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Le dernier sortilège

Une fiction écrite par Acylius.

LDS - Chapitre 19

Rarity était plongée dans les ténèbres de son rêve. De vagues sons résonnaient à ses oreilles, tels les échos de la nuit. Elle n’y prêta pas attention et se laissa un peu plus sombrer dans le confort de son sommeil. Cependant, un bruissement persistant s’élevait toujours par dessus sa torpeur. Un concert discret de cliquetis et de grincements, qui refusait de laisser son ouïe en paix.

La licorne ouvrit soudainement les yeux. Ce n’était pas un rêve ; ce crissement grouillant s’élevait bel et bien auprès d’elle, par dessus le faible ruminement des yacks et la respiration paisible d’Applejack, endormie à côté d’elle. Il était accompagné d’un bourdonnement aigu qui s’élevait dans le lointain, hors de la caverne. Elle scruta des yeux les ténèbres de la grotte, sans rien discerner d’autre que le noir de la nuit. Elle sentit alors quelque chose se poser avec douceur sur son encolure. Elle retint un cri en reconnaissant la silhouette d’Ulrich, penchée sur elle, ses cornes et son museau épais se découpant dans la noirceur.

- Réveillez-vous, Mlle Rarity, murmura-t-il, nerveux. Quelque chose approche.

La licorne blanche tendit l’oreille. Le cliquetis était toujours là, de plus en plus près. Elle se leva en silence et se pencha à son tour pour réveiller Applejack. Quand elle lui toucha l’épaule, la fermière se contenta de se retourner en soupirant, sans se réveiller. Rarity la secoua un peu plus fort, jusqu’à ce que la terrestre ouvre les yeux.

- Qu’est-ce qui… commença-t-elle à voix haute.

Rarity lui pressa le sabot contre la bouche pour la faire taire.

- Quelque chose approche, dehors, souffla-t-elle, de plus en plus inquiète. Tu entends ça ?

Applejack tendit à son tour l’oreille. Quand elle reconnut à son tour le bruit, ses yeux s’écarquillèrent.

- Ça ne peut pas être…

Avant qu’elle n’ait pu finir sa phrase, un des yacks se leva en mugissant, immédiatement imité par son congénère. Quelque chose était en train d’entrer dans la caverne. De nombreuses petites silhouettes grouillantes filaient le long de la paroi en cliquetant, tels des insectes. Les deux ponettes et le vieux bouquetin se pressèrent contre le mur du fond, terrifiés.

- Mais qu’est-ce que c’est ?! articula Ulrich, blême de peur.

Rarity et Applejack le savaient, mais aucune ne parvint à ouvrir la bouche pour répondre.

Une multitude d’yeux sans pupilles s’allumèrent en même temps, luisant d’un vert blafard dans la noirceur de la grotte. Les deux yacks mugirent de plus belle, affolés, mais leurs cris furent bientôt couverts par le frétillement grouillant des créatures. Aussi soudainement que les yeux s’étaient allumés, de nombreuses lueurs s’embrasèrent à l’unisson, éclairant les parois de pierre et les visages terrifiés des trois fugitifs serrés les uns contre les autres.

Plus d’une vingtaine de changelins leurs faisaient face, leurs cornes noires et atrophiées illuminant la grotte. Ils se tenaient regroupés devant l’entrée et le long des murs adjacents, empêchant toute tentative de fuite.

Pendant de longues secondes, les deux groupes se firent face en silence. Un des changelins, légèrement plus grand que les autres, finit par s’avancer d’un pas. Aussitôt, un des yacks bondit en rugissant au devant des ponettes et du bouquetin, comme pour les protéger. Les créatures noires frémirent mais ne bougèrent pas. Le concert de frétillements et de cliquetis reprit. Celui qui s’était avancé resta immobile, ses yeux sans pupilles braqués sur les deux juments. De longues secondes s’écoulèrent à nouveau sans que personne ne fasse un mouvement. Peu à peu, Applejack se décrispa.

- Qu’est-ce qu’ils nous veulent ? murmura-t-elle autant pour elle-même que pour ses deux compagnons, toujours tétanisés.

Comme s’il l’avait entendue, le changelin qui s’était avancé fit un nouveau pas en avant, ses yeux fixés sur elle. Derrière lui, le bruissement de ses congénères se poursuivit sans faiblir.

- Qu’est-ce que vous nous voulez ? répéta Applejack d’une voix forte.

Le chef de l’essaim fit vrombir ses ailes et claqua des dents comme s’il eut s’agit de mandibules d’insecte.

- Ils ne peuvent pas parler, fit Ulrich en se décrispant à son tour.

Applejack fronça les sourcils. À part leur reine, elle n’avait jamais entendu un changelin émettre d’autres son que des bruits d’insecte. Elle hésita une seconde puis fit à son tour un pas en avant, sans détourner le regard. L’autre resta un instant immobile puis, subitement, une aura de flammes vertes surgit autour de lui. L’espace d’un battement de cils, il se métamorphosa et prit l’apparence d’un pégase châtain à la crinière tombante. Applejack plissa les yeux pour discerner de qui il s’agissait, mais ce n’était pas un poney qu’elle connaissait.

Dans de nouvelles bouffées de flammes, d’autres changelins prirent à leur tour forme équestre. La plupart se transformaient en pégases. Applejack en reconnut certains qu’elle avait croisés dans le camps de réfugiés de l’Empire de Cristal, avant le départ de l’expédition. Le grand changelin transformé en pégase détourna le regard pour croiser celui de Rarity, qui frémit. Un nouveau cercle de feu aux reflets d’émeraude surgit et, en un clin d’oeil, il pris l’apparence d’un autre poney, cette fois une jument au pelage argenté.

Applejack se tourna vers sa compagne.

- Je pense qu’ils ne nous veulent pas de mal. Ils essaient de nous dire quelque chose.

Le changelin en face d’elles hocha vivement la tête, comme pour approuver. Dans un nouveau éclat vert, il changea une troisième fois d’apparence.

- Rainbow ! lancèrent à l’unisson les deux ponettes.

- Ils savent où sont Rainbow Dash et les autres ! continua Applejack en se redressant. Il faut qu’on aille avec eux !

Rarity se releva à son tour, les sourcils froncés. En face, le changelin avait retrouvé son corps d’insecte. Le cliquetis se renforça, comme si le groupe entier était en pleine conversation.

Soudain, sans prévenir, une dizaine d’entre eux bondirent en avant, battant l’air de leurs ailes pour fondre sur la terrestre. Avant qu’elle ait pu faire un mouvement, ils la saisirent pas les pattes et la queue et la soulevèrent sans ménagements. La fermière hurla d’horreur.

- Applejack ! cria Rarity d’une voix perçante.

Immédiatement, d’autres créatures filèrent sur elle. Malgré ses ruades, ils s'emparèrent d’elle et la soulevèrent à son tour dans les airs avant de se diriger vers la sortie. Affolé, un des yacks chargea et heurta de plein fouet plusieurs changelins, qu’il expédia avec force contre les parois de pierre.

- Non ! cria Ulrich en se précipitant devant lui pour le calmer.

En une fraction de secondes, les créatures restantes fondirent sur lui et le saisirent par les pattes et les cornes. Au milieu des beuglements de panique des deux bovins, les êtres aux carapaces luisantes filèrent à l’air libre telles des ombres dans la nuit et s’envolèrent au dessus des alpages, emportant leurs captifs avec eux.

 

Après un vol dont Rarity n’aurait pu estimer la durée, les changelins descendirent enfin vers le sol et la déposèrent avec douceur sur l’herbe. La licorne blanche s’affale à terre, épuisée. Ses membres la lançaient et sa gorge était en feu à force d’avoir crié alors que les créatures au corps d’insectes la portaient au dessus des montagnes, dans les ténèbres de la nuit. Applejack et Ulrich s’affalèrent à leur tour près d’elle. Après avoir repris ses esprits, la licorne leva la tête pour observer les lieux.

Ils se trouvaient dans une clairière au milieu des bois de pins qui recouvraient les pentes des montagnes. La végétation était éclairée par l’éclat blafard de la Lune, dont les rayons perçaient à présent le voile de nuages qui avait masqué le ciel pendant toute la journée. Une cinquantaine de changelins les entouraient, leurs yeux verdâtres brillant dans la pénombre. Rarity frémit et se pressa contre Applejack, qu’elle sentit trembler à son tour à ses côtés.

- C’était un piège, gémit-elle, désespérée. Ils vont nous dévorer…

- Applejack ! Rarity !

Avant que les deux ponettes n’aient pu tourner la tête dans la direction d’où avait jailli ce cri salvateur, une forme bleue se rua sur elles pour les enlacer de toutes ses forces. Quand elle les relâcha, les deux amies écarquillèrent les yeux. Rainbow Dash se tenait fièrement devant elles, l’oeil brillant.

- Rainbow ?! parvint à articuler Applejack. Mais, que… comment c’est possible ?

- C’est encore un piège ! cria Rarity en bondissant loin d’elle.

Autour d’eux, les changelins réunis en cercle restèrent immobiles, observant les retrouvailles.

- T’inquiète, Rarity, fit la voltigeuse en déployant ses ailes. Si ça n’était pas moi, est-ce que je pourrais faire ça ?

Dans une bourrasque, elle s’éleva comme un boulet de canon et se lança dans une série de vrilles et de tonneaux que seule leur amie à plumes aurait été capable d’effectuer. Elle se laissa ensuite retomber avec souplesse juste en face d’elles, l’air satisfaite.

- Alors, convaincue ?

Les deux ponettes clignèrent des yeux puis se laissèrent tomber avec émotion dans les bras de leur camarade.

- Mais comment est-ce que tu t’es retrouvée ici, avec eux ? fit Rarity en désignant les changelins, qui les observaient toujours en cliquetant. Et où est-ce qu’on est, d’abord ?

Avant que Rainbow ne réponde, d’autres poneys, tous des pégases, émergèrent d’entre les arbres, à la lueur de la Lune. À leur tête se tenait Spitfire, qui s’avança jusqu’à leur hauteur.

- C’est une longue histoire, fit la capitaine des Wonderbolts. Mais il ne faut pas vous inquiéter pour les changelins. Ils n’ont pas l’air de nous vouloir de mal.

Elle tourna la tête vers le cercle de créatures qui les entourait toujours. En promenant son regard, elle posa les yeux sur Ulrich, toujours prostré au sol.

- C’est qui, lui ? lança-t-elle en fronçant les sourcils, aussitôt imitée par Rainbow Dash et les autres. Qu’est-ce qu’il fait ici ?

- Il est avec nous, s'empressa Applejack en s’avançant vers le vieux bouquetin pour le soutenir tandis qu’il se relevait. Il nous a aidé à nous échapper de Caprésia.

Rainbow Dash et Spitfire tournèrent la tête l’une vers l’autre. La pégase bleue hocha en silence.

- J’ai l’impression que nous avons toutes des choses à nous raconter.

Elle fit signe aux autres de les suivre et s’en retourna vers le couvert des arbres.

 

Une bonne vingtaine de pégases se tenaient en cercle parmi les arbres. Autour d’eux, dans l'obscurité, les yeux sans pupilles des changelins les observaient toujours.

- Après le crash dans la vallée, les caprésiens sont arrivés et ont fait prisonnier tous ceux qu’ils ont pu attraper, raconta Rainbow Dash. Nous avons pu nous cacher, mais…

Elle fronça le museau, comme assaillie par un souvenir désagréable. Un frisson collectif parcourut les poneys rassemblés.

- Plus personne n’était capable de voler, continua Spitfire. Quand cette chose est arrivée sur nous, nous nous sommes tous retrouvés cloués au sol. Certains ont réussi à planer pour atterrir en catastrophe, mais impossible de redécoller. C’était comme si toute notre force avait été aspirée hors de nous.

- Et ce n’est pas tout, renchérit Rainbow Dash. Les licornes ont d’un seul coup perdu tous leurs pouvoirs, exactement comme quand les caprésiens ont attaqué Poneyville et l’Empire avec leur poison. Même les terrestres ont dit qu’ils l’avaient senti.

Rarity se tourna et croisa le regard d’Applejack. Ainsi, l’onde ne s’était pas abattu que sur elles, elle avait également déferlé sur tout le pays, affectant chaque race équestre. La jument blanche se souvenait d’avoir entendu Twilight expliquer que c’était la part de magie qu’ils avaient en eux qui permettait aux pégases de s’élever dans les airs. Sans elle, leurs ailes seules ne leur auraient pas permis de décoller. Aujourd’hui, tous en avaient la preuve.

- Il a fallu attendre des heures avant de pouvoir décoller à nouveau, grogna Rainbow Dash. Pendant ce temps-là, les boucs ont embarqué les prisonniers dans leur dirigeable et ont mis les voiles avec eux. On a essayé de les suivre, mais on n’arrivait pas encore à voler assez vite pour le rattraper et on a fini par se perdre. C’est là qu’on est tombé sur eux, fit-elle en désignant du coin de l’oeil les silhouettes insectoïdes tapies entre les troncs. On ne comprenait rien à ce qu’ils disaient, mais on a vite compris que ce n’était pas après nous qu’ils en avaient. Ils avaient l’air d’explorer les environs, comme s’ils cherchaient quelque chose. Comme on ne savait pas où aller et que la nuit tombait, on les a suivis et ils nous ont amenés jusqu’ici.

- Ça a l’air d’être leur point de ralliement, reprit Spitfire. D’autres les attendaient déjà. Quand nous sommes arrivés, ils sont repartis, et ce sont eux qui vous ont ramenés.

- Et vous, qu’est-ce qui vous est arrivées ? les pressa Rainbow. Et où est Twilight ? Et Célestia ? Vous êtes arrivées à la délivrer ?

Applejack et rarity baissèrent tristement le museau.

- Célestia n’était pas là, fit piteusement Applejack. Elle est enfermée dans une mine, là d’où les caprésiens extraient leur poussière. Twilight s’est envolée pour aller la retrouver, mais on ne sait pas si elle y est arrivée.

En face d’elle, les deux pégases écarquillèrent les yeux.

- Nous sommes parvenues à fuir la citadelle, continua Rarity. Nous nous sommes mis en route vers la mine, mais les changelins nous ont trouvés cette nuit pendant que nous dormions et ils nous ont amenés ici sans rien nous demander.

Elle tourna la tête vers Applejack, qui soutint son regard. Mieux valait passer sous silence l’épisode de l’amulette.

- Et les autres poneys de l’expédition ? finit-elle par demander, inquiète. Et Shining Armor ? Et Spike ?

Rainbow baissa à son tour le museau.

- Les caprésiens ont dû les embarquer aussi. On ne sait pas où ils les ont emmenés.

- À la mine, avec les autres licornes prisonnières, fit Ulrich derrière eux.

Tous se tournèrent vers le bouquetin gris, surpris de l’entendre parler.

- Le dirigeable est passé au dessus de nous cet après-midi. Namar veut rassembler toutes les licornes et les alicornes qu’il peut pour ses expériences sur l’antimagie. Il a déjà utilisé Célestia pour lancer la première phase du contre-sort. Si la Princesse Sparkle est également prisonnière là-bas, il ne tardera sans doutes pas à se servir d’elle pour la phase suivante.

Alors que tous l’écoutaient en silence, il tourna la tête vers les changelins, toujours tapis dans l’obscurité.

- Eux aussi ont dû en ressentir les effets. Si ce sont des créatures magiques, alors le contre-sort a dû également les priver de leurs pouvoirs pendant quelques heures. C’est pour ça qu’ils sont ici. Ils cherchent l’épicentre, là d’où la vague est partie.

À ces mots, l’essaim caché dans les ombres cliqueta et vrombit avec force, comme pour approuver. Rainbow Dash tourna la tête vers eux puis à nouveau vers le vieux bouquetin.

- Mais alors, ils cherchent la même chose que nous !

Elle se mit sur ses pattes et s’avança vers le cercle des créatures insectoïdes.

- Il faut attaquer maintenant, tant qu’on le peux ! Dites-nous où est cette mine, continua-t-elle en se tournant vers Ulrich, et on pourra foncer dessus dès l’aube !

Alors que la voltigeuses s'enthousiasmait, les cliquetis reprirent avec force. Cette fois, cependant, ils étaient clairement hostiles. Devant le regard étonné que leur lança la pégase bleue, un des changelins, le chef du groupe qui avait ramenés Applejack, Rarity et Ulrich, s’avança en vrombissant. Il s’envola, décrivit une série de cercles rapides dans les airs avant d’atterrir là d’où il était parti.

- On dirait qu’ils ne sont pas d’accord, fit Applejack en s’avançant à sont tour. Mais pourquoi ?

- Ils attendent sans doutes quelque chose, fit Ulrich. Peut-être des renforts.

- C’est ça ! jubila Rainbow Dash. Des renforts !

- Tu ne penses pas qu’on va s’allier à eux, quand même ?! lança Rarity, scandalisée. Tu te rappelle ce qui s’est passé, la dernière fois qu’on les a croisés ?

Alors qu’elle finissait sa phrase, quatre changelins avait décollé et filaient déjà comme des flèches dans la nuit.

- Non ! lança la licorne en ruant. Revenez ici !

Mais le quatuor bourdonnant était déjà loin, hors d’atteinte de ses cris. La jument à la crinière mauve baissa la tête. Applejack en profita pour s’avancer.

- De toute façon, pour l’instant, on n’a rien d’autre à faire qu’attendre, fit-elle à l’assemblée. Autant en profiter pour se reposer.

Les poneys réunis approuvèrent. Déjà, certains cherchaient un endroit au creux des racines où se coucher pour le reste de la nuit. Alors que le murmure des conversations s’atténuait, Applejack s’approcha de la licorne.

- On a réussi à s’échapper, on a retrouvé Rainbow et on sait où sont les autres, fit-elle avec douceur. Ça pourrait être bien pire. Arrêtons de nous en faire pour aujourd’hui et prenons un peu de repos tant qu’on le peut, d’accord ?

Rarity croisa son regard et approuva avec tristesse.

- Tellement de choses se passent, souffla-t-elle. Parfois, j’ai l’impression qu’on n’en arrivera jamais au bout.

- T’en fais pas, fit la fermière avec un petit sourire. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Rarity se força à sourire à son tour avant de suivre Applejack entre les arbres, à la recherche d’un coin où poursuivre sa nuit. Tout autour, les formes sombres des changelins se fondaient dans les ombres, leurs yeux s'éteignant les uns après les autres dans le noir.

 

Au même moment, après une journée entière d’inconscience, Twilight revenait lentement à elle. Le blizzard avait cessé de rugir, remplacé par un silence assourdi. La neige et la glace avaient laissé place à un sol dur et tiède, qu’elle sentait sous son ventre et ses pattes repliées. Dans son dos, quelque chose de doux et chaud était blotti, qui s’abaissait et se soulevait avec douceur au rythme d’une lente respiration. La jeune alicorne retrouva peu à peu conscience, puis ouvrit lentement les yeux.

Elle n’était plus perdue dans la tempête. Elle se trouvait à présent dans une pièce aux murs de pierre grossiers, creusée dans le roc. Du coin de l’oeil, elle devina une rangée de barreaux, entre lesquels diffusait la faible lueur d’un brasero. La partie supérieure de son champs de vision était occupée par de longues extrémités blanche, comme le bord d’un aile qui lui aurait servie de couverture. Elle sentit la forme chaude derrière elle bouger. Elle tourna le tête, les yeux déjà humides.

Célestia était elle aussi allongée, Twilight blottie contre son flanc. La grande alicorne avait étendue une de ses ailes pour en recouvrir son ancienne élève, telle une mère protégeant son enfant du froid. Elle ne portait plus ni couronne ni ornements et sa crinière, inerte et terne, lui retombait lourdement sur l'encolure. Son visage amaigri était marqué par la fatigue, cependant elle souriait tendrement, ses yeux ornés de cernes posés sur son apprentie.

Twilight cligna des yeux pour s’assurer que ce qu’elle voyait était bien réel, puis se pressa avec émotion contre le doux pelage de son aînée.

- Princesse…

Les sanglots qui lui serraient la gorge l’empêchèrent de prononcer un mot de plus. Elle se laissa aller à l’émotion et étreignit son aînée aussi fort qu’elle le put.

- Je suis désolée, souffla-t-elle. J’ai vraiment tout raté. Vous m’avez fait confiance, et moi j’ai...

Célestia replia son long cou et pressa son visage contre le sien.

- Tu n’as rien à te reprocher, Twilight, murmura-t-elle d’une voix faible. Je suis certaine que tu as fait tout ce que tu pouvais. Personne ne pourrait t’en vouloir.

Twilight se pressa encore un peu plus contre elle.

- Vous m’avez tellement manquée, fit-elle, la voix tremblante. J’étais morte d’inquiétude. Je savais qu’ils vous gardaient prisonnière, que quelque chose d’horrible se préparait, et qu’il fallait que je vienne à votre secours. Je vous avait vue en rêve, vous m’appeliez à l’aide…

- Calme-toi, Twilight, l’interrompit Célestia avec douceur. Moi aussi, j’ai eu terriblement peur pour toi. Mais nous sommes ensemble, à présent, et je ne laisserai plus rien t’arriver. Tout se passera bien.

Twilight frissonna. Tout se passera bien. C’était exactement ce qu’elle lui avait dit au matin de son départ de mission, il y avait de cela une éternité. Twilight prit soudain conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait.

- Mais nous somme prisonnières ! fit-elle en se levant. Qu’est-ce que nous allons faire ?!

Elle sentait encore les effets de l'onde qui s’était abattue sur elle. Cependant, il lui semblait que l’air et la roche eux-mêmes continuaient d’absorber son pouvoir. Elle s’avança vers un des murs et passa son sabot contre la paroi taillée dans le roc.

- Nous sommes dans la mine d’où ils extraient leurs pierres, souffla l’alicorne. Cette montagne entière absorbe la magie. Nous ne pouvons rien faire.

L’alicorne blanche se leva avec peine et s’appuyant sur le mur, la tête basse, les pattes tremblantes, comme si elle n’avait plus la force de se tenir debout. Twilight se précipita et se pressa contre son épaule pour la soutenir. La crinière délavée de la grande alicorne avait perdu la magie qui l’animait et aucun éclat ni aucune étincelle n’entourait plus sa corne. Dans l’esprit de Twilight, l’image de Trixie mourante dans sa cellule revint tel un éclair en plein orage.

- Princesse, que vous ont-ils fait ? finit-elle par demander, pleine d’angoisse et d’horreur.

- Rien que nous aurions pu éviter, répondit une voix rocailleuse et tranchante derrière eux.

Les deux alicornes se retournèrent. De l’autre côté des barreaux, deux grandes cornes dépassaient dans le couloir. Namar se tenait contre le mur, immobile dans les ombres, les anneaux d’or autour de ses cornes reflétant la lumière du brasero. Twilight n’aurait pu dire depuis combien de temps il les écoutait.

- Vous ! cria-t-elle en se précipitant contre les barreaux, soudain emplie de colère.

Le vieux monarque ne bougea pas d’un pouce.

- Vous avez énormément de chance qu’on vous ait retrouvée à temps, Mlle Sparkle, fit-il sans le moindre sourire. En pleine nuit dans le blizzard, vous seriez morte de froid en quelques heures. Et c’est autant une chance pour nous que pour vous.

Célestia posa avec douceur son sabot sur l’épaule de son élève.

- Vous le lui ferez rien, Namar, trancha-t-elle avec dureté malgré la faiblesse de sa voix, ses yeux braqués dans les siens. Épuisez-moi jusqu’à la mort s’il le faut, mais ne vous en prenez pas à elle.

- Je ne souhaite la mort de personne, fit gravement le souverain. Tout dépend de vous.

Sur un imperceptible signe de tête, deux gardes s'avancèrent, encadrant une petite silhouette qui avançait tête baissée. Le premier ouvrit la porte de la cellule juste assez longtemps pour que le second pousse la petite créature à l’intérieur.

- Spike !

Twilight se précipita pour prendre son cher assistant dans ses pattes.

- Je suis désolé, Twilight… fit-il en retenant ses larmes.

- Non, c’est moi qui suis désolée, répondit-elle en l’étreignant de plus belle. Je n’aurais jamais dû te laisser partir seul.

- Trêve de sentiments, les coupa Namar en se tournant vers Célestia. Vous avez perdu et il est temps pour les vôtres d’abandonner la lutte. Vous allez écrire un message aux autres princesses pour leur dire de se rendre ici afin d’y déposer définitivement les armes.

- Luna n’acceptera jamais de se rendre, trancha Célestia en soutenant son regard.

- À vous de trouver les mots pour l’en convaincre, répondit le souverain sans sourciller. Si elles ne le font pas, je n’aurais d’autre choix que d’utiliser les ressources à ma disposition pour la phase suivante du contre-sort, malgré tous les risques que cela comportera.

Il continua à fixer Célestia en prenant soin de ne pas détourner le regard vers Twilight. La grande alicorne frémit.

- Vous n’oserez pas, gronda-t-elle à mi-voix.

- Ne pas oser est un luxe que je ne peux plus m’offrir, désormais.

Un des gardes revint vers eux et glissa par en dessous des barreaux plusieurs feuilles de parchemin ainsi qu’une plume et un encrier.

- Je vous conseille de vous appliquer. Quand vous aurez rédigé votre message, nous emmènerons votre cher messager hors de la mine pour qu’il l’envoie vers ses destinataires.

Son regard noir se posa alors enfin sur Twilight et Spike, toujours blottis l’un contre l’autre. Tous deux frissonnèrent. Sans plus de paroles, le vieux monarque se retourna et s’éloigna dans le couloir obscur, suivi par les gardes.

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peposims55
peposims55 : #3929
Super chapitre! J'ai faillie pleurer aux retrouvailles de Twili et Celestia, c'était tellement émouvant! Encore merci pour cette magnifique fiction!
Il y a 4 ans · Répondre

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