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Discors Consentus

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Chapitre 6 : Discoveries

Loki ouvrit les yeux et se leva lentement du tapis du salon. Il s’ébroua et bâilla à s’en décrocher la mâchoire, avant de jeter un rapide coup d’œil autour de lui. La porte de la chambre d’Harmonie était toujours fermée, et Rainbow Dash, Pinkie et Applejack dormaient encore.
Loki se dirigea à pas traînants vers la cuisine, où il trouva Twilight assise sur une chaise, en pleine séance de lecture.


- T’es levée depuis longtemps ? marmonna-t-il d’une vois lourdement ensommeillée.
- Assez pour avoir vu Harmonie partir en cours. Elle a dit qu’elle rentrerait tard, vu qu’elle passera chez Ikea avant d’aller faire des courses, et qu’en rentrant vous appelleriez vos parents.
- Woah. Très efficace, complimenta l’animal en fouillant dans le frigo.
- Elle l’avait déjà dit hier soir.
- J’avais déjà oublié. Tu manges quelque chose ?
- Non, merci, je n’ai pas très faim le matin. Harmonie m’a montré comment préparer du café, ça me suffit pour l’instant, ajouta-t-elle en levant sa tasse de quelques centimètres.
- Fort bien, conclut le coyote en posant une assiette de jambon sur la table.

Un ange passa. Twilight était tellement absorbée par sa lecture –le livre traitant des dragons – qu’elle semblait avoir oublié la présence de Loki. Ce dernier dévora allègrement son assiette de charcuterie, avant de la mettre dans l’évier pour un lavage ultérieur, à l’aide d’un tabouret pour compenser sa petite taille. Du mouvement dans le salon attira son attention. Applejack se réveillait à son tour.


- Salut tout le monde, fit-elle avec un sourire, les yeux encore à moitié fermés.
Loki lui servit un verre de jus d’orange et un bol de céréales, conformément à sa demande.
- J’suis contente que vous fassiez des petits-déjeuners comme chez nous. Finalement on est peut-être pas si différents, dit-elle.
- Peut être. Mais je n’en suis pas sûr.
- Sinon, j’aimerais bien prendre une douche. J’suis plus réveillée après, informa Applejack.
- Ca fonctionne comme chez nous, dit Twilight sans lever les yeux de son livre. Tu vas vite t’y faire.
- Compris, mam’zelle !

Twilight toujours absorbée dans sa lecture, Loki décida de prendre lui aussi de quoi se distraire, en attendant que tout le monde soit levé. Il récupéra un livré épais sur une étagère, et s’installa en face de la licorne.
Celle-ci, entendant le bruit du livre qu’on ouvre, leva les yeux et s’enquit prestement de la nature du livre du coyote.


- « Les mythes de Cthulhu », par H.P. Lovecraft. Des nouvelles d’horreur fantastique très sympathiques, répondit Loki d’un ton neutre.

Environ un quart d’heure plus tard, Applejack émergeait de la salle de bains, les cheveux et la queue encore humides, ce qui ne semblait pas la gêner outre mesure.


- Bon ! Qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui ?
- Je ne sais pas trop, répondit Loki. Regarder la télé je pense. Et peut être autre chose, nous verrons bien.
- Bon. Dommage qu’on ne puisse pas sortir.
- Ouaip. Mais on s’y fait, à la longue. De toute façon, je crois que la télé restera pour vous le meilleur moyen de s’informer sur le fonctionnement de ce monde.


Un bâillement sans retenue parvint du salon. Une aile bleue dépassa du dossier du canapé le plus proche, annonçant le réveil de Rainbow Dash. Après un bref « B’jour », elle s’installa elle aussi à la table de la cuisine, et avala rapidement son petit-déjeuner, tout aussi invariablement servi par une experte patte velue. Une fois un peu mieux réveillée, elle entreprit de faire ses exercices matinaux au beau milieu de la pièce: pompes sur les bras et les ailes, étirements et autres.
Personne ne disait mot, Loki et Twilight ne levant pas le nez de leurs livres respectifs, et Applejack attendant patiemment, assise sur une chaise.
Quelques minutes plus tard, Rarity et Fluttershy sortirent de la chambre, toutes deux quelque peu décoiffées.


- Rainbow Dash, tu pourrais essayer s’arrêter de souffler comme un bœuf en faisant tes exercices, se plaignit la licorne. Tu fais un boucan du diable.
- Va dire ça à Pinkie, répondit le pégase en désignant le poney rose de la pointe d’une aile, qui s’était retourné sur le dos et ronflait comme une forge.

Fluttershy et Rarity eurent droit au même petit déjeuner que les autres, servi avec autant de zèle par Loki.


- Loki ? demanda Rarity.
- Qu’y-a-t-il ?
- Si ça ne t’ennuie pas, j’aimerais préparer le petit-déjeuner, à l’avenir.
- Pourquoi ? Ca ne te plaît pas ? fit le canidé avec une expression suspicieuse.
- Si, mais… je pense que l’on pourrait l’améliorer.
- Fais comme ça te chante. Mais il faudra te lever tôt.
- Ca ne me dérange pas.

Après ce bref incident et un temps interminable d’occupation de la salle de bains par Rarity, la licorne blanche entreprit de faire un nouveau tout de la maison, en observant les dessins de Loki de plus près.
Les dessins représentaient tour à tour des dragons, des créatures bipèdes reptiliennes aux griffes cruelles et aux crocs massifs, des oiseaux de proies et parfois des loups ou des coyotes. Uniquement des animaux féroces et carnivores. Cependant, malgré un thème un peu répétitif, la technique était irréprochable, et le résultat proche d’une photo mais avec un style particulier qui le rendait encore plus attrayant. En critique d’art émérite, Rarity appréciait ce talent, si proche du sien. Après tout, elle aussi avait du talent pour le dessin, même s’il s’agissait plus d’esquisses pour la conception de vêtements divers que de réelles œuvres d’art.
- Pourquoi cette fascination pour les animaux prédateurs ? demanda-t-elle.

Loki descendit de sa chaise pour venir se poster à côté d’elle, devant l’image d’un grand reptile inconnu de Rarity. La créature, d’allure généralement fragile, était couverte de plumes, avait un museau allongé et des pattes longues et fines. La queue faisait la longueur du corps, et les pieds portaient chacun une griffe bien plus imposante que les autres, en forme de faucille. La créature, quant à elle, était en train de courir dans un paysage désertique de dunes de sable.


- Pour moi, les prédateurs ont tous une certaine majesté, que ce soit la noblesse du rapace ou l’élégance d’un loup. Je trouve que la beauté réside tout autant dans la course d’un raptor comme celui-ci que dans les courbes d’une femme.
- Eh bien, voilà un sens artistique développé. Savoir reconnaître la beauté dans tout ce qui existe est une grande qualité. Comment as-tu appelé cet animal ?
- Un raptor. Un vélociraptor, pour être précis. C’est un animal qui vivait il y a 70 millions d’années et dont on a retrouvé les ossements fossiles. On pense qu’il ressemblait à ça de son vivant.
- Il a un peu de cette majesté de l’aigle dont tu parlais avant, dit Applejack qui venait de les rejoindre.
- Ouaip. Et pour cause, cet animal est un ancêtre des oiseaux. Il chassait en meutes, et se servait de cette griffe en forme de faucille pour perforer la trachée de ses proies, et les laisser s’étouffer dans leur propre sang.
- Très…intéressant, admit Rarity, quelque peu écœurée néanmoins.

Rainbow Dash cessa ses exercices, et retourna vers le salon d’un pas décidé.


- Rainbow ! Pinkie dort, je te signale ! appela Applejack.
- Tant pis. Si on ne la réveille pas maintenant, on y sera encore à midi.

Elle s’empara de la télécommande, alluma le poste de télévision et se vautra sur le canapé avec un soupir de contentement. Malgré le son, Pinkie dormait toujours à poings fermés.


- Tu vois ? Y a pas de problème, lança Rainbow avec un air de triomphe.
- Si tu le dis. Mais je méfierais à ta place.
- Pourquoi ?
- Regarde toi-même.

Rainbow tourna la tête vers le matelas où se trouvait Pinkie. Comme on pouvait s’y attendre, elle ne s’y trouvait plus.


- Et merde, lâcha Rainbow avec résignation.
- Rainbow Dash, je te prie de surveiller ton langage ! intervint Rarity.

Pinkie avait totalement disparu. Cela semblait effrayer grandement Rainbow Dash, à juste titre. Elle pouvait être n’importe où…
Quelque chose surgit de sous le canapé, devant le nez du malheureux pégase cyan, qui fit un bon de quarante centimètres en hurlant de peur. Pinkie acheva de s’extraire de sous l’espace réduit, sous le regard éberlué de Loki.


- Bonjour tout le monde ! s’écria joyeusement le poney rose.
- J’espère que les voisins n’ont pas entendu ce cri, dit Loki avec inquiétude en tendant l’oreille.
- Pinkie… plus…jamais…ça ! ahana Rainbow qui tentait péniblement de ramener son rythme cardiaque à la normale, cachée derrière le canapé duquel elle venait de sauter.
- Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? demanda Pinkie avec entrain ? On regarde la télé ?
- D’après ce que j’ai entendu, c’est la seule chose qu’on fera. Non pas que j’écoutais aux portes, mais j’ai entendu votre conversation à travers la porte… osa Fluttershy qui sortait de la salle de bains.
- Chouette ! Une salle de bain ! brailla Pinkie avant de s’y ruer comme un diable, bousculant Fluttershy au passage.

Le silence se fit un instant.

- Eh ben, j’espère que ce sera pas comme ça tous les jours, maugréa Loki. Vous vous battrez entre vous pour choisir les programmes, moi je vous donnerai juste quelques indications sur ce que c’est. Et on a pas mal de films aussi si vous voulez.
- On s’arrangera, t’inquiète, dit Rainbow avec assurance.
- Je ne sais pas si je dois avoir peur ou non, rétorqua le coyote avec un air désespéré.
- Je préfère encore lire ici, plutôt que regarder la télévision, informa Twilight. Ce sera déjà une contrainte en moins.
- Idem pour moi, dit Rarity. Je ne peux laisser ma créativité être absorbée par cet appareil bruyant.
- Faites comme vous le sentez, dit Loki. Vous êtes adultes, et je l’espère, responsables. Le tout est de patienter jusqu’au retour d’Harmonie.

Aucun poney ne se fit prier pour trouver une occupation. De temps à autres, Pinkie Pie, Rainbow Dash, Applejack et, dans une moindre mesure, Fluttershy se disputaient la télécommande, selon que l’une ou l’autre avait repéré une émission qui semblait lui faire envie tandis qu’une autre zappait plus pour le sport que réellement pour trouver un programme intéressant.
Ainsi, Pinkie protégea la télécommande précieusement jusqu’à la fin des programmes de dessins animés, Applejack zappa rapidement sur des chaînes présentant les informations locales ou des émissions culinaires, Fluttershy dut donner de la voix pour regarder tranquillement un documentaire sur les papillons monarques d’Amérique centrale et Rainbow Dash se cramponna à la zapette comme à une ligne de vie jusqu’à la fin de son émission de Total Wipeout. Pour ces quatre poneys, la journée fut bien remplie et riche en apprentissages sur des sujets plus ou moins inutiles. Rainbow tint quand même à exporter le concept du Total Wipeout jusqu’à Equestria.

Du côté de Loki, Twilight et Rarity, la journée fut infiniment plus calme. Seuls le bruissement des pages que l’on tourne et le grattement d’une mine de carbone sur le papier indiquaient leur présence. Ils ne s’accordèrent aucune trêve, sauf à l’heure du déjeuner, Loki aidant Applejack et Rarity en cuisine. D’ordinaire, Harmonie revenait de la fac à cette heure, mais elle avait présentement un travail à effectuer, un rapport de travaux pratique se souvint Loki, qui l’empêchait de rentrer tranquillement déjeuner.

L’après-midi ressembla beaucoup au matin, et la journée se déroula ainsi sans encombres jusqu’au soir, lorsqu’Harmonie rentra enfin, les bras chargés de courses et la voiture encombrée par deux matelas formés d’une série de trois coussins pliés autant que possible pour tenir sur la banquette arrière.
L’étudiante s’enquit rapidement du déroulement de la journée des sept quadrupèdes, puis saisit son ordinateur portable et le positionna sur la table de la cuisine, de laquelle Rarity avait fait disparaître ses esquisses, de peur que quelqu’un ne les voie.
Twilight consentit enfin à lever le museau de son ouvrage pour observer ce qui se tramait avec ce petit objet si semblable à la télévision.
Harmonie dut bien évidemment essuyer un flot de questions concernant l’engin.


- Qu’est-ce que c’est ? Avait demandé une Pinkie émerveillée.
- Un ordinateur, eut à peine le temps de répondre Harmonie.
- A quoi ça sert ? Demanda Applejack.
- A tout. On peut s’en servir comme d’une télévision, ou faire des recherches, écrire des documents, créer des images, retoucher des photos, et bien d’autres choses encore ! Là, tout de suite, on va s’en servir pour parler avec mes parents…

La jeune femme cliqua sur l’icône du logiciel Skype, et une fenêtre s’ouvrit. Elle constata avec regret que ses parents étaient absents de leur ordinateur.
Depuis qu’elle étudiait à la faculté de biologie de Metz, Skype était l’unique moyen de communication qu’elle avait avec ses parents, qui vivaient en Bretagne. Elle les avait quitté à cause des possibilités de formation uniques que dispensait l’université de Metz en matière d’écologie et d’environnement, qu’elle ne pouvait pas trouver sur sa terre natale.

- Que comptes-tu leur demander ? s’enquit Loki.
- Quelques avancements financiers. Principalement pour les courses. Et aussi un nouvel ordinateur portable.
- Pour les recherches…
- C’est ça.

Le peu de temps que durèrent les explications, un petit encadré apparut sur l’écran, signalant que « Maman » s’était connectée.

- Décalez-vous s’il vous plaît, intima l’étudiante aux poneys, qui s’écartèrent jusqu’à ce qu’ils ne soient plus dans le champ de la webcam.

Harmonie cliqua sur le bouton « Appeler ». L’écran noircit, et laissa apparaître un encadré dans lequel le visage rond de la mère de la jeune femme ne tarda pas à apparaître.


- Bonjour ma chérie ! lança joyeusement la femme.

Rapidement rejointe par son mari, un grand homme barbu à lunettes d’écaille, la femme échangea quelques civilités avec ses enfants, demandant comment se passait la fac pour Harmonie, si Loki ne s’ennuyait pas trop pendant la journée – Ce à quoi il répondit un « Ca risque plus » laconique – et autres considérations au final peu intéressantes.
Bientôt, elle aborda la question de l’argent.


- Vous vous en sortez, avec ce qu’on vous donne tous les mois, tout va bien ?
- Pour l’instant, oui, répondit Harmonie avec un sourire gêné. Mais ça risque d’être un peu compliqué.
- Comment cela ? Interrogea le père de sa voix caverneuse.
- On a, disons… des pensionnaires, répondit Loki, qui commençait à tourner autour du pot, comme à son habitude.
- Pardon ? s’étranglèrent les parents.
- Attendez. Elles n’avaient nulle part où aller, et vous allez vite comprendre pourquoi je leur ai offert mon aide.
- Je refuse que tu héberge des gens chez toi ! s’écria la mère.

Sans ajouter un mot, Harmonie tourna l’ordinateur en direction des six poneys, surpris et auparavant gênés par ce début de dispute.
Ni le père ni la mère ne parvinrent à piper mot durant quelques instants. Voyant leur malaise, Pinkie trottina gaiement vers l’écran de l’ordinateur, et dit avec son plus beau sourire :


- Bonjour, je suis Pinkie Pie ! Ravie de vous rencontrer ! Enfin, si on peut dire. Ils sont en vrai dans la pièce là, ou pas ? C’est comme la télé ? Demanda la ponette à Harmonie, tandis que Loki se couvrait un œil d’une patte, ne préférant pas assister à un tel massacre.


- …bonjour, parvint à articuler le père, toujours éberlué de ce qu’il avait devant les yeux.
- Vous voyez pourquoi je les ai récupérées maintenant ? demanda Harmonie en retournant l’ordinateur vers elle. Ca vous rappelle pas quelqu’un ? continua-t-elle, en inclinant la tête vers le coyote.
- Si, effectivement, admit la mère. Mais elles parlent ?
- Et plutôt bien, répondit Loki du tac au tac.
- Et d’où viennent-elles ? reprit le père.
- Elles prétendent venir d’un autre monde, et elles sont arrivées ici après avoir traversé un portail inter-dimensionnel. Je les ai trouvées dans le bois de Plappeville, hier soir, et je les ai ramenées.

Le silence s’installa. Les parents tournaient les informations qu’ils venaient de recevoir dans leur tête, essayant de dégager la meilleure solution possible.

- Qu’est-ce qu’il te faut ?
- He bien, j’aimerais avoir un peu plus d’argent chaque mois, pour les courses, et si possible mon cadeau de Noël avec un peu d’avance.
- Va pour les courses. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de cadeau ?

Harmonie et Loki se lancèrent dans la narration de l’aventure qui avait mené les six poneys jusqu’à la petite maison de Borny, en insistant bien sur leur croisade contre Discorde. Ils conclurent en expliquant en détails les possibilités qu’offraient un second ordinateur, ou du moins de quoi accéder à internet, et prièrent pour que les explications soient du goût des deux décideurs.

- C’est d’accord, affirma finalement le père. Je te ferai un virement. Mais tu peux te brosser pour avoir un cadeau à Noël.
- Plutôt deux fois qu’une ! répondit joyeusement Harmonie. Vous êtes géniaux !
- Ce sera tout, mon poussin, ou il te faudra autre chose ?
- Non, ça devrait aller, merci. Je suis heureuse d’avoir des parents comme vous.

Elle cliqua sur le bouton « raccrocher » après les quelques salamalecs d’usage, et ferma le clapet de l’ordinateur.
Loki ne put s’empêcher de penser que cette dernière phrase sonnait faux. « Je suis heureuse d’avoir des parents comme vous ». Ca avait l’air tout sauf sincère, et ça ne ressemblait pas à Harmonie. Bah, ce n’était qu’une simple politesse, rien de bien grave.

Quelques heures plus tard, après le visionnage du film « Big Fish » - qui avait reçu les hourras des poneys, après que Rarity et Fluttershy aient pris place chacune sur un matelas, laissant son lit à Harmonie, Loki crut bon de recommencer une méditation de la régression. Il fit part de son projet à Harmonie, qui accepta, et ils entamèrent la méditation.

Les yeux clos mais l’esprit grand ouvert, Loki parvint à remonter jusqu’au point où il avait arrêté sa dernière méditation : au milieu d’une meute de coyotes inquiets.

Le blizzard faisait rage au-dehors, et les coyotes étaient à l’abri dans leurs tipis en peau de bœuf musqué. Celle où se trouvait Loki était la plus spacieuse du campement, qui en regroupait une demi-douzaine, car c’était celle du chef. La totalité de la tribu s’y trouvait rassemblé, soit une dizaine de ses semblables, assis en cercle autour d’un feu dont la fumée s’échappait par une petite ouverture au sommet de la structure. La chaleur du feu et du corps de chacun réchauffait les autres, mais malgré cela l’atmosphère restait glaciale, et personne ne pipait mot. Tous avaient l’air morose de ceux qui vont mourir.
Loki sentait la crainte qui émanait de son chef de clan. Il était reconnaissable à sa forte stature, son port altier, et à l’imposant crâne de loup qu’il portait en guise de casque. Il arborait également d’étranges peintures de guerre, que Loki identifia instinctivement comme les peintures mortuaires de son peuple. Malgré ses efforts pour rester digne, Loki le voyait tressaillir de temps à autres, et il devinait la peur dans les yeux masqués par l’ombre du crâne de loup. Que se passait-il ?

Il se souvint que c’était lui-même qui avait peint ces marques pourpres, à l’aide d’un mélange de poussière, de neige, et de sang. Après une brève inspection de ses membres antérieurs, il découvrit qu’il avait les mêmes. La tête commença à lui tourner.
Il détourna le regard de son chef, et le posa sur la femelle qui lui faisait face. Ses oreilles rabattues et ses yeux encore humides de larmes indiquaient un profond désarroi. Elle serrait contre elle un petit qui ne devait pas avoir plus de quatre mois, et qui levait un regard inquiet vers Loki. Tous deux portaient les marques mortuaires.
Qui étaient ces coyotes ? C’était sa tribu, mais il sentait qu’il était plus lié à ces deux là. Sa famille ? Pourquoi semblaient-ils tous prêts à mourir ?
L’esprit de Loki vacilla. Il n’eut que le temps de voir les flammes trembler une dernière fois.

Il était à nouveau dans la chambre d’Harmonie, qui le regardait avec inquiétude.

- Tout va bien ? Tu as le poil hérissé comme je ne l’ai jamais vu, dit-elle doucement.
Le coyote peina quelque peu à rassembler ses esprits, mais finit par répondre.
- Oui, ça va. C’était juste...bizarre. On était dans une tente – non, un tipi – avec tous les membres de la tribu, et on semblait attendre quelque chose. La mort, probablement, vu l’air inquiet et morose de tout le monde. Le blizzard faisait rage au dehors, mais je doute que ce soit cela qu’on redoutait. Et toi ? Comment ça s’est passé ?
- Tu me connais. Rien de bien terrible. Du vide, encore une fois.
- Il faut vraiment que je réfléchisse à la question.
- Prends tout ton temps mon vieux ! lâcha la jeune femme en s’allongeant. Bonne nuit.
- Bonne nuit, répondit Loki, la tête ailleurs.

Encore une fois sa méditation l’avait conduit au bord des réponses, mais ne le satisfaisait pas. Il y avait quelque chose, dans l’environnement de la tribu, qui rôdait dans le blizzard et s’apprêtait à massacrer les coyotes à la première occasion. Qu’était-ce ?
Au moins, il avait eu une vision d’ensemble de sa tribu. dix coyotes, Quatre mâles, cinq femelles, de tous les âges.
Et un bébé.
Il se demanda à nouveau qui étaient la femelle qu’il avait face à lui et le petit. Ils étaient de sa famille, c’était chose certaine.
Un instant plus tard, il comprit.
C’étaient sa femme et son fils.
Et ils allaient mourir.

Alors pourquoi lui en avait réchappé ? Il était persuadé de n’avoir vécu qu’une seule vie dans ce corps de coyote si étrange. Si lui avait sauvé sa fourrure, qu’était-il advenu de sa compagne et de son enfant ?

L’estomac noué, le canidé se retourna sur le côté et ferma les paupières. Dès qu’il serait motivé à faire une nouvelle méditation, il trouverait la finalité de tout ceci.
Autre chose le préoccupait. Harmonie avait à nouveau vu du vide dans sa propre méditation de régression. Il fallait qu’il comprenne ce que signifiait ce vide, car il était persuadé que personne ne naissait avec une âme toute neuve fabriquée à partir de rien.
Tant de problèmes épineux, et pour l’instant aucune solution ne se profilait.
Il se laissa gagner par le sommeil, pensant que s'attarder sur des interrogations sans réponses ne servirait à rien.

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