Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Discors Consentus

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Chapitre 7 : Rise of Harmony

Hé bien, même si ce vieux clochard ne payait pas de mine, il a au moins servi à quelque chose. Maintenant je sais comment m’orienter dans ce monde de fous.
Il a été facile à convaincre. Très facile. Mais je me suis rendu compte qu’on avait quelques difficultés à vendre un diamant si ce qu’on offrait au regard du monde était un emballage en feuilles de chou.

Plutôt que d’accéder à la requête du vieux fou, j’ai préféré lui offrir un petit voyage au fil de la rivière. La Moselle, à ce que j’ai compris de ses souvenirs. J’espère que les poissons-chats apprécieront la visite.
Sérieusement, vous pensiez que j’allais m’échiner à convaincre l’agence qui mettait sa maison en vente de la lui redonner alors qu’il venait soudainement de faire fortune ? Même à moi ça me paraîtrait louche, et j’aurais fait venir la police. Ca demande vraiment trop de travail de manipuler les gens dans une société aussi hiérarchisée. Aussi ai-je profité de la clarté de la lune pour le noyer en le suspendant à une pierre que j’avais fait apparaître par magie. Je l’ai suffisamment lesté pour qu’on ne retrouve pas son corps avant qu’il soit réduit à l’état de squelette. Là encore, ce sont ses propres souvenirs qui ont précipité sa chute, notamment ceux de cette série policière, les Experts.

Tiens, encore un truc que j’ai du mal à comprendre chez les humains. Pourquoi écrivent-ils des séries qui leur décrivent point par point les méthodes d’investigation scientifiques et leurs failles ? Ils veulent se faire trucider ou quoi ?
Au final, ça m’arrange. Mais je trouve ça franchement stupide.

Mais tout ça c’est du passé. Maintenant, la neige de décembre recouvre la ville d’un manteau blanc. Blanc comme les ailes de Celestia…
Je m’égare. Ca m’arrive souvent, vous aurez remarqué.

Je n’ai pas chômé pendant ces quatre derniers mois. Aussitôt après l’incident du vieux Gilles, j’ai décidé de trouver un meilleur emballage pour promouvoir mon « culte de l’Harmonie ».
J’ai essayé avec pas mal de monde, en pompant leurs pensées auparavant, et en expliquant qui j’étais par la suite. Et j’ai eu beaucoup de mal à trouver le candidat idéal.

J’ai énormément peaufiné mon histoire aussi. Au lieu de simplement me faire passer pour une divinité d'Harmonie transformée en monstre par ma diabolique sœur Discorde, j’ai inventé un récit épique qui a grandement satisfait certains auditeurs, qui ont par la même évité d’aller passer un petit coucou à Gilles.
J’ai raconté que je vivais à l’origine dans un palais céleste, bien loin des hommes, et que moi et ma sœur Discorde vivions dans une paix relative, dispensant nos bienfaits et malédictions aux humains.
Mais Discorde était jalouse de mon pouvoir et de l’adoration que les humains me portaient, alors qu’elle-même était rejetée de tous et crainte comme la peste. Pour se venger de moi, elle a usé d’un rituel interdit pour me voler mes pouvoirs, et me bannit sur Terre sous cette forme horrible, afin que jamais plus je ne sois adoré.
Ca vous rappelle quelque chose, dites-vous ? Pas à moi. Quoique…

En ajoutant quelques fioritures, comme un combat épique au terme duquel j’ai été précipité durant trois jours et trois nuits vers la planète, et des formes d'élocution abracadabrantesques, je suis parvenu à rallier quelques humains à ma cause, et je ressens leur vénération à chaque heure qui passe.

Pour une raison qui m’est étrangère, j’entends leurs prières, la nuit, quand j’essaie de trouver du repos. Dans mes rêves, j’entends leur paroles pieuses et leurs requêtes. C’est plutôt une bonne chose, car si je veux les conserver à ma botte un moment, il va falloir que j’accède à leurs moindres désirs. Il FAUT que ces idiots m’aiment.

Je vous avais parlé du candidat idéal un peu plus tôt. Figurez-vous que je pense avoir réussi le coup du siècle. J’ai converti à mon culte la créature la plus intolérante de ce monde : le prêtre protestant. Oui, mes amis ! J’ai convaincu un prêtre de ME vénérer plutôt que son dieu de pacotille, sourd et aveugle !
Et qui contrôle un prêtre contrôle ses ouailles… Oh, bien sûr, il rencontrera sans doute quelques problèmes avec ses supérieurs du Temple, sera sans doute excommunié pour avoir renié sa foi et tout un tas d’autres choses, mais le mal est fait. Je l’ai convaincu de prêcher en ma faveur, et je sais que la majeure partie de ses fidèles qui assistaient aux messes du Temple Neuf se sont convertis à mon culte.

Oh, je ne vous avais pas dit ? Je me suis établi dans la crypte du Temple. Interdite d’accès au public, bien sûr, seulement autorisée au prêtre. Et je dois dire que mon antre, réaménagée par la force de la magie, est à présent d’un grand confort. Une grosse partie du bénéfice de la quête est reversée pour mon confort personnel, pour que je puisse pourvoir aux bienfaits de mes suivants avec toute l’aisance et toute la tranquillité dont j’ai besoin. Bien sûr, je m’en moque la plupart du temps, restant dans mon antre à réfléchir à qui sera ma prochaine victime tout en regardant le journal télévisé – parfaitement, tout grand seigneur se doit de se tenir au courant de l’avancement du monde – et en mangeant du pop-corn. Parce que les humains ont des recettes diablement bonnes de pop-corn salés qu’on ne trouve pas en Equestria. Là-haut tout est sucré, c’est une véritable horreur. Je ne sais pas comment ces poneys font pour ne pas avoir le diabète. Mais j’adore le sucré aussi, c’est juste que je préfère mes pop-corn salés, voilà tout. N’épiloguons pas sur ce sujet, voulez-vous ?

Après la conversion du prêtre et mon établissement dans le sous-sol du Temple, j’ai pris quelques jours de réflexion pour réfléchir au meilleur moyen de convertir une masse de fidèles importante en un minimum de temps.
Attendez, comment ça pourquoi je crée une secte ? Quelle tête en l’air je fais, parfois.

Voyez-vous, en arrivant dans ce monde il y a quatre mois, j’ai senti que quelque chose ne tournait pas rond. et croyez-moi que ça vous fait un choc, quand d’habitude vous êtes à l’origine de tout ce qui ne tourne pas rond dans le monde. Dès la première nuit, quand je me suis assuré que plus personne ne rôdait dans ce maudit bois, j’ai essayé de faire quelque tours de magie pour voir comment l’environnement répondait. Faire marcher les oiseaux sur les ailes, faire danser les arbres, ce genre de trucs idiots et basiques que vous apprenez à faire en maternelle magique. Je n’ai réussi aucun des deux. Mais j’ai découvert que le bouleau dégageait une odeur fort agréable en brûlant, et que la mésange grillée était un mets digne d’un roi.

La magie répondait très différemment. Heureusement, j’étais encore capable de téléporter des objets sur une courte distance, ce qui m’a bien aidé pour convaincre le vieux Gilles et quelques autres. Quel rapport avec la secte ? Mais voyons, il est évident ! Ce sont des énergies de Discorde qui m’ont permis de me libérer. Et même si je sens que mes pouvoirs reviennent à grande vitesse – j’ai pour preuve mes travaux dans la crypte, autant ne pas perdre du temps et commencer à me renforcer grâce à l’adoration de mes fidèles. Et lorsque j’aurai dépassé mon niveau de pouvoir ordinaire déjà formidablement élevé, je disposerai d’une véritable armée de fanatiques dévoués à la cause de l’Harmonie. Il suffira alors de les orienter sur le chemin de la discorde, aveuglés qu’ils seront par tous les soins que je leur prodiguerai ! Et j’aurai ici un véritable bastion imprenable, depuis lequel je pourrai ouvrir des portails d’une taille phénoménale dans tout Equestria, pour attaquer et prendre Canterlot, et asseoir à nouveau ma domination sur le royaume !

Pourquoi ne pas simplement régner sur ce monde-ci ? Moi je ne suis pas contre, après tout les humains font de formidables jouets, à cause de leur propension à se battre pour un rien, un peu comme des chiens autour d’un os, mais sans l’os. En plus, ils ont un tas de peurs idiotes sur lesquelles on peut jouer. J’ai vu un reportage sur des gens qui avaient peur d’être observés par des canards. On peut bien rire avec ces gaillards-là.

Mais j’ai peur qu’ils soient incapables d’apprécier mon génie créateur. Comment savoir s'ils trouveraient à leurs goût les délicieux cataclysme que je déclencherais, comment être sur que voir leurs villes s'envoler sens dessus-dessous provoquerait de belles réactions? Pire encore, s’ils décidaient de tous se massacrer entre eux ? Pour une histoire stupide ? Il faudrait que j’arrête le conflit, pour avoir encore de quoi m’amuser. Les cadavres, c’est pas mon truc.

Les humains non plus du coup. S’il faut que je m’échine plus à les garder en vie et à éviter qu’ils s’entretuent plutôt que de jouer avec, autant les garder comme chair à canon. Ce sera plus utile. Et au moins je les enverrai mettre un peu de souk chez Celestia, tout en les regardant s’épanouir gentiment sur leur planète. Me borner à cette planète équivaudrait, selon leurs propres standards, à faire tourner un Mac sous Windows. Vous voyez ? J’apprends vite !

Revenons à nos moutons. Comme je le disais, j’ai réfléchi à un moyen de convertir mes fidèles en masse. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre qu’il fallait s’emparer du média le plus populaire : Internet. La télévision aurait pu fonctionner, mais c’aurait été plus compliqué. Il aurait fallu frapper très fort et très haut, pour au final n’avoir la mainmise que sur le pays. Vous me direz, 60 millions de français, c’est déjà pas mal. Mais j’ai de plus grands projets.
J’ai donc commencé à rechercher et à traquer des membres de la population aux convictions fragiles et au pouvoir immense : les geeks. Après une bonne dizaine de conversions, j’ai fini par en trouver un qui avait tout ce que je recherchais.
C’était un pauvre gaillard, qui avait été lâchement abandonné par sa copine quelques jours plus tôt, et qui traversait la crise de l’adolescence. Une mentalité bien fragile donc, prêt à se raccrocher à n’importe quoi.

Je fis quelques efforts, durant plusieurs semaines, afin d’être présent auprès de lui. A l’aide d’une subtile manipulation mentale, incluant la conversion de son ex, j’ai ramené cette dernière vers lui, et me suis assuré son allégeance et une loyauté indéfectible. Il devint rapidement mon plus grand fanatique, et ne tarda pas à me faire de la publicité sur internet.
Il commença d’abord par les réseaux sociaux, Facebook et Twitter. Il était malin, le petit gars. Il provoquait la curiosité des gens en évoquant quelque choses qui lui avait changé la vie, sans préciser quoi. Et quand les gens lui posaient la question, il ne donnait que des informations partielles, afin de piquer la curiosité de ses pairs.
Ainsi, grâce à des sites comme 4Chan, 9GAG, Tumblr et autres, mon culte se répandit petit à petit dans la communauté internet, et traversa même l’Atlantique.

Fin octobre, je pris l’initiative non plus de faire organiser des messes à ma gloire par des prêtres improvisés, mais carrément de prendre les choses en main moi-même. J’ordonnai à mon prêtre le plus proche de me fournir du matériel afin de me filmer, et d’organiser mes messes directement en live sur internet.
L’opération rencontra un franc succès. De 18 millions de suivants fin octobre, le nombre est passé à 53 millions en moins d’un mois. Les gens étaient touchés par mes sermons, par mon « handicap » physique, et par ma proximité avec eux.
Ils comprirent bien vite que m’adresser des prières était inutile, car je ne pouvais pas les satisfaire toutes –après tout, mes pouvoirs sont limités à cause de ma sœur, n’est-ce pas, pas parce que je ne suis pas un dieu – et se contentèrent d’appliquer mes sermons dans leur vie de tous les jours.

Evidemment, je leur disais comment être plus proche de ses parents, comment mieux s’entendre avec ses amis, bref, des choses pour la plupart évidentes que la masse jugeait bon de rappeler. Certains intellectuels parmi mes suivants tentaient vainement d’en faire une critique constructive, mais aucun n’y arrivait, car je choisissais mes mots avec soin, laissant parfois des passages pourtant anodins paraître subtil et laissant ces cerveaux véreux s’escrimer à en percer le secret. Voir des intellectuels tenus en échec ne fit que renforcer la foi de la masse idiote à mon égard, moi dont la parole était indiscutable

Etant ainsi assuré de la loyauté sans faille de mes ouailles, je commençais à mettre la seconde partie de mon plan à exécution. Mes sermons se firent plus durs, prônant l’usage de la force morale pour sauver un maximum de gens de l’emprise de mon horrible sœur. Bientôt, je n’eus plus aucun travail de conversion à faire. Mes fidèles faisaient tout pour convertir leur entourage à mon culte, et cela ne tarda pas à créer des tensions. Personne n’aime qu’on tente de leur faire avaler des couleuvres de force (surtout lorsqu’il s’agit de jeunes enfants en train d’avaler la couleuvre d’un prêtre catholique). Les réactions furent nombreuses, beaucoup se plaignirent du manque de tolérance de leurs pairs. Je leur répondis qu’il fallait être plus convainquant, car l’immortalité de l’âme de leurs proches en dépendait. Remarquez que je n’ai rien dit de mal, juste d’être plus convainquant. Ca pouvait inclure de changer d’arguments, d’employer des méthodes plus douces. Mais non. Ils ont fait exactement ce que j’attendais d’eux, les imbéciles. Que croyez-vous ? Quand on veut faire avaler la pilule, on prend de l’eau, théoriquement. Un autre élément pour faire passer la pilule en douceur… Eux on choisi d’utiliser du chloroforme, un marteau et un burin. L’humanité m’étonnera toujours.

Evidemment, ce genre de pratique barbare est non seulement loin de fonctionner, mais en plus susceptible de déclencher de violentes hostilités. Il s’est produit des bagarres entre Harmonistes et non-sectaristes. Entre Harmonistes et scientologues. Entre Harmoniste et tout le monde en fait.
Bien sûr, il y a eu des morts. J’ai organisé plusieurs messes en ligne, à chaque fois usant d’un impeccable jeu d’acteur, qui me permit de renforcer encore la cohésion de mon culte, mais en plus de faire des martyres de la cause de ces mollusques décérébrés.
Mon mouvement n’en prit que plus d’ampleur. Je n’avais quasiment plus rien à organiser. Je découvrais chaque jour que mes fidèles se retrouvaient pour partager leur vision du culte, leurs moyens de me rendre hommage, la meilleure façon de convertir quelqu’un et de sauver son âme… et certains parlaient même de trouver un moyen de mettre ma sœur hors d’état de nuire et de me rendre mon statut divin.

Ce mode de pensée particulier vit le jour précisément le 3 décembre. Nous somme aujourd’hui le 8, et je trouve que cela tombe à point nommé.
Car cette nuit, j’ai fait un rêve. J’entends toujours les prières de mes suivants, mais celui-ci était différent. Aucun bruit, rien.
Par contre, au niveau panorama, il était pas mal travaillé. Je me trouvais dans une salle relativement vaste, au sol étrangement irrégulier. Celui-ci était carrelé de différentes couleurs, que je ne saurai décrire. Leur agencement était à la fois simple et complexe, à la fois discordant et harmonieux. Ce sol me laissa une impression plus que mitigée. Je ne savais à vrai dire pas qu’en penser.

Au-dessus de ma tête s’étendait un plafond en forme de pyramide, ressemblant à de la peau tendue entre des contreforts carrelés de la même manière que le sol. La texture du plafond en dehors de ces contreforts évoquait réellement la peau, si ce n’est qu’elle présentait ces mêmes teintes étranges, et étaient parcourues de veines iridescentes.
Je ne pus m’empêcher de regarder mon aile droite, celle de chauve-souris. Assurément, la texture était très semblable. Etonnamment semblable. Mais quelle genre de créature pouvait avoir des ailes aussi gigantesques ?
Peu importait. Alors que je balayais cet environnement étonnant du regard, j’aperçus une forme, à quelques dizaines de mètres. Une silhouette qui semblait humaine.

Je pris mon envol et me rapprochais. Nul doute, c’était bien une humaine. Une jeune femme, la vingtaine probablement. Les cheveux châtains clairs, courant jusqu’à l’épaule. Et un visage si aimable que j’avais envie de le gifler, tant il me dégoûtait.
Elle prit peur en me voyant. Comme tout le monde, c’était normal, après tout.
D’une certaine manière, elle me donnait une impression étrange de déjà-vu. Et en même temps, ce visage ne m’évoquait aucun souvenir. Juste une détestable familiarité.
Je tournais autour d’elle, me maintenant en l’air, l’empêchant de s’enfuir pour pouvoir mieux l’étudier. Oui, il était clair qu’elle me rappelait quelque chose. Pas vraiment dans l’apparence mais dans le ressenti général de sa personne. Etonnant. Je me sens…lié à elle.

L’image s’est estompée, et je me suis réveillé au milieu de mes coussins en soie, dans mon antre sous le Temple.
J’ai bien une idée sur l’identité de cette petite… Et j’ai également de quoi en avoir le cœur net.
Il est temps d’envoyer mes limiers mettre la main sur elle.

 

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Chapitre précédent Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

Aucun commentaire n'a été publié. Sois le premier à donner ton avis !

Nouveau message privé