Fluttershy vint me revoir plusieurs jours après la veillée chaleureuse, et à son regard je pouvais voir que ses anciennes craintes étaient revenues. Elle semblait nerveuse et à cran, regardant avec suspicion et inquiétude la moindre ombre. Elle m’expliqua qu’elle avait observée des traces de pattes dans la neige, similaires à celles des animaux qui vivaient ici et dont elle avait l’habitude de s’occuper, mais qui différaient d’une façon dérangeante avec leurs proportions naturelles ou avec leur comportement habituel. En raison de l’expertise de la pégase à ce sujet, je ne pouvais mettre en doute son interprétation mais j’imaginais bien qu’il y avait autre chose expliquant ses troubles.
Accompagnée de Discord, autant en soutien moral que magique en cas de danger, elle avait cherchée à retrouver les animaux à l’origine de ces étranges pistes mais sans succès. Néanmoins, dans la pénombre des sous-bois, elle avait la certitude d’en avoir entendu lui parler, d’une voix reconnaissable bien que difforme et dissonante. A ce stade de son récit, elle s’arrêta un long moment, secouée de tremblements et regardant nerveusement à droite à gauche, apparemment trop effrayée pour continuer. Je la rassurai autant que je pouvais et au bout d’un moment, elle trouva le courage de terminer, bien que sa voix fût devenue un faible murmure. Elle était certaine que les mots prononcées par les étranges bêtes étaient les mêmes que celles qui avaient retenties dans l’orage surnaturel. Et que toutes les empreintes et chuchotements se voyaient et s’entendaient exclusivement autour de Sweet Apple Acres.
A la ferme d’Applejack et de sa famille, la neige fondit précocement, bien avant que soit mis en place le grand ménage d’hiver. Ainsi, même si l’ensemble d’Equestria croulait encore sous un épais manteau neigeux, une bonne partie des terres de la famille Apple étaient prêtes à être cultivées. Bien que ce fût étrange, ils virent tous cela d’un très bon œil. Après tout cela allait sans doute leur permettre d’effectuer plus de récoltes cette année et d’apporter un gain substantiel, choses sur lequel ils ne pouvaient cracher tant leurs finances étaient souvent à l’équilibre. Et aucun d’entre eux ne daignât m’écouter lorsque je leurs faisais remarquer que la neige semblait avoir fondue d’autant plus vite que l’on s’approchait du lieu où la météorite s’était abattue des mois plus tôt.
Quelques semaines plus tard, mes appréhensions s’étaient un peu dissipées et ils semblaient avoir vu juste. Les pommiers croulaient sous des pommes d’un aspect magnifique, d’une rougeur parfaite et d’une texture scintillante. Les champs étaient quant à eux débordant de légumes tous plus appétissants les uns que les autres. Après tout, peut être pouvions nous ajouter à l’étrange corps céleste des capacités fertilisantes. Applejack et Big Mac travaillèrent ainsi comme des forcenés afin de pouvoir récolter une production qui atteignait un niveau auquel ils ne s’étaient jamais attendus. La population de Ponyville, au faîte de la quantité et de la beauté des produits de Sweet Apple Acres, attendait quant à elle avec impatience le prochain jour de marché.
Mais tous déchantèrent vite après s’être rués dessus le premier jour où Applejack les mettait en vente. Bien que leur aspect et leurs couleurs fussent magnifiques, fruits et légumes goûtaient tous une forte amertume qui les rendaient immangeables. Les Apple ne s’étaient quant à eux rendus compte de rien, préférant en premier lieu terminer leurs provisions d’hiver avant de s’attaquer à la récolte de l’année. Le choc fut ainsi particulièrement dur à encaisser pour eux. Ils s’étaient tant attendus à une année somptueuse que découvrir que l’ensemble de leur récolte était impropre à la consommation les plongea tous dans une profonde déprime. Eux qui croyaient avoir enfin résolus leurs soucis financiers, ils se retrouvèrent au contraire pris à la gorge par leurs créanciers.
Et malgré le fait que les pommes situées dans les vergers les plus excentrés de la ferme étaient fort goûtues, la défiance des citoyens de Ponyville à l’égard des produits de Sweet Apple Acres ne s’arrangea pas. La rumeur des étranges traces que l’on pouvait voir aux alentours de la ferme s’était quant à elle doucement répandue. De plus, les herbes qui avaient finies par pousser aux abords du chemin longeant les terres des Apple étaient elles aussi étrangement difformes, aux fleurs le plus souvent hypertrophiées et d’une couleur peu définissable, du moins pour n’importe quel poney. Quant à moi, je voyais très bien que cela s’approchait de l’étrange spectre lumineux émis par l’aérolithe.
L’épidémie inconnue qui ravagea les bêtes vivant dans la ferme fut le dernier clou dans le cercueil. Les symptômes, proprement horrifiants, étaient sans doute la raison principale de la terreur ressentie par l’ensemble des habitants de Ponyville, bien plus que la notion même de maladie. Certains muscles se contractaient et causaient des crampes permanentes tandis que d’autres semblaient s’avachir sans raison, figeant les animaux infectés dans des postures pour lesquels leurs corps n’étaient pas prévus à la base et donnant un aspect irréel et terrifiant aux cadavres. Mais la mort ne venait les prendre qu’après que leurs ventres se soient profondément contractés avant de se gonfler violemment, finissant par libérer les entrailles de leurs abdomens. Puis les corps semblaient doucement tomber en cendres, comme si les tissus organiques se desséchaient instantanément.
Cette maladie n’était apparemment pas transmissible aux poneys mais personne n’osait plus approcher de Sweet Apple Acres. Même Rarity avait interdit à Sweetie Bell d’aller jouer avec Applebloom sur leurs terres bien qu’elle continuait elle-même de rendre visite à Applejack pour lui remonter le moral. Ainsi, seules ses plus proches amies osaient encore passer le portail de la ferme. Mais malgré tout notre soutien, la fermière semblait éteinte, comme si fuir la réalité était le seul moyen pour elle de tenir face à ce cauchemar qui était devenu son existence. Le trépas de Winona des suites de la même infection qui ravageait le bétail avait sans aucun doute été pour elle l’élément de trop.
Granny Smith semblait quant à elle plus amorphe que jamais et je ne me rappelle pas l’avoir vue bouger à aucune de mes visites. Et pour cause, comme j’allais atrocement m’en apercevoir plus tard. Big Mac était devenu quant à lui sec, agressif et encore plus solitaire que d’habitude. Toute bonté semblait avoir disparue de son être. Quant à Applebloom, sa mine était sombre et fatiguée. Comment aurait put-il en être autrement dans un pareil contexte ? Mais c’était surtout ses paroles qui commençaient à m’inquiéter. « Tu sais, la nuit, même lorsqu’il n’y a pas de vent, je vois les branches des pommiers s’agiter » m’avait-elle dit lors d’une de mes visites.
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