La Princesse Célestia était allongée sur le grand canapé dans son salon privé. Elle finissait de lire le rapport des comptes que venaient de lui transmettre les secrétaires de la trésorerie. Quand elle l’eut terminé, elle le posa sur la table basse devant elle. À côté se trouvait le dernier compte-rendu que Twilight lui avaient envoyé. L'alicorne blanche le fit voler jusqu’à elle et le parcouru une nouvelle fois. Elle le reposa puis se leva et se dirigea vers les grandes baies vitrées qui perçaient les murs de la pièce. Le Jacinthe ne devrait plus tarder. Elle avait hâte de pouvoir recueillir de vive voix les impressions de son élève. D’après Twilight, le voyage et le séjour s’étaient déroulés sans la moindre anicroche. Célestia sourit. Ce vieux bouc de Namar savait se montrer enjôleur quand il le voulait.
Quelqu’un toqua à la porte.
- Entrez, fit-elle sans se détourner.
Un garde se présenta en s’inclinant.
- Pardonnez-moi, Princesse, mais le Jacinthe est en vue.
- Parfait, j’arrive.
Quelques minutes plus tard, elle retrouva le capitaine de la garde et d’autres officiers sur la grande terrasse du château. En face, le dirigeable pastel se détachait dans le bleu du ciel. Une patrouille de pégases s’apprêtait à décoller pour escorter le vaisseau. Ils s’envolèrent dans une bourrasque et filèrent vers le dirigeable. Une fois suffisamment proches, ils incurvèrent leur trajectoire pour lui tourner autour. Au bout d’un moment, l’un d’eux revint. Il atterrit devant Célestia, mal à l’aise. Visiblement, quelque chose n’allait pas.
- C’est bien le Jacinthe, mais il n’y a personne sur le pont et les pilotes ne répondent pas à nos signaux.
La princesse fronça les sourcils.
- Mais qui est aux commandes ?
- Steam Cloud et son équipe sont dans le poste de pilotage, avec plusieurs bouquetins de Céprésia.
- Quoi ?
Célestia leva la tête vers le dirigeable qui continuait de s’approcher. Elle se tourna vers le capitaine.
- Faites venir la garde et envoyez une autre patrouille de pégases. Ce n’est pas normal.
- Princesse ! cria un des vigiles. Quelque chose approche par l’Ouest !
Tous tournèrent la tête dans la direction indiquée. Célestia plissa les yeux. Trois formes sombres étaient visibles à l’horizon. Sans attendre, la princesse s’envola et s’éleva jusqu’au balcon où était installée la longue-vue qu’elle et Luna utilisaient pour observer le ciel et la terre. Elle se posa en face de l’appareil et le pointa vers les objets inconnus. Il s’agissait de trois énormes dirigeables cuirassés qui avançaient de front. De grands blasons représentant trois montagnes et trois étoiles ornaient le flanc de chacun d’eux. Les armoiries de Caprésia. Dès qu'elle les eut reconnues, Célestia bondit et fila vers la terrasse.
- Faites déployer le bouclier, capitaine. Immédiatement.
- Princesse, que se passe-t-il ?
- Faites ce que je vous dit, fit-elle sans même le regarder. Et que tous les pégases disponibles se tiennent prêts à décoller.
Le capitaine se mit au garde-à-vous avant de galoper vers la caserne. Depuis le départ de Shining Armor, une équipe de licornes spécialement entraînée avait été mise en place afin de déployer le bouclier en cas de besoin. Le sortilège utilisé avait également été amélioré et renforcé afin de fournir la meilleur protection possible. Une fois que le dôme magique était déployé, plus rien ne pouvait entrer dans Canterlot depuis l’extérieur.
Célestia fixa successivement le Jacinthe et les dirigeables caprésiens qui s’approchaient rapidement. Namar avait beau être belliqueux, jamais il n’aurait le toupet de lancer une attaque directe contre Canterlot. Il savait pertinemment que les défenses magiques de la ville pouvaient repousser n’importe quel assaut. C’était forcément autre chose. Mais, quoi que ce soit, il était hors de question de le laisser s’imaginer qu’il pouvait franchir les frontières à sa guise et faire accoster son armada chez elle comme il l’entendait. Pourquoi Twilight ne l’avait-elle pas mise au courant à propos de cette escorte ?
Deux minutes s’écoulèrent sans qu’il ne se passe rien. Puis, lentement, un frémissement se fit sentir. Un voile violacé monta depuis le bas de la montagne, engloba la ville et le château et, avec un dernier chatoiement, se referma juste au dessus d’eux. Le bouclier était en place. Célestia plissa à nouveau les yeux pour observer les dirigeables à travers la bulle violette. Le Jacinthe s’était immobilisé à quelques centaines de mètres. Les trois autres continuaient de s’approcher à vive allure. Ils n’étaient déjà plus qu’à deux ou trois kilomètres de distance.
Soudain, une détonation retentit. Un des vaisseaux venait de tirer un projectile qui fila vers eux et se fracassa contre la barrière magique. Cependant, au lieu d’exploser comme l’aurait fait un obus, il éclata en répandant autour de lui un épais nuage de poussière rouge sombre qui se déposa lentement sur le dôme. Deux autres coups de canon retentirent et d’autres projectiles s’écrasèrent de la même manière sur le bouclier.
- Mais qu’est-ce que c’est ce ça ? fit un des officiers.
Célestia lui fit signe de se taire et tendit l’oreille. Un grésillement désagréable, comme celui d’une braise plongée dans l’eau, commençait à s’élever. Au dessus d’eux, le bouclier frémit. Là où les projectiles avaient éclaté, la bulle se troublait et perdait de sa couleur. Sans attendre, Célestia galopa à son tour vers la caserne. C’était bien un attaque, et elle n’était pas normale.
Elle arriva enfin dans la cour de la caserne. En face d’elle, six gardes licornes se tenaient en cercle. Un rais de magie violette partait de la corne de chacun d’eux et fusait à le verticale vers le bouclier. Soudains, l’un des six poussa un cri et tomba à terre, inconscient. Au dessus, le grésillement se renforça. Un deuxième cria et s’affala au sol. Les quatre restants levèrent la tête, paniqués. La barrière magique se couvrait de taches blanches et de craquelures.
- Ne vous arrêtez pas ! cria Célestia en bondissant pour les rejoindre.
Elle pointa sa corne en l’air et se joignit à eux pour entretenir le sortilège. Quand sa magie se fut mêlée à la leur, elle sentit quelque chose de désagréable la démanger et s’agripper à elle. Rapidement, cela se transforma en une sensation de brûlure que devint bientôt si intense qu’elle fut obligée de lâcher prise. Autour d’elle, les quatre licornes encore debout hurlèrent et s'évanouirent à leur tour. Dans un dernier grésillement, le bouclier se désagrégea et disparut complètement.
Célestia entendit des cris autour d’elle, dans la ville. Elle déploya ses ailes et s’éleva au dessus des bâtiments. En face, les trois dirigeables s’approchaient toujours, leurs grandes silhouettes sombres obscurcissant le ciel. Des dizaines de pégases se lançaient à l’assaut. Quand les premiers se furent posés sur l’engin de tête, des éclairs jaillirent de la coque comme d’une barrière électrifiée. Les pégases touchés tombèrent inertes et chutèrent dans le vide avant d’être rattrapés en catastrophe par leurs collègues. Les vaisseaux tirèrent de nouveaux projectiles qui éclatèrent dans le ciel en dispersant la même poussière rouge qui avait rongé le bouclier. Le brouillard écarlate recouvrit bientôt tout la ville et le château avant de descendre lentement vers le sol. Quand il l’atteignit, Célestia fut prise d’un haut le coeur. C’était comme si quelque chose était aspiré hors d’elle et créait un vide dans sa poitrine. Une force était en train de s’insinuer en elle et de la vider de l’intérieur. Sa magie était en train de la quitter. Elle fila en piqué vers le sol et atterrit. Des cris de panique retentissaient partout autour d’elle.
Dans un choc sourd, le premier dirigeable heurta la terrasse par le flanc. Aussitôt, sa passerelle s’abaissa et des dizaines de soldats caprésiens surgirent et chargèrent. En quelques secondes, ils submergèrent et immobilisèrent tous les poneys qui se trouvaient là. Un autre choc et le deuxième vaisseau accosta en ville.
- Princesse !
Au milieu de la cohue, un groupe de gardes galopait vers elle.
- Votre Altesse, nous sommes attaqués ! Il faut vite rejoindre le château !
Célestia les suivit, incapable de dire un mot. Ils entrèrent dans le hall et refermèrent les portes derrière eux.
- Ma magie… murmura Célestia.
- Cette poudre rouge nous empêche de l’utiliser, fit le chef des gardes. Il faut nous retrancher.
Ils galopèrent vers la salle du trône. De nouvelles détonations retentissaient au loin. Dès qu’ils furent entrés, les gardes fermèrent les portes et firent cercle autour de la princesse. Pendant quelques secondes, rien ne se produisit. Soudain, une ombre obscurcit la pièce. Une vaste forme sombre passait devant les fenêtres et bloquait la lumière du jour. Dans un grand fracas, les vitraux volèrent en éclat. Instinctivement, Célestia leva les ailes pour se protéger. Les morceaux de verre rebondirent sur ses plumes et tombèrent au sol en tintant. Une nuée rouge se déversa dans la pièce. Quand elle atteignit ses naseaux, Célestia tomba au sol. C’était comme si elle venait de recevoir un coup de massue sur la tête. Elle tenta de concentrer ce qui lui restait de magie dans sa corne, mais une migraine atroce lui perça le crâne. Elle baissa la tête. Une nausée abominable la prenait au ventre. Elle avait l’impression de suffoquer à chaque respiration.
Dans un choc sourd, les portes furent enfoncées. Une cacophonie de bruits de sabots et de crissement de métal s’éleva au milieu du chaos. Autour de Célestia, les gardes tombaient au sol, abattus par la poussière ou désarmés par les assaillants. La princesse posa un sabot sur le carrelage et tenta de se relever. La tête lui tournait comme une toupie, elle devait lutter pour garder les yeux ouverts. Elle parvint finalement à se mettre à genoux et leva la tête. Une douzaine de soldats caprésiens l’encerclaient, leurs lances pointées sur elle. Elle rampa vers les marches du trône, luttant de toutes ses forces pour rester consciente. Les soldats devant elle finirent par s’écarter pour laisser le passage à un autre bouquetin qui avançait lentement au milieu de la nuée. Célestia leva la tête vers la barbe tressée et les immenses cornes cerclées d’or devant elle.
- Namar…
Sa gorge lui brûlait et la poussière rouge qui s’insinuait en elle à chaque inspiration lui soulevait le coeur.
- Je suis ravi de vous revoir, Célestia, fit doucement le souverain.
- Que… Qu’avez-vous fait de Twilight ?
Chaque mot lui coûtait un effort colossal.
- Ne vous inquiétez pas pour elle, ma chère, fit doucement Namar. La Princesse Twilight Sparkle a décidé de prolonger son séjour à Caprésia. Vous la rejoindrez bientôt.
Célestia s’affala à nouveau au sol. Namar s’avança encore, se baissa et lui prit le menton dans le sabot.
- J’ai beaucoup apprécié de vous côtoyer pendant toutes ces décennies, vraiment. Vous étiez une excellente voisine et j’ai énormément appris grâce à vous. Malheureusement, votre règne de magie s’achève aujourd’hui. À dire vrai, toute magie prendra bientôt fin.
Les soldats caprésiens se rapprochèrent encore. Namar la lâcha et se dirigea vers le trône dont il se mit à gravir les marches avec majesté. Arrivé en haut, il se retourna.
- Messieurs, veillez disposer de la princesse comme il se doit.
Célestia sentit les sabots des soldats la saisir et la traîner dehors. Elle ferma les yeux et se laissa faire, abattue. Namar s’assit sur le trône et les regarda emporter l’alicorne inerte hors de la salle.
Quelques heures plus tard, Twilight atteignit péniblement le sommet de la dernière colline qui les séparait de Canterlot. La ville n’était plus qu’à un ou deux kilomètres. Elle s’allongea dans l’herbe pour reprendre son souffle. Elle était toujours fourbue par sa téléportation. Ses ailes avaient refusé de la porter et elle se sentait incapable de se téléporter à nouveau, Spike et elle avaient donc parcouru à patte la distance qui les séparaient de la capitale. Tout en reposant ses jambes endolories, elle leva les yeux au ciel. Le soleil se couchait et, déjà, les premières étoiles apparaissaient. Twilight posa ensuite les yeux sur Canterlot. Elle et Spike avaient assisté avec horreur à l’assaut, un peu plus tôt. Les énormes dirigeables étaient toujours amarrés à divers endroits de la ville et du château. Un léger voile rougeâtre recouvrait encore la cité.
- Ça ne sert à rien, Spike, fit-elle en roulant sur le dos. Nous arrivons bien trop tard.
- Mais nous sommes tout près ! Allez, encore un effort !
- Mais nous ne pourrons rien faire !
La nuit recouvrait la vallée, à présent. Cependant, une lueur orangée éclairait toujours le château. Intriguée, Twilight leva la tête et plissa les yeux. Une grande lumière brillait et grandissait derrière les remparts. Des étincelles rougeoyantes commencèrent à s’élever. De grandes ombres vacillantes dansaient sur les murs et les tours du château. Soudain, Twilight comprit de quoi il s’agissait. C’était un feu, et il se trouvait juste à côté du bâtiment qui abritait la bibliothèque de magie. En un bond, elle fut debout.
- La bibliothèque ! cria-t-elle. Ils sont en train de la brûler !
- Pas si fort, Twilight ! souffla Spike. Ils vont nous repérer !
Twilight le repoussa et galopa vers la ville. Spike lui courut derrière et l'attrapa par la queue juste avant qu’elle ne dégringole vers la route qui menait aux portes, à porté de vue des gardes qui surveillaient l’entrée.
- Il ne faut pas qu’on nous voie !
- Ils vont tout brûler ! fit-elle sans même l’écouter.
Spike lui bondit devant, lui prit la tête dans les mains et la força à le regarder dans les yeux. Le visage de la jument était inondé de larmes.
- Twilight, il faut qu’on se cache. Les caprésiens vont nous attraper si on reste ici. On ne peut plus rien faire, c’est toi-même qui l’a dit.
Avec douceur, il la prit par la patte et l’entraîna vers les bois qui bordaient les collines. Twilight se laissa faire, trop choquée à présent pour dire quoi que ce soit. Ils s’enfoncèrent entre les arbres jusqu’à ce que Spike déniche un fourré assez grand pour les cacher tous les deux. Il y installa Twilight, referma les branches derrière eux et se blottit contre son ventre. Dans le ciel, les étincelles du bûcher continuaient à danser. Twilight était prostrée au sol, la tête dans les pattes, secouée de sanglots. Elle pleura encore longtemps avant de s’endormir, épuisée.
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Dans l'ordre cosmique du monde, peut-être pas vraiment.
Mais si tu veux rester dans la canon de la série, dis-toi que seule Célestia est prisonnière, du coup Luna pourrait très bien s'occuper à la fois de la lune et du soleil, de la même manière que le faisait Célestia quand elle-même était bannie.
Je sais, on m'a déjà fait la remarque sur frenchy-ponies.
Mais ce n'est pas vraiment un oubli. Dans un monde "élargi" (avec d'autres pays, d'autres cultures, d'autres formes de magie pouvant exister ailleurs), j'ai beaucoup mal à croire que le Soleil et la Lune ne bougent que grâce à Célestia et Luna, elles seules parmi les nombreuses autres créatures magiques qui peuplent sans doute ce monde. Discord aussi est capable de les faire bouger, et il y a sans doutes ailleurs dans le monde d'autres êtres qui le peuvent également. De la même manière que chaque mythologie ancienne avait son propre dieu du soleil, plusieurs peuples ou espèces de ce monde-là ont sans doutes leurs propres versions des gardiennes du Soleil et de la Lune, Célestia et Luna ne sont donc certainement pas les seules à pouvoir contrôler les astres. Elles peuvent en influencer la course si elles le veulent mais, si elles ne font rien, ils continuent à tourner normalement.
Autre chose. Et que j'avais pressenti depuis les derniers chapitres.
Plus de magie. Soit. Celestia est capturé. J'assume que Luna est également capturé. On est d'accord ?
Comment le soleil se couche et la nuit prend place ? Je sentais que ce point avait été oublié. Le jour et la nuit n'est pas rythmé par la rotation de la planète, mais par la magie des deux alicorne.
Bon. On va oublier cette contradiction car sinon c'est toute la fic qui se casse la gueule (Je ne pense pas que les caprésien négligerais le rythme solaire en s'attaquant à la magie). Et elle ne le mérite pas. Mais c'est tout de même dommage :/