Carmen était rentrée la dernière dans le carrosse. Je voyais encore son regard fatigué et larmoyant en me répétant que c’était uniquement ma faute. Ils n’étaient pas blessés, mais la peur que cela avait provoquée en elle la changerait à jamais. Carmen n’était pas un monstre, elle n’était qu’une innocente comme tous les poneys que je protégeais. C’était ridicule de ma part de croire que lui rendre son mariage allait être suffisant pour payer la dette que j’avais envers eux.
Je l’avais vu dans tout son corps, quand elle ferma la porte du carrosse, elle m’en voulait, elle savait que j’étais la responsable de tout cela. C’était mon amie, et elle me détestait désormais. Chrysalis avait fini par sortir pour me dire le contraire. Je ne m’étais pas attendue à ce que ça soit elle qui vienne me voir, mais je fus pourtant rassurée de la voir. Son déguisement ne la changeait pratiquement pas, et je ne pouvais jamais m’empêcher de l’apprécier.
À peu près tout le service d’inspecteur nous avait vus en train de nous accoler. Mais cela ne faisait aucune importance pour moi, Chrysalis avait ensuite expliqué que je n’étais plus en état de ressentir de la honte, à cause de ma culpabilité, et que je devais faire le vide avant de faire quoi que ce soit d’autre. Ce fut la raison pour laquelle elle m’offrit une cigarette. Je ne compris pas ce geste au départ, pas tentée le moins du monde par ça. Pourtant, la matriarche m’y obligea, prétextant qu’elle ne ferait rien pour Carmen si je ne fumais pas. Donc, sans attendre davantage, elle l’alluma et en prit une pour elle.
« Tu veux que je t’avoue, ma chérie ? Je déteste fumer seule, et je me suis retenu pendant qu’on était dans le carrosse parce que je ne voulais pas te déranger…
-Ah… Ah bon ? » Demandais-je un peu surprise d’une telle révélation de sa part.
« Pour n’importe qui d’autre, j’aurais déjà été en train de l’enfumer jusqu’à ce que ses yeux brûlent, mais toi… Tu as bien trop de valeur pour moi.
-Tu sais… Ce n’est pas vraiment important, j’aurais supporté que tu fasses ça la fenêtre ouverte. » La rassurais-je en toussant après avoir tiré sur ma cigarette.
« Je sais que ce n’est pas important ma chérie ! » S’énerva-t-elle en agitant son sabot. « Ce que je veux te dire, c’est que toutes ces choses qui n’ont aucune importance, le sont devenues à mes yeux depuis que tu es lié à ma ruche. »
Je vis ses yeux verts briller dans le noir, était-elle en colère ? Pourtant j’étais certaine d’avoir été la plus agréable avec elle.
« J-J’ai du mal à te comprendre Chrysalis… Et tu me fais un peu peur là.
-Je sais ! » Dit-elle sèchement. « C’est toujours ta peur qui est la responsable. Je connais les sentiments, je sais comment ils parlent. »
Je fronçais les sourcils sans comprendre, essayant de terminer la cigarette qui semblait n’en jamais finir.
« Peu importe ! » Lâcha-t-elle alors en secouant la tête. « Parlons plutôt de ce que tu vas faire une fois que je serai partie.
-Attention Chrysalis. » Chuchotais-je. « La dernière fois que tu as cherché à jouer l’espionne avec moi, tu as perdu le contrôle, alors je te conseille de t’arrêter là vu le nombre de témoins. »
La changeline se mit à glousser en croisant les sabots.
« Tu crois que ce sont quelques poneys qui vont m’empêcher de te toucher ? Tu n’es à l’abri de moi que par mon bon vouloir.
-Oh, parce que tu crois que je n’hésiterais pas à attaquer la première ? » Lâchais-je en serrant les dents, faisant tomber ma cigarette. « Merde !
-Regardez ça, ça fume pour la première fois et ça se prend déjà pour une grande fille.
-Hey, j’ai déjà fumé une fois… Y a longtemps et une autre fois chez toi… avec Chicha. » Me justifiais-je en ramassant mon tabac au sol.
« Même Chicha a dit que tu ne savais pas fumer. » Dit-elle avant de se mettre à rire. Je ne pus moi-même pas empêcher un sourire d’étirer mes lèvres. Chrysalis soupira alors en posant un sabot sur mon encolure qui remonta le long de ma mâchoire. « Tu vas mieux ?
-Déjà un peu. » Répondis-je en jetant le mégot.
« Cadance… » Dit-elle sur un ton plus grave. « Je sais que tu t’en veux pour tes amis… Mais je pense que tu devrais rentrer avec nous.
-Tu as des espions partout, alors tu pourras toujours veiller sur moi.
-Justement non. Je n’ai qu’un pouvoir de vision ici, personne n’agira pour moi. »
Elle était inquiète, je le sentais. Ça avait un goût étrange, amer, mais avec un parfum d’abricot. Je secouai rapidement la tête avant de me gratter la crinière.
« J-je crois que c’est mieux ainsi, Chrysalis. Je n’en sais toujours pas plus sur le responsable, j’ai envie d’un peu de temps pour réfléchir. Et puis, je sais me défendre, quoiqu’il arrive, je ne voudrais pas que quelqu’un d’autre prenne des risques pour moi.
-Tu n’es qu’une imbécile. » Fit la changeline avant de poser son autre sabot sur moi pour me tirer contre elle.
« C-Chrysalis… je crois qu’ils commencent à t’attendre, tu devrais y aller. » Je sentis mon coeur battre à vive allure alors que mon oreille était pressée contre le poitrail de la matriarche. Elle aussi n’allait pas bien, je ne savais pas encore pourquoi, mais il était certain qu’elle ne me disait pas tout.
« D’accord. Et fais attention à toi. Maman ne peut pas toujours être là pour toi ! » Lâcha-t-elle sur un ton plus dur.
« J’ai pas besoin de toi, sale cafard ! » rétorquais-je sans pouvoir cacher un léger sourire. C’était notre manière de nous rassurer, nous répondre comme on le faisait avant, quand nous nous détestions tout simplement.
Je ne voulais avoir de dette envers personne… quitte à choisir d’y perdre la vie.
Je restai encore un moment immobile une fois que le carrosse fut parti. il ne restait plus que quelques membres de l’équipe d’inspecteur, ainsi que Macstar. Ce dernier revint vers moi la mine fatiguée.
« Marshall, vous pouvez me dire pourquoi vous êtes encore là ?
-Je ne voulais pas rentrer tout de suite.
-Ah, je comprends. » Dit-il en s'asseyant à côté de moi. « Ce travail, si on ne le quitte pas, il finit par nous rendre fous. On en perd le sommeil, on ne comprend plus personne autour de nous… Au final, vous êtes comme nous.
-Comment ça ? » Demandais-je sans même tourner le regard vers lui, plus concentrée sur le tas de cendre et de pierres noircies.
« Vous avez des ailes et une corne, vous vous trimballez avec une chauve-souris dans la crinière et vous semblez être la dernière au courant, vous disposez d’un rôle que personne ne comprend et qui pourtant dispose d’énormément de pouvoir. Je me doute que vous nous cachez des choses Marshall, mais je vois, depuis quelques jours que vous n’êtes pas si différente de nous.
-Je n’ai jamais prétendu le contraire.
-Et vous pouvez m’affirmer que vous êtes comme moi ou un autre poney ? »
Je restai silencieuse. L’idée aurait été de lui mentir et de simplement dire « oui », mais j’étais trop fatiguée, trop en colère pour pouvoir éviter ce genre de manipulation.
« Quelle importance, vous venez de dire que je n’étais pas différente de vous, c’est que c’est vrai, d’une manière ou d’une autre.
-Peut-être que j’ai encore des doutes. » Dit-il sur un ton plus sévère.
« Et peut-être que c’est moi qui suis tout à fait normale et vous qui êtes différent des autres. » Rétorquais-je sur le même ton.
« Je crois que je ne passe pas une nuit sans me poser cette question. »
J’étirai un léger sourire avant de pouffer.
« Ne vous inquiétez pas, vous êtes tout ce qu’il y a de plus normal… à part que vous êtes un vieux con. C’est normal de se poser cette question.
-Et vous vous n’êtes qu’une perte de temps que je m’efforce d’accepter dans mon boulot. »
Aucun de nous ne voulait croiser le regard de l’autre, se contentant d’observer le vide en restant plongé dans nos pensées.
« Vous savez que vous avez trop besoin de moi. » Fis-je d’un sourire las.
« J’ai besoin de qui que ce soit prêt à faire respecter la loi et veiller à ce qu’elle le soit toujours. Même pour ça j’ai des doutes vis-à-vis de vous, mais je suis sûr que vous restez un moindre mal comparé à toutes ses affaires que vous classez sans même que je ne reçoive la moindre information.
-Je règle des dossiers sans que vous ayez à vous en charger et vous me traitez comme si j’étais un monstre… » Je ne m’attendais pas à ce que ce soit un être de ce monde qui me fasse ce genre de remarque…
« Nous ne craignons que l’invisible. Ce que l’on ne peut décrire ni ressentir.
-Et vous croyez qu’en connaissant l’identité du responsable, vous dormirez mieux la nuit ?
-J’aimerais déjà savoir qui vous êtes. »
Je fermai les yeux un instant, je n’allais absolument rien lui dire. Macstar était de la vieille école, même si j’étais honnête avec lui, il n’en comprendrait pas la moitié. Les règles étaient simples, ne rien dire à personne. Et même si j’avais pu en parler à Flashlight, c’était uniquement parce que j’avais besoin de son aide, qu’il n’allait rien répéter à personne et qu’il comprendrait en bonne partie ce que j’allais lui dire.
« Une alliée. À partir de là, qu’est-ce que vous devez savoir de plus ?
-Je surveille mes arrières et tiens à l’oeil mes avants. » Puis, sans rien ajouter de plus, il se releva et quitta les lieux. C’était le dernier encore présent sur la scène du crime, désormais, je restai seule avec cet énorme tas de cendre sans savoir quoi faire.
J’aurais pu me mettre à fouiller les décombres, mais en marchant entre les débris, je compris que ça n’aurait été qu’une perte de temps. Des braises et du bois humide, du métal encore bouillant, et des morceaux de tissus et papiers cramoisis. Je sentis les larmes me monter aux yeux en repensant à Carmen, et il était trop tard pour réparer les choses. Je pris alors une profonde inspiration, tentant de me calmer pour éviter de me remettre à faire des angoisses. J’en avais déjà fait une devant Chrysalis, ce n’était pas comme si ça avait pu être pire.
« Qu’est-ce que je peux faire maintenant ? » Maugréais-je en soupirant pendant que mon corps se mettait à trembler. J’avais l’impression d’être épuisée, rentrer chez moi était mon seul désir, pourtant, je savais que je ne pouvais pas partir.
Quand j’étais partie voir Macstar, en parcourant les décombres la première fois, je ressentis les mêmes odeurs que dans les différents incendies que j’avais été constater. Le feu réduisait toutes traces magiques à néant, c’était le même effet qu’une soupe avec trop de poivre. Mais il y avait toujours une odeur qui persistait après les flammes, c’était l’odeur de la mort…
Je voulais en être sûre, cette trace avait toujours été présente sur chaque incendie. Pourtant, il n’y avait eu aucun mort ici. Cette odeur n’était pas normale, et n’avait rien à faire ici. C’était peut-être ma toute première piste, et j’avais décidé de la garder pour moi. Maintenant, j’étais effrayée et me demandai si je voulais encore vraiment en avoir le coeur net.
« C’est mon rôle de m’occuper de ça. » M’énervais-je en serrant les dents.
Mais qui j’allais trouver en face de moi ? De ça je n’étais plus sûre. Je pris une profonde inspiration par les naseaux cette fois-ci et ressentit chaque différence de parfum et de température. Il n’y avait toujours aucune trace de magie, le feu était toujours bien présent et rendait difficile ma prise d’air. Je fronçais les sourcils en me frottant les naseaux avant de recommencer à nouveau. L’odeur de la mort semblait toujours la même, ne changeant que d’intensité suivant le carnage, mais toujours la même. Pourtant, cette odeur que je sentais à l’heure actuelle semblait identique et différente à la fois.
Une odeur de mort, sans la moindre trace magique, il y avait néanmoins une autre trace dedans, comme quelque chose d’anormal, mais qui pourtant, se mariait parfaitement avec l’ensemble. Je n’avais jamais fait la différence jusqu’à présent, mais la nuit dernière, j’avais pu rencontrer quelqu’un avec ce même parfum. La pégase noire qui dansait sur scène à l’after-life. Son compagnon musicien et surtout elle avait exactement la même odeur.
Je me mis à froncer les sourcils en tentant de retenir ma colère pour me mettre à réfléchir sur cette nouvelle information. Pourquoi auraient-ils fait une chose pareille ? Et surtout, comment pourraient-ils faire une chose pareille sans être vus. Si la jument laissait une trace qui se mélangeait parfaitement à celle de la mort, cela ne justifiait en rien qu’elle puisse passer inaperçue dans Canterlot, surtout si elle ne s’animait qu’en entendant la musique de son compagnon. Ça devenait trop compliqué pour moi qui étais pourtant face à ma toute première trace. Je cherchais à trouver une explication logique, mais la colère était tellement présente en moi que je n’arrivais pas à justifier clairement ces actes. On ne faisait pas ce genre de chose pour le simple plaisir de tuer, excepté un véritable monstre, mais celui-ci ne serait pas aussi méthodique et discret si c’en était vraiment un.
Je repris une profonde inspiration, m’assurant de ne pas m’être trompée, puis pris de la distance avec le lieu du crime et repris une nouvelle bouffée d’air. La trace était toujours présente. Au début, j’aurais pu juger qu’elle s’était simplement accrochée à moi, ou encore, que le nombre de morts viciait l’air alentour, mais cette nuit, j’en avais le coeur net. C’était une trace unique et faible.
Je me mis alors en marche, cherchant à capter chaque once de ce parfum que je perdais et retrouvais en me déplaçant. La mort avait ceci de surprenant que son parfum pouvait rester des jours et des jours sans s’atténuer, pourtant, la piste que j’étais en train de suivre était extrêmement faible et il me fallait toute ma concentration pour pouvoir la capter. Elle était pourtant récente, j’en avais le coeur net désormais, j’étais véritablement en train de suivre ma seule et unique piste.
J’avais peur, mais plus encore, j’étais en colère. En colère pour avoir entraîné quelqu’un d’autre que moi dans cette histoire. C’était la raison pour laquelle je ne voulais pas avoir Chrysalis dans mes sabots. Certes elle aurait pu m’aider, mais on ne m’avait pas assigné le rôle de Marshall si c’était pour demander de l’aide à n’importe quel autre monstre venu. Je représentais l’ordre et l’équilibre entre les mondes, j’étais le juge et le bourreau face à ces créatures lorsqu’elles avaient dépassé les limites. Et bien que je ne connaissais pas encore l’identité du coupable, il était condamné d’avance.
Suivant toujours la trace d’un pas lent, je remarquai très vite que celle-ci m’entraînait en dehors du centre-ville. Un endroit éloigné de tout était certainement plus discret qu’un appartement en plein Canterlot. Il y avait bon nombre de coins reculés à l’intérieur du mur d’enceinte de la ville. Celui-ci avait été construit assez large pour pouvoir défendre les récoltes en cas de siège. Finalement ce dernier incendie devait être le plus proche du repaire du responsable.
À chaque pas que je faisais, je me posais davantage de question : pourquoi avoir visé Carmen et Flashlight ? Qu’attendait-il de moi ? Est-ce que j’avais suffisamment de lames cachées entre mes plumes ? À qui devrais-je envoyer Shiny si ça devait être mon dernier message ?
Après une vingtaine de minutes, je finis par me diriger vers l’unique route qui menait vers le flanc de la montagne qui surplombait Canterlot. Cette immense masse rocheuse n’était pas praticable, excepté pour les pégases, néanmoins, un tunnel avait été taillé dans la roche pour mener à l’endroit que la capitale avait toujours voulu cacher, le cimetière de Canterlot. C’était amusant de constater que notre monde tentait par tous les moyens de nous cacher deux choses : ses monstres, et ses morts.
Le Taxidermiste serait donc derrière toute cette histoire ? Me demandais-je avec lassitude. Oui, je n’avais jamais enlevé ce doute, même si je n’avais pu tirer aucune preuve auprès de Luna, Guerre ou Mavrick. Je ne le connaissais pas, mais je le détestais d’avance. Quoi qu’il arrive, j’étais certaine de perdre si Mort était là pour l’épauler. Tout ce que je pouvais faire, c’était espérer que Guerre soit un bon chef de famille et que Mort craigne plus un sermon de sa part s’il venait à me toucher.
Mes premiers pas dans le tunnel finirent de confirmer mes doutes sur toute cette histoire. L’odeur particulière de la trace que j’étais en train de suivre, la différence de température qui ne finissait pas de descendre, les frissons qui me parcouraient à chaque respiration. Mes oreilles étaient dressées sur mon crâne à l'affût du moindre piège. Cependant, même si les incendies avaient tous été déclenchés dans la plus grande discrétion, je doutais fortement être prise dans un guet-apens. S’il avait voulu se débarrasser de moi rapidement, c’était ma maison qui aurait brûlé à la place de celle de Flashlight et Carmen. Peut-être était-ce juste un moyen pour moi de me rassurer, mais il était certain que j’allais tout faire pour avoir le fin mot de cette histoire avant de faire quoi que ce soit d’autre.
Les champignons luminescents éclairaient parfaitement bien le chemin qui semblait s’étirer à l'infini tant le tunnel était long. Il avait fallu plus de cinq ans pour créer ce passage, à la force du sabot et des pioches. Rendant ainsi ce passage praticable pour tous, pourtant, peu venaient encore se remémorer les mémoires du passé. Chacun restait cloîtré dans ses souvenirs, gardant le meilleur et enterrant le pire. Personne n’osait sortir les squelettes du placard et faire resurgir les mauvais souvenirs. C’était comme ça, on était à l’époque la plus ingrate d’Equestria, celle qui n’apportait aucune accroche au passé, celle qui cherchait à l’oublier le plus rapidement possible pour se concentrer sur le futur. Comment pouvais-je leur en vouloir ? J’aurais donné tout ce que j’avais pour oublier mon passé et repartir à zéro.
J’arrivai enfin à la sortie du tunnel qui m’amena jusqu’au cimetière de Canterlot. Celui-ci n’était pas de l’autre côté de la montagne, mais directement en son centre. Une formation rocheuse naturelle avait réussi à créer ce tunnel supérieur et ainsi apporter toute la lumière nécessaire pour la croissance naturelle de cet endroit. C’était incroyable de se dire qu’un cimetière avait été créé à l’intérieur même d’une montagne, sans qu’il ne faille creuser à même la roche pour pouvoir y enfouir quoi que ce soit. On pouvait y retrouver des arbres, de la verdure, et même quelques plantes capables de vivre dans ce genre de condition. Je me mis à sourire légèrement en voyant quelques luminescentes ; des fleurs que Luna avait elle-même introduites en Equestria et qui brillaient au clair de lune. Elles n’étaient trouvables qu’à cet endroit précis.
Éclairée par le clair de lune qui filtrait à travers l’immense trou dans la montagne, je n’avais pas trop de mal à me diriger dans le cimetière, l’odeur devenait de plus en plus forte, pourtant, je commençais à émettre des doutes sur mes certitudes de tout à l’heure. Après tout, les Marshalls étaient là pour faire le bien…
Le bruit du vent se répercutant contre les parois de la montagne était la seule chose audible. Il n’y avait jamais personne ici, encore moins à une heure pareille. Même les monstres désertaient cet endroit, excepté certains fantômes. Bien entendu, j’avais longtemps renié leur existence et ainsi ne craignaient pas de me faire harceler par l’un d’eux. Il y en avait toujours un pour avoir un travail inachevé dans notre monde et qui était prêt à se coller à un poney qui les voyait juste pour arriver à leur fin, sans jamais se soucier des conséquences.
« Les monstres infestent ce monde… Tu seras comme eux, tôt ou tard. »
J’entendis ce murmure grave à travers le bruit du vent, me tournant sur ma droite, j’aperçus une silhouette, non loin d’un kiosque. Il n’était pas assez proche pour m’attaquer, c’était idiot de s’être annoncé ainsi sans tenter de m’attaquer par surprise. J’avais encore peut-être des chances pour éviter un affrontement inutile, même si je n’y comptais pas trop…
« Je ne suis pas pressé de devenir comme toi. » Répondis-je sur un ton las tout en me rapprochant de mon interlocuteur.
Il était vêtu d’un long manteau noir cachant pratiquement l’ensemble de son corps. Son col était grand et relevé sur l’ensemble de son encolure. Je ne pouvais que distinguer son visage masqué en partie par un vieux Steston usé par l’humidité et la saleté.
« C’est donc toi le Taxidermiste ? Moi qui pensais me retrouver face à un zèbre…
-Ce corps, j’ai dû l’abandonner il y a longtemps de ça. » Dit-il en levant un de ses sabots noirs hors de son manteau. « Mais j’ai fini par apprécier celui-là, moins douloureux, plus vif, et bien plus discret.
-En parlant de discrétion, c’est plutôt idiot de ta part de te cacher ici, l’endroit le plus affectionné par les nécromanciens. » Je me rapprochais encore, zigzagant entre les tombes placées de manière éparse. Je ne pouvais rien voir de ce qu’il cachait sous son manteau, alors même qu’il l’avait ouvert lorsqu’il avait dévoilé l’une de ses pattes. C’était certainement un piège, un moyen de me rassurer pour m’amener plus facilement à lui. Je n’étais pas une combattante hors pair, la plupart du temps, je faisais surtout en sorte que le premier coup soit le dernier.
« Il t’aura pourtant fallu plus d’un mois pour me trouver. Ici, je peux trouver un maximum d’énergie, tout en comptant mes morts. » Expliqua-t-il avant de se mettre à glousser d’un son grave.
« Le feu n’a pas beaucoup aidé, je me demande encore comment tu as pu faire ça sans te faire voir. »
Il pencha la tête sur le côté avant de se rapprocher d’une tombe, tapotant légèrement son sabot contre la grande dalle de marbre.
« Sans eux, j’aurais été incapable de faire cela. Les morts ont plusieurs formes, les âmes ne sont pas des choses que l’on cherche à voir. Il était si simple de les guider là où je le désirais pour les faire imploser. Le feu magique n’a rien de différent avec le nôtre, il brûle tout, sans laisser de trace. Ici, je n’étais pas à court de munitions. »
Mon visage se crispa en entendant la facilité avec laquelle il m’expliquait tout cela. Pour lui, ça n’avait été qu’un jeu d’enfant, et il s’en régalait.
« Luna m’a dit que tu étais arrivé à Canterlot il n’y a qu’une semaine de cela.
-Tu crois que tous les espions de la princesse lui sont fidèles ?! » S’énerva-t-il en haussant le ton et en se penchant légèrement vers moi. Je pris aussitôt une posture défensive, prête à agir au moindre geste suspect. Les ailes légèrement tendues, je pouvais facilement attraper mes lames, et en cas de besoin, un geste rapide pouvait facilement les décrocher et les envoyer dans sa direction. « Beaucoup de poneys ont de bonnes raisons de lui mentir, elle est une immortelle, nos problèmes ne la concernent pas, elle ne peut pas se mettre à penser comme nous. Les sacrifices sont toujours acceptables, le mal n’est que temporaire, l’équilibre est son seul crédo. Elle ne nous tient que par sa richesse et son autorité, quiconque capable d’y mettre le prix pourra atteindre les mêmes résultats. C’est cela la dépravation de notre monde, on ne peut faire confiance à personne.
-Et c’est pour cela que tu as déclenché tous ces incendies ? Tous ces morts, juste pour une question de principe ? » M’énervais-je à mon tour en renâclant. Le vent soufflait le long de mon encolure, agitant ma natte tandis que le manteau du Taxidermiste laissait peu à peu apercevoir ses sabots, il ne semblait pas armé.
« Non, c’est plus compliqué que ça… » Dit-il en secouant légèrement la tête. « C-ces monstres, qui envahissent notre monde chaque jour. On ne peut rien faire pour cela, essayé de leur imposer un code, des règles, des lois… J’ai vu ce dont ils sont capables, et j’ai compris que nous étions totalement inutiles. Jamais nous ne pourrons leur faire respecter un quelconque ordre, nous agirons toujours après eux, après que le pire soit arrivé. » Je le vis serrer les dents en secouant davantage la tête. « Et cette princesse sombre, incapable de se battre, vaincue par ses démons, victime de sa folie. Nous ne pourrons jamais sauver cette étoile, elle est condamnée et ne cherche qu’à nous nuire. Les monstres sont tout autour de nous, ils ne sont là que pour détruire, goûter le sang, et pourrir notre monde ainsi que nos vies. »
Je me mis à tourner lentement autour de lui, cherchant à voir un potentiel danger autour de nous, caché derrière une tombe où un arbre. S’il n’avait pas bougé de cet endroit, c’était certainement pour une bonne raison.
« Tu es complètement fou.
-Je le sais ! C’est la récompense de tout Marshall ! Mon ancien maître est mort comme cela, il me l’a toujours dit : s’ils ne nous tuent pas, la folie nous prendra. Nous ne faisons que devenir de plus en plus lucide sur ce combat perdu d’avance, nous marchons de massacre en carnage, nous ne faisons que compter les innocents assassinés, les villes réduites en charnier ! Tout ça envers des poneys qui sont sans défense et qui pleurent les disparitions sans jamais savoir où sont leurs enfants… » Je l’entendis se mettre à soupirer avant de renifler rapidement. « Aucun ne mérite de vivre sur notre monde, J’aurais pu commencer tout cela à Manehattan, mais je savais que le seul moyen d’en finir réellement, c’était de venir ici, à Canterlot, là où tout a commencé.
-Et tu crois que mettre le feu à la ville va régler le problème ?
-Tout cela à commencé à cause d’une personne… Ne crois-tu pas qu’il est préférable d’arrêter tout cela avec un simple sacrifice ?
-Ça n’arrêtera rien, tu le sais ! » Luna m’avait déjà expliqué comment le lien entre les deux mondes s’était créé, mais rien ne prouvait qu’il était possible de le refermer.
« C’est le seul moyen d’arrêter tout cela ! Nous sommes en guerre, mais nous cherchons encore à le cacher, pourquoi ? Notre monde se porterait mieux sans eux ! Tu peux m’aider à faire cela, tu n’es pas obligé de mourir ce soir. À deux, nous pourrions facilement vaincre ce monstre cloîtré dans son château d’argent. »
Je me mis à glousser avant de faire un pas en arrière. S’il ne m’avait pas encore attaquée, c’était juste parce qu’il espérait que j’allais le suivre dans sa folie.
« Même s’il était possible de la vaincre, jamais je ne ferais une chose pareille. Mon rôle est de défendre Canterlot et Equestria de tous les monstres qui tuent sans vergogne. Je sauverai tous ceux qui pourront l’être, peu importe qui ils sont. Le seul monstre que je vois ici pour le moment, c’est toi. » Je me mis à frissonner une fois ma phrase terminée, je n’aurais jamais pensé dire une chose pareille. Hier encore, je m’en étais prise à Catherine et voilà que maintenant j’étais prête à la mettre dans le même sac que ceux que je défendais.
« Ah ah, parce que tu crois pouvoir vivre ce combat éternellement ? Tu finiras par te laisser aller à ta folie, où au monstre qui est en toi, tu es comme les autres, tu ne pourras pas toujours le contenir. » Il se déplaça lentement sur le côté, passant derrière les tombes alors que je le gardais bien en vue. « Et quand tu devras faire un choix, vivre comme le monstre que tu es, où céder à la folie, tu comprendras qu’il n’y a pas de bonne solution. Tu es condamnée par la princesse qui t’a tant aidé, et c’est cette dernière qui enverra un nouveau Marshall pour t’éliminer. Nous ne sommes qu’un outil, remplaçable, jetable. Ta seule échappatoire est de laisser parler ta véritable nature, ce qui au final, ne fera qu’accélérer les choses. Tu finiras comme eux, ce n’est pas ta matriarche de compagnie qui te sauvera, tout le contraire ! »
Même lui était au courant ? Je commençais à me demander si ça avait été un secret un seul instant.
« Qui te dit que je laisserai la succube en moi prendre le devant ? Jamais ça n’est arrivé, ta folie n’est propre qu’à toi, ta faiblesse n’est pas universelle. »
Il se déplaça encore, s’arrêtant un moment derrière une tombe pour se mettre à rire avant de se dresser sur cette dernière pour s’appuyer dessus.
« Il ne peut en être autrement. Tôt au tard, tu ne pourras plus résister ! Après tout… il n’y a que les belles juments qui prennent un coeur pour en jouer. » Fit-il en jouant avec un violon invisible.
« C’est propre aux fous que de croire que le monde est bien plus fou qu'eux. » Rétorquais-je en haussant les épaules. Les ailes toujours étirées, je me préparai à frapper à tout instant. Il n’y avait pas de négociation, j’étais juste face à un monstre, et ceux-ci n’avaient jamais osé se rendre.
« Il suffit d’une journée ! » Cracha-t-il en reculant précipitamment en me voyant m’approcher lentement de lui. « Il suffit d’une seule mauvaise journée pour que le plus sain des poneys se laisse aller à ses démons. Regarde-toi ! Tu as déjà la marque de la mort sur le front, si ce n’est pas moi qui te tue, ça sera cette créature qui se nourrit de toi.
-Qu’est-ce que tu racontes ? » Demandais-je en me frottant le front, cherchant à comprendre ce qu’il venait de dire par rapport à Chrysalis.
Il s’arrêta et se mit à rire avant de faire un pas vers moi. J’en fis de même alors qu’il ne restait que quelques mètres entre nous.
« Tu ne sais rien des monstres qui se prétendent tes amis. Avec moi, tu auras une chance de te sauver, je te montrerai ce qu’on te garde invisible. »
Il fit encore un pas en avant. Je l’imitai en lui rétorquant : « Tu ne vaux pas mieux que les monstres qui commettent les atrocités qui te rebutent ! »
Il s’arrêta enfin, à moins de cinq mètres de moi. Puis, il se mit à réciter avec un fort accent zébrique : « L’alicorne de l’amour, pour toujours… belle, mais blessée, pleurant son éphémère. Puissante, mais bornée. » Son regard se mit à briller d’une lueur verdâtre qui s'accumula, jusqu’à se mettre à littéralement couler de ses yeux et se propager le long de son corps. Le vent qui soufflait me permit de voir sous son long manteau. Les lumières traçaient les contours des veines de son corps avant de redescendre jusque dans son sabot gauche qu’il levait de plus en plus haut.
Il avait fait l’erreur de s’approcher trop près de moi alors qu’il devait préparer un sort. J’espérais qu’il ne comptait pas sur moi pour lui donner le temps de finir son incantation, car je n’allais pas attendre pour voir ce qu’il me préparait. Je me mis aussitôt à galoper sur lui, attrapant au passage un couteau entre mes plumes. Lorsque je fus à portée de sabot du Taxidermiste, ce dernier se cabra pour dévoiler son autre patte. Je ne remarquai rien au premier regard, mais entendis surtout un étrange bruit mécanique. Il pointa alors son sabot juste en face de mon visage alors que j’étais sur le point d’abattre ma lame dans sa gorge.
Je ne pris aucun risque lorsque j’entendis un étrange déclic provenant d’une pièce de métal fixée juste sous sa patte, j’avais déjà rabattu mon sabot armé sur le sien pour le détourner avant d’être assourdie par un étrange bruit sec et violent. Je sentis alors une pointe de douleur dans mon aile me faire hurler. J’étais légèrement sonnée à cause de la détonation et titubai légèrement en arrière en constatant les dégâts. Mon aile était complètement brisée et c’était par miracle qu’elle ne fut pas simplement sectionnée. Il avait réussi à tirer dans l’articulation, une zone qui restait sensible, même si c’était encore supportable. La plaie saignait beaucoup. Je reportai alors mon attention sur le Taxidermiste, son sabot armé restait en l’air et la pièce de métal qui ressemblait à un long tube laissait une légère fumée s’échapper. Son autre patte brillait toujours de cette étrange lueur verdâtre, mais il alla l’enfouir dans son manteau pour aller en sortir une petite pierre sombre et pourtant brillante.
Il inséra alors le cristal noir dans un mécanisme qui se trouvait au niveau du coude. Je ne mis pas longtemps avant de me mettre à déguerpir derrière le couvert le plus proche.
« Fuir ne changera rien, me nuire vient déjà de provoquer ton destin ! » Dit-il avec son accent zébrique.
« Comment t’as réussi à faire rentrer une arme à cristal dans Canterlot ?! » M’énervais-je à voix haute alors que j’avais du mal à entendre ma propre voix.
« Je te l’ai dit, Marshall, il suffit d’y mettre le prix. »
Caché derrière deux tombes, je pris mon aile entre mes sabots et me mit à siffler de douleur. Je regrettai de ne pas maîtriser le moindre sort de soin, à la place, je me contentai de recouvrir la plaie ainsi que les cristaux encore plantés dans l’os d’une légère couche magique pour éviter de la laisser trop saigner. J’utilisai aussi ma magie pour replier mon aile et ainsi éviter de marcher dessus.
« J’imagine que tu ne dois pas être très bon pour te battre si tu utilises une arme pareil. Maintenant que je sais ce que tu caches sous ton manteau, ça va être difficile de m’arrêter.
-Qui a dit que c’était mon unique tour ? » Je passais ma tête entre les deux tombes et le vit observer son sabot qui brillait plus intensément que tout à l’heure. Il le posa alors calmement au sol en inspirant profondément et tressaillit légèrement quand la lumière qui était sur lui se propagea brusquement tout autour, de la même manière qu’une onde provoquée par une pierre qui pénètre l’eau.
Je me mis à paniquer lorsque l’onde passa juste en dessous de moi, mais ne ressentit absolument rien. Excepté cette odeur de mort qui m’avait servi de trace. Elle était beaucoup plus forte et nauséabonde. Je reportai mon attention sur le Taxidermiste et l’entendit se mettre à marmonner des incantations dans sa langue natale.
J’hésitai un instant entre rester cachée là et retourner à l’attaque pendant qu’il avait l’air occupé. Je ne réfléchis pas une seconde de plus et m'apprêtai à repartir à la charge, mais me retint au dernier moment. Il avait le regard fixé à terre alors que la lumière était toujours entre son sabot et le sol. Je ne pouvais pas voir son autre sabot qui était caché sous son manteau et ce fut à ce moment-là que je compris que c’était certainement un nouveau piège.
Je ne pris donc aucun risque pour cette fois et sortit légèrement de derrière ma cachette en présentant tout mon flanc droit face au Taxidermiste. C’était le côté qui avait encore mon aile intacte, d’un geste ample et précis, j’abattis mon aile en direction de l’étalon. Je sentis plus que je ne vis une volée de lames partir dans sa direction, à cette distance, même si son manteau devait être épais, j’étais certaine de bien le blesser, pourtant, lorsque deux d’entre eux se plantèrent dans son ventre et un autre au niveau de son épaule gauche, il ne réagit presque pas. On aurait dit qu’il avait simplement été piqué par un moustique.
Il m’observa alors sans bouger, attendant certainement le reflet de la mort s’abattre sur moi comme s’ils travaillaient ensemble… Ce n’était peut-être pas si faux après tout. Je sentis alors le sol se mettre à vibrer d’une onde étrange. Rien de tout cela n’était naturel. Ce fut à ce moment que le Taxidermiste décida de pointer à nouveau son arme sur moi. Je réussis à me mettre à couvert avant que la salve de cristaux ne m’atteigne. J’entendis le son cristallin des roches s’éclater contre la tombe. Les cristaux noirs avaient été reconnus comme très dangereux à cause de la pression qui se trouvait à l’intérieur et qui une fois brisés explosaient en plusieurs fragments solides et tranchants.
« Tuez, pour vos âmes réincarnées, tuez, obéissez à ma volonté ! »
Je sentis alors le sol sur lequel je me trouvais se mettre à bouger, m’enfonçant légèrement, je me redressai aussitôt alors qu’une paire de sabots faisait peu à peu éruption.
« C’est pas vrai ! » Lâchais-je par dépit. Comment avais-je pu m’attaquer à un type pareil ?
Je sursautai légèrement quand j’entendis le déclic si particulier de l’arme du Taxidermiste qui se rechargeait. Je ne pris même pas la peine de voir s’il était déjà en train de me viser que je me mis à galoper sur ma gauche. Je ne pouvais pas m’approcher à découvert, mais si je m’arrêtais, c’était ces choses qui étaient en train de se relever qui allaient m’avoir. J’esquivai alors un poney à moitié décharné qui lança faiblement ses sabots pour tenter de me retenir.
Je me mis alors un moment derrière un petit mausolée, là, le sol était immaculé de tout cadavre. Ces derniers étaient lents, mais il n’avait pas fallu plus de quelques secondes pour en faire sortir une grande quantité. À quelle distance pouvait-il étendre son pouvoir ? Combien pouvait-il faire sortir de ces choses ? Il avait peut-être réellement un moyen pour s’attaquer à tout Canterlot… mais comment sortait-il autant de pouvoir ?
Avec mon aile brisée, je ne pouvais pas fuir comme je le voulais, et ma seule option était de l’attaquer directement. Je me mis alors à galoper dans sa direction. Il y avait énormément de cadavres dans le cimetière, mais leur lenteur et la manière qu’ils avaient de se bousculer entre eux ne les rendaient pas compliqués à esquiver. Je pus même constater que les corps étaient peu à peu en train de se guérir, reprenant tous la forme d’un véritable poney. Un sort capable de ramener autant de vie dans un corps devait être une énorme dépense pour un seul de ces individus.
Je me plaquais brusquement au sol quand je vis le Taxidermiste au loin pointer son arme vers moi. Heureusement une carcasse se trouvait juste entre nous, amassant le plus gros des cristaux. J’en reçus cependant quelques un dans la patte avant droite. Ceux-ci étaient encore brûlants et tranchants sur tous les bords. Je fis pourtant barrière avec la douleur grâce à l’adrénaline.
« Allez danse Cadance n’aies pas peur de mourir, chante pour ces âmes avec ton plus beau sourire ! »
Je me mis à ramper jusqu’à une ligne de pierre tombale, alors que le Taxidermiste semblait de plus en plus rapide pour recharger son arme. Je sentis alors quelque chose de froid attraper fermement l’un de mes sabots arrière et me tirer. Je hurlais en voyant un cadavre juste au-dessus de moi me tordre la jambe pour l’amener à sa bouche. Je sortis l’une des dernières lames de mes ailes et lui planta dans l’oeil, mais cela ne l’affecta même pas. Il me retenait la patte d’un seul sabot. Puis, je sentis ses dents pénétrer ma chaire alors que mon cri se faisait plus grave, tandis que la douleur se propageait dans tout mon corps.
Je n’avais plus qu’une seule solution, fermant les yeux en cherchant à me concentrer un maximum, je fis briller ma corne le plus fort possible alors que je ressentais le faisceau d’énergie s’évaporer peu à peu de ma corne. Je penchai brusquement la tête en avant et trancha une partie de sa patte avant de toucher par accident la mienne. Je me mis à siffler de douleur, supportant un peu mieux cette souffrance que l’idée de me faire à nouveau arracher la chaire avec les dents. Ce n’était pas des goules, mais ils s’en rapprochaient énormément dus aux caractéristiques qu’ils avaient en commun. La seule chose à faire était de les neutraliser rapidement, il était quasi impossible d’en tuer une sans une arme adéquate.
Le cadavre perdit enfin sa prise, ce qui me permit de ramper un peu plus loin pour éviter une nouvelle salve du Taxidermiste. La douleur me foudroyait à chaque pas que je faisais, me faisant gémir entre deux inspirations. Je n’allais pas pouvoir tenir encore longtemps, le flot de carcasse ne faisait que grossir autour de moi. Je choisis alors de tenter ma chance à cet instant. Je repris l’une des dernières lames cachées sous mes ailes, mon sort m’avait pompé énormément d’énergie, et dans ce genre de duel, il était inutile d’attaquer avec la magie quelqu’un de plus puissant que soit, il retournerait facilement mes sorts contre moi.
C’était réellement ma chance, le Taxidermiste n’avait pas encore rechargé son arme. Je me mis alors à galoper comme je le pouvais, me mettant à hurler ma rage et ma douleur alors que je parcourais la distance qui nous séparait. Mon corps tout entier brûlait, mais je n’allais pas m’arrêter alors que j’avais l’occasion de tuer cette pourriture. Je sautai sur une tombe pour ainsi éviter un groupe de cadavre qui se trouvait juste en dessous. J’atterris lourdement sur une autre, la faisant basculer pendant que j’étais déjà en train de m’éloigner. Leur nombre était leur seule force, mais si j’arrivais à les arrêter en m’attaquant directement à celui qui les dirigeait, cela n’aurait plus aucune importance.
Je réussis à être sur lui juste avant qu’il ne termine de recharger. Le percutant de plein fouet, je m’écrasai au sol en l’entrainant avec moi. Allongée à terre juste à côté de lui, je ne perdis pas de temps pour ramper jusqu’à lui et planter ma lame directement dans son coeur.
« Décidément… tu n’es qu’un monstre qui déchire le coeur des étalons. » Fit-il avant de se mettre à rire en ramenant son bras sur moi. Je le bloquais rapidement en entendant la détonation tout près de mon oreille. Je me mis à hurler alors que je n’entendais plus rien si ce n’était un son aigu. Je vis le taxidermiste essayer de se relever, en manque de moyen, je tentai de me concentrer rapidement et de reproduire le même faisceau d’énergie que tout à l’heure, mais rien ne se produisit, j’enfonçai alors par dépit ma corne directement dans sa gorge sans que cela ne semble le faire réagir. Je tirai en arrière, cherchant à lui sectionner la gorge, mais même cela n’eut aucun effet, il ne cherchait même pas à me retenir avec l’un de ses sabots libres.
Je sentis alors un sabot attraper mon aile blessée et planter ses dents dedans alors qu’une autre paire de sabots attrapait ma queue et mes flancs. Je fis de mon mieux pour m’agripper à l’une des pattes du taxidermiste, et même à son manteau, mais sans succès, il y avait plusieurs carcasses déjà sur moi et j’eus à peine le temps de me retourner qu’elles pongeairent toutes sur moi.
Je me débattais comme une déchaînée, pour ma vie, mais ils étaient trop nombreux, je ne pouvais plus respirer entre les dents qui se plantaient dans ma chaire, où les morceaux de chair qui s'arrachaient. J’entendais les sons humides de leur mastication qui se mélangeait à mon sang, je sentais mes larmes couler alors que mes yeux se fermaient. J’étais peu à peu en train de sombrer dans l’inconscience quand je sentis quelque chose d’encore plus vif que la douleur embraser mon corps. Cela provenait de mon coeur de cristal qui se mit à brûler d’un feu intense, qui me fit aussitôt reprendre une profonde inspiration. L’énergie se propagea en moi alors que je n’avais plus aucun contrôle sur mon corps. La douleur venait de disparaître aussitôt et me laissait reposer dans un halo apaisant et tellement chaud. Rouvrant les yeux, je vis que les cadavres étaient à quelques pas de moi, je ne savais pas comment j’avais fait pour les repousser, mais cela n’avait pas été suffisant pour les arrêter. Ils étaient déjà en train de se relever alors que d’autres arrivaient encore.
Je me redressai rapidement et remarquai que j’étais dans ma forme bipède de succube, nette de toutes blessures. Je ne savais pas en quoi cela allait m’aider, mais je sentis alors mes deux ailes dans mon dos. Ses ailes plus robustes et en cuir. Elles étaient aussi bien plus solides et dangereuses, avec ça, je n’avais pas besoin de lame pour blesser quelqu’un. J’abattis d’ailleurs l’une d’elles sur le crâne d’une carcasse bien trop proche à mon goût. J’aurais pu m’envoler, mais c’était sans compter le Taxidermiste qui me pointait avec son arme. Attrapant le cadavre le plus proche, je le soulevai entre nous deux. La détonation ne me fit même pas sursauter le moindre instant, la succube en moi adorait le danger presque autant que le sex.
Je me retournai pour voir le flot de carcasse m’encercler, même ainsi, j’étais toujours dans une sale situation. Ce fut à ce moment que je pris une profonde inspiration. Je ressentais encore l’odeur de la mort, mais cette fois-ci je la distinguais sous une nouvelle forme. Je pouvais sentir le lien magique qu’il y avait entre elle et le Taxidermiste. Je le présentais jusque dans le bout de ma corne que je lui avais planté dans la gorge. Cette trace, je la partageais aussi désormais.
« ETSIAM ! » Fut la première chose que je trouvai à dire. C’était du changelin, l’un des rares mots que Chicha m’avait appris. Il voulait dire « arrête » d’une manière bien plus violente que la nôtre… Les conditions dans lesquelles il avait dû me dire ça étaient assez particulières…
À ma grande surprise, les carcasses les plus proches se stoppèrent, se contentant de me fixer de leurs regards vides. C’était cela mon véritable pouvoir, ce qui me différenciait des succubes, je venais de voler celui du Taxidermiste. Je tournai alors mon regard sur ce dernier et vit la stupeur se dessiner sur son visage. Il n’avait même pas pris la peine de recharger son arme. Je fis briller ma corne et enroba sa patte armée d’une aura bleutée avant de me mettre à la serrer de toutes mes forces. Il était bien trop déstabilisé pour contre-attaquer et j’entendis alors avec plaisir les os de sa patte se briser. Il ne réagit pourtant absolument pas, heureusement, je cherchais principalement à le désarmer, et esquissa un sourire lorsque je vis la pièce de métal se tordre complètement.
« Comment as-tu fait ça ?! » Hurla-t-il les dents serrées. « Qu’est-ce que tu m’as fait ?!
-Tu l’as dit après tout, c’est moi le monstre. » Je levais un bras vers lui et entendis les voix de centaines et de centaines de personnes envahir mon crâne. Chaque mort était guidé par une âme qui se retrouvait à nouveau enfermée dans son corps, c’était pour cette raison qu’ils guérissaient aussi vite. Le lien que le Taxidermiste avait avec eux les retenait dans notre monde, mais il allait dans les deux sens.
« Chakcha ! » Tonnais-je alors, ce qui fit aussitôt taire les voix. Je regardais autour de moi, n’entendant plus que le son du vent qui filtrait à travers la montagne. Je ne pus m’empêcher de glousser en me redressant de toute ma taille tout en toisant le Taxidermiste. « Tu n’avais pas prévu de tomber sur plus fort que toi. » Répondis-je en marchant lentement vers lui, contournant les carcasses en les caressants avec la queue.
« Tu es réellement le monstre qu’on prétend… » Dit-il en faisant un léger pas en arrière.
« Moi le monstre ?! » Répétais-je en prenant un air outré, plaçant une main sur ma poitrine nue. Les carcasses autour de moi en firent de même, ce qui me fit rire davantage.
« C’est bien ce que la princesse veut après tout, diriger par la peur, et quoi de mieux qu’un monstre encore pire pour défendre sa si belle cité. »
Les cadavres se mirent à pousser des glapissements qui tentaient de se rapprocher d’un rire, essayaient-ils vraiment de me suivre dans ma joie où leur donnais-je un ordre indirectement sans m’en rendre compte ?
« Crois-tu vraiment que je serai assez idiote pour faire les mêmes erreurs que toi ? » Demandais-je en me tapotant le crâne, imité par les carcasses. « Tu n’es simplement pas assez fort. Certes, ce sont ces monstres les coupables, mais tu n’as pas réussi à leur résister. »
Je fus assez proche de lui et me mis à genoux pour me retrouver à la même hauteur que lui. J’emprisonnai alors son encolure entre mes bras et l’amena à moi, pressant son visage contre ma poitrine.
« Moi je n’ai pas peur de sombrer, j’ai encore des choses pour lesquelles me battre. »
Je me penchais alors sur lui, l’entrainant avec moi au sol pour pouvoir le bloquer sans difficulté. Il était à moi, et je n’avais pas envie d’en finir tout de suite.
« Tu penses que tu pourras te battre éternellement pour les faibles ? »
J’écartai ses sabots pour me rapprocher de son visage et me mis à l’embrasser alors que je gloussai encore. Ses lèvres étaient froides comme la tombe, sa langue était sèche comme je ne l’avais jamais senti auparavant. Ses yeux n’étaient pas d’un gris naturel, mais simplement décoloré par le manque de vie. Il n’y avait aucun coeur qui battait à l’intérieur, ce n’était pas faute d’y avoir planté une dague dedans.
« Tu l’as toi-même dit, je suis un monstre. » Commençais-je contre son museau. « Je ne me bats que pour moi, pour mes amis que je veux protéger, pour l’amour que je veux retrouver, pour satisfaire la faim qui me fait vivre. »
Cette fois-ci, ce fut au Taxidermiste de se mettre à rire contre mes lèvres.
« Tu ne sauras jamais me tuer !
-C’est ce qu’on va voir. Je sais ce que tu es. » Rétorquais-je en venant l’embrasser davantage. Je ne ressentais aucune vie, ni aucun désir, pourtant, j’avais pu constater que son corps réagissait plutôt bien à ma proximité. Son âme n’était pas là, c’était juste une coquille vide, lui, il était encore dans l’autre monde à en croire Mavrick. Je posai alors mes sabots sur son torse pour le maintenir au sol. Je ne savais pas s’il était aussi docile à cause de mon pouvoir, ou si c’était parce qu’il était certain que je n’arriverais pas à le tuer. Si une goule était dure à tuer, j’imaginais la difficulté face à un nécromancien.
« J’ai déjà rencontré des créatures comme toi. » Ronronnais-je en observant son corps sous son manteau. « Tu es sur notre monde, mais rien ne t’y retient, il t’a donc fallu trouver quelque chose avec lequel te lier pour rester dans ce corps. » Je pris alors son arme et la lui arracha des pattes, ce fut assez facile tant j’avais bien amoché les pièces de métal. Mon sourire triomphant croisa celui narquois du Taxidermiste.
« J’ai passé cette étape depuis bien longtemps. » Expliqua-t-il en restant toujours aussi à l’aise.
« C’est ce qu’on va voir. » Je me penchai à nouveau sur lui, mais cette fois-ci ne m’arrêtai pas sur les lèvres et jetai au loin son vieux Stetson. « Qu’est-ce que nous avons là ? » Fis-je en remarquant le petit objet doré accroché à son oreille. « Tu sembles avoir de très bons goûts pour les accessoires, c’est étrange de vouloir décorer ainsi un corps qui ne nous appartient pas.
-La marque de la mort t’emportera de toute façon, quoi que tu fasses. » Fit-il en restant pourtant très calme.
« Cause toujours, j’ai jamais fait une année sans que quelqu’un n’essaye de me tuer. » J’enlaçais sa gorge avec l’une de mes mains pour le maintenir fermement à terre, tandis que de l’autre, je tirais sur sa boucle d’oreille pour l’arracher. Ma force était bien plus importante qu’un poney normal, ce qui me donnait bien plus de facilité pour ce qui était d’arracher de la chaire à main nue. « Quoi qu’il en soit, je sais que je peux rayer ton nom de la liste. » Je tirai un coup sec et entendit un bruit humide suivi d’un hurlement.
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