Spike, assis à même le sol, observait d’un air las le paysage enneigé qui s’étalait devant lui, à l’extérieur de la mine. Lui et les deux gardes qui le surveillaient se tenaient sur une corniche de pierre, non loin de l’entrée principale. Autour d’eux, les pentes rocheuses étaient couvertes d’une mince couche de neige. Le jeune reptile n’était pas sensible au froid, cependant ce décor désolé lui glaçait le coeur. Ils étaient là depuis le levé du jour, attendant la prochaine lettre de l’Empire de Cristal. À l’intérieur de la mine, le filon de minerai incrusté dans la roche empêchait les messages envoyés par Luna d’arriver jusqu’à lui, ce qui les obligeait à les attendre au dehors.
Les deux bouquetins étaient à présent occupés à se partager un reste de pain et de fromage, leurs lances posées contre un rocher. Ils n’avaient pas pris la peine de proposer à l’assistant de partager leur casse-croûte, mais l’estomac du petit dragon était de toute façon trop noué pour lui permettre d’avaler quoi que ce soit. Il finit par se lever et fit quelques pas pour chasser les fourmis qui lui courraient dans les pattes.
- Eh, pas trop loin ! lança un des deux gardes, la bouche pleine. On t’a à l’oeil !
Spike ne répondit pas. Il s’approcha du bord de la corniche et tapa du pied dans un caillou, qui s’en alla dégringoler le long de la pente. Il était inutile d’essayer de s’enfuir ; les gardes l’auraient vite rattrapé. De toute façon, il avait bien trop peur qu’ils ne s’en prennent à Twilight s’il tentait quoi que ce soit. Il n’avait pas d’autre choix que de se tenir tranquille et attendre. Il leva à nouveau les yeux vers la grisaille, espérant que le message arrive au plus vite et qu’il puisse rejoindre Twilight et Célestia.
Au bout de quelques minutes, alors qu’il s’apprêtait à retourner s’asseoir, une nouvelle crampe lui pressa soudainement l’estomac. Il pressa ses bras sur son ventre, plié en deux.
- Ah, on dirait que c’est en train d’arriver ! fit un des gardes, les sourcils levés.
Lui et son collègue se levèrent et s’approchèrent, une sourire goguenard sur le visage.
- On peut dire ce qu’on veut sur la magie, ça a quand même des côtés pratiques, pas vrai ? fit-il sur le ton de la plaisanterie.
Spike pressait à présent la main sur sa bouche, une grimace de nausée sur le visage.
- Ça n’a quand même pas l’air très agréable, répondit le collègue en observant le phénomène.
Dans un bruit incongru, Spike ouvrit la bouche en grand et libéra une longue langue de flammes vertes. Un rouleau de papier se matérialisa devant lui et tomba au sol. Le premier gardes se pencha pour le ramasser.
- Allez, on rentre, fit-il tandis que son collègue remballait leur en-cas et ramassait sa lance.
Spike les suivit en se massant le ventre, sans dire un mot.
Une fois de retour dans la cellule, Twilight le prit dans ses bras avec douceur.
- Alors, qu’est-ce qu’elles ont dit ?
- Je ne sais pas, répondit tristement l’assistant. Ils ne m’ont pas laissé le lire. Mais ça ne devait pas être très long ; ça tenait sur une seule page.
Twilight soupira puis se tourna vers Célestia, étendue sur l’unique couchette de la geôle. Ses forces revenaient lentement, mais elle restait encore très faible. Sa crinière et sa queue pendaient toujours lourdement, inertes et sales.
- Princesse, fit Twilight, nous devons faire quelque chose. On ne peut pas laisser Luna et Cadence se rendre.
- Elles font ce qu’elles pensent être le mieux, répondit l’alicorne blanche avec dépit.
- Mais elles sont les dernières princesses qu’il reste ! Elles ne peuvent pas abandonner Equestria comme ça ! Pas juste pour moi !
Célestia leva la tête et tendit le cou pour presser sa joue contre celle de son ancienne élève.
- Je ne laisserai pas Namar te jeter dans sa machine, Twilight. Luna et Cadence non plus.
- Je suis prête à prendre le risque, trancha Twilight avec assurance. En tant que princesse, je partagerai votre sort.
- Twilight, non ! lança Spike en se pressant contre elle. Tu ne peux pas faire ça ! Ça te tuerait !
La ponette lavande se tourna pour lui rendre son étreinte avec émotion. Spike craignait de la perdre, tout comme elle craignait qu’Equestria ne perde les dernières princesses qui lui restaient.
- Equestria survivra, Twilight, fit Célestia à mi-voix. Même sans les alicornes, les poneys s’en sortiront toujours. Ils savent veiller les uns sur les autres.
Twilight renifla, la gorge serrée. Elle repensa à ses amies et aux autres habitants de Poneyville, réfugiés dans l’Empire de Cristal. Pinkie et Fluttershy étaient certainement encore là-bas, mais elle n’avait aucune idée de ce qui avait pu advenir de Rainbow, de Rarity et d’Applejack. Une fois encore, la jeune alicorne se maudit de les avoir entraînées avec elle dans sa folie.
Des bruits de pas s’élevèrent alors dans le couloir. De l’autre côté des barreaux, un bouquetin au pelage couleur d’ardoise apparut, poussant un chariot sur lequel était posé leur repas ainsi qu’une carafe d’eau.
- Son Altesse pense que vous serez ravies d’apprendre que les autres princesses sont en route, annonça-t-il avec entrain tout en poussant leur pitance dans la cellule. Elles devraient arriver demain.
Une fois le ravitaillement terminé, il s’éloigna ensuite tranquillement. Twilight tourna le regard vers Célestia, les yeux remplis de désespoir. L’alicorne blanche baissa la tête sans rien dire.
Le dirigeable se rapprochait lentement de la falaise qui servait de quai, au milieu des rochers et des pentes couvertes de congères. Debout sur la jetée de pierre, une vingtaine de bouquetins et de chamois en armes observaient avec attention le vaisseau accoster. Au milieu de leurs rangs, Namar se tenait immobile, tel une statue. Plus loin, dans les airs, l’autre vaisseau lévitait, sa proue pointée vers le premier.
Enfin, l’aéronef venu d’Equestria s’immobilisa. En quelques secondes, la passerelle fut abaissée et une dizaine de gardes à la mine sévère descendirent et se mirent en rang de part et d’autre. L’amiral Friedrich apparut dans l’encadrement et descendit les marches d’un pas assuré. Quand il eut rejoint Namar, il s’inclina respectueusement.
- Ravi de vous revoir, amiral, fit le souverain, toujours aussi grave.
- Moi de même, Sire, répondit Friedrich en relevant la tête.
- Vous aurez bien des choses à m’expliquer, quand nous aurons le temps de discuter, fit Namar en tournant à nouveau les yeux vers la passerelle.
La silhouette de Cadence se dessinait en haut des marches. Ses pattes étaient menottées et reliées entre elles par des chaînes, l’empêchant de galoper. Elle portait toujours son collier et des bandages recouvraient encore son aile blessée. Elle descendit les marches avec lenteur, la tête haute.
- Princesse Cadence, fit Namar quand elle arriva devant lui. C’est une plaisir d’enfin vous rencontrer.
- Un plaisir tout sauf partagé, répondit l’alicorne sans l’ombre d’un sourire.
Le souverain lui non plus ne souriait pas. Il se tourna une nouvelle fois vers la passerelle, où une autre silhouette venait de faire son apparition.
Luna se tenait debout, elle aussi enchaînée. Sa crinière coulait comme de l’encre sur son encolure. Alors qu’elle descendait à son tour les marches, le vieux monarque s’avança en silence vers le bord du quai. Ils s’immobilisèrent à un mètre l’un de l’autre, se mesurant du regard.
- J’attendais depuis longtemps d’enfin pouvoir faire votre connaissance, Princesse Luna, fit la souverain avec le plus grand sérieux. Soyez sûre que je regrette sincèrement que notre première rencontre ait lieu dans des circonstances aussi déplaisantes.
- Vous seul en êtes responsable, fit Luna sans ciller. Rien de ce que vous pourrez faire à l’avenir ne vous rendra le moindre once de respectabilité.
- Le respect est une notion bien versatile. J’ose à penser que vous-même en avez déjà fait l’expérience.
Luna se garda de répondre. L’espace d’un instant, elle croisa le regard de Cadence, déjà entourée par les gardes ennemis.
Dans le poste de pilotage du dirigeable qui lévitait le long du pic, une dizaine de bouquetins se tenaient face à la grande vitre, surveillant le vaisseau qui venait d’arriver d’Equestria. L’un d’eux le scrutait à l’aide d’une longue-vue, l’oeil face à l’objectif.
- Tu vois ? fit un des autres à son voisin. Ils ne l’ont pas fait sauter. Je t’avais bien dit que Wouter racontait n’importe quoi.
- Silence, trancha le commandant, debout devant le panneau de commande principal. Vous connaissez les ordres. Au moindre mouvement suspect...
Il laissa sa phrase en suspens et se tourna vers celui qui maniait la longue-vue.
- Rien d’anormal ?
- Il y a quelque chose de bizarre, fit l’autre, l’oeil toujours rivé sur l'objectif. Ou bien ce sont des triplés, ou bien il y en a trois qui sont exactement identiques. Et il y a encore deux paires de jumeaux, de ce coté là…
- Mais qu’est-ce que vous racontez ?
Le commandant s’avança et prit sa place devant l’appareil. Il fronça les yeux à son tour.
- Qu’est-ce que c’est que cette blague ?!
- Je peux voir ? fit un autre en s’approchant.
- Fermez la et dites aux canonniers de se tenir prêts, lâcha le commandant. Il y a quelque chose qui cloche là-bas.
Dans l’autre vaisseau, au plus profond des cales, l’amiral Friedrich s’agitait dans le fluide verdâtre qui le retenait prisonnier. Ses poumons étaient envahis par le liquide, cependant il parvenait toujours à respirer. C’était la sensation de décélération qui l’avait réveillé. Ils étaient arrivés à destination, il lui fallait faire vite. Depuis plusieurs minutes, il faisait tout son possible pour se libérer, faisant balancer le cocon sous ses assauts. L’attache qui le retenait au plafond était en train de lâcher ; il pouvait l’entendre grincer depuis l’intérieur de sa prison. Enfin, elle céda. Avec un craquement mou, le cocon tomba sur le plancher. Dans un dernier coup de corne, l’amiral termina de déchirer la membrane qui le retenait prisonnier. Il s’extirpa ensuite en rampant, crachant à plein flots le liquide qui lui encombrait encore les bronches. Il se remit sur ses pattes aussi rapidement qu’il le put, le pelage plaqué sur son corps.
Parmi l’équipage emprisonné, trois autres bouquetins avaient eux aussi les yeux ouverts, le regard braqué sur lui. Sans même prendre le temps de s’ébrouer, il chargea pour détacher leurs cocons.
- Amiral, ils se sont emparés du vaisseau ! fit le premier des trois en se libérant à son tour de l’enveloppe. Les princesses nous ont trompés !
- Je sais, crétin, gronda Friedrich. À la poudrière, vite !
Une fois les trois captifs sur leurs pattes, ils galopèrent aussi rapidement qu’ils purent, traversant les couloirs jusqu’à l’endroit où était gardé le stock de minerai et de pierres. La pièce était complètement vide. Seules quelques lances étaient encore posées contre le mur.
- Il n’y a plus rien ! lança un des soldats. Ils ont dû tout balancer par dessus bord !
- Silence, abruti ! gronda l’amiral. Prenez ça !
Il lui lança avec force une lance dans les pattes. Les deux autres en prirent à leur tour. Une fois armés, il reprirent leur course vers le poste de pilotage.
Dans le vaisseau d’en face, le commandant, toujours devant la longue-vue, écarquilla les yeux quand quatre bouquetins trempés jusqu’aux os débarquèrent en trombe dans le poste de pilotage qu’il était occupé à scruter du regard. Celui qui était en tête brandit une lance, avec laquelle il chargea. Aucun doute possible, c’était l’amiral. Même trempé comme il l’était, c’était impossible de ne pas le reconnaître. Le bouquetin qu’il visait s’écarta juste à temps. Un flash de lumière verte éclata. Une cohue indescriptible s’ensuivit, dans laquelle plusieurs créatures noires aux membres troués et aux ailes d’insectes s’agitaient avec fureur.
Le commandant recula d’un pas et fit pivoter la longue-vue vers l’entrée de la mine, où se tenaient toujours Namar et les princesses. Un double parfait de l’amiral se tenait à côté du souverain.
- Branle-bas de combat ! cria le commandant en se ruant vers le poste de commandes. C’est un piège !
Il s’empara du relais qui permettait de communiquer avec le salle de tir.
- Ordre à tous les canonniers ! hurla-t-il dans le tuyau. Ouvrez le feu sur le vaisseau, immédiatement !
L’isard qui avait déjà demandé pour regarder dans la longue-vue en profita pour bondir devant l’instrument, qu’il repointa vers l’autre vaisseau.
- Mais qu’est-ce que c’est que ça ?! glapit-il d’un voix aiguë.
Le commandant ne lui prêta aucune attention, toujours occupé à crier dans le relais.
- C’est un ordre ! beugla-t-il comme si son interlocuteur ne l’avait pas entendu. Feu ! Et vous, faites sonner ! lança-t-il vers le bouquetin qui se tenait à côté de lui, face aux commandes.
Ce dernier obéit sans discuter et tira sur une des poignées qui pendait au dessus de lui. À l’extérieur, le son grave et puissant de la corne de brume s’éleva. Une seconde plus tard, une gerbe de feu jaillit de la base de la cabine. Le projectile fusa et explosa contre le flanc de vaisseau d’en face, arrachant un des ailerons acérés qui le hérissaient.
Sur le quai, devant l’entrée de la mine, les alicornes et les bouquetins fléchirent les pattes de surprise, les oreilles plaquées en arrière surs leurs crânes. Ils tournèrent à l’unisson la tête vers les dirigeables. Celui qui venait d’être atteint tangua sous l’impact. La passerelle glissa sur le bord de la falaise et s’en alla pendre dans le vide tandis que le vaisseau s’éloignait du quai.
Comme s’il eut s’agit d’un signal, Luna et Cadence se dressèrent sur les pattes arrières. Les chaînes qui leur entravaient les membre volèrent en éclat. Luna déploya ses ailes et s’éleva dans les airs comme une trombe.
- Mais qu’est-ce que… commença Namar, les yeux écarquillés.
Une volée de flammes couleur d’émeraude éclata à côté de lui, le projetant à terre. À la place de l’amiral, une grande créature au corps noir et luisant se dressait. Chrysalis décolla pour rejoindre Luna dans les airs. Dans un autre flash vert, les gardes qui étaient descendus du vaisseau se transformèrent à leur tour. La dizaine de changelins s’envolèrent pour rejoindre leur reine. Tout en s’élevant, celle-ci fit luire sa corne d’un éclat presque insoutenable.
À deux kilomètre de là, tapis dans les rochers, Rainbow Dash et les autres pégases observaient la scène avec attention, tendus comme des arcs. À côté de la pégase au crin arc-en-ciel, plusieurs changelins se tenaient eux aussi embusqués. Ils ne cessaient de cliqueter en agitant les ailes. Quand ils aperçurent la lueur émise par leur reine, ils vrombirent et s’élevèrent dans les airs comme des balles de fusil.
- C’est le signal ! lança Rainbow Dash. On y va!
Les poneys décollèrent à leur tour et s’élancèrent vers la mine. Derrière eux, le gros de l’armée changeline prenait lui aussi son envol. Les créatures insectoïdes surgissaient par centaines de derrière les rochers, formant un immense essaim qui fondit en avant telle une nuée de sauterelles. Les pégases n’étaient qu’une tache colorée au milieu de cette multitude noirâtre.
Sur la corniche, Namar se remettait sur ses pattes. Les chaînes éclatées de Cadence et Luna ainsi que leurs colliers jonchaient le sol, à quelques mètres de lui. L’espace d’un instant, ses yeux se posèrent sur les pierres qui ornaient les colliers.
« Des fausses » gronda-t-il en pensée.
Il se maudit de n'avoir pas ordonné que les gardes portent des pierres surs leurs armes.
- Embrochez-les ! cria-t-il aussitôt à ses troupes.
Il recula aussi vite qu’il put vers l’entrée de la mine tandis que les gardes se ruaient en avant. Ils lancèrent leurs lances de toute leur force sur les alicornes et la reine changeline. Cadence, clouée au sol par son aile blessée, leva alors la corne. Les projectiles acérés furent arrêtés en plein vol et retombèrent en tintant sur le sol de pierre. Luna leva à son tour sa corne, qui flamboya dans les airs. Une onde d’énergie déferla sur la corniche, projetant tous les bouquetins contre la paroi de pierre, de part et d’autre de l’entrée. Namar fut lui aussi projeté sur plusieurs mètres et heurta le mur avec violence. Il grimaça et braqua son regard noir sur les deux alicornes. Cadence était toujours debout sur la terrasse. Luna, elle, lévitait à cinq ou six mètres de hauteur, la corne toujours entourée de nuées. Chrysalis vrombissait à ses côtés, la corne elle aussi dressée.
Alors que la princesse de la nuit et la reine changeline s’apprêtait à lancer un nouveau tir, le vaisseau caprésien surgit, sa proue pointée sur la corniche. Il tira à nouveau, droit devant lui. L’obus explosa près du bord de la terrasse. Dans un nuages de fumée rougeoyante, des morceaux de pierre pulvérisée furent éjectés de tous côtés. Les deux alicornes et la reine furent balayées par l’onde de choc. Cadence fut projetée sur plusieurs mètres et retomba sur le sol de pierre. L’impact raviva la douleur de ses blessures, lui arrachant un cri. En ouvrant les yeux, elle distingua Namar, à quelques mètres d’elle, qui se relevait en grognant. Une fois debout, il claudiqua vers l’entrée de la mine et s’élança aussi vite que possible dans le tunnel, accompagné par les gardes qui n’avaient pas été assommés par le sort de Luna. Dans un immense effort, la princesse de cristal se remit à son tour sur ses pattes.
- Luna ! cria-t-elle pour prévenir sa consoeur.
L’alicorne marine tourna la tête vers elle. Du coin de l’oeil, elle aperçut l’armée changeline et les pégases qui approchait à toute allure. Dans un grincement métallique, le vaisseau qui venait de tirer tourna sa proue vers l’essaim, prêt à tirer à nouveau. Comprenant le danger, Luna fila comme une flèche pour lui faire face. Elle écarta alors les pattes et ralentit le rythme de ses battements d’ailes de manière à rester stationnaire. Sa corne se nimba d’une lumière sombre. Tout comme à la bataille devant l’Empire de Cristal, le ciel tout entier parut s’assombrir tandis que la silhouette de la princesse se découpait dans la nuée. Ses yeux se mirent à briller. Cependant, avant qu’elle ne puisse lancer son voile de nuit, le vaisseau fit feu. Au lieu de filer vers l’essaim en approche, le tir fonça droit sur elle. Ce n’était pas un obus, mais un projectile remplis de poudre. Un nuage rouge sombre éclata dans les airs, comme une immense tache de sang. L’alicorne tomba comme une pierre, inconsciente, les membres ballants.
- Luna ! hurla une nouvelle fois Cadence, les yeux écarquillés.
Dans les airs, les pégases et les changelins avaient assistés à la scène. Rainbow Dash, en tête de l’essaim, plongea comme un éclair pour la rattraper, battant des ailes à s’en arracher les plumes. D’autres pégases foncèrent aussi vite qu’ils purent pour tenter de la suivre.
Cadence s’élança aussi, mais une ombre immense envahit alors son champs de vision. L’autre vaisseau, celui piloté par les changelins, continuait de dériver, mis hors de contrôle par le tir qu’il venait d’essuyer. L’énorme pointe à l’avant de sa coque se rapprochait à toute vitesse de la paroi de la montagne, menaçant de l’écraser. L’alicorne rose jeta un dernier regard vers Rainbow Dash, qui fonçait pour rattraper Luna, puis vers l’entrée de la mine, où Namar s’était engouffré. Après une fraction de seconde d’hésitation, elle fila à son tour vers l’arche creusée dans la pierre et s’élança dans le tunnel. Un instant plus tard, dans un horrible bruit de métal déchiré et de pierre broyée, le dirigeable hors de contrôle heurta de plein fouet la paroi et s’écrasa sur la corniche, bloquant complètement l’entrée.
Au même moment, Rainbow Dash attrapa le corps inanimé de de Luna. Elle la prit par les pattes avant, battant des ailes comme une enragée pour se maintenir dans les airs malgré le poids de l’alicorne. D’autres pégases vinrent rapidement l’aider. Tandis que quatre d’entre eux soulevait la princesse inconsciente pour la ramener au sol, les autres rejoignirent l’essaim, qui fondait à présent sur ce qui restait de la corniche.
Une partie des changelins se précipitèrent sur le vaisseau qui venait de s’écraser pour tenter d’en libérer leur semblables tandis que les autres, accompagnés par quelques pégases, filaient vers le dirigeable qui venait de tirer.
- Par l’arrière ! cria Rainbow Dash aussi fort qu’elle put. L’entrée est à l’arrière !
Ses cris se perdirent dans le vrombissement assourdissant de l’essaim. Sans prêter attention à ses instructions, des centaines de créatures insectoïdes se précipitèrent vers l’avant de la cabine, sur lequel ils s’agglomérèrent comme des mouches. Ils recouvraient complètement les vitres du poste de pilotage et de la salle de tir, rendant l’équipage aveugle à ce qui se passait au dehors. Quelques secondes plus tard, une fourmillement bleu électrique parcourut le vaisseau. La moitié des changelins qui s’y étaient collés tombèrent, mais une deuxième vagues s’abattit à son tour pour les remplacer.
- Suivez-moi ! lança alors Rainbow Dash aux pégases qui l’entouraient.
Elle s’élança vers l’arrière du vaisseau, en direction de l’écoutille par laquelle elle s’était infiltrée avec Fluttershy et Twilight, lors du siège de l’Empire.
Plus loin, hors de portée du nuage empoisonnée, Chrysalis et une centaine de ses enfants faisaient face au flanc de la montagne, à côté de l’entrée à présent condamnée par la carcasse du vaisseau écrasé. La reine inspira profondément et leva la corne, les yeux fermés. Une intense lueur verte illumina son membre déchiqueté. Les changelins autour d’elle l’imitèrent, leurs cornes atrophiées brillant elles aussi. Dans un même mouvement, ils lancèrent leurs rayons, qui s’unirent dans un épais faisceau étincelant. Le tir fila vers la paroi de pierre, creusant la roche pour percer une nouvelle entrée. Quand le rayon se rompit et que la lueur disparut, Chrysalis plissa les yeux pour observer le résultat. Un cratère de plusieurs mètres de profondeur défigurait la paroi, fumant et grésillant comme s’il venait d’être passé au chalumeau. La reine et se sujets inspirèrent à nouveau et pointèrent leur corne pour lancer un nouveau tir.
Dans l’obscurité de leur cellule, Twilight, Célestia et Spike sentirent les murs de pierre frémir. Le jeune alicorne tremblait de peur. Célestia se leva et vint se lover contre elle pour la rassurer. Spike, pressé contre les barreaux, se tordait le cou dans l’espoir d'apercevoir quelques chose. Moins d’une minute plus tard, des bruits de pas précipités retentirent.
- Quelqu’un vient ! souffla l’assistant en s’agrippant de plus belle aux barreaux.
Une poignée de secondes plus tard, un groupe de gardes déboula au trot et s’arrêta devant la cellule. Immédiatement, l’un s’affaira sur la serrure tandis que les autres pointaient leurs lances sur les deux alicornes et le jeune dragon. Namar arriva derrière eux, le souffle court.
- Qu’est-ce qui se passe ? lança Twilight malgré sa terreur.
- Les vôtres ont décidé de votre sort, Princesse, gronda le souverain en pressant sa patte contre son flanc.
La porte du cachot pivota enfin sur ses gonds. Les gardes se précipitèrent pour pointer leurs lances sur Célestia et Twilight, à moins d’un demi mètre de leur poitrail. L’expression sur le visage des bouquetins laissait clairement entendre qu’ils n'hésiteraient pas à les utiliser. La grande alicorne blanche recula lentement vers le mur, les yeux remplis de rage. Un instant plus tard, d’autres gardes se jetèrent sur Twilight et la plaquèrent au sol. En entendant les cris de détresse de son élève, Célestia se cabra en battant des ailes. Plusieurs gardes furent renversés par le souffle, mais l’un parvint à bondir sur le côté et la frappa en pleine tête avec le manche de son arme. Étourdie, Célestia tituba et s’affala contre le mur. Les gardes se ruèrent à nouveau vers elle et pointèrent leurs lances sur elle, cette fois à quelques centimètres de son visage.
- Ne rendez pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont déjà, Célestia, fit Namar, de l’autre côté des barreaux. Je ne voudrais pas être obligé de sacrifier plus d’une alicorne aujourd’hui.
Le princesse du jour tourna les yeux vers Twilight, qui se débattait avec l’énergie du désespoir. Les bouquetins finirent cependant par la maîtriser. Quatre d’entre eux lui immobilisèrent les pattes tandis que deux autres lui ligotaient les ailes contre les flancs.
- Princesse ! hurla-t-elle, ses yeux remplis de larmes fixés sur son aînée.
Célestia tenta de se relever, mais la pointe d’une lance se pressa contre son flanc. Elle tenta alors de rassembler ce qui lui restait de force pour lancer une dernier sort, mais toute magie avait quitté son corps, aspirée par le contre-sort et par la montagne qui l’emprisonnait. Elle ne put rien faire d’autre que de rendre à Twilight son regard désespéré.
Dans un cri féroce, Spike se rua alors sur un des gardes qui brutalisaient son amie. Il s'agrippa à sa patte comme à une branche d’arbre, ouvrit la gueule en grand et lui planta ses crocs dans le mollet aussi fort qu’il put. Le bouquetin se cabra en hurlant de douleur. Spike se cramponna jusqu’à ce qu’un coup de sabot en plein ventre lui fasse lâcher prise. Il fut projeté contre le mur, plié en deux par le coup. Devant lui, les gardes étaient déjà occupés à traîner de force la jeune princesse dans le couloir.
- Twilight, non ! cria-t-il en se relevant aussi vite que possible.
Il lui attrapa la patte et se laissa traîner avec elle hors de la geôle. Une fois Twilight dehors, les gardes qui immobilisaient Célestia filèrent hors de la cellule. La grande alicorne se releva d’un bond et chargea pour sortir à son tour, mais la porte se referma sur elle.
- Monstre ! hurla-t-elle en direction de Namar.
Le monarque s’éloignait déjà, le dos courbé, boitant à moitié. Il ne se retourna pas pour lui répondre. Sur ses talons, les gardes forçaient Twilight à avancer.
- Non ! cria Spike, toujours cramponné à sa patte.
Un des bouquetins se tourna alors vers lui et, avec rage, le frappa du sabot en pleine tête. L’assistant s’effondra au sol, à moitié assommé. Les gardes l’abandonnèrent là et emmenèrent Twilight le long du couloir, vers les profondeurs de la mine.
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