A cela, Chopin ajouta une touche personnelle, sans même s'en apercevoir, car c'était le système d'assistance qui sondait l'interprétation qu'il se faisait de l'ouverture. Un effet de douceur presque paradoxal apparut dans ce morceau rapide.
Le pianiste en herbe poursuivit de la sorte, sentant de son oreille absolue qu'il faisait quelques fausses notes, mais il achèverait la partition par tous les moyens. Il appuya sur les touches noires et blanches du clavier pendant plus de sept minutes avant de parvenir au dénouement de l' « Héroïque Polhoofnaise ». Quand les cordes eurent finies de vibrer, il bascula sa tête en arrière, comme pour reprendre son souffle et vit se dessiner au plafond (de son point de vue) les termes suivants : « compétence musicale augmentée », « spécialité instrumentale acquise : piano ». En voyant cela, il ne put se retenir de réprimer un léger sourire.
Il entendit du bruit derrière lui. Plusieurs PNJs s'étaient rassemblés auprès du piano, déposant dans un chapeau posé au sol de l'argent. Un joueur fit même parti du groupe, remerciant Chopin d'avoir offert à ce bar quelque chose qui changeait du sempiternel jazz. Quand ce groupe naturel et artificiel s'éloigna, Chopin regarda dans le chapeau la somme amassée. Il ne connaissait pas ces pièces d'argent et ces billets, aussi les prit-il en main avant de retourner voir Ciel. Il les déposa sur la table et la jeune fille compta avant de déclarer joyeusement :
« Ça fait dix dollars. Dix fois plus que ce que je t'avais demandé. Et en ce qui me concerne, j'ai bien aimé ta façon de jouer. Donc je pense que ça signifie que tu es engagé.
-Seulement le temps que tu m'aides à me déconnecter, lui fit remarquer Chopin. Tu m'as dit que tu pouvais faire office d'intermédiaire pour moi avec un développeur.
-Oui, oui, se souvint Ciel. Je devrais le voir demain, ou cette nuit avec un peu de chance. Je lui parlerais sans faute de ton cas. Mais en attendant, je vais te présenter aux membres de ma famille qui sont connectés. Vu l'heure, trois sur huit devraient encore l'être.
-Vous êtes peu, en fait.
-Tu comprendras pourquoi quand tu verras notre base d'opérations. Bon, j'ai fini ma choppe, tu termines la tienne, et on y va. »
Chopin se dépêcha de vider la moitié restante de sa bière, ce qui le fit tituber un peu quand il se leva. Cela amusa beaucoup Ciel qui lui précisa que cette boisson faisait partie d'une catégorie appelée « alcools » qui pouvait provoquer des effets secondaires à la fois agréables et néfastes, surtout quand l'on y était pas habitué. Le couple retourna dans les rues de Manhattan et tandis qu'ils faisaient route, la fille en noir lui désigna une immense tour pointue avant de lui expliquer :
« Ça, c'est l'Empire State Building. La plupart des familles ayant fait de New-York leur territoire sont installées ici. Je te conseillerais bien d'y faire un tour quand tu pourras jouer dans des « conditions normales », sauf si tu décides de rester finalement parmi nous. »
Chopin admira l'édifice avant de se rappeler qu'il avait une question à poser la jeune fille :
« Dis, tu aurais vraiment tiré s'il avait poursuivi son assaut ?
-Ah, ça... fit Ciel, arborant pour la première fois une mine embarrassée. En fait, le chargeur était vide. Considère que c'est la leçon n°2 : le mensonge est peut-être l'arme la plus efficace contre les joueurs. »
Elle éclata de rire en apercevant les yeux effarés de Chopin, qui ne savait pas quoi penser d'avoir été secouru sur un coup de poker. Néanmoins, il dût reconnaître que Ciel représentait pour le moment son unique phare dans l'obscurité de la nuit...
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De nouveaux personnages qui s'annoncent intéressant, de nouveaux monstres qui apparaissent, l'intrigue qui se lance, Score qui progresse encore....
Que du tout bon dans ce chap !
rainbownuit: #8856