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Discors Consentus

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Chapitre 22 : End of all Hope

- Vos Majestés, la Garde est à son poste, prête à intervenir. Nous attendons les ordres, informa un pégase qui venait de se percher sur la rambarde du balcon de la Tour de Guet et se tenait droit comme un I.
- Bien, répondit Celestia d’un air légèrement absent. Retournez à votre poste, et tenez-vous prêt à intervenir. Nos ennemis se rapprochent rapidement.
- A vos ordres, acquiesça le garde en se mettant au garde-à-vous, avant de se laisser tomber en arrière dans le vide et de planer vers la tour abritant le reste de son unité.

Après s’être assurée que le pégase était en place, Celestia replaça son œil sur l’oculaire du télescope et continua d’observer la progression de la horde infernale.

- Crois-tu que nous serons assez forts pour les vaincre ? De telles… créatures ? demanda Luna, visiblement inquiète et incapable de trouver un terme plus adapté.
- Je ne sais pas, Luna, répondit Celestia d’un ton neutre. Pour être franche, je crains que sans notre soutien magique, la Garde ne soit submergée.
La princesse poussa un soupir las.
- Regarde-les, reprit-elle. Ce sont des monstres, des bêtes sorties d’un enfer bien pire que tout ce qu’on sait du Tartare. Je ne sais pas dans quel monde infernal Discord est allé chercher ces créatures, mais du peu que j’en ai vu, elles sont aussi bien voire mieux équipées que nos gardes pour le combat rapproché. Au mieux, nous lutterons à armes égales, mais à un contre dix.

Luna laissa planer un silence tendu avant de reprendre :


- Le bouclier tiendra ?
- Contre ces choses ? J’en suis presque certaine. En revanche, Discord pose une menace bien plus conséquente. Et s’il contrôle toute cette armée à lui seul, nous n’aurions de toute façon pas eu la force de l’arrêter. Si nous le laissons s’approcher du bouclier, ce sera comme s’il n’avait pas existé. Je crains que nous ayons commis une erreur, Luna.
- En plaçant ce bouclier ? Tu sais bien que non, Celestia. Il est alimenté par Cadance et Shining Armor, et n’oublie pas que leur pouvoir a défait Chrysalis alors qu’elle était plus puissante que nous ne l’avons jamais été. Discord ne pourra pas briser ce bouclier.
- Comme je prie pour que tu aie raison, Luna….

Les deux princesses laissèrent un ange passer. Le silence n’était brisé que par le roulement de tonnerre de l’ost infernal approchant. Les cris qui montaient de la horde arrachèrent un frisson à la Princesse Luna.


- Tu devrais retourner superviser l’évacuation par les souterrains, ma sœur, dit finalement Luna pour rompre le silence. Je vais rester ici et ordonner la défense de Canterlot.
- Tu ne peux pas prendre la tête d’une armée, Luna, tu n’as pas disputé des conflits depuis des millénaires… objecta Celestia avec lassitude.
- Rappelle-moi quelle fut la dernière guerre lors de laquelle tu mena l’armée d’Equestria ?
- C’était la Guerre des Mille Chandelles, se remémora la princesse solaire.
- Bien. Dans ce cas, n’oublie pas que c’est moi qui ai dirigé nos forces nocturnes, et que c’est moi qui ai donc supervisé la plupart des batailles. Et même si j’ai passé deux millénaires sur la Lune, je n’ai pas perdu mes talents de meneuse de guerriers plus que toi. Maintenant va voir tes sujets, et donne leur la foi que ce soir, nous réussirons à mettre en fuite les forces de Discord, conclut Luna d’un ton autoritaire.

Détachant son regard de l’horizon, Celestia croisa les yeux bleu nuit de sa jeune sœur. Il y avait, chez cette alicorne engoncée dans une armure d’argent aux allures de reine guerrière, une telle détermination et une telle volonté que Celestia ne put qu’accéder à la requête de Luna.

- Prends garde à toi, ma sœur, dit la princesse du Soleil à mi-voix.
- N’aie crainte, Celestia. Comme toujours, je veillerai sur la Nuit.

Avec un dernier regard à la princesse de la Lune, si fière et noble dans son plastron d’argent, les flancs couverts d’un caparaçon de mailles assemblées de sabot de maître. Une arbalète à répétition, l’arme d’excellence des soldats d’Equestria, pendait à son flanc droit, et un carquois plein de javelines harnaché à son dos de manière à ne pas gêner son vol. Une vision rare, et inoubliable pour tout être qui la contemplerait.
Celestia elle-même portait une armure du même genre, toute d’or rutilant, et dont la vue réchaufferait sûrement les cœurs apeurés et perdus des habitants réfugiés de Canterlot.
Une vue dont Equestria avait été privée des millénaires durant.
Des millénaires durant lesquels le sang des poneys n’avait pas souillé la terre.

Luna inspira profondément, avant d’expulser tout l’air de ses poumons par les naseaux, se purifiant de toutes les pensées parasites en les éparpillant au gré du vent.
Dorénavant, ce n’était plus la Princesse qui devait agir. C’était l’instinct enfoui du chef de guerre, celui qu’elle avait reclus au fond d’elle-même depuis des millénaires.
Cependant, comme tout chef de guerre, Luna devait s’attendre à voir des poneys tomber au combat. Des poneys qui verraient leurs rêves, leurs souvenirs, leurs projets, mourir en même temps qu’ils verraient leur sang se répandre sur la terre. Des poneys qui laisseraient derrière eux des familles brisées et des amis perdus.
Un destin que Luna avait connu, lorsqu’elle fut bannie sur la Lune, et qu’elle ne souhaitait à personne. Et elle souhaitait encore moins le revivre en trouvant la mort au court de cette bataille.
Rien que cette perspective provoqua des sueurs froides dans l’échine de l’alicorne.
L’espace d’un instant, elle regretta que Nightmare Moon ait été défaite.. Le fléau qui avait un temps emporté l’âme de Luna aurait sans doute eu moins de craintes vis-à-vis des combats, et n’aurait aucun scrupule à sacrifier la vie des poneys qui combattraient pour elle.
Luna chassa ces pensées en secouant la tête nerveusement. Nightmare Moon était un monstre, un monstre qui n’avait sa place que dans les rangs ennemis.
Qui n’avait sa place que six pieds sous terre, et Luna se jura qu’elle l’y enverrait elle-même. Elle tenait à montrer sa dévotion envers son pays et à montrer l’exemple en massacrant les démons de son sabot.
Elle combattrait comme l’exigeait son rang. Avec honneur, avec dignité, pour le bien d’Equestria.

Posant ses sabots antérieurs sur les créneaux de la Tour, elle reprit une observation grossière des environs, passant en revue le champ de bataille.
Les troupes ennemies étaient maintenant toutes proches de l’entrée de la cité. Seuls trois cent mètres les séparaient de la grande porte de la ville.
Depuis la Tour de Guet, Luna faisait face au Sud, observant ainsi de manière directe l’arrivée de l’ost de Discord. A l’Ouest, Canterlot s’étendait au-dessus du vide, ne craignant aucune attaque terrestre de ce côté. A l’Est, la cité prenait appui contre les flancs escarpés de la chaîne de l’Echine du Dragon, rendant toute approche d’une armée piétonne impossible également. Et au Nord s’étendait de nouveau le vide.
La seule route d’invasion praticable était le Sud, ce qui rendait la cité d’autant plus facile à défendre, bien que ce critère n’ait pas été prédominant lors de l’édification de la capitale d’Equestria.
Pourtant, même si le Sud était la seule route à défendre, cela ne serait pas forcément une garantie de victoire. Car si le Sud était l’unique route d’invasion, la défense de Canterlot était également prisonnière de ses murs. Le seul aspect pratique était la supériorité tactique des pégases, pouvant manœuvrer facilement dans le vide, hors de portée des projectiles ennemis.
La victoire serait difficile, mais pouvait être arrachée. Luna s’en tenait à cet espoir.
Déjà, les premiers démons se massaient devant les douves et les murailles, à quelques mètres des premières lignes de défense de Canterlot, tout contre le bouclier magique.

Luna balaya rapidement du regard les gardes licornes et pégases stationnés sur les remparts, certains entourant les plates-formes des machines de guerre, déjà tournées vers l’ennemi. Certains tressaillaient, trahissant la nervosité qu’ils ressentaient à l’approche des combats. Les pégases serraient leur arbalète tellement fort que leurs articulations blanchissaient à vue d’œil. Même les Gardes de Nuit, pourtant habitués aux démonstrations de puissance de Luna et à combattre les choses pleines de crocs qui rôdaient dans l’obscurité, étaient nerveux face à la horde sifflante et mugissante.
Et pour cause. La Princesse elle-même se surprit à sentir ses peurs enfantines revenir la hanter. La peur du noir, la peur du monstre caché sous son lit, de celui qui se terrait dans le placard. A l’époque, seule la présence réconfortante de son doudou Monsieur Sîn avait su la consoler, en l’absence de sa mère.
Aujourd’hui, ni sa mère, ni Monsieur Sîn n’étaient là pour la rassurer, et lui faire oublier que ces peurs du passé trouvaient leur incarnation aux portes de Canterlot.
Des centaines d’incarnations.

Luna poussa sur ses pattes, et prit son vol en direction des premières lignes. Elle devait rester proche de ses soldats, pour les encourager à continuer le combat, à ne jamais abandonner ce pour quoi il se battait. Les soldats devaient voir leur princesse montrer l’exemple.
Car Luna savait que sans son soutien, sans la vue rassurante de la princesse planant au-dessus de leur tête, beaucoup préfèreraient tourner les ergots et tenter de sauver leur vie. Et comment leur en vouloir ? Si l’avenir d’Equestria toute entière n’était pas en danger, Luna elle-même aurait volontiers abandonné la cité déjà vidée de ses habitants et fui vers les royaumes zèbres.
Mais les ennemis d’Equestria étaient menés par Discord, l’ennemi suprême d’Equestria, l’ennemi de tout Ordre. Chaque vie perdue importait, si elle permettait ne serait-ce que mettre une épine dans le pied du draconequus.

Elle s’arrêta en vol stationnaire à une dizaine de mètre en retrait des murailles, assez haut pour dominer le champ de bataille. Les regards se tournèrent un instant vers elle, cherchant l’inspiration guerrière dans sa noble figure.
Par delà le bouclier, la princesse de la Nuit aperçut une silhouette gracile évoluer de la manière malhabile qui la caractérisait dans les airs. Discord avançait d’un air presque nonchalant, tout en passant en revue les faibles forces d’Equestria qu’il avait dans son champ de vision.

Luna leva une patte.
Le signal.
Une cinquantaine de pégases s’envola, et fila par l’Ouest au-dehors de la protection du bouclier ouvert sur leur passage par les licornes proches. Ils contournèrent l’ost démoniaque, et lâchèrent une pluie de carreaux de leur arbalète en direction de Discord.
Les projectiles stoppèrent dans les airs à un mètre du draconequus, et chutèrent sur le sol comme des fétus de bois. Et le monstre n’en ralentit pas sa progression pour autant, même après les deux autres salves de flèches lancées par les pégases, qui voletaient loin de lui au-dessus du vide, préférant se tenir loin des démons.
Luna le vit se poser contre le bouclier, s’arc-boutant sur la surface translucide à l’aide de ses pattes arrières. Tout en se maintenant en l’air par des battements d’ailes réguliers, il plaça ses paumes difformes contre le bouclier et ferma ses yeux, dissimulant leur éclat diabolique.
Les poils de la nuque de Luna se hérissèrent.

Le corps de Discord se tendit, son dos s’arquant de manière plus prononcée. Il canalisa toute l’énergie qu’il était capable de mobiliser dans le creux de ses paumes, et les instilla dans le bouclier.
Lorsqu’il se sentit prêt, il libéra les énergies sous la forme d’une impulsion magique.
Luna failli chuter au sol, sa conscience un instant balayée par le brusque débordement d’énergie. Elle se reprit à temps, ayant manqué un battement d’ailes.
Un crissement assourdissant lui fit lever les yeux.
Le bouclier se fracturait sur toute sa surface.
Le bouclier avait été créé pour arrêter n’importe quel ennemi, n’importe quel projectile. Seul un dragon disposait de la force nécessaire ne serait-ce que pour le rayer.
Le pouvoir brut déchaîné par le draconequus le fit voler en poussière. Le bouclier protecteur fut réduit en fins flocons irisés, brillants comme des étoiles. Le spectacle aurait été magnifique, s’il n’avait pas été si lourd d’implications.
Luna frissonna, car elle avait cru entendre le terrible cri de souffrance de Shining Armor et Cadance, frappés par la violente énergie venue briser leur sort et leur esprit.

Un silence lourd s’abattit sur le champ de bataille tel une chape de plomb. Même la clameur incessante de la horde infernale s’était tue.


- Alors princesse, interpella Discord. Où est donc votre chère sœur ? J’espérais au moins la revoir avant la « rencontre » !
- Elle ne vous fera pas cet honneur, Discord, répondit Luna d’un ton glacial. Et croyez-moi que l’idée même de m’offrir à votre vue me répugne.
- Vous m’en voyez navré, fit le draconequus en prenant un air désolé et sans se départir de son insupportable ton mielleux. Celestia m’a énormément manqué durant ces longs mois d’exil, hors de ce monde magnifique.
- Et vous ne nous avez pas manqué pendant les quelques heures bénies pendant lesquelles vous avez disparu. Il est regrettable que vous n’ayez pas prolongé vos vacances.
- Vous me blessez, Princesse. Quel manque de savoir-vivre, vraiment. On jurerait entendre vos petites héroïnes.

Luna ne répondit pas à la dernière provocation, et laissa le silence retomber, toisant Discord depuis son poste de commandement aérien.


- N’empêche, c’était un bien beau bouclier que vous avez déployé, fit remarquer Discord. Il aurait pu être très efficace. Je constate également que vous avez trouvé quelques licornes suffisamment vaillantes pour assurer l’intérim magique depuis notre dernière entrevue ? Quel dommage que vous ne puissiez profiter d’un tel pouvoir sur le champ de bataille…

Alors que les mots mielleux du draconequus résonnaient à l’oreille de Luna, elle fut horrifiée de constater que Celestia avait eu raison. Luna aurait dû l’écouter et placer Shining Armor au commandement de la garde et Cadance en soutien magique…
Elle avait compté arrêter Discord avec un bouclier. Arrêter l’antagoniste suprême avec un simple sortilège, l’unique être en Equestria capable de corrompre tout ce qui avait une forme dans l’espace et le temps.
Quelle idiote elle avait fait.
Elle s’était privée de deux éléments d’une importance capitale.

- Sachez maintenant, Princesse Luna, que peu importe l’endroit où Celestia se cache, je la trouverai. Il m’est très important que vous assistiez toutes les deux à mon retour sur le Trône d’Equestria, et que vous contempliez mon œuvre.
- Seule votre prison de pierre vous attend, aucun avenir à notre place ! cracha la Princesse dont les sangs s’échauffaient sérieusement.
- Je sais que la nuit est le domaine des rêves, mais vous prenez votre rôle un peu trop au sérieux. Cessez de rêver, Luna, ricana le monstre. Ma victoire est toute proche. Je vous laisse une dernière chance de vous rendre sans combattre, et de me livrer Celestia.
- Allez au Tartare ! cracha Luna.
- Bon. Je prends ça comme un « non ». Vous êtes sûre de ne pas vouloir réfléchir un peu plus avant ?
- Aussi certaine que je vous piétinerai de mes sabots !
- Alors je suppose que nous allons en venir aux mains… comme c’est regrettable.
- GARDES, EN JOUE !! ordonna Luna en utilisant la Voix Royale de Canterlot.
- Ca ne suffira pas, chantonna Discord d’un air goguenard.
- FEU !

Un déluge d’éclairs, de boules de feu, de carreaux d’arbalète et de balistes et d’autres sortilèges offensifs fusa depuis les remparts sur les démons en contrebas, toujours bloqués par le pont-levis relevé et les douves. Des cris aigues contre-nature répondirent au fracas des sortilèges, et une fumée noire épaisse comme de l’encre versée dans l’eau s’éleva de la horde, masquant les démons aux yeux des poneys, qui continuaient de mitrailler l’ennemi de leurs sorts et de leurs projectiles.

Dans le dos de Luna, les deux tiers des forces pégases encore stationnées prirent leur vol, et entreprirent une nouvelle manœuvre de contournement en utilisant l’abri du vide à l’ouest pour descendre en piqué au-dessous des falaises Ils devaient ressortir silencieusement dans le dos des démons pour profiter de l’effet de surprise et en empaler un maximum sur leurs carreaux.
Le vol de pégases n’échappa pas à l’attention de Discord, qui les prit en chasse en passant au travers des cinquante pégases déjà stationnés au-dessus du vide comme un faucon au milieu d’une volée de moineaux. Des éclairs fusèrent autour de lui, carbonisant les pégases en plein vol ou meurtrissant leurs ailes et leur chair, les envoyant vers une mort certaine. Il descendit en piqué à son tour, et disparut de la vue de Luna.
Cependant, l’un des objectifs des pégases avait été rempli, malgré les vies sacrifiées.
Le draconequus ne protégeait plus ses tropes, et les licornes et les pégases voletant au-dessus des murailles s’en donnaient à cœur joie. Les balistes empalaient à chaque tir plusieurs démons, et les servants licornes maintenaient une cadence de tir terrifiante.
Tout ne serait pas si difficile, finalement, pensa Luna alors qu’un peloton de pégases de la Garde de Nuit venait se déployer autour d’elle pour lui servir de garde rapprochée.

Les premiers hurlements de douleur et de terreur détrompèrent rapidement Luna.
Les licornes postées sur les remparts étaient assaillies par des créatures de l’ombre d’aspect vaguement simiesque, aux membres trop longs et aux griffes démesurées.
Les démons escaladaient les murailles comme des lézards, s’aidant de leurs griffes comme de piolets pour s’agripper aux aspérités de la pierre. Leur progression verticale était si rapide que les licornes n’avaient pas le temps de réagir, et se faisaient transpercer par les énormes griffes de leurs cauchemardesques adversaires. Malgré leur maîtrise de la magie et du combat à distance, les licornes n’étaient ni équipées ni entraînées au combat rapproché, et face à des ennemis mieux équipés qu’elles, elles n’avaient aucune chance. Elles tombaient les unes après les autres, emportant parfois avec elle un démon dans un éclair magique, qui dissipait sa forme sombre en une fumée noire dispersée par le vent.
Les servants des balistes stationnés sur les murailles se faisaient mettre en pièces sans espoir de résistance, et leurs machines étaient rendues inutilisables dès qu’un coup de griffe malheureux sectionnait les cordages.
A ce rythme, les licornes ne tiendraient pas les remparts plus de dix minutes, et leur nombre ne permettait pas aux terrestres, mieux équipés pour le corps à corps, de monter sur les remparts pour les défendre. Elles risquaient de toutes se faire massacrer.
Les hurlements de souffrance et d’agonies emplissaient l’air, et Luna y était impuissante, n’osant donner l’ordre à ses pégases de tirer sur les démons qui avaient grimpé sur les remparts, de peur de toucher une licorne.

Complètement perdue, Luna se laissa saisir par l’affolement.

- RETRAITE, RETRAITE ! Ordonna-t-elle de la Voix Royale. VERS LE CHATEAU !

Il n’était pas utile de faire durer un combat déjà perdu sur les remparts. Autant sauver ceux qui pouvaient encore l’être, et se retirer vers les remparts du château.
Si les terrestres parvenaient à se débarrasser de ces grimpeurs démoniaques, il suffirait de placer les licornes et les pégases en sécurité sur les remparts, et les démons ne pourraient que regarder leurs semblables se faire percer de carreaux de toutes parts.
En attendant, il fallait amener les licornes et les tireurs terrestres jusqu’à la muraille du château. Ils quittèrent les remparts de la cité au pas de course, certains tentant de conserver un semblant d’organisation, d’autres courant presque au hasard, submergés d’horreur et animés d’instincts de survie qui leur dictaient de courir le plus vite et le plus loin possible. Certains, rendus fous de terreur par la marée de démons qui escaladaient les murs, se jetaient du haut des remparts, et beaucoup se brisaient les pattes à la réception, avant de sentir les griffes effilées des bêtes de l’ombre leur percer le crâne, la gorge ou la poitrine.
En l’espace de quelques minutes, dès les premiers instants de la bataille, près d’un quart des effectifs des licornes avait trépassé, au prix de pertes mineurs chez les démons.

Luna tarda un peu à reprendre ses esprits devant l’horrible spectacle de la débandade des licornes, et constata avec soulagement que l’ordre et la discipline régnaient encore au sein de son armée. Le gros des corps terrestres avançait vers les murailles en bon ordre, et formaient un vrai mur de protection entre les licornes et leurs poursuivants, qu’ils stoppaient net dans leur course d’un coup de lance bien ajusté.
Protégées derrière les lignes de leurs cousins, les licornes se reformèrent après quelques coups de cor de guerre, et menèrent une marche forcée bien ordonnée vers les remparts du palais.
Luna aperçut quelques démons qui s’étaient lancés à travers les rues, succombant à leur instinct qui leur ordonnait de se cacher dans l’ombre. La princesse envoya quelques pégases à leurs trousses. Elle ne pouvait souffrir de distractions de ce genre au plus fort de la bataille.

Les grimpeurs continuaient de franchir les murs avec aise et se jetaient sur les lignes terrestres dans le désordre le plus complet, animés par la rage et une soif de sang qui les rendait totalement frénétiques. Les poneys, en revanche, conservaient toute leur discipline, tenant fermement les rangs et opposant aux bêtes bondissantes un mur de lances et de muscles. Les démons avaient beau tenter de déborder leurs adversaires par les flancs, les blocs de poneys restaient impassibles et éliminaient chacune des créatures qui approchait.

Alors que Luna observait les combats avec une satisfaction intense, un garde l'interpella, l’urgence facilement reconnaissable dans le ton qu’il employait.


- Princesse ! A l’Est !

Luna tourna la tête dans la direction indiquée, vers le flanc des montagnes.
Son sang se figea dans ses veines.


Ce qui aboyait et vociférait devant les remparts n’était rien à côté de la menace qui descendait sans inquiétude les flancs des cols rocheux.
Une vingtaine de bêtes gigantesques, à l’aspect simien également rappelant des gorilles difformes au front orné de grandes cornes recourbées vers l’arrière dévalait les escarpements avec la facilité déconcertante de chèvres de montagne.
Elles étaient parvenues à contourner les murailles en se servant de leur agilité pour escalader les montagnes, et redescendaient maintenant pour attaquer directement depuis l’intérieur de la cité, prenant les défenseurs au dépourvu total, aussi vifs et menaçants que des locomotives lancées à pleine vitesse.
Autour de ces cauchemars vivants galopaient avec un peu moins de stabilité que leurs congénères géants des dizaines d’ombres informes, aux yeux rouges et luisants dans l’obscurité.

Luna baissa instinctivement les yeux.
Les pégases qu’elle avait envoyé traquer les monstres continuaient leur chasse à travers les rues, mais traquaient un nouveau type de proies.
Dans chaque coin d’ombre, dans chaque angle se trouvait une de ces créatures de ténèbres pures aux yeux rouges. Pas une seule parcelle de la ville de Canterlot n’échappait à leur regard malsain.
Les angles morts des unités de poneys terrestres ne faisaient pas exception.

Elles étaient les yeux de l’armée, et le relais du commandement. Et elles repéraient les points faibles de la défense de Canterlot.
Luna aboya des ordres concernant la traque de ces créatures à une nouvelle unité de pégases, et ajouta expressément qu’elles devaient être exterminées. Si elle parvenait à rompre les liaisons du commandement ennemi, les démons retourneraient à leurs instincts sauvages et meurtriers et seraient faciles à dominer par la discipline.
Elle appela ses pégases, et fendit les airs vers les monstres, prévenant au passage les chefs terrestres de la menace imminente.
Elle fit décrire un arc de cercle à son unité, s’assurant ainsi de frapper par l’un des angles morts des créatures, dans le sens de la pente.
En approchant, les pégases vidèrent leurs carquois sur les bêtes, rechargeant leurs arbalètes à répétition avec des gestes experts, fruits de longues heures d’entraînement. De nombreuses ombres s’évanouirent, et les bêtes poussèrent des hurlements de rage et de douleur. Mais même hérissés de carreaux plantés dans leur chair, elles ne ralentirent pas leur progression pour autant.
Seule l’une des créatures, la nuque percée de carreaux, trébucha et roula jusqu’au pied de la montagne, dépassant ses congénères et heurtant le sol à plusieurs reprises avec toujours plus de violence. Lorsqu’elle termina sa course folle, ses cornes et les pointes qui saillaient de tout son corps étaient brisées, et sa nuque affichait un angle improbable.

Luna pesta contre elle-même. Les carreaux ne marchaient pas, et les pégases manquaient de munitions. Il fallait descendre au corps à corps, et exposer les corps fragiles des pégases à des attaques directes des monstres. Même si chaque pégase transportait une demi-douzaine de javelots, faire mouche à chaque coup pour s’assurer de mettre les démons géants hors-combat allait relever du tour de force.
Luna n’avait pas le choix. Il fallait absolument empêcher les monstres de parvenir jusqu’aux terrestres, sans quoi le carnage qui résulterait de l’impact serait effroyable au-delà des mots. Si les terrestres étaient obligés de combattre sur deux fronts, il ne faudrait pas longtemps pour que les forces de Canterlot perdent la ville. Le pont-levis ne serait plus gardé, et les bêtes cornues auraient vite fait de l’abattre et de laisser le champ libre à ses congénères.

Les pégases décrivirent un demi-tour aérien, remontant en chandelle tout en saisissant un javelot dans leur porte-javeline, avant de piquer vers les créatures.
Luna fondit dans le dos de la créature la plus proche, et enfonça sa pique avec toute la force donnée par son élan dans le dos du monstre. La bête hurla mais ne tomba pas, et continua sa descente inexorable.
Luna, quand à elle, avait failli se briser les pattes sous la violence du choc. Elle n’était pas entraînée à cela, et ne pourrait pas retenter une nouvelle attaque.
Une demi-douzaine de créatures stoppa sa course, et se tourna vers les poneys ailés en mugissant.
Se ramassant sur elles-mêmes, elles bondirent à la rencontre des pégases lors de leur second passage, et heurtèrent leurs assaillants de toute leur masse. Les corps disloqués volèrent en tous sens, s’écrasant contre la roche ou finissant leur course folle en se brisant le cou sur le toit d’une maison.
Deux des bêtes furent victimes de leur propre piège, heurtant des pégases qui s’agrippaient fermement à leur javeline, et dont l’arme perça le corps des créatures de part en part.
De nombreux pégases n’eurent pas la chance de reprendre la direction des cieux, frappés par une main griffue aussi haute qu’eux-mêmes ou au vol interrompu brutalement par un coup de cornes.
Deux autres bêtes tombèrent, et firent cumuler le tableau de chasse des pégases à cinq victimes.
Mais les quinze autres cavalaient toujours, et se rapprochaient à une vitesse alarmante des poneys terrestres qui s’étaient tournés vers eux et tremblaient de terreur, faisant écho au sol pavé de Canterlot vibrant sous la masse des créatures.

L’impact fut d’une violence terrifiante.
Les corps fracassés volèrent en tous sens, sans même avoir le temps de pousser un cri de terreur ou de douleur.
Chacun de ceux que Luna appela pour elle-même les « Grands Cornus » -nommer de tels monstres permettait d’exorciser en partie sa crainte- s’enfonça dans les rangs des terrestres comme un couteau chauffé à blanc dans du beurre mou, laissant un derrière lui un sillage sanglant de cadavres piétinés, disloqués, un chemin macabre qu’empruntaient les Ombres pour les suivre, dardant leur regard écarlate dans toutes les directions à la recherche d’une nouvelle faille.
Les craintes de Luna se réalisaient.
Les terrestres devaient combattre sur deux fronts, mais ne tiendraient pas longtemps.
En un temps bien trop court, trois des Grands Cornus se frayèrent un chemin à travers les lignes poneys en direction du pont-levis, qu’ils commencèrent à frapper de leurs énormes poings en rugissant.
Sous le regard désespéré de la Princesse de la Nuit, l’une d’elle avisa les chaînes qui retenaient le pont de bois.
Mue par une volonté qui n’était clairement pas la sienne et dépassait de loin son instinct basique, la bête se saisit de la chaîne, et tira brutalement en y mettant toute sa force.
Les maillons de la chaîne se déformèrent, et la puissance brute du démon détruisit le mécanisme qui retenait le pont.
Le Cornu se dirigea alors vers la seconde chaîne, déjà repérée par une Ombre, et répéta l’opération.
Dans un fracas de bois brisé qui évoquait de manière effroyable un craquement osseux, le pont-levis s’écroula par-dessus les douves, générant une clameur infernale chez les démons restés de l’autre côté qui glaça le sang des défenseurs.
Les démons qui piaffaient d’impatience depuis trop longtemps à leur goût et pas assez à celui de Luna se ruèrent avec sauvagerie dans l’enceinte de la ville de Canterlot.

A nouveau, Luna sonna la retraite vers le château.

En relative sécurité depuis son point de vue aérien, entourée de ses pégases, la princesse observa au loin les rebords de la corniche, espérant voir reparaître les pégases qu’elle avait envoyé distraire Discord quelque temps auparavant.
Une seule forme remonta des falaises. Une forme longiligne, cornue, au vol discordant.
Plus aucun pégase ne tournoyait dans le ciel en attendant de fondre sur sa cible.
Alors que les démons envahissaient les rues et se jetaient avidement sur les blessés et les fuyards égarés, Luna sut que la bataille était maintenant jouée.


Twilight s’arrêta un instant pour contempler le carnage qui se déroulait devant ses yeux.
Elle et les cinq autres poneys avaient galopé sans relâche, remontant la piste des démons en suivant la route qu’ils avaient tracée, leurs empreintes de pas étant entourées d’un halo de corruption qui flétrissait l’herbe autour d’eux et dégageait une puanteur soufrée partout où ils passaient.

Twilight profitait du relief légèrement surélevé pour passer rapidement la situation en revue.
Du peu qu’elle pouvait en voir, Canterlot était en mauvaise posture, seulement une vingtaine de minutes après que l’écho du premier ordre donné par la Princesse Luna ne se soit évanoui.
Les démons s’étaient éparpillés dans la cité ne laissant aucun accès libre par les voies traditionnelles au château, sous peine d’être pris dans de multiples embuscades.
Luna elle-même avait retiré ses troupes à l’abri du château, mais Discord l’avait suivie et semblait vouloir la provoquer en duel. La Princesse tentait de fuir la confrontation, mais le draconequus la talonnait et ne la perdait jamais de vue, tournant autour des multiples tours du palais.

Soudain, surgie de nulle part, la Princesse Celestia apparut au détour d’une falaise, survolant le vide dans son armure dorée. Elle remonta vers le château, et prit Discord en chasse, déterminée à engager un combat aérien désespéré.
Après plusieurs passes apparemment inefficaces, les deux princesses se replièrent dans le château, ou la silhouette serpentine de Discord ne tarda pas à les suivre.
Il fallait leur venir en aide.
La licorne ordonna à ses amies de se rassembler auprès d’elle, et se concentra, préparant son sortilège de téléportation.



Ignorant la douleur, la peine, la souffrance et les visions macabres qui le hantaient, Loki tenta une nouvelle fois de faire le vide dans son esprit.
Les visions des supplices qu’avaient subi les six poneys se rappelaient sans cesse à lui, obnubilant son esprit de pensées malsaines, et les faire disparaître était une gageure dont Loki peinait à se débarrasser.
Il tenta de supplanter aux terribles et sanglantes visions le visage de Rarity, redessinant le moindre de ses traits, afin de s’accaparer l’esprit, jusqu’à ce que l’image soit parfaite, d’une netteté impeccable et d’une beauté à couper le souffle. Comme si Rarity se trouvait en face de lui.
Cela rasséréna un peu le coyote. Penser à quelque chose de positif lui fit du bien.
Mais son objectif était le vide, et il fallait faire abstraction du positif comme du négatif.
A contrecœur, il effaça l’image de sa bien aimée.

Il tâcha ensuite de se concentrer à nouveau, visualisant une forêt qu’il définissait comme enchantée.
Le sol sous ses pattes se couvrit d’une herbe douce et tendre, d’un vert radieux, et des arbres au tronc tordu de manière incongrue apparurent. Leur tronc était pâle et fin, et la texture du bois semblait à la fois douce et dure. Une lumière dorée filtrait à travers le feuillage danse, formant des rais de lumière du plus bel effet. Des lucioles commençaient déjà à luire dans la semi-clarté du jour, voletant nonchalamment devant les yeux du coyote, ajoutant à la magie du lieu.
Loki s’enfonça vers le cœur de ce bois mystique, découvrant des arbres de plus en plus hauts, aux formes toutes plus étonnantes que merveilleuses, leurs troncs contournés s’enroulant autour de piliers invisibles ou se dressant fièrement jusqu’aux cieux.
Tout en admirant la majesté du lieu, Loki parvint dans une clairière, au centre de laquelle s’élevait ce qui semblait être un frêne vénérable, semblant plus ancien que le monde lui-même.
L’arbre étendait ses branchages au-dessus d’un roc large, aussi grand qu’une tablée de salle à manger, et au sommet étrangement plane et poli. Le tout ressemblait à s’y méprendre à un autel naturel, reclus dans un sanctuaire inviolé.

Loki grimpa sans attendre sur le rocher, et s’y allongea sur le dos, observant le ciel à travers les feuilles de l’arbre.
Ainsi allongé, on eût dit l’offrande d’un sacrifice à une quelconque divinité.
C’était en quelque sorte le cas.
Les yeux égarés dans l’immensité bleue du ciel, Loki attendit.

Bientôt, une forme noire en forme de flèche traversa son champ de vision en arrivant par l’Ouest. La créature poussa un cri plaintif, avant d’entamer sa descente en décrivant une série de cercles concentriques en une spirale descendante.
Plus elle se rapprochait, et mieux Loki distinguait les formes de la créature. C’était un dragon, aux ailes gigantesques, d’une envergure telle que le coyote n’aurait su l’estimer.
Bientôt, le reptile se posa dans la clairière, à quelque mètres de Loki.
Même repliées, ses ailes gardaient des proportions gigantesques. Elles étaient plus longue que le corps du monstre. Cependant, contrairement au souvenir que conservait Loki de son entrevue avec Ziri Kaar, ce dragon à la peau d’un noir d’ébène était beaucoup plus petit, atteignant probablement les trois mètres de haut avec le cou redressé au maximum, et ne portait que quatre cornes à l’arrière du crâne, et non pas une couronne hérissée comme le dieu-dragon.
Son corps lisse, sans pointes ni protubérances osseuses aucune, rappelait celui du loup, et sa démarche avait la même élégance que le canidé. Sa queue longue et fine se balançait nonchalamment de gauche à droite derrière lui tandis qu’il marchait en s’approchant de Loki, ses yeux d’un gris clair fixés sur le coyote.
Ce dernier observait le reptile s’approcher en retour, l’œil dans les yeux. Tous deux connaissaient la suite des évènements.
Malgré leur nature dérangeante, il le savait, Loki ne concevait aucune crainte. Il était même soulagé de ce qui allait survenir.

Le dragon s’arrêta à côté de Loki, sa tête au niveau de l’extrémité de ses pattes postérieures, et le dragon et le coyote croisèrent une dernière fois leurs regards.
Loki finit par tourner son œil vers le ciel, et attendit.

Sans aucun signe avant-coureur, la gueule du dragon s’ouvrit, son cou se détendit, et il saisir une patte du coyote entre ses mâchoires, raclant les os de ses dents et de sa langue râpeuse pour en retirer toute la chair.
Le canidé n’en conçut pas ma moindre douleur. Tout juste eut-il l’impression de ne plus sentir sa patte.
Le dragon continua sa curée, remontant des pattes jusqu’à la tête, ne laissant là où il ôtait la chair que des os blanchis et un squelette parfaitement propre, presque luisant dans la lumière du soleil.
Il ne lui fallut pas de trois minutes pour achever de dévorer entièrement le coyote, réduit à l’état de squelette chauffé par les rayons du soleil.

Loki aperçut avec les yeux de son esprit –malgré leur disparition après que le dragon ait dévoré le crâne – une seconde silhouette passer dans le ciel, arrivant de l’Est, en tous points semblable à la première. Quelques instants plus tard, un dragon d’un blanc de neige se posa dans la clairière, et vint prendre place au pied de l’autel, près du dragon noir.
Ce second reptile était radicalement différent du premier. Bien que leur silhouette et leurs ailes fussent semblables, le dragon blanc empruntait plus à la grâce du cerf qu’à l’élégance du loup. Même les traits de sa tête étaient plus fins et lisses que ceux de son congénère, lui donnant une impression de sérénité étrange.
Il posa son regard de feu sur le coyote, et déploya légèrement ses ailes, révélant des ocelles noires sur leur face intérieure.
Lentement, petit à petit, Loki sentit une douce chaleur l’envahir, et un léger fourmillement remontrer le d’extrémité de ses membres jusqu’à son crâne. Une chair neuve couverte de fourrure repoussait sur les os blancs, une chair lavée de toute souffrance et de tout péché.
Bientôt, ce fut un coyote nouveau qui se leva de la table de pierre, arborant un pelage en bien meilleure santé que celui qu’il portait en arrivant.
Il se tourna vers les dragons, et leur adressa un hochement de tête accompagné de pensées de remerciement à leur adresse. Ils hochèrent la tête à leur tour, confirmant qu’ils avaient reçu le message.
Ils reculèrent un peu, et le dragon noir s’envola. Le dragon blanc avait déjà déployé ses ailes, et se retourna vers Loki.


« Le Pouvoir est dans le Sang ».


Avant que Loki ait pu demander quoi que ce soit, le dragon s’était envolé d’un bond dans les airs, porté ensuite par ses grandes ailes membraneuses.
Ruminant ces paroles étranges sans pouvoir leur trouver un sens, le coyote quitta la clairière, s’enfonçant à nouveau sous les étranges frondaisons pour retourner à l’orée de la forêt, là où sa méditation avait débuté.
Il ouvrit les yeux.
Et se leva.

Tout comme il s’y était attendu, toutes les sensations négatives comme la fatigue, la peur et la souffrance avaient disparu, dévorées par le dragon noir. C’était un Loki nouveau qui se dressait dos au vent, face à Canterlot.
Il était prêt à dévorer le monde, libéré des chaînes de l’angoisse et de l’épuisement qui l’enserraient auparavant.
Et il commencerait par les démons.

Sans plus attendre, il s’élança au triple galop vers la capitale d’Equestria, comptant sur sa célérité et son agilité naturelles pour échapper aux griffes des démons. Il devait retrouver les six héroïnes, et Discord par la même occasion. Tout ceci devait prendre fin.
Les yeux rivés sur le ciel, espérant apercevoir la forme serpentine de Discord se découper du ciel étoilé, le coyote fila comme une flèche, atteignant rapidement le pont-levis effondré et à demi détruit par l’attaque des rejetons de l’abysse. Il passa l’arche pierreuse de la porte, et galopa à toute vitesse à travers les rues, slalomant entre les cadavres de poneys en armure, guettant d’un œil alerte les coins sombres, craignant une attaque surprise.
Le dégoût qu’il ressentait quand à l’état des cadavres, pour certains à peine reconnaissables comme appartenant à des poneys, lui serra les entrailles. Mais il ne pouvait se permettre de s’arrêter. Le carnage avait été colossal, et son étendue et le temps ridicule qu’il avait fallu pour parvenir à un tel résultat firent froid dans le dos de Loki.
Une telle efficacité de la part des démons dans l’art du massacre ne laissait présager aucune victoire d’Equestria, même dans les scénarii les plus optimistes.
Loki devina instinctivement qu’il fallait à tout prix couper la tête de ce géant noir que représentait l’armée démoniaque, sans quoi la horde continuerait ses ravages avec l’efficacité meurtrière de ceux dont chaque mouvement était guidé par la main d’un dieu.
Il était persuadé que Discord assurait un contrôle quasi-total de son armée par voie mentale, sans quoi les démons n’auraient jamais fait preuve d’une quelconque stratégie, se contentant de se jeter sur les murailles comme une mer déchaînée.
Or, le pont-levis était baissé, ce qui signifiait qu’un groupe de créatures avait été suffisamment inspiré pour avoir l’idée de contourner les défenses et d’ouvrir la porte à leurs congénères, bien que Loki doutât qu’une seule des bêtes constituant l’ost infernal eut été assez intelligente pour cela. Quelque chose devait les diriger, et seul Discord pouvait le faire.
En se débarrassant de Discord, la horde serait privée de toutes ses compétences stratégiques et retournerait à ses instincts bestiaux.

Gardant l’œil ouvert et les sens aux aguets, Loki continua sa remontée vers la ligne de front. Il ne s’arrêta pas et ne ralentit pas plus, même quand ses poumons commencèrent à lui brûler la poitrine et ses épaules à le tirailler douloureusement.
Dans la cité de Canterlot assiégée par les démons, ralentir pouvait signifier mourir.
Les hurlements contre-nature de la horde et les cris des blessés et des mourants se rapprochaient.

En tournant l’œil dans l’angle d’une rue, presque machinalement, Loki avisa un détail qui pourrait peut être bien lui être utile.
Une échelle reposait contre un bâtiment, permettant un accès facile au toit.
Une aide aussi providentielle ne se refusait pas.
Un rapide coup d’œil dans les ténèbres environnantes assura à Loki que rien ne le guettait depuis les ombres, et il se dirigea lestement vers l’échelle.
Il grimpa les échelons à toute vitesse, puis se positionna au faîte du toit, dominant les environs, ainsi que le champ de bataille.

A environ deux cent mètres devant lui s’élevaient les murs d’enceinte du palais de Canterlot, occupés par des dizaines de licornes qui bombardaient les démons encore bloqués en contrebas de sortilèges ou de carreaux tirés par des arbalètes étranges. Chaque licorne était accompagnée par un poney terrestre armé d’une lance qui se chargeait de maintenir les démons qui tentaient d’escalader les murs à distance, le plus souvent à l’aide d’un solide coup dans les mâchoires. Chaque démon qui tombait s’évanouissait dans les airs sous la forme d’une fumée noire et épaisse dispersée par le vent avant même de heurter le sol.
Contrairement à ce que Loki avait pu en déduire devant le carnage terrifiant qu’il avait traversé à l’entrée de Canterlot, la prise des remparts n’avait pas été si simple pour les démons, puisqu’ils semblaient bloqués durablement, n’infligeant que de rares pertes aux poneys, la défense s’étant probablement mieux organisée.
Des pégases tournoyaient dans le ciel, arrosant les ennemis de carreaux d’arbalète ou descendant parfois en piqué pour transpercer les adversaires menaçants de leurs javelines. Chaque attaque frappait un nouvel endroit de la masse grouillante de démons, ajoutant au pégases un certain effet de surprise. Parfois, un malheureux ne parvenait pas à remonter dans les airs, victimes des griffes – ou de quelque autre appendice mortel – d’un démon, ou simplement tiré à terre et mis en pièces par la horde.
Même si les pertes du côté Equestrien étaient faibles, et que ce dernier disposait d’une technique et d’une discipline affûtés et de remparts pour se protéger, le nombre jouait en leur défaveur, et les poneys finiraient par s’épuiser et tomber à la merci de leurs assiégeants démoniaques.
De plus, les pégases harcelaient continuellement un groupe de créatures énormes, que Loki reconnut rapidement comme étant les bêtes cornues dont un congénère avait traqué Harmonie, Pinkie, Rarity et Loki lui-même quelques temps auparavant. Ces bêtes avançaient sans relâche à travers leurs rangs, se souciant autant des pégases que de leurs congénères qu’elles écrasaient sans vergogne tandis qu’elles se dirigeaient vers la herse, avec pour but manifeste celui de l’enfoncer.
Le temps des poneys était compté. Car si ces monstres cornus atteignaient la herse, tout serait fini.
Et Discord qui restait hors de vue…

Soudain, une lumière aveuglante surgit de la base d’une des tours du château. Les irisations arc-en-ciel de cette lueur divine frappèrent toute la ville, illuminant la nuit depuis la tour, aveuglant Loki qui dut se couvrir l’œil d’une patte.
Les défenseurs qui tournaient le dos au château ne souffrirent pas de ce flash soudain, mais le cas des démons était radicalement différent.
Lorsque la tache lumineuse qui brouillait la vue du coyote se dissipa, celui-ci s’aperçut que tous les démons qui ne se trouvaient pas à l’ombre d’un bâtiment avaient été balayés par la lumière. Seuls les créatures qui se tenaient tout contre les remparts avaient échappé au destin funeste de leurs congénères. Même une des bêtes cornues avait été frappée par la lumière, et au lieu de s’évanouir dans la fumée comme les autres démons, son squelette immense et noir comme de la suie demeura sur place, étendu dans la position dans laquelle la bête s’était éteinte.
Cette lueur était magique, et possédait le pouvoir de dissiper les ténèbres.
Loki sut alors où se trouvait Discord.


Le draconequus se mit à rire comme un dément, et crut qu’il n’allait jamais pouvoir s’arrêter de rire, qu’il allait mourir par suffocation en pleurant.
Mais l’instant méritait bien un peu de célébrations, et avait un côté tragicomique qui pouvait tout à fait avoir raison de Discord.
Là, en plein milieu de la Salle des Trônes, l’histoire allait se terminer.
« Et pour une fois », ricana intérieurement Discord, « la fin sera favorable au méchant ».

Il savoura sans modération l’air effondré de Twilight Sparkle et de ses prétendues amies. Rien n’aurait pu les préparer au spectacle auquel elles venaient d’assister.
Car dans cette pièce, sous les yeux des six poneys et des princesses qu’il avait vaincues et piégées dans une prison de cristal, le draconequus avait triomphé de la magie des Eléments d’Harmonie, de la Magie de l’Amitié.
Lorsque le rayon arc-en-ciel jaillissant des chacune des gemmes sculptées des Eléments d’Harmonie, Discord avait instinctivement mobilisé une véritable débauche de puissance chaotique pour contrer le pouvoir des gemmes ancestrales.
Il avait déjà utilisé cette technique la dernière fois qu’il avait été emprisonné, mais il n’était alors pas assez puissant, et cela n’avait fait que prolonger son supplice de sentir peu à peu son corps devenir un bloc de pierre inerte.
Cette fois, alors que le sortilège avait déjà raison de ses membres inférieurs, il était parvenu à dissiper la magie à l’œuvre, et avait recouvré sa liberté avant même d’en avoir été privé.
Les poneys étaient au désespoir, Discord jubilait. Sa puissance dépassait maintenant de loin les espoirs de l’arrêter qu’avaient jusqu’alors conçus les poneys et les princesses, et il leur faudrait contempler la destruction, la corruption d’Equestria telles qu’ils la connaissaient.

- Eh bien, qui aurait cru cela ? gloussa le monstre, contenant à peine son fou rire. Le Chaos venant finalement à bout de l’Harmonie ! Je vois d’ici les gros titres des journaux : « Discord Super Star » ! fit le monstre avec de grands gestes. « Le Nouvel Ordre Mondial » ! « Qu’est donc devenu la Princesse Celestia « ? « Les secrets du plus sexy des gentlemen révélés ! »

Twilight était totalement désemparée. Elle avait le regard vague, tourné vers le sol, et se répétait inlassablement « c’est impossible..impossible… »


- Il va falloir admettre que ça l’est, Twilight Sparkle, ricana Discord en étirant son cou pour placer sa tête à côté de celle de la licorne. Vos précieux Eléments ont failli à leur tâche, et je suis de toute façon trop puissant pour eux. Si vous voulez toujours m’arrêter, il va falloir trouver autre chose. Du moins, si c’est bel et bien ce que vous désirez…ajouta-t-il d’un ton dédaigneux.
- On vous laissera pas faire ! se révolta Rainbow Dash. L’Harmonie n’est pas morte, et on vous bottera les fesses, avec ou sans les Eléments !
- Oh, le crois-tu réellement, Dashie ? fit le monstre d’un air offusqué tout en se vautrant en travers du trône doré de Celestia. Et quel moyen comptes-tu employer ?
- Nous vous saignerons à blanc s’il le faut, espèce de monstre ! aboya Luna depuis sa prison.
- Luna…. je crains que cela ne soit impossible. Pensez-vous, chère princesse, que vos petits poneys soient capables de vaincre un monstre comme moi ?
- Elles sont capables de bien plus que tu ne le crois, Discord, dit froidement Celestia.
- Tout comme toi, j’imagine ? grimaça Discord. Je ne sais même pas si tu serais capable de leur donner l’ordre de m’abattre. Après tout, tu t’es cachée pendant toute la bataille. Et je ne suis de toute façon pas sûr qu’elles mêmes seraient capables de tuer un être vivant. Ai-je tort, mesdemoiselles ?
- Oui, vous avez tort, tonna Applejack en se redressant de toute sa hauteur. Vous savez pas c’qu’on a traversé pour rev’nir ici. On a tué des animaux, et on a toutes perdu quèqu’chose. Et on hésitera plus à vous tuer pour sauver c’qui nous est cher.
- Comme c’est touchant, ricana Discord en se retournant sur les coussins de soie pourpre qu’il avait fait apparaître par magie. Après vos discours sur la magie de l’Amitié j’ai droit à ceux sur l’Amour et la Dévotion ?
- Vous aurez surtout droit à la douleur, cracha Rarity. Que vous sachiez un peu ce que c’est de souffrir, d’avoir mal !
- Rarity, très chère, je pense en connaître bien plus sur la douleur que n’importe laquelle d’entre vous, dit le draconequus d’un ton à la fois doucereux et terriblement pervers. Maintenant, je vous laisse à nouveau le choix, car je suis un grand seigneur. Soit vous mettez maintenant à exécution ce que je vous ai conseillé plus tôt, à savoir vous abandonnez gentiment le combat, soit vous restez ici et vous me combattez, puisque vous avez l’air d’en avoir tellement envie. Mais prenez vite votre décision, je n’aimerais pas manquer la fin de la bataille.

Twilight releva la tête, et planta ses yeux dans ceux au regard dément de Discord. Avec toute la fermeté et toute la détermination qui lui restait, elle dit :


- Nous nous battrons. Nous devons protéger ce pays, ce monde, pour lequel des centaines d’innocents ont péri. Nous devons combattre pour protéger nos êtres chers de votre démence et de votre corruption, car nous voulons leur laisser un monde sain dans lequel vivre.
« Et nous voulons venger Harmonie, ajouta-t-elle pour elle-même ».

Les pensées de la licorne s’égarèrent un instant, vers un monde qu’elle avait quitté et ne voulait jamais revoir, pour retrouver une clairière dominée par un ciel gris et morne, au milieu de laquelle reposait le corps d’une magnifique jeune femme, la tête délicatement posée sur un coussin écarlate.

- bon, je vois que nous en venons au point de non-retour, fit Discord. Mesdemoiselles, je préfère vous prévenir tout de suite, je ne vais pas longtemps vous faire de cadeaux. Après tout, il s’agit d’un combat à mort, c’est vous ou moi. Mais sachez que quoi qu’il advienne, je suis ravi de vous avoir connu, conclut-il en se levant de son trône attitré.

Discord se suréleva du sol en quelques battements d’ailes, et s’avança un de quelques mètres.
Les six héroïnes se mirent en position de combat, prêtes à faire face à la créature la plus terrible à avoir jamais arpenté la surface d’Equestria, sous le regard inquiet des deux princesses impuissantes.

- En garde, dit Discord en dévoilant ses crocs d’un rictus malsain.

 

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LordSolumir
LordSolumir : #11275
Ça y est! Le combat contre le boss final est arrivé! ^^
Il y a 3 ans · Répondre

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