Recroquevillée sur elle-même pour prendre le moins de place possible, l'aventurière se tassa, serrant les dents, les muscles tendus, prête à subir le choc le plus violent qu'elle n'ait jamais connu.
Quand l'explosion vaporisa la maison où elle se trouvait, elle ne put s'empêcher de pousser un cri de panique animal alors que l'appareil où elle s'était refugiée était projeté dans les airs avant de retomber au sol avec fracas. Des étoiles dans le champ de vision, avec une sérieuse envie de vomir mais encore en un seul morceau, Daring Do se sortit tant bien que mal du réfrigérateur fumant.
J'interrompis là ma lecture reprenant quelques paragraphes plus haut pour voir si je n'avais pas perdu le fil à un moment où à un autre. Dix essais plus tard, je dus me convaincre que non, Daring Do venait bien d'échapper à une mort certaine en se cachant dans un frigo.
Je refermais séchement Daring Do et le royaume du sabot de cristal, dernier né de la série en cachant à peine mon mécontentement. Qu'est-ce qu'ils avaient fait de toi ma pauvre Daring ?
Je jetai plus que je ne posai le livre dans un coin de ma chambre et je m'allongeais sur mon lit, fixant le plafond et ses défauts. Un jeu comme un autre pour passer le temps quand j'avais les nerfs. Qui ne marchait jamais en plus.
Ca craignait. Ca craignait sérieusement. Et je ne parlais même pas du dernier Daring Do.
Les bouquins avaient toujours étés remplis à ras bord de scènes épiques, où l'archéologue se sortait in extremis de situations impossibles. C'était le sens même d'un livre d'aventure.
Mais là quelque chose clochait. Je n'arrivais plus à accrocher aux Daring Do comme avant.
Pas depuis le début de la guerre en fait. C'était un peu comme si je trouvais stupide et absurde que Daring se sorte sans une égratignure de tous les pièges mortels qu'elle rencontrait alors qu'ici au front, on voyait des poneys mourir à la pelle fauchés par une simple balle, un éclat de grenade ou une simple maladie. Au fond, je crois que j'en voulais à Daring Do d'être une héroïne de fiction immortelle.
Aujourd'hui, plus que d'habitude avec ce que j'avais appris ce matin.
C'était juste après m'être réchauffé les os avec un bon café brûlant et discuté des performances de notre dernier zeppelin avec d'autres soldats du PegasusKorps que Fluttershy était entrée au mess, l'air encore plus génée que d'habitude. Je lui avais demandé ce qu'il n'allait pas et de sa petite voix fluette, elle m'avait répondu qu'elle venait de recevoir la liste des pilotes tués au dessus des lignes ennemies.
Gilda en faisait partie.
J'avais vraiment eu du mal à me rendre compte et je n'y arrivais toujours pas. Gilda et morte, ça sonnait aussi bien que Pinkie Pie et déprime profonde. Je n'avais pas ressenti de peine, je n'avais pas pleuré mais je ne comprenais décidement pas.
Ca ne me semblait pas logique. Gilda avec tous ses défauts, avait toujours été une très grande pilote, presque aussi bonne que moi. Elle aurait pu postuler pour les Wonderbolts s'ils engageaient des griffons.
Alors que Fluttershy m'avait présentée ses condoléances, une anecdote m'était revenue en tête.
C'était à l'académie de vol de Cloudsdale, peu de temps avant une grosse batterie d'examens. Un alibi rêvé pour décompresser un peu avant les épreuves, même si au fond, on avait jamais vraiment eu besoin d'excuses.
Gilda et moi, on s'était éclipsées de l'internat pour aller faire deux trois courses avec des gamins de Cloudsdale.
On les avait battus à plate couture jusqu'à ce qu'un des pégases propose une course en traversant la salle des machines de l'usine météo, un endroit dangereux, plein de rouages et de trucs coupants. Pour peu qu'on négociait mal un virage à cette vitesse, on s'embrochait en beauté sur à peu près n'importe quoi. Bien sûr, c'était du bluff, histoire de voir si on avait des tripes. Personne de sensé n'aurait relevé le défi pour de bon.
Mais Gilda et moi, on était pas connues pour être les filles les plus sensées de Cloudsdale faut dire.
Alors on l'avait faite cette course, pour de vrai, moi et Gilda, à fond entre les roues dentées et les presses.
Couvertes d'égratignures et de coupures, on avait fait ex aequo, sous le regard médusé des gamins. Un d'entre eux nous avait demandé en balbutiant si on avait pas eu peur de mourir.
Gilda s'était contentée d'arborer un sourire en coin avant de répondre "mec, on est juste un tout petit peu trop cools pour crever comme ça. Le jour où on aura la mort aux trousses, elle aura intérêt à aller vite. Parce que Dash et moi, on va pas être du genre à poser nos fesses sur un nuage et à l'attendre."
Puis elle m'avait fait claquer le sabot contre sa griffe avant qu'on ne retourne discrètement à l'internat. Où on s'était prises une punition d'enfer pour s'être échappées d'ailleurs.
En fait, même si on s'était éloignées plus récemment, quand j'avais finalement compris qu'elle resterait sans doute toute sa vie bloquée à ce niveau de caïd de stratus qu'on avait été toutes les deux quand on était gamines, c'était malgré tout restée une amie.
Pas aussi intelligente que Twilight, aussi franche qu'Applejack, aussi généreuse que Rarity, aussi gentille que Fluttershy ou aussi marrante que Pinkie Pie mais une amie quand même.
Elle allait me manquer cette idiote.
Trois coups de sabots discrets frappés contre le chambranle de ma chambre me tirèrent hors de mes pensées. Je roulai sur le côté pour découvrir Derpy qui se tenait dans l'encadrement de la porte entrouverte. Je lui fis signe d'entrer alors que je m'asseyais sur le lit. La pégase grise n'y alla pas par quatre chemins.
_On a reçu ça il y a quelques minutes, m'affirma t-elle en déposant devant moi une enveloppe cachetée.
Je pris la lettre du bout des doigts, découvrant l'inscription "à remettre au lieutenant Rainbow Dash" tracée à l'encre rouge dessus. La cire qui fermait l'enveloppe comportait un signe que je connaissais depuis toujours, un éclair ailé, symbole des Wonderbolts.
_Spitfire, murmurais-je entre mes dents en retournant la lettre de tous les côtés, cherchant si autre chose était marqué sur l'enveloppe. C'est elle qui a jeté ça sur la ferme pas vrai ?
Derpy hocha la tête :
_Oui. Les gardes ont vu quelque chose passer très vite dans le ciel, trop rapidement pour qu'ils puissent l'arrêter ou faire quoi que ce soit mais ils ont reconnu sa robe jaune et sa crinière orange. C'est pas la pégase la moins reconnaissable du monde. Et elle a lâché ça en vol, dit-elle en désignant la lettre du museau. On a eu peur que ce soit un genre de bombe mais c'était juste une lettre.
_Tu sais ce qu'il y a à l'intérieur ?
_Bah non, me répondit-elle. C'est pour toi, j'allais pas l'ouvrir.
Je restais interdite quelques instants suite aux mots de Derpy. Dans l'armée toute entière, la moindre missive était ouverte et examinée au moins cent fois avant de parvenir à destination. On censurait les passages défaitistes et on signalait les lettres qui parlaient de désertion ou de rebellion. Mais pour Derpy, une lettre avait encore quelque chose de sacré, d'inviolable. C'était beau d'un certain côté, dans sa naïveté.
_Et donc, dis-je en reprenant le fil de mes pensées, personne à été capable de la descendre ?
Derpy me regarda - ou essaya du moins - d'un air étonné.
_On parle de Spitfire je te rappelle. Elle doit juste être au moins aussi rapide que toi. Tu crois que la chasse arriverait à t'arrêter toi ?
_On a quand même des canons DCA, contestais-je.
_Le temps que les poneys les braquent sur elle, elle était déjà partie expliqua la pégase en haussant les épaules.
_Ca peut quand même tirer super vite. D'ailleurs, toi, t'avais bien réussi à dégommer un des bâtiments alors que tu visais le ciel, non ?
_Oui, confirma t-elle. Je ne sais pas ce qui a mal tourné, dit-elle dans un gloussement. N'empêche que voilà ta lettre.
Elle s'éloigna à petits pas de mon lit et resta quelques secondes à l'entrée de ma chambre.
_Avant que j'oublie, je voulais te dire que ce soir, on va faire des muffins au mess. J'avais pensé que ça serait sympa que t'en ai un en plus, donc je vais en mettre de côté. Tu sais, un peu comme pour Gilda. Que tu le manges pour elle.
_C'est super gentil à toi Derpy, dis-je après quelques secondes d'étonnement. Je ne savais pas que tu aimais bien Gilda.
_C'est pas le cas, lâcha t-elle avec un demi-sourire, on a jamais été amies. Mais je sais que toi et elle, vous étiez proches, vous traîniez tout le temps ensemble à Cloudsdale. On va dire que c'est ma manière à moi de te présenter mes condoléances.
Puis, sans me laisser le temps de la remercier, elle quitta ma chambre.
Au fond, plus je la fréquentais, plus j'estimais Derpy.
Je me rallongeai sur mon lit et je calais mon dos contre mon oreiller avant de décacheter l'enveloppe et d'en tirer la lettre de Spitfire. Je la dépliai et je la lus.
Dash.
Je vais faire ça court parce que ça serait un manque de respect envers nous deux de s'éterniser, même dans une lettre.
Toi contre moi, seule à seule, ce soir minuit, au dessus du pré.
A toi de me prouver que tu peux battre une Wonderbolt.
Cap.Spitfire.
Je fronçai les sourcils. Un duel, hein ?
Dans un sens, ça ne m'étonnait pas de la part de la pégase. Un sabot à sabot, ça collait drôlement bien avec son style.
Alors que je rangeai la lettre dans son enveloppe, mon cerveau m'envoya des signes d'alertes.
Comme ceux disant qu'elle était largement de mon niveau ou que lors de notre dernière rencontre, elle avait personnellement tué deux pilotes allemands avec leurs appareils et brûlé les ailes d'un de mes ailiers en quelques secondes, à l'aide d'une arme qui m'avait semblé surpuissante.
Mais mes tripes me hurlaient de relever le défi de la pégase et de la corriger une bonne fois pour toutes.
Et comme à chaque fois où rationalité et émotivité se battaient en duel chez moi, ce fut cette dernière qui l'emporta.
Peut-être parce que Gilda était morte et que j'avais besoin de me passer les sabots sur quelque chose.
Je caressai des yeux mon écharpe blanche de soie porte-bonheur, qui pendait autour d'un des piliers du lit, me disant que j'aurais bien besoin d'elle dans les heures à venir et qu'elle n'avait pas intérêt à me lâcher. Puis je tournai la tête vers la table de nuit pour regarder l'heure au réveil. Bon.
J'avais encore quelques heures à tuer avant de partir pour un duel nocturne mortel avec celle qui était sans doute la pilote la plus brillante de l'Entente.
En fin de compte, me dis-je en reprenant le roman de Daring Do, je peux peut-être te laisser une autre chance.
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Sérieux, vous en avez pas marre de cracher sur Indiana Jones 4?
C'est probablement l'un des films les plus injustement critiqués au monde.
*mode cinéphile: OFF*
Excellent chapitre, encore. Je regrette de ne pas avoir lus ce chef-d’œuvre plus tôt.
"Aujourd'hui, plus que d'habitude avec ce qe j'avais appris ce matin."
que*
Un réfrégirateur ? Un réfrigérateur plutôt non ? :3