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Brasier Année Zéro

Une fiction écrite par BroNie.

Seconde partie : Braises

Le grand parc de Canterlot était le poumon vert de la jeune cité. Pour une ville qui se construisait à la vitesse de l'éclair, quand les constructions de toile devenaient du bois et quand le bois devenait de la pierre, la croissance se faisait de manière anarchique, totalement incontrôlée. Le Chancelier Strawberry et ses poneys terrestres avaient bien essayé de faire respecter des lois de construction mais pour les licornes, qui peuplaient en grande majorité la nouvelle ville, ce qui sortait de la bouche d'un poney n'avait pas plus de valeur qui si c'était sorti par l'autre côté de son anatomie.

 

Quelques entrepreneurs prévoyants avaient pensé aux espaces verts, et s'étaient hâtés de planter des arbres et des fleurs avant que les terrains ne soient noyés dans les nouvelles habitations.

 

Hélios appréciait cette verdure et il n'était pas le seul, à en juger par le nombre de poneys qui flânaient près de l'étang artificiel tout juste baptisé ou qui prenaient le soleil, allongés sur les nombreux bancs de bois que comptait le parc. Il marchait lentement, pas tant parce qu'il voulait profiter du calme du jardin que pour suivre le rythme de son interlocuteur, une vénérable licorne au visage perclus de rides, cloué dans une chaise roulante, poussé par un poney en livrée de domestique. Hélios n'arrivait toujours pas à comprendre comment Mérovis, avec qui il conversait depuis bientôt une heure, pouvait avoir un esprit aussi jeune enfermé dans un corps aussi vieux.

 

Auparavant, l'alicorne n'avait eu que peu d'occasions de s'entretenir avec Mérovis et les autres barons licornes, son travail consistant surtout à seconder le prince Bronze. Depuis qu'il était devenu régent, Hélios avait dû se plonger dans les méandres de la politique licorne, apprendre exactement qui était qui et qui pensait quoi. Mérovis s'était révélé être un allié de taille dès les premiers jours où Hélios avait eu à lever le soleil. La licorne avait toujours été l'éminence grise de Bronze et n'avait eu aucun problème à conseiller un nouveau maître.

 

Mérovis fit un signe de la patte à son domestique pour qu'il arrête son fauteuil au bord d'un petit parterre de fleurs rouges et jaunes où les abeilles venaient se noyer dans leur pollen. De sa magie, la licorne amena jusqu'à son museau ridé une fleur arrachée et huma en fermant les yeux. Il recommença son manège plusieurs fois avant de laisser retomber la plante sur ses genoux.

Les pétales safran se mariaient agréablement avec la robe noire de la licorne.

 

_Vous savez, Hélios, dit Mérovis avec un petit sourire, je me demande parfois ce que ferait Equestria si nous n'avions pas de fleurs. La plupart des licornes considèrent que c'est un travail de poney de s'occuper des plantes et se moquent d'elles le plus souvent. Je trouve ça dommage. Elles nous enseignent qu'avec de l'effort, on peut tout faire éclore. Elles nous nourrissent. Elles charment nos yeux et nous aident à gagner le cœur de nos belles. C'est bête d'écarter tout ça d'un revers du sabot parce que ce n'est pas assez noble, vous ne croyez pas ?

 

_Ma femme serait d'accord avec vous, sourit Hélios, répondant à la question rhétorique de la licorne. C'est elle qui a le sabot vert dans notre famille, moi, je suis capable de faire faner des fleurs séchées. Avant nous avions un magnifique jardin...

 

_À l'Elysium, n'est-ce pas ? demanda Mérovis, coupant la parole du régent.

 

Hélios hocha la tête. Il le revoyait encore ce jardin sublime, avec ces gentianes, ces lys et ces raiponces.

Aztarté avait toujours été très fière de ses dons de jardinière et sa cutie mark en tant que feuille, le prouvait bien. Quand ils avaient dû fuir l'Elysium, la destruction du jardin avait déchiré le cœur de la femme d'Hélios.

Voir les pétales des raiponces bleues se tordre alors qu'elles s'enflammaient comme si elles roulaient sur elles-mêmes pour éteindre le feu avait été un spectacle aussi sublime que terrifiant. Ici, à Canterlot, elle essayait tant bien que mal d'entretenir un petit bout de terrain derrière leur maison mais le sol n'était bon à rien. Ça expliquait peut-être pourquoi l'alicorne essayait dès qu'elle le pouvait d'être dans la nature avec sa famille.

 

_Une tragédie ce qui est arrivé là bas, dit Mérovis en laissant courir sa patte sur la tige de la plante. Mais si vous me permettez de le tourner ainsi, une chance en fin de compte.

 

_Je ne serais pas sûr de qualifier le fait de perdre sa maison, ses biens et tout ce pourquoi on a travaillé en une nuit soit une chance, baron.

 

Mérovis leva une patte, pour calmer l'alicorne.

 

_Je me suis mal exprimé, je m'en excuse. C'est bien évidemment terrible mais vous et votre famille vous vous en êtes sortis sains et saufs, c'est l'essentiel n'est-ce pas ? Et le destin vous a conduit ici, à Canterlot, où vous avez aidé le prince Bronze. C'est en ça que je voulais dire une chance. Une chance pour Equestria.

 

_Sans doute, répondit Hélios, nullement convaincu.

 

_Hélios, dit doucement Mérovis en tendant la patte pour poser son sabot sur la patte de l'alicorne, encore une fois, je m'excuse. Je suis une vieille licorne, je choisis mal mes mots. Pouvez-vous me pardonner cette maladresse ?

 

Hélios fronça le museau quelques minutes avant de hocher la tête. Le baron parut soulagé.

 

_Puisque nous parlions d'elle, poursuivit Mérovis en ramenant lentement sa patte sur ses genoux, est-ce que votre épouse a accepté la charge de régente lunaire ?

 

_Elle a dit qu'elle y réfléchissait. Mais je pense qu'elle va dire oui.

 

_Bien ! s'exclama la licorne en souriant une nouvelle fois, voilà qui va faire très plaisir aux autres barons. Je ne vous cache pas que certains ont un peu de mal avec l'idée que la couronne va arriver sur la tête d'une alicorne. Savoir que vous respectez la tradition en donnant la charge de la nuit à votre épouse devrait les rassurer.

 

_Et moi, répliqua Hélios en se passant le sabot dans la crinière, je ne vous cache pas que j'ai un petit peu du mal à comprendre la position des barons dans cette situation. Ils veulent de moi comme roi, oui ou non ?

 

_Ah, dit Mérovis avec un brin de sourire, ce sont les joies de la politique. Certaines licornes vous considéreront comme leur chef légitime, d'autres, comme quelqu'un qui a eu la couronne parce qu'on ne trouvait personne d'autre à qui la donner.

 

_Ce qui n'est pas si faux.

 

La licorne haussa les épaules :

 

_La succession est quelquefois complexe. Si Sa Majesté était morte avant son fils, il n'y aurait eu aucun problème. Le prince Bronze devenait roi, la couronne irait à ses enfants ou à son héritier direct. Mais le sort et les serres griffonnes en ont décidé autrement. Cela aurait été plus simple en tout cas. Pas de malaise chez les barons, pas de prétendants...

 

_Des prétendants ? s'étonna Hélios. Je croyais que la lignée s'était éteinte avec Aurum ?

 

_Rien n'est jamais simple, Hélios, soupira Mérovis. Nous faisons face à un problème de succession agnatique-cognatique.

 

_J'ai perdu le sens de la phrase après le mot « succession », avoua Hélios.

 

Mérovis rit ce qui donna l'impression à l'alicorne que toutes les rides de la vénérable licorne s'étaient mises à tanguer en même temps.

 

_Les juments ne peuvent hériter qu'en l'absence d'étalons, expliqua Mérovis après avoir fini de rire. C'est sur cette loi que s'appuie la duchesse Ira pour réclamer le trône.

 

_Jamais entendu parler d'elle, confessa Hélios.

 

_Une parente de la famille royale. Très éloignée mais une parente quand même. Leur sang commun doit remonter à l'époque d'Aurum Ier si je me souviens bien ou peut-être encore plus haut. Elle estime que comme elle est la dernière encore en vie de la lignée, le trône est à elle.

 

_Et c'est le cas ?

 

_Ça dépend de comment on considère la chose, dit Mérovis en recommençant à humer la fleur. Ses partisans vous diront qu'elle a bel et bien du sang de la princesse Platinium dans les veines, même s'il s'est dilué au travers des siècles. Ses adversaires vous diront qu'ils préféreront se jeter du haut d'une falaise plutôt que de voir la couronne sur la tête d'une jument.

 

_Mais est-ce qu'Equestria n'a pas justement été fondée par la princesse Platinium ? souligna l'alicorne. Une jument ?

 

_Les pointilleux vous répondront que techniquement, la princesse ne faisait que représenter son père, le roi des licornes de l'époque. Et qu'il serait lui, le vrai fondateur d'Equestria.

 

La licorne joua encore avec la fleur quelques secondes avant de la jeter droit devant elle, dans le parterre.

 

_Mettez deux licornes dans la même pièce, vous aurez trois avis différents, formula Mérovis avec philosophie.

 

Il fit signe à son domestique de recommencer à pousser sa chaise et Hélios se mit à trotter à ses côtés. Mérovis resta silencieux pendant presque une minute avant de reprendre la parole.

 

_La duchesse Ira n'a presque aucune chance de mettre son sabot sur le trône et c'est tant mieux. Elle est trop extrémiste. Je ne vous cache pas que j'aurais aussi tendance à préférer ma propre race aux pégases et aux poneys, mais Ira va trop loin. Elle effraye les barons. Nous sommes des gens qui apprécient la tranquillité et la paix, dont vous et votre épouse serez les garants. Cela dit...

 

La mine de la licorne s'assombrit.

 

_Le discours de la duchesse trouve un écho, surtout auprès de la jeunesse licorne. Ces petits nobles, avides de gloire, la tête pleine des récits épiques d'avant les Trois Tribus. Il faudra se méfier d'eux.

 

Mérovis passa doucement son sabot sur ses genoux.

 

_Je suis trop vieux pour me laisser piéger par ce genre de belles paroles, mais tous ne sont pas comme moi. Ils n'ont pas l'expérience nécessaire pour avancer correctement dans la vie, ils veulent tout, tout de suite. J'ai aussi été comme ça, il y a très longtemps. Ça ne m'a rien apporté de bon.

 

Puis, soudainement, aussi rapidement que la licorne avait fait grise mine, un sourire revint se fixer sur les lèvres du vieux poney.

 

_Enfin, je parle, je parle et j'oublie même de vous demander des nouvelles de la guerre. La trêve avec les griffons est terminée n'est-ce pas ?

 

_Depuis ce matin, oui, confirma Hélios. Le Seigneur-Aile Gver a adressé une nouvelle lettre au conseil, où il explique vouloir signer la paix, à nos conditions.

 

_C'est merveilleux, dit Mérovis en battant des sabots. Il viendra ici à Canterlot ?

 

_Oui. J'ai fixé la date de la capitulation dans une semaine, le temps que nous assistions à l'enterrement d'Aurum et... à mon sacre.

 

_Oui, votre sacre, bien sûr, comment ai-je pu oublier ? se demanda la licorne en se tapant le sabot contre le front. Je suis certain que vos filles meurent d'impatience de se montrer dans leurs belles robes !

 

_Oui, elles meurent d'impatience, répondit l'alicorne d'un ton parfaitement neutre en repensant à la scène que Celestia avait faite en sachant qu'elle devrait passer une après-midi entière le corps engoncé dans une robe, c'est le mot.

 

_Ça sera le troisième couronnement auquel j'assisterai, affirma Mérovis en gloussant de plaisir. Vous, Aurum III et Aurum II. Je crois que c'est le genre de spectacle dont je ne me lasserai jamais. Mais vous verrez, tout se passera bien.

 

Hélios lui renvoya un sourire en coin. L'alicorne était beaucoup moins détendue qu'il voulait le faire croire à son éminence grise, mais il s’efforçait au moins d'en avoir l'air.

 

C'était déjà un premier pas vers la royauté. Et c'était mieux que rien.

 

¤¤¤

 

Celestia grimaça alors que le soleil rebondissait sur les multiples miroirs de la salle, l'aveuglant à moitié dès qu'elle y portait son regard.

Quand des pages étaient venus la chercher, elle et Luna, en début de matinée pour les conduire au palais, l'adolescente avait été ravie. Tout ce qui faisait sauter des cours de Regal était bon à prendre de toute façon.

 

Ce n'était pas comme si Celestia n'avait jamais eu besoin d'excuse officielle pour sécher les cours de son professeur, mais savoir qu'on venait la chercher elle pour la conduire hors de classe, il y avait une certaine fierté qui remplissait le cœur de l'alicorne de chaleur.

Mais maintenant, elle commençait à trouver le temps long.

 

C'était sûrement parce que passer trois heures en équilibre sur un petit tabouret à servir de mannequin, à se faire piquer la peau par des épingles, et à mourir de chaud sous des robes étouffantes n'était pas spécialement ce que l'adolescente considérait comme une activité agréable.

 

Luna ne voyait pas les choses de la même façon, sans doute parce que la petite alicorne avait l'impression de se déguiser, ce qui était un peu le cas en fin de compte. La sœur cadette de Celestia piaillait de plaisir à chaque nouvelle robe qu'elle essayait, et prenait des poses en sautant d'un miroir à l'autre.

 

Attends de grandir un peu et de devoir te mettre aux corsets, pensa Celestia en voyant sa petite sœur s'amuser comme une folle. On verra si tu trouves toujours que mettre des robes c'est rigolooooooouf.

 

Celestia eut l'impression que ses pensées se vidaient de sa tête au même moment où l'air quittait ses poumons. À côté d'elle, mademoiselle Lavande, la ponette qui se chargeait de les habiller depuis trois heures ouvrit la bouche, et laissa retomber les lacets des œillets au sol.

 

_Voilà, déclara-t-elle de son accent chantant. Bien serré.

 

L'adolescente eut envie de répondre une grossièreté mais elle consacrait surtout l'essentiel de son énergie à réussir à respirer et à lutter contre la force qui compressait sa taille. Elle se borna donc à jeter un regard noir à Lavande, qui ne remarqua rien, trop occupée à ourler la robe de Luna. La petite alicorne béate de satisfaction, voyait son reflet dans le miroir s'embellir de minute en minute.

 

_Tu sais quoi Tia ? demanda Luna en jetant un coup d’œil à son aînée. On ressemble vraiment à des princesses maintenant. Mais quand papa sera couronné pour de vrai, ben on sera les plus belles princessœurs du monde !

 

Le mot accrocha l'oreille de l'adolescente.

 

_Quoi ? parvint-elle à formuler, au prix d'un effort considérable.

 

_Princessoeurs, répéta Luna, sans se départir de son sourire. Parce qu'on est sœurs et qu'on va être des princesses !

 

Ah oui. C'était un des derniers jeux crées par Luna. Inventer des mots nouveaux parce qu'ils sonnaient bien. La plupart du temps, ils ne voulaient strictement rien dire mais Celestia devait avouer que le « princessœurs » était plutôt joli.

 

_Il ne suffit pas d'avoir l'air de princesses, marmonna Lavande, des épingles dépassant de la bouche, il faut surtout se comporter comme telles. Votre père va devenir roi, vous allez avoir un rang à tenir. Et une étiquette à respecter.

 

_Une étiquette ? Va falloir qu'on colle nos noms sur nos affaires pour pas qu'on nous les prenne ?

 

_Une étiquette ma petite, répondit la ponette en passant un sabot dans la crinière de Luna pour la fixer en chignon, c'est des règles à respecter quand on a un certain rang.

 

Celestia aurait plutôt défini ça comme ensemble de règles idiotes et inutiles pour faire plaisir aux poneys gâteux mais son corset l'empêchait de penser correctement.

 

_Il y a deux règles à suivre par-dessous tout. Premièrement, enseigna Lavande en levant un sabot en l'air, vous allez devoir arrêter d'utiliser le « je ».

 

_On va arrêter de jouer ? s'étrangla Luna de surprise.

 

_Non, enfin, oui, un peu aussi, dit mademoiselle Lavande en se grattant le menton. Vous allez devoir arrêter de dire quand vous serez toute seule « je vais à l'école » pour « nous allons à l'école ». « Je mange » va devenir « nous mangeons », etc.

 

_Je comprends rien, affirma Luna en retournant sa lèvre inférieure.

 

_C'est le pluriel de majesté, affirma la ponette d'un air extrêmement sérieux. Vous parlerez au nom d'Equestria maintenant, de la nation. C'est comme si le peuple tout entier s'exprimait par votre bouche. C'est pour ça que vous allez devoir utiliser le « nous » en public.

 

Luna plissa les yeux alors que son cerveau tournait à plein régime.

 

_Donc, dit-elle lentement, réfléchissant avant de formuler chaque mot, il va falloir dire « nous essayons une robe violette » ?

 

_C'est ça, mademoiselle Luna, vous avez compris, l'encouragea Lavande en finissant l'ourlet prune de sa tenue.

 

_C'est génial ! s'exclama la jeune alicone. Nous sommes la princesse Luna de Canterlot, dit-elle à haute voix, comme si elle manipulait un nouveau jouet. Nous sommes la fille du roi Hélios et de la reine Aztarté. Nous aimons les glaces à la fraise et notre grande sœur...

 

_On a dit en public Lu, souligna Celestia alors que son museau commençait à la gratter, comme pour ajouter à l'inconfort de la situation. On est toutes seules ici et on est pas encore princesses techniquement. T'as pas à parler comme ça.

 

_Faut bien que je m'en... euh, que nous nous entraînassionons, rétorqua Luna du ton le plus ampoulé qu'elle put trouver, sûrement pour se donner un style, ne remarquant même pas le barbarisme qu'elle venait de créer.

 

_Votre sœur a raison, mademoiselle Celestia, intervint Lavande en revenant près de l'adolescente. Vous feriez aussi bien de vous y habituer maintenant, ça vous fera éviter les gaffes.

 

_Et la règle deux, et la règle deux ? demanda Luna en sautant presque sur place, manquant de défaire les retouches sur sa robe.

 

_La voix royale traditionnelle de Canterlot, dit mademoiselle Lavande en se précipitant près de la pouliche pour sauver son travail. Mais ça peut attendre encore un peu avant que je vous en parle.

 

De là où elle était, Celestia vit très bien les pupilles de sa sœur se dilater, et sa bouche s'ouvrir pour former un 'o' parfait.

Visiblement, elle mourait d'impatience de savoir et surtout de pouvoir utiliser à son tour cette fameuse voix.

 

Celestia trouvait tout cela complètement stupide. Qu'elles doivent bien s'habiller pour le sacre passait encore mais de là à jouer les parfaites petites princesses, il y avait de la marge.

C'était leur père et leur mère qui auraient à traiter avec les autres poneys importants, pas les deux petites alicornes. Est-ce qu'on ne pouvait pas arrêter de leur casser un peu les sabots ? Celestia aurait mille fois préféré être dans la forêt Evercon, à discuter avec son nouvel ami Discord plutôt que de...

 

_Encore un cran ou deux, dit Lavande en se saisissant des lacets et en tirant dessus.

 

Le corset se resserra encore et Celestia eut la très nette impression que toutes ses côtes fusionnaient entre elles.

Une chose était sûre dans l'esprit de l'adolescente, elle savait ce qu'elle demanderait à son père au moment précis où il aurait la couronne de roi des licornes posé sur la tête : l'interdiction immédiate du port des corsets.

 

Déjà un bon moyen d'entrer dans les livres d'histoire.

Et surtout de sauver la cage thoracique de millier de pouliches et de juments en Equestria.

 

¤¤¤

 

Le club de la corne d'ivoire était, de l'aveu même des rares membres qui en parlaient à l'extérieur de ses murs, un endroit singulier. Premièrement parce qu'il avait été bâti loin de tout, sur une colline balayée par les vents, entouré d'une bulle de protection magique que ne pouvaient franchir que ceux qui y étaient invités. On disait que c'était l'ancien manoir d'une grande famille bourgeoise tombée dans la misère après quelques mauvais placements. C'était la noblesse licorne qui avait remis le sabot dessus voici quelques années et qui l'avait modifié en profondeur. Installation de la protection magique tout d'abord, importants travaux de restauration, mise en place d'un système de sécurité privé qui n'avait rien à envier aux gardes du palais.

 

Ses membres disaient que le club n'était qu'un endroit de détente pour les licornes bien nées, où elles pouvaient se retrouver après le travail pour boire un verre entre elles, lire les journaux ou jouer au billard. Ils avouaient aussi, à demi-mot, que la corne d'ivoire était aussi un cercle de réflexion et d'échanges sur la société actuelle.

Mais il n'en disaient jamais vraiment plus puisque en théorie la première règle du club était que justement, il était interdit d'en parler.

 

Si on frappait à la grande double porte de bronze qui barrait l'entrée du bâtiment, et qu'après un long examen par le judas, on vous laissait entrer, vous pouviez découvrir un hall gigantesque, marbré de blanc avec moquette et grandes colonnades gravées. Les statues d'ivoire des plus grandes licornes à avoir foulé la terre d'Equestria avant même que la nation ne soit fondée étaient alignées contre les murs, foudroyant le visiteur de leur regard blanc.

Leurs portraits couvraient également l'essentiel du manoir, de la grande conquérante Charlesmare, au philosophe Machayvel en passant par Star Swirl le Barbu et son élève, Clover le Sage, sans oublier bien sûr, la princesse Platinium elle-même.

 

Pour atteindre la bibliothèque, vous deviez gravir le grand escalier, admirer les tapisseries qui décoraient à l'époque le château de la tribu des licornes, et si vous vous retourniez, vous découvriez tombant de la balustrade en cascade, une grande bannière représentant une tête de licorne blanche de profil, sur un fond violet semé de diamants.

La représentation exacte de l'oriflamme de la tribu des licornes qui reposait dans la salle du conseil, à côté de celle des pégases, des poneys terrestres, et du tout premier drapeau equestrien.

 

La bibliothèque était plutôt petite comparée à la taille des autres pièces du manoir, mais l'impression d'intimité n'y était que renforcée.

Elle était plus sobre également : hormis quelques bustes de bronze , rien ne faisait spécialement l'éloge des licornes dans cette pièce, si ce n'était la liste impressionnante des ouvrages et bien sûr, les occupants de la salle eux-mêmes.

Aujourd'hui, ils étaient une dizaine, tous assez jeunes, enfoncés dans de confortables fauteuils de cuir brun, à faire léviter verre de whisky ou cigare de luxe tout en discutant. Quelques rares licornes lisaient un ouvrage, d'autres se partageaient les feuilles du même journal, mais la plupart écoutaient le marquis Nobilitas, le maître des lieux, tenir son discours habituel sur la supériorité naturelle de la licorne sur les deux autres races.

 

_Mais enfin c'est évident, dit le jeune étalon crème en lissant du sabot sa courte moustache bleue, la raison pour laquelle nous sommes au-dessus d'eux, ce n'est pas que parce que nous sommes capables d'utiliser la magie. C'est parce que depuis toujours, toute l'Histoire d'Equestria a été écrite par des licornes. Les pégases et les terrestres dont on connaît le nom aujourd'hui n'ont fait que suivre le mouvement, quand ils n'ont pas tout simplement volé la vedette à quelqu'un de plus méritant.

 

L'assemblée approuva. Satisfait de lui-même, Nobilitas enchaîna.

 

_La mort du prince Bronze nous enseigne une fois pour toutes que la place de la licorne n'est pas sur le champ de bataille mais aux commandes du pays. Si Bronze ne s'était pas laissé entraîné dans cette guerre stupide par les pégases, jamais l'héritier du trône n'aurait été tué par ces barbares de griffons.

 

_Mais il a bien été tué, souligna amèrement un convive. C'est bien pour cela que la couronne va revenir à cet... Hélios.

 

Un concert de désapprobation fit écho à la remarque de la licorne. Nobilitas eut un demi-sourire et leva la patte pour réclamer le silence.

 

_Ce n'est pas forcément dit marquis. Messieurs, dit-il en battant des sabots pour que le domestique présent aille ouvrir la porte, j'ai une surprise pour vous. Veuillez accueillir mademoiselle Ira, véritable reine des licornes !

 

Les poneys se tordirent le cou vers la porte que franchit immédiatement une jument à la robe gris perle, au port altier et à la crinière acajou. Quelques commentaires surpris fusèrent entre les convives alors qu'Ira venait prendre place juste à côté de Nobilitas qui s'était levé de son siège pour lui souhaiter la bienvenue.

 

_Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie marquis ? demanda le convive qui s'était entretenu avec Nobilitas l'instant d'avant. Depuis quand accepte-t-on les juments au club ?

 

_Bientôt on acceptera aussi les chiens diamants et les zèbres, gloussa un autre.

 

_Marquis de Brismane, dit Ira avec un grand sourire et un ton aussi chaleureux que si elle avait croisé un ami de longue date, je suis contente de vous voir. J'espère que votre épouse vit bien le fait que votre bâtard à naître est d'encore une autre jument.

 

Brismane s'étouffa de surprise et de colère mêlée, ce qui laissa le temps à la jument de passer à son autre cible :

 

_Et vous monsieur le chevalier de Buckingham, j'ai appris que votre sœur s'était faite engrosser par son domestique zèbre. J'espère que sa dot ne va pas trop en souffrir ?

 

Le visage du chevalier se vida se son sang, et il renvoya un regard noir à Ira qui arborait un petit sourire en coin.

 

_Messieurs, messieurs, déclara Nobilitas en redevenant le centre de l'attention avant que les choses ne dégénèrent, je sais qu'il n'est pas dans les habitudes du club de la corne d'ivoire d'accepter que des juments y posent leurs sabots. Néanmoins, la duchesse Ira n'est pas une ponette ordinaire, loin de là.

 

_Le sang de Platinium coule dans mes veines, intervint fièrement l’intéressée.

 

_C'est surtout entre vos cuisses que le sang coule tous les mois, et vous en êtes fière, ironisa une licorne en portant son verre d'alcool à ses lèvres, provoquant les rires de ses homologues masculins. C'est bien les femelles ça.

 

_Et vous monsieur le vidame de Quenes, je vous avais presque oublié dites-moi, répondit la jument en faisant mine d'ignorer l'insulte, sans quitter une seconde son sourire, ni baisser la chaleur de sa voix. Comment votre père a-t-il vécu cette semaine que vous avez passée à la campagne, en compagnie de cet autre étalon ? À ce qu'on m'a dit, vous et votre ami avez été obligés de partager le même lit la semaine entière, ça a dû être extrêmement dur, affirma-t-elle en appuyant sur le dernier mot.

 

Elle laissa flotter un blanc, le temps que tous les esprits fassent le lien avec le double sens du mot, puis d'un air innocent, presque naïf :

 

_Quenes père ne vous a pas encore déshérité ?

 

_S'il vous plaît, dit le marquis Nobilitas en reprenant une fois de plus la parole, j'aimerais que vous arrêtiez de vous lancer des insultes à la figure. Vous tous, demanda-t-il en insistant et en joignant les sabots.

 

L'assemblée ravala sa colère et se calma, non pas tellement parce qu'ils respectaient l'autorité de la licorne que pour éviter qu'Ira ne leur jette au visage d'autres secrets embarrassants.

 

_Bien. Comme je le disais avant le début de cet échange des plus charmants, la duchesse Ira n'est pas une ponette ordinaire. Elle descend de la princesse Platinium, fondatrice d'Equestria. C'est la dernière membre encore survivante de la lignée. C'est donc à elle que la couronne doit revenir.

 

_Les juments ne peuvent pas hériter voyons, déclara une licorne en secouant la tête. Ça ne s'est jamais vu.

 

_Nous le pouvons quand il n'y a plus d'étalons, répliqua Ira d'un ton presque clinique. Et il se trouve que mon grand-oncle, le roi Aurum était le dernier mâle de sa lignée avec son fils, mon cousin, le prince Bronze. Maintenant qu'ils ne sont plus là tous les deux, le trône devrait être à moi.

 

_Nous savons que les vieux barons vont s'y opposer, annonça Nobilitas d'une voix forte. Il nous suffit de voir comment cette idée est reçue froidement ici. Mais pensez-y une seconde. Est-ce qu'une personne qui descend réellement de la mère fondatrice de notre nation, fût-elle jument, ne vaut pas mieux qu'un régent solaire trouvé au sabot levé ?

 

L'assemblée se tut, plongée dans une profonde réflexion. Ira brisa le silence en reprenant la parole.

 

_Aujourd'hui, ce sont les vieux poneys comme Mérovis qui tiennent les rênes du pouvoir. Des vieillards, trop effrayés par leur propre ombre, et trop faibles pour faire autre chose que de trembler en attendant la fin de leur vie. Mais nous, nous sommes là. Nous sommes jeunes. Nous avons aussi des titres de noblesse à faire valoir. Nous avons aussi notre mot à dire sur la politique licorne.

 

La jument marqua une pause, s'humecta les lèvres et reprit le fil de son argumentation.

 

_Ouvrez les yeux sur ce qui se passe aujourd'hui : la politique interne des terrestres nous ruine économiquement, et socialement. La volonté belliciste des pégases nous empêche d'envisager l'avenir correctement. Sur le plan racial, notre peuple est menacé de disparition, à cause du métissage et du croisement des espèces. Nous allons nous affaiblir, faner, et mourir pendant que d'autres prendront notre place. Il faut nous répliquer. Si vous appuyez mes revendications sur le trône de Canterlot, je jure solennellement devant cette assemblée de faire tout ce qui est en mon possible pour défendre et protéger notre race.

 

Les convives restaient toujours aussi froids mais quelques-uns se laissèrent aller à de timides mouvements de tête d'approbation.

 

_C'est une décision difficile, dit Nobilitas en tirant une bouffée de son cigare, mais vous devez vous poser la question pour de bon. Il faudra pourtant prendre une décision rapide et irrévocable. Le sacre de l'alicorne Hélios est pour bientôt, nous soumettrons notre requête aux autres licornes, et nous demanderons au nouveau roi d'abdiquer en faveur de la duchesse Ira.

 

_Nous ne voulons pas faire couler le sang, les rassura la jument. Surtout pas du sang licorne. D'ailleurs, je serais prête à laisser la charge du soleil à Hélios s'il le désire.

 

_Parlez-en autour de vous, leur demanda le marquis Nobilitas. Plus nous serons nombreux, plus nous aurons de chance de convaincre en faveur de l'abdication.

 

_Et plus nous serons forts, résuma Ira.

 

Les deux licornes laissèrent filer un nouveau blanc avant que Nobilitas ne fasse un geste de la patte vers la porte.

 

_Je vous raccompagne à l’extérieur, mademoiselle la duchesse.

 

Patte dessus, patte dessous, ils quittèrent la bibliothèque sous les murmures circonspects des convives. Le couple resta parfaitement silencieux que ce soit dans le grand escalier ou le grand hall, rien ne venant rompre la solennité avec laquelle ils quittaient le bâtiment.

 

Tout juste si à chaque pas qu'ils faisaient en direction de la porte, Nobilitas serrait un peu plus la patte de la duchesse contre la sienne.

 

Ils se firent ouvrir la porte et passèrent sur le perron. La porte se refermait à peine que Nobilitas se laissait aller à un gloussement de rire.

 

_Comment tu as aligné Brismane et les autres, pouffa-t-il, j'en reviens pas.

 

_Je suis une jument plein de ressources, lui répondit-elle d'un air mutin en levant un sourcil.

 

_Je le sais ça, lui dit-il en se penchant vers elle pour l'embrasser.

 

Mais au lieu du contact des lèvres d'Ira sur les siennes, le marquis sentit le goût salé de sa corne. Il rouvrit les yeux pour voir le sabot de la duchesse sur sa bouche.

 

_Pas ici, le réprimanda-t-elle d'un ton un peu sec. On a nos règles, tu le sais bien.

 

_C'est vrai, grommela-t-il en la lâchant à regrets, pas en public. J'oublie tout le temps. J'ai toujours envie de toi en même temps, ça aide pas.

 

_On pourra se voir chez moi ce soir, promit-elle en effleurant la joue de son amant de son sabot. Mais d'abord il va falloir que tu remontes là-haut, et que tu persuades ou que tu convainques ces idiots de soutenir la cause. On a besoin d'eux.

 

_C'est quoi la différence déjà entre persuader et convaincre ? demanda honnêtement Nobilitas.

 

_Viens à mon hôtel particulier ce soir à onze heures après avoir bien travaillé au club et je t'expliquerai, lui glissa-t-elle à l'oreille, la frôlant à plusieurs reprises de son museau.

 

_Alors je ferais mieux d'y retourner tout de suite, répliqua le marquis en réprimant un frisson de plaisir. Je te vois tout à l'heure.

 

_J'y compte bien, répondit Ira en s'éloignant à petits pas vers sa voiture qui attendait en bas de la colline, au-delà de la bulle magique.

 

S'aidant du marchesabot pour grimper dans son fiacre, Ira prévint Alfred qu'une fois qu'ils seraient de retour à Canterlot, il ferait préparer un repas froid pour ce soir. Le majordome acquiesça, demandant à sa patronne si elle comptait travailler tard.

 

_Oh oui Alfred, répondit la prétendante au trône avec un large sourire. Ça risque même de durer une bonne partie de la nuit.

 

¤¤¤

 

Allongée en travers de son lit, Ira avait les yeux à moitié clos et comptait mentalement, accompagnant le tic-tac de la pendule. Elle ne dormait jamais après l'amour. Tout le contraire de Nobilitas, qui, à moitié affalé contre sa maîtresse, avait plongé dans un profond sommeil sitôt l'acte terminé. Un de ses sabots était encore égaré dans la crinière acajou de la jument. Il la gênait un peu mais Ira aimait bien cette sensation au final. C'était presque meilleur après en fait, sentir le cœur qui redescendait à un niveau de pulsation normal, le souffle qui n'était plus court, la tête qui arrêtait lentement de tourner. Quand on se reconnectait doucement avec le reste du monde.

 

La duchesse plongea le museau dans le creux du cou de son amant et prit plusieurs inspirations. L'odeur de la sueur était quelque chose que son éducation aristocratique l'avait toujours poussée à haïr mais qui était tout de même excitant en fin de compte. Un parfum étranger, presque exotique.

 

Sur le fronton de la cheminée éteinte, l'horloge sonna minuit. Ira rouvrit les paupières et se dégagea sans douceur de l'étreinte de l'étalon, qui à moitié endormi, alla se rouler en boule de son côté du lit. Elle fit venir à elle sa robe de chambre qu'elle enfila simplement sans en nouer la ceinture après s'être levée. Une fois habillée, Ira s'étira, sentit quelque chose craquer dans sa colonne vertébrale et étouffa un bâillement au creux de sa patte. Elle ouvrit la porte de sa chambre et descendit jusqu'au petit salon.

 

Il faisait encore nuit noire à l'extérieur, et le régent Hélios ne lèverait pas le soleil avant au moins plusieurs heures. La duchesse devait admettre que sur ce point-là, il savait s'y prendre. Pour une alicorne.

 

Les pas d'Ira la conduisirent jusque dans une des plus petites pièces de son hôtel particulier, meublée de seulement deux fauteuils et d'une table carrée. Un poney occupait déjà un des sièges et se leva à l'entrée de la maîtresse des lieux.

 

_Vous pouviez rester assis, lui dit-elle en prenant place à son tour alors qu'il se rasseyait.

 

_Vous êtes le genre de jument assez attachée à l'étiquette, ça ne coûte rien de faire quelques efforts.

 

Ira pouffa, ne sachant pas très bien si son interlocuteur pensait véritablement ce qu'il disait.

 

_Nous en avons déjà parlé monsieur Colt, quand vous venez me livrer vos informations, vous n'êtes pas obligé de vous plier aux mêmes règles que les autres.

 

_Mais je travaille pour vous, non ?

 

_Pas de la même façon que mes domestiques.

 

Ce fut au tour de l'étalon de sourire. Ira put le dire puisque elle vit les dents blanches de son hôte briller comme des perles malgré l'obscurité de la pièce. L'unique chandelle qui éclairait le petit salon ne remplissait pas bien son office en pleine nuit.

 

Mais ce n'était pas pour déplaire à John Colt, bien au contraire, si Colt était bien son vrai nom. C'était un poney de l'ombre, un être de la nuit. Un des étalons les plus brillants d'Equestria pour trouver des informations sensibles sur tout et tout le monde. Ira le payait depuis longtemps pour espionner la noblesse licorne et trouver leurs points faibles. Une fois ces secrets entre ses sabots, elle pouvait les divulguer pour détruire un rival ou mieux encore, faire du chantage à la licorne impliquée. Ira pouvait ainsi compter sur un nombre important d'alliés, ralliés à sa cause de force, mais des alliés quand même. Tout était bon pour servir la cause.

 

_Alors monsieur Colt, demanda Ira en croisant les pans de sa robe de chambre, qu'est-ce que vous m'apportez comme information amusante cette semaine ?

 

_Tout est là mademoiselle la duchesse, affirma le poney en faisant glisser sur la table une grosse enveloppe kraft. On a les ingrédients habituels : coucheries, enfants illégitimes, « accidents » pour hâter la succession...

 

Il fronça les sourcils :

 

_Je crois que j'ai même un cas d'inceste assez dégueulasse cette fois.

 

_Je lirai ça plus tard, dit Ira en prenant l'enveloppe sur ses genoux.

 

Elle avait l'habitude d'ouvrir les enveloppes de Colt quand elle était dans son bain. Lire les secrets honteux des autres aristocrates était bien plus savoureux au milieu d'une mer de mousse.

 

_Je ferai porter votre salaire sur votre compte à la banque dans la journée, promit la duchesse, comme d'habitude. Mais il y aura un bonus.

 

_Un bonus ? s'étonna Colt, sachant très bien que sa patronne n'était pas du genre à être généreuse sans raison.

 

_Disons plutôt une avance. Je veux que vous centriez vos recherches sur le régent Hélios, sur sa femme et sur ses filles.

 

_Les alicornes ? Ça ne va pas être simple, personne ne sait rien d'eux.

 

_C'est pour ça que je vous paye monsieur Colt, trancha la voix d'Ira qui ne trahissait aucun doute, pour savoir des choses. Je me doute que la tâche sera compliquée, c'est pour cela que cette fois, vous aurez l'argent en avance.

 

_Il vous faut quoi ?

 

_N'importe quoi. Je veux un moyen de pression. Remontez sa lignée, trouvez-moi s'il a des enfants cachés, si sa femme le trompe avec le facteur, ou s'il fait de la ballerine en amateur à ses heures perdues. Je veux le pouvoir de le faire tomber.

 

C'était la logique de combat d'Ira dans toute sa splendeur. Avoir le moyen de détruire son adversaire, le lui montrer et attendre qu'il capitule. On gagnait sans se battre ce qui était la plus aristocratique des victoires. Et dans le cas où l'autre était assez bête pour lui résister, la jument le brisait en mille morceaux avant de fouler ses débris au sabot, et de les disperser aux quatre vents. Quand on frappait, il fallait être implacable. Il ne fallait donner qu'un coup, assez fort pour que ni son adversaire, ni sa famille, ni personne d'autre n'ose lever la patte sur soi.

 

_Il tombera mademoiselle, jura l'espion en se relevant de son fauteuil et en serrant le sabot de sa patronne pour lui dire au revoir. Ou sinon, je ne m'appelle plus John Colt.

 

Ira attendit qu'il sorte pour glousser franchement. Quelle valeur pouvait avoir ce genre de serment en sachant que le nom de l'étalon était de toute évidence un pseudonyme ? Bah, se dit-elle en se levant de son fauteuil à son tour, l'enveloppe sous la patte, il est assez efficace quand même. Il va tenir parole.

 

La jument remonta lentement jusqu'à sa chambre, silencieuse, veillant à ne réveiller aucun domestique. Personne ne devait savoir que Colt était venu ici.

 

Tout Equestria savait qu'Ira savait tout sur tout le monde mais personne ne savait comment. Qu'on sache qu'elle payait quelqu'un pour glaner des informations et tout son personnage disparaissait.

 

Le monde dans lequel elle évoluait, celui de la noblesse licorne, était un monde où les poignards naissaient dans les ombres des sourires. C'était un monde d'apparence et de paraître, de réputation et de rumeurs. L'image était tout. Il fallait être parfait en public, partout et tout le temps. Ca pouvait parfois porter sur les nerfs, Ira en savait quelque chose. Mais chacun avait sa méthode pour faire redescendre la pression. L'alcool, le jeu, les juments, les étalons.

Les pouliches et les poulains pour les plus pervers, ce qui gonflait encore les dossiers de Colt et donc, les moyens de pressions de sa patronne.

 

Ira, elle, se ressourçait par le bien qu'elle faisait au peuple licorne. Et surtout qu'elle lui ferait une fois reine. On la disait extrémiste mais la jument rejetait ce qualificatif. Elle était patriote et elle aimait sa race, c'est tout. Elle serait née ponette ordinaire, elle aurait sûrement cherché à défendre les couleurs des terrestres. C'était logique. Mais elle était née chez les licornes et parmi celles qui avaient le sang le plus pur. C'était donc plus qu'un sentiment naturel de devoir défendre sa race. C'était un devoir.

 

Elle avait de grands projets pour le peuple licorne, qui passerait avant tout, par la scission de son peuple avec les pégases et les terrestres. Peut-être pas à vie, ils auraient bien besoin de domestiques après tout mais au moins pour quelques siècles, le temps de renvoyer le spectre de l'abâtardissement en queue des priorités.

 

Elle fonderait Unicornia, la nation qu'Equestria aurait dû être si Hurricane et Puddinghead n'avaient pas volé la légitime terre licorne.

Elle enseignerait à toutes les licornes, mâles comme femelles, petites et grandes à être fières de leur corne qui leur donnait le pouvoir de changer et de moduler le monde à leur volonté. Et quand les licornes seraient en haut de la pyramide sociale, à la race des seigneurs, là où elles appartenaient, on verrait à réaccepter certains pégases et certains poneys. Mais ça se ferait au cas par cas. Pas question de lutter de façon drastique contre la dégénérescence si c'était pour tout mettre par terre quelques années après.

 

Juste avant de rentrer dans sa chambre, Ira fit un crochet par sa salle de bain, déposant l'enveloppe kraftée sur l'émail de la baignoire. Ça lui ferait un peu de lecture tout à l'heure, après le petit-déjeuner.

 

La chambre de la licorne était aussi calme qu'elle l'avait laissée un peu plus tôt. Nobilitas avait roulé sur le flanc et respirait profondément. Ira ôta sa robe de chambre, la raccrocha à sa place et retourna se coucher. À peine s'était-elle allongée que Nobilitas passait sa patte juste en-dessous de son cou pour l'attirer à lui et déposa un baiser sur la nuque grise de la jument.

 

Tiens, il est réveillé en fait, pensa la duchesse.

 

_Du mal à dormir ? demanda-t-il d'une voix ensommeillée.

 

_On va dire ça, répondit-elle passant machinalement son sabot sur son propre flanc, vierge de toute marque.

 

Elle l'aimait son flanc-blanc. Au premier regard, on aurait pu se moquer d'elle, en pensant qu'elle n'avait toujours pas trouvé, à bientôt trente ans, le talent qui la différenciait des autres poneys. Mais c'était justement le fait de ne rien avoir sur sa cuisse sa force.

C'était son goût pour la pureté la plus claire et la plus absolue.

 

Le couple resta sans rien dire quelques secondes avant qu'Ira ne tourne la tête pour avoir son amant bien en face d'elle.

 

_Dis-moi, je voulais te demander ça tout à l'heure mais quand on s'y est mis, j'ai oublié... tu crois que les membres du club vont nous soutenir en fin de compte ?

 

Le marquis souffla par les naseaux en levant les yeux au ciel :

 

_Quelques-uns peut-être. Mais je pense qu'ils seraient plus chauds si t'avais pas été une jument.

 

_Oh, s'étonna-t-elle en jouant les ingénues, et toi, t'aurais été plus chaud si j'avais été un étalon ?

 

_Tu vois ce que je veux dire Ira, lui répondit-il sérieusement, sans entrer dans son jeu. Ils sont coincés entre l'envie de te rire au museau et de se piétiner entre eux pour t'apporter la couronne.

 

_Je préfère personnellement l'option numéro deux, dit-elle d'un ton pince-sans-rire.

 

_Moi aussi, affirma Nobilitas, un peu plus de chaleur dans la voix, déridé par la plaisanterie de sa maîtresse. Mais je commence à me demander si on devrait pas chercher des appuis ailleurs.

 

_Ailleurs ? s'étonna Ira en roulant sur le flanc pour faire complètement face au marquis.

 

_Oui, confirma ce dernier, réfléchis une seconde, y a pas que chez les licornes qu'Hélios est pas très populaire. À ce qu'il paraît, les terrestres et les pégases apprécient moyen que ce soit une alicorne qui se retrouve à travailler avec leurs chefs.

 

_Tu crois qu'on pourrait se mettre le conseil régnant dans le sabot ?

 

_On perd rien à essayer. Et puis à quoi serviraient les ailés et les terrestres s'ils étaient pas là pour nous servir à quelque chose, hein ? pouffa-t-il.

 

Mue d'une impulsion soudaine, elle bâillonna son rire d'un baiser avant de le presser contre elle. C'était pour ça qu'elle l'avait pris comme complice, à cause de son extraordinaire esprit d'initiative.

 

Et ses qualités d'amant en elles-mêmes ne gâchaient en rien le tout, bien entendu.

 

C'était même le contraire.

 

¤¤¤

 

Celestia fit léviter jusqu'à elle son sandwich aux herbes folles qu'elle mordit avec avidité, les yeux toujours rivés sur le roman qu'elle avait posé sur la table devant elle. C'était l'heure de la pause déjeuner à l'école, une heure où ils étaient enfin débarrassés de Regal et de ses cours barbants. Il faudrait bientôt y replonger pour l'après-midi mais là au moins, l'alicorne pouvait s'accorder une pause.

Elle n'était pas la seule à profiter du temps mort en tout cas : tout autour d'elle, les autres adolescents dégustaient eux aussi des sandwichs ou des repas un peu plus complexes, parlant de mode, de résultats sportifs ou des cours.

 

Celestia préférait la compagnie d'un bon livre à celle de ses camarades au moins pendant la pause déjeuner. Elle lisait de temps en temps à la maison mais ici à l'école, son roman lui donnait l'impression d'être un kit de survie en milieu hostile. Un endroit où elle pouvait s'évader le temps du déjeuner et relâcher un peu la pression.

 

Plongée dans son livre, Celestia en fut brusquement sortie quand elle sentit quelqu'un tirer sur sa queue. Agacée, l'adolescente se retourna pour découvrir sa sœur, visiblement embarrassée d'avoir dérangé son aînée en pleine lecture.

 

_Euh Tia, hésita Luna, je suis désolée de te déranger et tout ça mais faut que je te montre quelque chose de super important.

 

Celestia retint un hennissement de protestation. Luna connaissait leurs règles pourtant, chacune dans son coin à l'école et quand les horaires se chevauchaient, comme ici à la pause de midi, on allait pas embêter l'autre.

 

_On verra ça plus tard Lu, répondit Celestia en reprenant une bouchée de son sandwich et en s'en retournant à son livre.

 

_Non, tout de suite ! insista la petite alicorne en mordant la queue de l'adolescente et en tirant à nouveau dessus.

 

Elle tira tant et si bien que Celestia manqua d'en perdre l'équilibre. Elle se dit à la réflexion que le fait de garder sa queue attachée à son arrière train valait bien quelques minutes de perdues pour sa petite sœur.

 

_Bon alors montre-moi ton truc en vitesse.

 

_Je l'ai pas là, il est près des toilettes, affirma Luna en pointant de la patte l'endroit en question, un ensemble de cabanons d'un vert extrêmement laid, dans un coin perdu de la cour.

 

Cette fois-ci, Celestia ne chercha même plus à cacher son agacement. Mais il faudrait bien qu'elle se plie au jeu de sa cadette si elle voulait avoir une chance de continuer à lire et à manger tranquillement.

 

L'adolescente reposa son sandwich sur la table et referma la couverture du livre d'un coup de sabot. Les aventures de Scarlett et de Rhett devraient attendre encore un peu.

 

Celestia se dégagea de la table et se mit à suivre Luna, qui ouvrait la voie. Mais la petite alicorne avançait bizarrement, la tête rentrée dans les épaules, la queue basse, comme si elle n'avait aucune envie d'aller vers les toilettes mais devait y aller à tout prix,

 

_Lu ? demanda Celestia, inquiète pour sa petite sœur. Y a un problème ?

 

_Aucun, répondit Luna avec un sourire de façade qui cachait difficilement son stress. Tout va bien.

 

Celestia plissa le museau. Sa sœur lui cachait quelque chose. Luna n'était pas du genre à faire des cachotteries, surtout pas à elle.

Quelque chose clochait mais l'adolescente n'arrivait pas à mettre le sabot dessus.

 

Les deux alicornes mirent quelques minutes à atteindre les toilettes. À la fin, Celestia eut même l'impression que Luna traînait la patte, comme si le simple fait d'avancer son sabot lui torturait l'esprit.

Celestia fronça les sourcils alors que sa sœur tournait au coin des WC, hors de vue. Elle la rejoignit en quelques secondes, un sentiment d’inquiétude commençant à l'envahir.

 

Puis elle les vit. Et l'inquiétude se transforma en peur.

 

Elles étaient trois, Séraphine, la fameuse ponette dont Celestia avait léché les sabots pendant des semaines et des semaines pour avoir son invitation à la cutieañera de jeudi prochain, et deux de ses sbires, des licornes qui la suivaient à la trace.

Celestia ne s'était jamais embarrassée à apprendre leurs noms tant elles se ressemblaient toutes les deux, avec leurs robes blanches et leurs longues crinières blondes décolorées. Séraphine elle, avait un pelage prune et de courts cheveux noirs, aussi noirs que le poivrier qui s'étalait fièrement sur son flanc.

Pour avoir appris à la fréquenter, Celestia savait que sa cutie mark n'avait rien à voir avec le don de sa famille pour les épices. Séraphine avait juste le talent d'irriter comme du poivre.

 

La ponette et ses compagnes étaient postées le long du mur, comme à chaque fois qu'elles venaient fumer en cachette. Seule Séraphine avait une cigarette qui dépassait de la bouche et les yeux clos, semblait en apprécier la fumée. Les deux autres ponettes avancèrent lentement à la gauche et à la droite de Celestia, qui réalisa, une seconde trop tard, qu'elle était au milieu d'un triangle parfait.

 

Séraphine ouvrit lentement les paupières, révélant ses iris gris. Elle releva la tête vers Luna, moitié tremblante et au bord des larmes.

 

_Bien joué petite. Tu peux reprendre ta stupide peluche.

 

Elle jeta un objet de chiffon à Luna qui sauta pour l'attraper à la gueule en plein vol. Quand les sabots de la petite alicorne retrouvèrent le contact du sol, Celestia se rendit compte qu'elle venait de reprendre Monsieur Sîn.

 

_Allez file maintenant, ordonna Séraphine. Je dois causer à ta sœur.

 

_Vous allez pas lui faire de mal, hein ? demanda Luna après avoir repris son doudou au sabot, jetant des coups d’œils inquiets à Celestia.

 

_Nooooon, répondit la terrestre avec un sourire si appuyé qu'on aurait pu le prendre pour sincère. T'en fais pas chérie.

 

La condescendance du ton blessa Celestia qui répliqua sans même y penser :

 

_Parle pas à ma sœur sur ce ton-là.

 

Les sbires gloussèrent et Séraphine elle-même plissa le museau de façon amusée.

 

_Mais c'est qu'elle mordrait presque la grande sœur. Je t'ai connue plus silencieuse Cely, comme quand tu me faisais mes devoirs. Ou que tu me filais à manger. Ou à peu près n'importe quoi pour que je t'aie à la bonne.

 

Mettre des mots sur ses actes remplirent la bouche de Celestia d'amertume.

Mais elle ne voulait plus se laisser marcher sur les sabots sans réagir.

 

_Et qu'est-ce que tu veux Séra ?

 

_Discuter un peu avec la nouvelle princesse de Canterlot, lui cracha la ponette au visage avec un nuage de fumée après avoir fait quelques pas vers elle.

 

Séraphine tira un peu sur sa cigarette tandis que Celestia jetait un regard inquiet derrière elle, dans l'espoir que quelqu'un arrive, un professeur, un surveillant, n'importe qui ! Mais il n'y avait personne. La ponette avait bien préparé son piège.

 

_Tu sais Cely, dit-elle en passant un sabot dans sa crinière, quand on m'a dit que ton vieux allait devenir roi, franchement, j'y ai pas cru. Je veux dire... on parle bien de la famille de Cely, là, l'alicorne cheloue de l'école. Celle qui est arrivée un beau jour à Canterlot avec toute sa famille, venue de je sais pas où...

 

Celestia serra les sabots, luttant entre l'envie de se jeter sur Séraphine pour la frapper et celle de fuir à toutes jambes.

 

_Je t'apprendrais pas que pour être la star ici, poursuivit la ponette prune, j'ai beaucoup travaillé. Être populaire, c'est du travail. Lancer les modes, décider de ce qui est cool, de ce qui l'est pas... j'ai vraiment bossé pour être la numéro un.

 

Celestia se mordit la langue avant de répondre que la fortune de son père avait sûrement aidé son ascension sociale.

 

_Et puis finalement, je gagne ça, dit la terrestre en touchant du sabot sa cutie mark. Ma fête est prévue, tout s'organise et qu'est-ce que j'apprends ? Que Cely, celle qui me suivait à la trace comme un petit chien va devenir princesse ?

 

Elle eut un sourire mauvais.

 

_Ça se fait pas de me voler la vedette Cely.

 

Elle eut un geste du museau et les licornes qui l'accompagnaient utilisèrent leur magie en même temps. Celestia n'eut pas le temps de se concentrer pour parer cette double attaque et sentit ses muscles se raidir. Sans rien pouvoir y faire, ses pattes ployèrent sous son propre poids et elle glissa à terre. Elle avait la joue droite collée au sol et la drôle d'impression que tout était de côté.

 

_Tu te crois meilleure que moi parce que tu as des ailes et une corne, hein Cely ? demanda Séraphine en se rapprochant de l'adolescente immobilisée. Je vais t'apprendre quelque chose moi.

 

Elle secoua la tête, laissant tomber la cendre incandescente de sa cigarette sur le pelage de Celestia.

 

_T'es encore loin d'être la numéro un.

 

Elle accompagna sa phrase d'un coup de sabot en plein menton qui éclata la gencive de Celestia et remplit sa bouche d'un liquide métallique. Il fallait quelques secondes pour que l'alicorne comprenne que c'était son propre sang.

 

D'autres coups suivirent. Séraphine ne cherchait pas à vraiment blesser, juste à faire très mal. Elle frappa dans le ventre surtout, à trois reprises, voulant peut-être la faire vomir de force.

Le manège dura moins d'une minute mais Celestia eut l'impression qu'on la passait à tabac pendant des heures. Elle essaya de résister les premières secondes mais incapable de briser le sort qui la maintenait au sol, elle serra les dents et attendit la fin du déluge.

 

_Voilà, finit par déclarer Séraphine entre deux goulées d'air. J'espère que tu retiendras la leçon Cely. Personne. Au-dessus. De moi.

 

Elle marqua chaque mot de derniers coups de sabots et termina sa phrase en laissant tomber la cigarette à terre, qui alla rouler près de la joue de Celestia. L'adolescente pouvait sentir sa chaleur.

 

Celestia sentit que les licornes levaient le sort de maintien mais n'osa pas se remettre droite sur ses pattes. Séraphine la toisa de haut et eut un gloussement méprisant :

 

_En même temps, dit-elle en pointant de la patte la cuisse de Celestia, vous voyez ce qu'on va se récupérer comme princesse. Une gamine qui n'a même pas encore sa cutie mark. On va avoir droit à la Princesse Flanc-blanc.

 

Les deux licornes accompagnèrent Séraphine dans son rire avant de l'accompagner, physiquement cette fois, alors qu'elle faisait le tour de l'alicorne étendue pour rejoindre la cour.

 

_Si t'as un peu de cerveau Cely, tu la fermeras sur ce qui vient de se passer. Les princesses caftent pas, pas vrai ?

 

Dans un nouveau rire, Séraphine et ses sbires finirent par s'éloigner pour de bon. Celestia resta à terre, le museau tremblant, des larmes de rage coulant sans discontinuer hors de son corps.

 

Elle sentit une minuscule pression sur son flanc et tourna la tête pour voir Luna qui la regardait, l'air désolée.

 

_J'suis désolée Tia, s'excusa Luna, serrant sa peluche contre elle, mais elles avaient dit qu'elles feraient du mal à Monsieur Sîn si je te faisais pas venir près des toilettes mais je te jure que je savais pas que...

 

_Dégage...

 

_Mais je...

 

_DÉGAGE !

 

La voix royale traditionnelle de Canterlot sortit toute seule, si puissante qu'elle catapulta physiquement Luna en arrière. L'alicorne tomba sur les fesses, ravala un sanglot et s'en alla, la tête basse, sa peluche chauve-souris toujours contre elle, comme un bouclier.

 

Au loin, la cloche sonnait la reprise des cours.

 

¤¤¤

 

Quelques heures plus tard, alors que le soleil allait bientôt être couché par son père, Celestia avait trouvé refuge dans le seul endroit qui lui semblait être encore un abri. Le bassin asséché d'Evercon. Plus tôt dans la journée, elle s'était relevée, avait craché le sang qu'elle avait dans la bouche dans la cuvette des toilettes et avait fini la journée comme si de rien n'était, évitant toutefois de croiser le regard de Séraphine pour ne pas craquer.

Elle n'était même pas rentrée à la maison après les cours, encore trop furieuse contre Luna.

Elle avait traîné en ville dans ses coins habituels puis voyant qu'elle n'arrivait pas à se calmer, elle avait opté pour la forêt.

 

Discord s'était révélé une oreille des plus attentives du fond de son trou. Il avait laissé l'adolescente s'épancher de tout son saoul, lui tenant même un sabot de sa patte de lion quand elle se mettait à pleurer.

 

Il avait écouté sans parler, laissant Celestia dire ce qu'elle avait à dire. Puis au bout d'un long moment de silence :

 

_Celestia, dit-il d'un ton assuré, depuis le peu de temps où on se connaît, tu m'apprends à être ton ami mais là, c'est à mon tour de t'enseigner quelque chose.

 

_Qu'est-ce que tu veux m'apprendre ? demanda l'adolescente, passant un sabot sur son museau en guise de mouchoir de fortune.

 

_La vengeance.

 

Discord avait légèrement avancé la tête en prononçant sa phrase et un minuscule bout de son museau était visible, hors de l'obscurité. Pour la première fois, Celestia nota sa dent droite, extrêmement longue, qui sortait de sa bouche souriante.

 

Automatiquement, l'alicorne se mit à chercher à quoi est-ce qu'elle pourrait comparer ce croc.

 

Un poignard fut la première réponse qu'elle trouva.

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fredericdu2375
fredericdu2375 : #35893
moi j'aurait été celestia ca aurait été direct je lui balance le sort le plus puissant que je connais
Il y a 2 ans · Répondre

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