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Discors Consentus

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Chapitre 9 : Day of Reckoning

Eh bien, il faut croire que tout ne peut pas toujours se passer pour le mieux.
Quelques heures après mon dernier sermon, j’ai eu un retour des recherches concernant la jeune femme qui m’était apparue en rêve. Et apparemment, elle se trouvait bel et bien à Metz, comme je l’avais imaginé. Cependant, les trois brutes qui avaient désiré me l’amener avaient été mises à mal par une espèce de gros chien qui les avait eu par surprise, et elle en avait profité pour prendre la fuite. Enfin, c’est ce que j’ai compris malgré les fautes d’orthographes.
Ils ont ensuite fouillé la maison pour tenter de trouver d’éventuels indices sur sa destination, mais à part quelques matelas éparpillés dans le salon, il n’y avait rien de concluant quand à son futur refuge. Tout ce que je savais, c’est que comme au moins vingt pour cent de la population du pays, elle se déplaçait en Clio blanche. J’étais bien avancé, pour le coup.
J’ai donc fait continuer les recherches, en espérant qu’au moins un de mes sbires parviendrait à l’intercepter pendant sa fuite. Je devais savoir qui elle était, et pourquoi elle était liée à moi. Je ne la connaissais pas après tout, et même les trois brutes furent incapables de m’apprendre son nom. J’étais complètement coincé, et tenaillé par l’envie de percer un des plus grands mystères qui se soit jamais présenté à moi.
Alors j’ai changé de tactique. Je me suis résolu à faire appel à quelqu’un d’autre pour m’aider dans ma traque.
Je suis revenu vers mon jeune ami geek, celui là même qui m’a lancé sur internet. Je lui ai ordonné de trouver à qui appartenait la petite maison de plain-pied dans laquelle vivait ma proie jusqu’alors. Le rat de laboratoire pianota quelques instants sur son ordinateur et trouva rapidement les informations que je cherchais. Un nom, et l’adresse des parents de la jeune dame. Après une rapide vérification de son identité grâce à ce pur produit d’identification d’abrutis qu’est Facebook, nous pûmes associer un visage à un nom. Ce visage angélique portait ainsi le nom d’Harmonie Kengan – Quelle ironie, n’est-ce pas ? Pour un peu, on croirait que l’histoire que j’ai inventé pour me faire aimer de la population humaine était vraie – et ses charmants parents vivaient en dans un petit village de l’Ouest de la France au nom tout aussi illisible qu’imprononçable. Il était logique que ma proie voudrait fuir Metz et s’en éloigner autant que possible, donc sa destination la plus probable serait bien ce petit village breton. Avec l’adresse et une carte précise, je m’envolai vers la lointaine Bretagne. Jusqu’à ce que je me rende compte que j’avais la possibilité d’une simple téléportation.
Un instant plus tard, les embruns de l’océan Atlantique vinrent me chatouiller les naseaux. La nuit m’offrait le couvert idéal pour me déplacer sans être vu, aussi pris-je la liberté de voler à une altitude suffisante pour avoir une vision globale de la bourgade. C’était réellement l’archétype du petit village de campagne, calme et tranquille, avec la mairie et l’Eglise locale organisées autour d’une place ornée d’une fontaine en son centre. Je me rendis rapidement à l’adresse que m’avait laissée mon fidèle fana des ordinateurs, et m’infiltrai directement à l’étage supérieur en traversant une fenêtre.
J’entendis le bruit si caractéristique de la télévision résonner au rez-de-chaussée. Cela m’assura que j’avais tout le temps de créer une petite mise en scène mystique pour préparer la conversion des deux cas les plus épineux que j’allais devoir affronter… La nuit était encore jeune, mais le temps jouait contre moi. Il fallait que tout soit prêt avant l’arrivée d’Harmonie.
Je me rendis dans la chambre du couple, après avoir dépassé quelques meubles à l’aspect vieillot, en faisant mon possible pour rester discret, ce qui était loin d’être facile.
C’était affreux à quel point il m’était difficile de me déplacer dans une maison humaine. Il fallait que je marche complètement voûté, et mes ailes frottaient les murs à pratiquement chaque coin. Le jeu avait intérêt à en valoir la chandelle.
Une fois dans la chambre, je fis apparaître un cercle de bougies autour du lit, les enflammai d’une flamme verte, et me cachai à l’extérieur de la bâtisse, près de la fenêtre. Je fis claquer la porte à distance, afin d’attirer l’attention des propriétaires de l’endroit, puis attendis.
Ils ne tardèrent pas à monter aussi silencieusement que possible malgré les marches terriblement grinçantes de l’escalier, et la porte s’ouvrit. J’eus un mal fou à me retenir de rire en voyant la tête qu’ils firent en voyant ma petite mise en scène. Mais il était temps que je fasse mon apparition…
Je me téléportai sur le lit, en position de méditation, jambes croisées, et pris l’attitude la plus détendue que je pus.
Je leur servis ensuite mon discours habituel sur ma légende et le besoin que j’avais qu’ils m’adressent également leurs prières. Ils furent probablement très réceptifs, et je pense n’avoir eu aucun mal à les convaincre de me suivre sur la voie de « l’Harmonie ». La deuxième phase de mon plan s’enclenchait maintenant, la plus complexe…
Je développai longuement mon combat contre ma terrible « sœur », insistant assez lourdement sur le fait que j’étais parvenu à l’enfermer dans un corps humain. Cependant, le corps n’était pas vide, et je dus leur expliquer que c’était celui de leur propre fille, et que l’âme de ma diabolique sœur Discorde avait supplanté celle de leur chère et tendre enfant.
Cette fois, je me heurtai à un mur. Il semblait vraiment qu’ils doutaient de ce que je leur avais dit, et leur amour pour leur fille faisait pencher leur jugement en ma défaveur.
Ils me demandèrent de nombreux détails, espérant pouvoir sauver leur fille, et testaient par la même occasion la probabilité de mes propos. J’eus beau leur dire de toutes les manières possibles que leur fille était morte et que ce qui risquait de débarquer chez eux dans peu de temps ne serait qu’une entité diabolique qu’il me fallait vaincre à tout prix, je ne parvins pas à leur faire entendre tout à fait raison.
Ils doutaient de plus en plus, mais je sentais qu’ils étaient indécis. A bout de patience, je résolus de tenter autre chose…
Je me ruai sur le couple surpris, et saisis leur crâne dans chacune de mes mains. Si je ne pouvais les accorder à ma façon de penser, restait la solution de la leur imposer, et rien de tel qu’un petit exercice de contrôle mental pour cela.
Je découvris cependant avec surprise dans leurs souvenirs un étrange évènement… La jeune fille que je recherchais abritait auparavant chez elle mes Némésis, ces six pseudo-héroïnes qui avaient été responsables de mon second emprisonnement. Malgré la surprise d’apprendre qu’elles avaient vécu ainsi pendant plusieurs mois presque sous mon nez sans que je n’en sache rien, j’étais heureux d’apprendre cette nouvelle, car je pourrais ainsi neutraliser deux menaces à la fois, étant certain qu’Harmonie elle-même risquait d’en constituer une. Que voilà un jour glorieux !
Après avoir donné quelques directives de réponses à l’arrivée imminente de la jeune femme, je laissai le couple seul dans l’attente de leur fille, et me téléportai à mon quartier général sous le Temple Neuf, attendant leur mail de confirmation de la capture de ma cible.
Je me vautrai allègrement dans ma pile de coussins en riant aux éclats de ma victoire toute proche. Certes, je n’avais pas encore conquis Equestria, mais ce petit évènement allait m’apporter une intense satisfaction et la sensation du devoir accompli, avec un obstacle majeur à ma domination de ce monde et de l’autre qui allait s’évanouir. Et je saurai pourquoi cette fille était venue perturber mes rêves, ce qui ne pourrait être que pure bénéfice.


Au bout de longues heures de route à supporter autant que possible les jérémiades des uns et des autres, concernant la chaleur régnant dans l’automobile, l’inconfort des sièges ou les crampes qui menaçaient, Harmonie parvint enfin à amener la Clio blanche à bon port, devant la maison de ses parents. La nuit était bien avancée, et la fatigue la terrassait. Elle se sentait à peine capable de se traîner jusqu’à son lit, encore moins d’adresser la parole à ses parents.
Elle fit descendre tout son équipage, et alla sonner à la porte de ses parents. Sa mère ne tarda pas à ouvrir, et la prit dans ses bras, avant de s’enquérir de ce qui l’amenait à une heure aussi tardive et aussi soudainement, tandis que les poneys pénétraient dans la maison, saluant tour à tour les parents et se présentant avec autant de savoir-vivre que possible.
Après avoir embrassé sa « mère », Loki se bloqua soudainement dans l’entrée de la maison.


- Y a une odeur pas claire là-dedans. Vous avez hébergé quoi, comme animal, pour que ça sente comme ça ?
- Tu te fais des idées, fiston, répondit le père depuis le salon. Je ne sens rien.
- Normal, tu n’as pas le nez aussi fin que moi. Mais il y a vraiment une odeur pas claire. Un peu musquée… et une espèce de vague odeur de lézard.

Le coyote entra à son tour avec méfiance. Il choisit de rester sur ses gardes, et observa les alentours. Rien n’avait changé, toujours la même décoration vieillotte, la même organisation générale, mais il sentait bien que quelque chose ne tournait pas rond.


- Maintenant que tu le dis, c’est vrai que j’ai l’impression qu’il y a un truc bizarre, remarqua Pinkie en secouant légèrement la queue. Ca me rappelle un peu les sensations que j’avais quand on a combattu Discord la dernière fois.
- C’est encore un coup de tes Pinkie-senses ? demanda Rainbow.
- Oui, that is correct madame !
- Les Pinkie-senses ? fit Loki en levant un sourcil.
- Dans une certaine mesure, Pinkie est capable de prévoir l’avenir grâce à des sensations étranges qu’elle ressent, expliqua Twilight. Et par un quelconque miracle que je ne parviens pas à expliquer, elle ne se trompe jamais. Ca veut probablement dire…
- Que Discord est venu ici, termina Harmonie en se tournant vers ses parents. C’est vrai ?
- Qui est Discord ? demanda la mère.
- Une grande créature qui ressemble à un dragon hybride de plusieurs animaux. Les membres sont dissymétriques, il a une tête de carnivore barbu et une queue de serpent avec une touffe de poils au bout.

Aucune réponse ne passa les lèvres des parents de la jeune femme. Celle-ci en tira rapidement les conclusions qui s’imposaient :


- Vous aussi… ? souffla-t-elle, abasourdie.
- Chérie, nous devons te libérer… nous voyons bien que tu as changé.
- Comment ça ? Je suis là depuis trois minutes, comment tu peux dire ça ? Il vous a menti ! Il ne veut pas sauvegarder l’Harmonie dans le monde, il veut la détruire !
- Il nous avait mis en garde contre ce genre de comportement. Nous devons te libérer, Harmonie.
- Vous ne libèrerez rien du tout ! gronda Loki qui s’interposa en adoptant une posture menaçante, crocs à découvert.
- Vous avez été manipulés, je ne suis pas dangereuse, ni possédée par l’esprit de sa sœur ! Quoi qu’il ait pu vous dire, ce ne sont que des mensonges ! Vous voulez vous en prendre à votre propre fille ?
- Notre fille est morte, espèce de démon ! Aboya l’homme barbu qui fut jadis un père, tandis que sa femme commençait à pleurer. Elle est morte dès l’instant où vous êtes tombée sur la Terre !
- Hein ? Tu crois vraiment qu’elle est devenue une espèce de divinité maléfique ? Comment tu peux avaler des conneries pareilles ? ragea le coyote. Elle n’a pas changé ! Et si vous voulez vous en prendre à elle, je n’hésiterai pas à vous ouvrir en deux comme des poulets !

Les poneys, quoique pris au dépourvu et dépassés par les évènements, s’étaient rapidement rangés derrière Loki et Harmonie, dos à la porte. Il valait mieux ne pas rester coincé du mauvais côté de la situation, celui opposé à leur seule chance de salut en cas de pépin.


- Harmonie, tu n’es plus la même, pleurnicha la mère.
- Vous n’êtes plus les mêmes ! Et si je ne peux pas compter sur les propres parents, autant me tirer d’ici !

La jeune femme joignit prestement le geste à la parole, et se rua hors de la maison comme une furie, entraînant ses compagnons quadrupèdes derrière elle.
Elle chargea à nouveau la Clio, et quitta le village en trombe.
Loki jeta un regard inquiet à sa sœur. Son visage avait pris une teinte violacée, et son visage exprimait une colère non retenue. Ses mouvements étaient vifs et durs, et il craignait qu’elle ne fasse rapidement une fausse manœuvre qui les enverrait à la rencontre d’un arbre ou dans un fossé.


- Comment est-ce possible ? se plaignit Rarity. N’y a-t-il donc personne en qui nous puissions avoir confiance ?
- On devrait déjà être contentes qu’ils ne nous aient pas poursuivis, souleva Applejack. Discord a l’air de leur avoir plutôt pas mal monté la pomme, et ils sont déterminés à « sauver » leur fille.
- Leur fille mon cul ! éructa l’intéressée. J’ai plus d’amis, plus de famille, plus rien ! Je suis foutue !
- Et nous on est quoi ? s’énerva Rainbow Dash. On est tes amies, et on te soutiendra ! Nous aussi nous voulons arrêter Discord, pour info !
- On peut toujours s’en sortir, ajouta Twilight. Il suffit qu’on aille se cacher là où personne ne pourra nous trouver, en forêt par exemple, afin de brouiller les pistes.

Harmonie vida l’air de ses poumons afin de se calmer. Elles avaient raison. Elles avaient toutes les deux raison.


- Je suis désolée, admit-elle. Je suis trop stressée, je fais plus attention à ce que je dis.
- Nous le sommes tous, dit Rarity avec compassion C’est un moment dur que tu viens de vivre.
- Alors, quel est le plan, Twilight ? demanda Loki.
- L’idéal serait de retourner en Lorraine pour nous cacher dans le massif des Vosges. Là, non seulement il y a peu de monde qui passe, mais en plus Discord croira logiquement que l’on tenterait de s’éloigner de lui, alors que là, ce serait presque une insulte tant nous serions proches. Nous serions cachés juste sous son nez, dans une forêt de superficie suffisante pour qu’on puisse survivre un long moment sans être découverts, et très peu fréquentée.
- Ca me paraît être un bon plan, admit Loki.
- Mais… les Vosges, c’est la montagne, c’est ça ? demanda Fluttershy, se remémorant certains reportages pendant le journal télévisé. Il doit faire froid…
- Bah ! Un pégase bien entraîné se moque du froid ! se vanta Rainbow.
- Je te ferai remarquer, Rainbow Dash, dit Rarity avec suffisance, que nous ne sommes pas tous des pégases bien entraînés. Et puis, j’avais prévu qu’un jour nous oublierions nos vêtements d’hiver. C’est pourquoi j’ai placé ceux que j’ai créés pour nous tout spécialement dans le coffre de la voiture.
- Attends… Tu nous a fait des fringues d’hiver ? s’étonna Loki.
- Bien sûr ! Il fallait bien que je m’occupe, et nous ne pouvions pas décemment passer l’hiver sans au moins nous exposer avec style !
- C’est donc pour ça que j’ai dû acheter toute cette laine… remarqua Harmonie.
- Faites-vous seulement attention à ce qui se passe dans votre propre maison ?
- Faut croire que non, lâcha Loki.
- Nnope, répondirent Applejack, Pinkie Pie et Rainbow Dash à l’unisson.
- C’est tout juste si je levais le nez de mes livres, alors… glissa Twilight d’un air gêné.
- A propos de tes livres, y en avait pas un qui parlait de survivre en forêt des fois ? se rappela Applejack. Tu l’as intégré ?
- Bien sûr ! Je me souviens de la plupart des techniques de survie et d’à peu près toutes les plantes qu’on peut utiliser ou non. On s’en sortira bien, vous verrez.
- Je l’espère, Twilight. Je l’espère… dit laconiquement Harmonie.
- Mais il va falloir acheter au moins des tentes, et si possible un réchaud et pas mal de briquets et d’allumettes, fit remarquer le coyote. Et aussi des sacs de couchage, et des couvertures supplémentaires.
- Loki, tu sais bien qu’aucun d’entre nous ne peut se montrer en public…
- C’est là que j’interviens ! annonça triomphalement Rarity. Tu as déjà des lunettes de soleil, non ?
- Oui, mais ça risque de ne pas suffire…
- Eh bien tu n’auras qu’à mettre l’écharpe et le bonnet que je t’ai confectionnés ! En cachant tes cheveux à l’intérieur du bonnet, tu peux être assurée que personne ne te reconnaîtra. Et comme il fait relativement froid dehors, personne ne se posera trop de questions. Ils te prendront sans doute pour une originale, à garder tout ton attirail, mais il n’y a pas trop de mal à cela, si ? Enfin, pas pour toi…
- Non, en effet. Mais je pense que ça va attendre demain. On va dormir dans la voiture cette nuit, je suis trop fatiguée pour conduire encore jusqu’en Lorraine, dit Harmonie en bâillant.
- On va dormir tous dans la voiture ? Ca va tenir ? s’enquit Pinkie. Sinon on dort tous les uns sur les autres, mais ça revient un peu au même…
- Pas le choix, Pinkie, soupira Harmonie. On va trouver un coin perdu et s’y mettre.

Environ une demi-heure plus tard, la voiture dépassa un chemin de terre qui se rendait vers un bois communal. Harmonie fit demi-tour aussi bien et vite qu’elle le put, et s’engagea sur le sentier. Elle avança jusqu’à ce qu’elle fut sûre qu’ils se trouvaient hors de vue, et coupa le moteur.

La jeune femme se prit la tête dans les mains. Comment ses propres parents avaient-ils pu la trahir? Comment les êtres qui l'avaient mise au monde avaient-ils pu se laisser berner par la chimère la plus horrible jamais apparue sur Terre? Ne pouvait-on réellement plus faire confiance à qui que ce soit, dans un monde ou un seul être avait tant de pouvoir sur des millions d'autres?
Loki posa une patte qui se voulait rassurante sur l'épaule de sa sœur.
- Ce n'est pas leur faute, et tu le sais. C'est Discord.
- Je sais, mais.... c'est dur à accepter.
- Il nous a fait la même chose, la rassura Twilight. Nous nous sommes toutes liguées les unes contre les autres à cause de lui. Si nous trouvons les Eléments d'Harmonie, ils redeviendront comme avant, ne t'en fais pas.
- Je l'espère.


L'étudiante laissa ses amis s'installer du plus confortablement qu'ils purent, et elle-même se laissa glisser sur son siège jusqu'à avoir une position qui lui permettrait de reposer son dos et ses jambes. Loki posa la tête sur ses jambes étendues, et elles commença à grattouiller nonchalamment le crâne du canidé.
Ils étaient seuls maintenant.
Seuls contre le reste du monde.


Le lendemain, après un réveil odieusement difficile et des courbatures qui arrachèrent des plaintes à tout le monde pendant plus d’une heure, Harmonie s’engagea de nouveau sur la route et reprit le chemin de l’Est. Comme prévu, elle fit un arrêt dans un des célèbres magasins d’articles de sport proche, et fit un sort à ses économies, qui passèrent toutes dans l’achat d’un réel kit de survie. En plus des suggestions de Loki, elle choisit de pousser la prudence jusqu’à prendre deux trousses de soin, ainsi qu’un arc et un stock de trente flèches. Elle décida également de passer chez un armurier qu’elle découvrit par hasard, à qui elle acheta un couteau de chasse, soi-disant pour la collection. On n’était jamais trop prudent.
Les huit passagers de la Clio étaient à présent prêts à survivre pendant plusieurs semaines en milieu sylvestre. Harmonie effectua un dernier arrêt dans un supermarché, achetant autant de sandwiches et des compléments alimentaires qu’elle pouvait en entreposer à l’arrière de la voiture – le coffre étant déjà plein et la plage arrière quasiment saturée – avant de reprendre la route des Vosges.

Deux jours après leur départ brutal de l’ancienne terre celtique de Bretagne, la compagnie arpenta le massif Vosgien à pieds, s’enfonçant toujours plus profondément dans les forêts afin de trouver un endroit au calme, éloigné de toute civilisation.
Partir ainsi à l’aventure en avait excité plus d’un. Rainbow Dash éprouvait une joie intense à voler de nouveau dans l’air frais, et autant qu’elle le voulait, le reste du groupe lui ayant attribué la charge de profiter de son point de vue élevé et de sa vitesse pour surveiller les environs afin de les prévenir de l’arrivée d’humains ou de prédateurs moins dangereux, comme les lynx et les loups. De plus, elle ne pouvait s’empêcher d’admirer le travail de Rarity, observant tour à tour son écharpe et son bonnet en arc-en ciel.
Au sol, Pinkie sautillait gaiement dans tous les sens, le pompon de son propre bonnet rebondissant avec entrain, au même rythme que le sac de nourriture qu’elle transportait. Elle non plus ne souffrait pas du froid, peut être à cause du débordement d’énergie dont elle faisait preuve à chaque instant.
Twilight, qui, à l’instar de Rarity, portait une veste épaisse et des chaussettes en laine rayées, laissait toujours libre cours à son instinct de scientifique, constituant petit à petit une réserve des quelques herbes en état qu’elle pouvait trouver et de morceaux d’écorce de frêne. Les deux licornes, quand à elles, transportaient les tentes et les duvets, les laissant flotter à quelques centimètres du sol. Twilight avait encore quelques difficultés avec la télékinésie malgré son entraînement des quatre derniers mois, et était toujours incapable de transporter par la pensée des charges aussi lourdes que Rarity.
Fluttershy, elle aussi emmitouflée dans un pull en laine et une lourde veste à manches longues, se détendait peu à peu, et contemplait la nature endormie par le froid de l’hiver. Cà et là, elle repérait tantôt des terriers de lapin, tantôt celui d’un écureuil, et même, au grand dam de Twilight, un nid de vipères. Heureusement, l’hibernation des animaux était trop profonde pour qu’on les réveille. Elle avait reçu la charge de porter les trousses de soin, qu’Harmonie avait harnachées sur son dos au moyen d’une sangle.
Rarity, elle, marchait pour une fois sans contrainte, le tapis de neige couvrant le sol de la forêt préservant sa robe immaculée de toute tache. Elle était sereine, et ravie de voir que ses créations hivernales plaisaient à ses amis.
Loki avait l’air plus heureux qu’il ne l’avait jamais été. Harmonie savait bien que le coyote adorait la neige, mais il fallait le voir. Il était aussi fou que Pinkie : il tournait sur lui-même pour suivre la course d’un flocon de neige, donnait la chasse aux rares passereaux encore en activité dans la région, bondissait joyeusement dans les endroits où la neige atteignait plus de cinquante centimètres d’épaisseur, et crânait autant qu’il le pouvait en exhibant l’écharpe que Rarity lui avait tricotée, portant un motif représentant une lune stylisée en spirale au-dessus d’une colline surplombant une plaine enchanteresse. Harmonie lui avait attribué la tâche de transporter une tente et un duvet, afin de soulager un peu Twilight et Rarity. Harmonie, quand à elle, transportait son arc, son carquois et son propre duvet, dans lequel elle avait emballé le réchaud, les briquets et les boîtes d’allumettes.
La jeune femme elle-même devait l’admettre, elle appréciait beaucoup le début de leur escapade loin du monde civilisé. Le silence, la nature, ses amis qui avaient l’air de beaucoup s’amuser… Cela lui réchauffa le cœur, encore bouleversé par la traîtrise de ses propres parents.
Cette pure tragédie ne semblait d’ailleurs pas beaucoup affecter Loki. Mais elle sut que la réalité était autre. Loki n’avait pratiquement jamais eu de problème, mais elle savait qu’il gardait toujours tout pour lui, faisant en sorte de ne blesser personne avec ses propres douleurs. Et il avait été gratifié du don de l’oubli, car il savait parfaitement mettre de côté ce qui n’allait pas pour profiter pleinement de l’instant présent.
La jeune femme espérait que ces vacances improvisées dureraient toujours. L’éloignement de la civilisation lui était déjà bénéfique, malgré le peu de temps qu’elle avait passé à la quitter.

Les jours passèrent. La compagnie avait fini par s’établir près d’un petit ruisseau qui n’avait pas encore gelé, et qui leur servait de source d’eau à la fois pour la boisson et pour leurs ablutions matinales. Lorsque le stock de vivre commença à s’amenuiser, Harmonie n’eut d’autre choix que de redescendre en ville acheter des provisions pour nourrir tout le monde, car le froid de l’hiver ayant réduit toute végétation à de rares restes squelettiques, il était impossible pour les poneys de trouver une nourriture qui leur était adaptée.
Avec ce second plein de vivres, essentiellement composé de salade, de fruits et de légumes en conserve, elle put tenir allègrement deux semaines.
Cependant, Noël approchait à grands pas, et Harmonie songeait de plus en plus qu’il fallait qu’elle trouve un moyen de fêter dignement cet évènement, connu également à Equestria sous le nom de Hearth’s Warming Eve. Elle était toute à cette considération lorsqu’un jour, Loki vint la trouver, les pattes et le museau couverts de neige comme à son habitude lorsque le sol était recouvert par le tapis immaculé de l’hiver.


- Hey ! Tu sais quel jour on est aujourd’hui ?
- Aucune idée, mon téléphone a rendu l’âme mercredi dernier, je te rappelle.
- On est le 21 !
- T’avais que ça à faire de compter ou quoi ? ricana la jeune femme.
- Pas spécialement, mais j’avais hâte de voir ce qui se passerait ! Sans doute rien, mais bon… Ce serait pas franchement amusant !
- Nous verrons bien. Mais tu sais bien que j’ai jamais cru à ces idioties.
- N’empêche que s’il arrivait quelque chose, tu serais bien sur le cul.
- Mais bien sûr ! Que pourrait-il arriver ?
- Je t’avais déjà dit que si on se fiait à la Bible, on était au bord de l’Apocalypse. Les quatre premiers sceaux sont déjà ouverts.
- Tu me l’as déjà dit, ça…Les guerres civiles, les virus tueurs comme le SIDA et la grippe aviaire, la famine en Afrique…
- Ouaip. Ca fait trois sur les quatre Cavaliers. Et le quatrième ?
- Tu ne m’as jamais parlé du quatrième…
- De quoi parlez-vous ? demanda Twilight, auparavant plongée dans son étude de la lithothérapie, à quelques mètres de là.
- Dans le récit de l’Apocalypse, qui est la retranscription d’un rêve qu’aurait fait Jean l’Evangéliste, il est question de quatre cavaliers démoniaques qui ravagent le monde en libérant de terribles fléaux, expliqua Loki. Le premier d’entre eux, Guerre, répand le sang et la guerre civile dans le monde. Et comme tu as pu le voir aux infos, en ce moment c’est pas mal le cirque en Afrique. Le second, Famine, a une action relativement explicite, et là encore, où la famine est-elle la plus importante ?
- En Afrique, devina Twilight.
- Exactement. Le troisième cavalier, Pestilence, répand des maladies dans le monde entier. Et il y a quelques années, on nous a fait tout un flan pour une pandémie de grippe aviaire qui a conduit à la mort de nombreux humains. Enfin, le quatrième cavalier, Conquête, est considéré comme étant également l’Antéchrist. Un genre de prophète qui aurait des discours inspirants et une cause juste, puis basculerait du côté obscur. Je ne savais pas à quoi il correspondrait il y a quelques temps, mais aujourd’hui son identité est évidente.
- Discord, conclut la licorne. Il a menti à tout le monde en prêchant le Bien pour orienter ses suivants vers le versant du Mal, le tout dans un but de conquête concernant la Terre et Equestria.
- Tout juste.
- L’Apocalypse est en route alors, résuma Harmonie.
- Je le crois, oui, affirma le coyote. Et ce ne sera pas pour nous plaire.
- Et le 21 décembre serait le jour de l’Apocalypse, à ce que j’ai compris, ajouta Twilight.
- Précisément. Personnellement, je pense qu’il vaut mieux qu’on reste ici à regarder ce qui se passera dans le monde « civilisé », parce que ce ne sera pas beau à voir.
- Tu exagère. On ne va pas tous se mettre à s’entretuer non plus, défendit Harmonie. Il y aura un mouvement de panique, c’est sûr mais…

Un cri formidable arrêta Harmonie dans son discours. Semblable au rugissement d’un millier de trompettes couplé à celui d’un millier de fauves, le son déchira le ciel, roula sur les pentes des montagnes et fit écho pendant plusieurs minutes dans les vallées. Sa puissance fit trembler les arbres qui perdirent la neige qui couvrait leurs branches, et mit les animaux dans un état de panique terrifiant. Les vents se mirent à souffler brutalement, et les nuages tourbillonnèrent dans le ciel, qui prit une teinte pourpre des plus inquiétantes.
A peine les derniers échos du bruit céleste se furent-ils dissipés qu’un nouveau son se fit entendre, presque aussi puissant que le premier, mais beaucoup plus grave. Il ressemblait toujours au grondement de milliers d’animaux sauvages, mais avait la lourdeur et la puissance d’une contrebasse.
Ce son s’articula, et forma des mots dans un langage inconnu d’Harmonie et de ses compagnons quadrupèdes.
La langue employée était gutturale, dure, et portait le poids des âges immémoriaux. Harmonie se sentait écrasée, tant par la puissance du son que par son ancienneté, ce surgissement soudain d’une réminiscence venue du fond de l’abîme du temps.
Ces mots semblaient venir d’une époque antédiluvienne, bien avant que les ancêtres des hommes ne descendent des arbres pour arpenter les plaines, peut être même avant l’extinction des dinosaures.

Le silence revint aussi brutalement qu’il avait été troublé par cette voix céleste. Loki, Harmonie et Twilight s’entreregardèrent, déroutés par ce qu’il venait de se produire.
Fluttershy, Pinkie Pie, Rarity, Applejack et Rainbow Dash accoururent rapidement, tout aussi effrayées et intriguées par ce que Loki considérait d’ores et déjà comme un signe divin, la première trompette de l’Apocalypse.
Ils échangèrent tous un moment leurs avis sur ce son inconnu, et durent s’en remettre à l’avenir pour déterminer de quoi il s’agissait effectivement. Une tendance se dégagea néanmoins nettement chez les poneys : elles avaient à plusieurs reprises entendu un bruit comparable à celui-ci, aux mêmes nuances terrifiantes et annonciatrices de malheur : le cri d’un dragon.

Le lendemain, après une fiévreuse soirée passée à discuter des différentes théories des uns et des autres, Harmonie résolut de descendre en ville interroger les habitants et les journaux sur l’incident extraordinaire qui s’était produit la veille. Elle revint de sa quête avec un rapport assez détaillé :
La voix provenait bel et bien du ciel, et avait été entendue dans le monde entier. De nombreux experts en physique s’étaient penchés sur ce cas, et aucun n’était encore parvenu à expliquer comment ce bruit avait pu être entendu sur toute la planète en même temps. Il était impossible qu’il provienne de l’espace, étant donné qu’il n’existe aucun conducteur sonore en dehors de l’atmosphère terrestre. Et si l’émetteur du son se trouvait bien dans l’atmosphère terrestre, il n’aurait pas été entendu sur l’ensemble de la surface terrestre.
D’autres experts avaient analysé le son. La conclusion avait été qu’il authentique. Il semblait provenir d’un organisme vivant, et le cri avait été décortiqué, ce qui amena la communauté scientifique à penser qu’il s’agissait d’une source individuelle, et non pas d’un groupe d’animaux.
Les mots avaient pu être retranscris, mais nullement traduits. Ils ne ressemblaient à aucun langage connu, quoiqu’ayant de très lointains traits communs avec l’ancienne langue utilisée à l’aube de la civilisation en Mésopotamie. Et encore, personne n’était parvenu à faire un réel rapprochement, seules les consonances des mots avaient convaincu les experts en la matière que les deux langues étaient apparentées.
L’expression complète qui avait été employée était « Tiid meyz, fod jul fen vukain s’toor no gol ahrk siiv ewn gea », comme le lut la jeune femme dans un journal local. Elle comprit rapidement pourquoi personne n’avait été capable de lui répéter les termes employés par cette voix céleste… Elle avait acheté un journal et l’avait ramené au campement, rien que pour avoir l’expression exacte et pour éviter toute erreur de restitution de la phrase divine.
Etant donné que le cri précédant les mots prononcés dans cette langue étrange était probablement celui d’un dragon, il était donc logique de penser que c’était ce même dragon qui avait parlé ensuite.
La première réaction fut celle de Fluttershy :


- Mais vous aviez dit que les dragons avaient disparu ou n’avaient jamais existé ?
- Oui et non, répondit Loki. La réalité semble être plus complexe.
- Les dragons sont relégués de nos jours au rang d’esprits, continua Harmonie. Dans notre monde, ils jouent le rôle de gardiens ou encore de divinités élémentaires.
- Dans ce cas, auquel appartient cette voix ? interrogea Twilight. D’après ce que j’ai lu, il y a des dizaines de dragons, et tous ont potentiellement la puissance de réaliser un prodige comme celui-là.
- Y a pas moyen traduire ce qu’il a dit, avec ce bouquin ? avança Applejack.
- Non, la langue draconique est inconnue des humains, je le crains, répondit Loki à la place de la licorne. On risque de rester dans le brouillard un moment.
- Et d’un point de vue pratique, ça signifie quoi ? s’impatienta Rainbow Dash. On a un dragon qui cause dans le ciel, Loki qui nous dit que c’est la première trompette de je-sais-plus-quoi…
- L’Apocalypse, grommela le coyote.
- Merci. Ca nous mène où tout ça ? Est-ce qu’on a du souci immédiat à se faire ?
- Je n’en ai aucune idée, avoua Loki. La suite pourrait venir demain comme dans plusieurs semaines. Il faudra se tenir sur nos gardes.
- En attendant, mieux vaut qu’on continue à rester ici. Ce sera sans doute plus sûr, proposa Harmonie. Plus longtemps on restera loin de Discord, plus les recherches pour nous trouver perdront de leur intensité.

La décision était prise.
Il fallait maintenant ouvrir grand les yeux et les oreilles.
Car la Levée du Voile approchait.


Ces deux derniers mois furent les pires de toute mon existence. Moi qui m’y connais pourtant en matière de Chaos, voilà que je suis surclassé.
Depuis que ce cri terrifiant –probablement une de ces saletés de dragons- a résonné dans le ciel, les choses ont commencé à partir dans tous les sens. Les gens se sont posé des questions, se demandant si ce n’était pas Dieu qui les rappelait à l’ordre et les menaçait de les punir pour leurs péchés. Cela a engendré de violents bagarres avec mes adorateurs, mais à une échelle infiniment plus grande que les fois précédentes. Elles dégénéraient souvent en émeutes, et les morts cessèrent rapidement d’être comptés.
Même parmi mon troupeau de moutons, le doute commença à se répandre quant à la qualification du berger. Ils osèrent me mettre en doute, moi, qui d’un simple claquement de doigts pouvait raser leurs villes dans les flammes de l’Enfer ! Il me fut difficile de résister à la tentation d’en faire disparaître un ou deux, mais je devais tenir afin de ne pas jeter le discrédit sur mon culte, et ma principale source de pouvoirs.
Face aux récents évènements, je tentais de calmer les populations. Je n’avais cependant aucune idée de ce qu’était cette voix, et si elle provenait bel et bien d’un dragon ou non. Je dus éluder le sujet à chaque fois que les conversations s’orientaient dans ce sens, car je n’avais en réalité aucune réponse satisfaisante à fournir, même par le mensonge. J’étais aussi perplexe que mes ouailles quant à cet évènement incongru.

Puis les choses se sont envenimées. Trois jours exactement après le cri, des éruptions volcaniques se sont déclarées à peu près sur tout le globe, consécutive à un vaste tremblement de Terre. Les secousses furent minimes dans la région de mon repaire, mais la télévision m’informa que certains pays, notamment le Japon, avaient vues leurs côtes ravagées par le séisme, les tsunamis et les éruptions de volcans côtiers. Les plages de l’archipel n’étaient maintenant plus que des lieux de désolations où seuls la mort et le clapotis inquiétant des vagues régnaient. Sur tout ce que les humains appelaient la Ceinture de Feu du Pacifique, les pertes avaient été innombrables, tant matérielles qu’humaines, les ras-de-marées balayant tout sur leur passage, emportant ce que les séismes avaient jeté à terre, et les volcans recouvrant le tout d’une couche de magma en fusion.
Cette nui-là, j’avais entendu les cris de détresse de milliers de mes fidèles. Il m’avait été incroyablement difficile de trouver le repos. Non pas que je pleure leur perte, après tout ils ne sont que des pions, mais vous vous imaginez dormir avec la maison des voisins en train de rôtir ses occupants qui hurlent dans d’atroces souffrances ? Ca fait un boucan du diable. Et quand on est le diable de ce monde, on sait de quoi on parle.

Le coup de grâce pour l’humanité vint cinq semaines plus tard : une nouvelle secousse tellurique entraîna des éruptions sous-marines d’une ampleur jamais enregistrée, et les émissions de gaz volcaniques transformèrent la mer en un immense et funeste brûle-parfum Les journaux télévisés, qui n’avaient que l’économie mondiale à la bouche depuis l’incident du Japon, affirmaient que ces nuages sous-marins avaient fait leur lot de morts parmi la faune marine, tuant presque tout sur leur passage d’abord par cuisson, du fait de leur température terriblement élevée, puis ensuite simplement par empoisonnement. De nombreuses carcasses de cétacés avaient été repêchées sur les côtes, et les coins de pêche auparavant regorgeant de poissons s’étaient changés en gigantesques charnier, repérables à des kilomètres grâce aux nuages d’oiseaux de mer qui les survolaient.
Les informations télévisées, passé l’épisode écologique, revinrent à nouveau à la charge dans le domaine de l’économie, prétendant que la disparition des poissons avait porté un coup fatal à la première source de revenus du pays, comme si cela avait encore une importance.
Pire encore, le séisme à l’origine de la catastrophe, encore plus violent que le premier, avait conduit à la destruction de nombreuses centrales nucléaires de l’archipel, et du monde entier. Rien qu’en France, on pense que quatre centrales ont été détruites, dont l’ancien monstre de Fessenheim qui aurait dû depuis longtemps être démantelé, à ce que j’en ai compris. Le coup était dur, et la panique s’empara du monde entier. Comme me l’avait appris le cerveau d’historien du vieux Gilles, la peur du nucléaire était quelque chose de tenace qui s’était bien développé depuis plus de cinquante ans, pas étonnant que tout le monde soit en panique. En même temps, moi aussi j’aurais peur à leur place.
Plus personne n’obéissait à l’autorité. Les pillages étaient devenus monnaie courant dans les villes abandonnées par la peur du nucléaire. Les populations migrèrent le plus loin possible du lieu des explosions, cherchant à fuir un fléau qui les terrasserait de toute façon. Ne pouvant être logés, nombreux furent ceux qui moururent de froid, de faim, ou de maladies bénignes comme la grippe, faute de soins ou de stocks de médicaments.
C’était pathétique. Les humains qui auparavant se croyaient les maîtres du monde venaient de comprendre qu’ils n’étaient rien que des amateurs, des gamins qui profitaient du sommeil de leurs parents pour faire n’importe quoi. Mais maman s’était réveillée, et la punition tombait comme un couperet.
J’étais vraiment mal tombé. Même si cette époque me permettait de recruter rapidement des fidèles, le côté « fin du monde » était plus que déplaisant.
Par ailleurs, les choses ne furent pas facile de mon côté non plus. Le Temple a subi plusieurs attaques, principalement des pillages, mais également à deux reprises des sièges en règle de groupes de personnes cherchant à m’extirper de mon terrier. On se serait cru au Moyen-âge, je vous jure qu’ils sont venus en brandissant des crucifix et des torches pour me brûler.
Mal leur en prit. Une fois que j’eus cessé de rire, ils rejoignirent vite le vieux Gilles, et le balancement de leurs cadavres dans l’eau avait, je dois le dire, quelque chose d’apaisant.

Mais le pire dans cet enchaînement de calamités, c’est, je crois, que toutes semblaient avoir été prévues. Systématiquement, comme une horloge, le cri du dragon résonnait dans le ciel trois jours avant le cataclysme qui s’abattait sur l’humanité.
Ce soir, nous sommes le 15 janvier, et le dragon vient de hurler une fois de plus.

 

 

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Nochixtlan
Nochixtlan : #4727
Ponycroc28 septembre 2014 - #4716
Tiens, une petite remarque assez drôle.

Quand « la compagnie arpenta le massif Vosgien à pieds » (vous n'avez qu'à faire un petit CTRL+F avec cette partie pour avoir directement le passage), on peut voir que tu entames un « listage » des rôles de chacun des personnages. Et bizarrement... pouf, on oublie AJ.

Bah, c'est une simple remarque ainsi, au final, rien ne dit qu'on est obligé de dire à chaque fois ce qu'elles sont toutes en train de faire. Peut-être qu'au final, elle fout rien durant ce passage.

Quoi qu'il en soi, j'avais déjà remarqué que tu entamais souvent ce procédé de devoir ainsi préciser par moment les actions de chacune des mane Six. Ce n'est pas mauvais en soi, c'est juste que par moment, ça semblait forcé. J'ai l'impression que tu évoques chacune d'elle plus pour préciser « Oui, elles sont là » que vraiment pour dire ce qu'elles font.

Bon, j'écris rarement des fics sur le mane 6 au complet, donc au final, je me retrouverais peut-être avec cette même impression en me relisant. Mais je me dis qu'au final, cette oublie que tu as fais, n'est peut-être en rien mauvais. Pourquoi toujours devoir rappeler qu'elles sont toutes là ? Autant aller à l’essentiel et ne parler que d'un groupe et ensuite préciser l'individu quand on s'en servir.

J'aime cette fic au passage. Bro m'a filé le google doc, donc j'avance tranquillement.
J'ai été démasqué.
Applejack, pour être honnête, je la mets dans le même sac que Pinkie et Fluttershy, celui des persos ingérables.
Si je ne rappelle pas qu'elles sont là, ben je les oublie moi-même, et pendant trois-quatre chapitres je suis capable de les abandonner totalement.
Excellente remarque.

Gérer de grands groupes de personnages est quelque chose que j'ai toujorus eu en horreur, car sachant pertinamment que je ne sais pas le faire, et pourtant je me suis toujours laissé emnbarquer dans des histoires à minimum 6 persos principaux. Incompréhensible.
Il y a 3 ans · Répondre
Ponycroc
Ponycroc : #4716
Tiens, une petite remarque assez drôle.

Quand « la compagnie arpenta le massif Vosgien à pieds » (vous n'avez qu'à faire un petit CTRL+F avec cette partie pour avoir directement le passage), on peut voir que tu entames un « listage » des rôles de chacun des personnages. Et bizarrement... pouf, on oublie AJ.

Bah, c'est une simple remarque ainsi, au final, rien ne dit qu'on est obligé de dire à chaque fois ce qu'elles sont toutes en train de faire. Peut-être qu'au final, elle fout rien durant ce passage.

Quoi qu'il en soi, j'avais déjà remarqué que tu entamais souvent ce procédé de devoir ainsi préciser par moment les actions de chacune des mane Six. Ce n'est pas mauvais en soi, c'est juste que par moment, ça semblait forcé. J'ai l'impression que tu évoques chacune d'elle plus pour préciser « Oui, elles sont là » que vraiment pour dire ce qu'elles font.

Bon, j'écris rarement des fics sur le mane 6 au complet, donc au final, je me retrouverais peut-être avec cette même impression en me relisant. Mais je me dis qu'au final, cette oublie que tu as fais, n'est peut-être en rien mauvais. Pourquoi toujours devoir rappeler qu'elles sont toutes là ? Autant aller à l’essentiel et ne parler que d'un groupe et ensuite préciser l'individu quand on s'en servir.

J'aime cette fic au passage. Bro m'a filé le google doc, donc j'avance tranquillement.
Il y a 3 ans · Répondre

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