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MAI - My Arcane Intelligence

Une fiction écrite par lnomsim.

Chapitre 12 - Rennaissance

Chapitre 12 : Renaissance

Ça... ce n'est pas la lune. La seule chose blanche ici est la douleur qui me ronge la moitié du crâne. Si je finis par croiser un griffon, je lui demanderai de me rendre celle qui manque. Ce n'est certainement pas l'idée que je me faisais du repos. Le vide omniprésent n'a rien de relaxant, l'absence de tout n'exclut pas la brûlure qui lacère mon visage. Et ces murmures sont oppressants, ils se rapprochent petit à petit, toujours plus nombreux, plus bruyants.

Plus bruyants même que la détonation qui m'a vrillé les tympans et arraché le visage, ils se rassemblent autour de moi, indistincts, insistants. J'entends les mots mais ne les comprends pas. Ils m'écrasent, me broient, mes côtes se serrent, mes poumons se vident, le bruit devient de plus en plus épais. D'un va et vient tout autour de moi, ils se collent et s'amassent pour ne plus être qu'un léger remous, puis plus rien. Juste cette masse qui continue de grossir, toujours plus forte, un murmure toujours plus strident.

Alors que je sens mon dernier souffle arriver, les voix se remettent à ruisseler le long de mon corps. Lentement d'abord, comme une pluie fine, mais plus le temps passe, plus les gouttes se font épaisses, elles sont plus rapides, plus violentes. Ce n'est plus une pluie, c'est un ouragan, les murmures deviennent grêle, la pression se relâche, mais chaque grêlon vient me fouetter le visage et le reste du corps. Je n'arrive même pas à lever mes pattes pour me protéger.

Le déluge se fait toujours plus rapide et intense, si rapide, qu'une zone de silence se dessine devant moi. Un petit point, souvent noyé sous le flot des voix, il grandit, d'un petit point, il devient un cercle qui se déforme à chaque nouvel assaut. Mais il tient bon, il continue de croître et de dévier les murmures qui viennent me harceler. Il grandit au point de devenir un tube qui m'entoure et dans lequel je me mets à glisser. Plus vite, toujours plus vite. Je ne sais pas si je tombe ou si je ne fais qu'avancer, mais les voix ne sont plus qu'un charabia distant qui tente de m'éviter tandis que je fonce vers la zone noire qui ne cesse de grossir et se rapprocher.

J'essaie de ralentir sans y parvenir, le fond du tunnel approche : un gigantesque mur noir, fait de silence. Je ferme les yeux et serre les dents, le manque de corps et la seule présence de bruit ne m'empêchent malheureusement pas de sentir l'inévitable arriver.

Je suis soudainement éjectée du tunnel, ce qui reste de mon visage est le premier à faire contact avec le sol dur et tiède, suivi du reste de mon corps que j'ai encore du mal à contrôler. L'air chaud entre à grande bouffée dans mes poumons avant que je ne lâche un cri de douleur qui part se répercuter le long de tous les couloirs caverneux qui m'entourent. Ma perception se limite à une seule chose : le fer blanc qui consume chacun de mes muscles, la brûlure qui parcourt chacun de mes organes, la brisure de chacun des os dans mes pattes arrière.

Une à une, chacune des particules qui composent mon corps essayent de reprendre leur place, la sueur ruissèle partout autour de moi, je n'ai même plus la force de crier, ni même de fermer les yeux pour m'évanouir. Les tissus se reforment, les morceaux de mon crâne viennent se recoller un à un pour ensuite être lentement recouvert de chair, puis de peau. Je sens mon œil gauche remonter le long de mon museau, tiré par le nerf optique qui retourne dans son orbite avec un "plop !" qui me donne la nausée.

Mon visage finit par reprendre forme, mais le feu continue de dévorer mes pattes, comme des grains de sable qui frottent les uns contre les autres, mes os se rassemblent dans un craquement sonore, m'envoyant vagues après vagues de douleurs, jusqu'à ce que je ne vois plus que des étoiles, et finisse par m'évanouir.

Lorsque je rouvre les yeux, je suis pantelante et couverte de sueur. La douleur n'en est probablement pas la seule responsable, il fait une chaleur infernale. Le sol est tiède et humide, l'air chaud et sec, à tel point que mes lèvres se craquèlent. Si je ne suis pas au Tartare, ça y ressemble énormément. Un lourd vrombissement se fait entendre et ressentir à travers le sol et les... murs ?

Tout l'endroit semble trembler et bouger, comme si j'étais dans le ventre d'une quelconque monstruosité sortie des enfers. Je suis en plein milieu d'une galerie, totalement identique à toutes les autres qui m'entourent, baignées d'une lumière verte tamisée, qui pulse au rythme du grondement incessant. Il y a des couloirs partout ! Dans le sol, dans le plafond, et dans les murs. Non, plus des parois, ces choses sont faites d'une matière que je n'arrive pas à reconnaître. Je m'approche pour toucher la plus proche du sabot.

Comme le sol, la paroi est tiède et humide. Si à première vue, son aspect semble rugueux et prêt à s'effriter au moindre contact, en réalité, la surface est assez lisse, mon sabot glisse dessus de lui-même. Ce n'est certainement pas friable non plus, c'est dur comme du verre. Oui, à y regarder de plus prêt, on dirait que toutes les galeries sont couverte de verre, un verre sombre, tirant sur un vert malade qui noircit au plus profond de la matière. Ce doit être de là que provient la lumière qui continue de pulser lentement tandis que le sol gronde.

Les couleurs, la chaleur... et l'odeur de souffre qui règnent autour de moi sont presque oppressant, pourtant le bourdonnement et la lumière m'apaisent, je me sens lourde, ma respiration se fait plus lente, plus profonde. J'ai du mal à garder les paupières ouvertes. Mon cœur se met à battre en rythme avec la lumière, mes pensées s'échappent, oubliée la douleur, je ne cherche même plus à savoir où je suis ni comment je suis arrivée ici.

Je me sens presque à ma place. Je suis seule, il n'y a aucun bruit parasite. Tout semble être comme il se doit d'être. Je n'ai rien à faire ici, mais je suis sûre que ce n'est qu'une question de temps avant que je ne trouve de quoi m'occuper. De quoi contribuer. Oui... je dois contribuer, participer, le bourdonnement raisonne dans mon crâne et chacun de mes muscles comme une douce mélodie, c'est la voix de la collectivité, je la sens qui m'appelle.

Mes sabots bougent d'eux-mêmes, les galeries défilent devant mes yeux, je flotte au travers de chacune d'elles vers mon but. La température diminue jusqu'à devenir tolérable, le sol devient plus régulier tandis que les couloirs vulgairement taillés dans la matière lisse se retrouvent plus clairs, plus travaillés. Des arches commencent à se dessiner, la lueur verte et noire laisse place à une lumière plus claire qui se projette sur les murs plus détaillés.

La matière ne ressemble plus à du verre, mais à des pierres grises finement taillées et polies, régulièrement espacées par des colonnes en marbre rose. Le bourdonnement, comme la lumière pulsante ont presque disparus. J'ignore depuis quand je marche, mais le duvet sur lequel je pose chacun de mes sabots rend le voyage des plus agréables. Je ne ressens aucune fatigue lorsque mes sens reviennent peu à peu. Je me sens seulement calme, reposée. J'ai de plus en plus l'impression d'être à ma place. Cet endroit m'appelle, et tout au bout du couloir, se trouve ma destinée, je le sais.

Au plus j'avance, au plus la lumière est vive, et au moins le bourdonnement se fait entendre. Je n'avance plus que de ma simple volonté, sur les murs, des fenêtres sont apparues, faisant entrer la lumière du jour et donnant sur des jardins suspendus, haut au dessus d'une steppe qui s'étend à perte de vue. Des fresques me suivent le long du couloir, accompagnées de bas relief retraçant l'histoire de créatures équestres sombres.

Puis le couloir s'arrête. Devant un grand set de portes en bois rouge, ornées d'obsidienne. Sans hésiter, je tends un sabot vers les poignées dorées, et ouvre la porte.

Je suis noyée sous un torrent de lumière, lorsque mon Némésis, le soleil, vient m'éblouir.

"Free Will ?" Une voix familière me parvient de l'autre côté de la porte. Je baisse la patte qui me protège les yeux, et avec un effort suréquin tente d'ouvrir un œil.

Une grande forme noire se dessine devant un fond vert et bleu. Je cligne des yeux pour me faire à la lumière, à la vue de la créature qui se tient devant moi, un frisson me parcours l'échine. Sans même y faire attention, je fais un pas en arrière, mais la porte qui s'est refermée d'elle même m'empêche d'aller bien loin.

Je la reconnais, malgré son apparence difforme, la masse noire qui se tient devant moi ne peut-être qu'elle. Depuis qu'elle est entrée dans ma vie, celle-ci n'a jamais cessée d'être en sursis, elle m'a déjà prise une fois, et depuis, mes jours n'ont été que douleur et désastres.

"N'aies pas peur, c'est moi." dit l'ange de la mort en se rapprochant de moi, je me retrouve bloquée entre la porte verrouillée et sa masse imposante. "Night Stalker."

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Oh oui, me voilà rassurée, elle n'avait pas besoin de me dire son nom, sa- ou plutôt ses voix ne me laissaient pas de doute sur son identité. Cependant ça ne fait rien pour m'apaiser, bien au contraire.

Son apparence ne cesse de passer de la pégase athlétique au monstre aux yeux fendus, pour disparaître par moments dans une brume tout juste équine. "N'aies pas peur." Sa voix déphasée parvient tout juste à passer à travers le tambourinement qui résonne contre mes tempes. "Je ne veux plus te faire de mal. "Elle ne bouge pas, mais elle me bloque toujours contre la porte. "Je voulais juste te dire que je suis désolée." Sa tête semble se baisser, mais je ne saurais dire pour le peu que j'arrive à discerner. "Je n'ai pas réussi à te protéger..." Elle tend lentement une patte vers moi, au plus elle approche, au plus mon dos se colle contre la porte.

Une nouvelle vague de sueur froide vient me faire frissonner. Non, ce n'est pas que de la sueur, un vent glacial se lève, un rugissement accompagne les vagues déferlantes provenant de l'étendue infinie d'herbe en contrebas. Ma crinière me fouette le visage, tout comme celle de la changeline. Le ciel, toujours bleu et dénué de tout nuage se couvre d'une ombre plus sombre que la nuit, accompagnée par le roulement de l'ouragan.

Night Stalker tourne la tête dans sa direction, les quelques instants où son visage prend forme, il est marqué par la terreur. Une terreur bien plus profonde que la mienne, ses traits sont tirés et ses yeux si écarquillés qu'ils pourraient sortir de leur orbite. Elle se retourne rapidement vers moi et me plaque contre la porte. Ses yeux fendus plongent dans les miens, reflétant notre peur mutuelle. "Je suis juste désolée, je dois part-"

Une déflagration explose dans mes oreilles, l'ombre de Night Stalker, projetée par le choc m'écrase plus que je ne l'aurais cru possible. Sa forme disparaît et je suis envoyée sur la terrasse, mes sabots encore tremblants se dérobent. Le paysage se met à tourner tout autour de moi, à moins que ce ne soit le remous de l'explosion qui continue de m'envoyer voler dans tous les sens.

Puis plus rien. Le vent fait place au silence, l'ombre qui couvrait le ciel disparaît pour laisser le paysage se faire inonder de lumière. J'ai dû me heurter le visage en tombant, parce que la douleur est de nouveau là. Et bien méchamment, je ne vois plus rien de l'œil gauche. J'essaye de le frotter pour faire passer la douleur, mais mon sabot finit par le rencontrer plus tôt que je ne l'avais prévu. Bien plus tôt, trop tôt. Je regarde ma patte de l'œil droit et retient un cri d'effroi.

Mon œil est là, à côté de mon museau, pendant de son orbite, relié à mon crâne par un cordon de chair et de nerfs chauffés à blanc. La brûlure s'étend au reste de la partie gauche de mon visage, qui comme mon œil, pend en morceaux de chair et d'os. J'essaye de détourner le regard, mais quand mon œil gauche bouge plus vite que le droit pour me regarder avec sa surface vitreuse, c'est la dernière chose que je vois avant de m'effondrer sur le sol de la terrasse.

Le sol est moins inconfortable que ce à quoi j'aurais pu m'attendre. J'ouvre les yeux avec un grognement de douleur. Le coussin épais contre lequel je repose et la couverture qui enveloppe le reste de mon corps me protège des dalles et du froid glacial qui règne sur la terrasse. Le ciel est toujours aussi sombre, la steppe ne cesse de remuer sous les assauts répétés du vent nauséabond qui parcourt la plaine infinie. Au dessus d'elle, un nuage marron à m'en donner la nausée s'étend à perte de vue, bloquant toute lumière. La masse presque laiteuse et dégoulinante ne tient dans le ciel que par je ne sais quel miracle.

"Réveillée ?"

Mon regard remonte le long de l'aile qui me recouvre, puis le long du cou tout aussi noir, duquel flotte une crinière étoilée fantomatique, jusqu'à croiser les yeux fendus, seuls réelle source de lumière dans ce paysage sombre.

Les informations mettent du temps à monter vers mon cerveau. Je suis complètement groggy, j'ai la bouche pâteuse et les oreilles qui sifflent. L'air pestilentiel et le vent glacial ne font rien pour m'aider. J'essaye de me relever, mais la reine de la nuit m'en empêche, me resserrant contre son corps. Elle se penche vers moi et me donne un coup de museau.

"Tu n'es pas encore assez forte, tu as besoin de plus de repos."

La chaleur de sa voix et de son corps suffisent à m'apaiser, je me laisse fondre dans son étreinte et laisse ma tête reposer contre son flanc. La vue du nuage n'est pas sans me rappeler celui que je voyais depuis la lune. Ce n'est donc qu'un rêve, mais je me passerai volontiers de l'odeur. Plusieurs choses me chiffonnent cela dit. Premièrement, je ne vois toujours rien de l'œil gauche. Pourtant, lorsque je me passe un sabot sur le visage, celui-ci semble avoir repris forme.

Et deuxièmement... mon regard se porte sur la plaine morte qui continue d'onduler dans un rythme déchaîné.

"Où somme-nous ?"

L'alicorne regarde la plaine à son tour pendant un court moment avant de me répondre. "Dans ce qu'il reste de l'Empire changelin. A l'heure actuelle, c'est un magnifique pays, un gigantesque désert couvert de steppes, qui recouvrent d'innombrables ressources que les changelins se sont appropriés au fil des siècles. Leur exploitation souterraine a su préserver le paysage à la surface. Pour autant, si tu- si nous ne faisons rien, c'est à ceci qu'il ressemblera dans le futur. C'est tout ce que la folie des poneys réussira à apporter sur cette planète. Peux-tu ressentir sa douleur ?"

Je l'écoute, et en même temps, je sens mon cœur se serrer dans ma poitrine. J'ai grandie à Ponyville, j'y ai passé la majeure partie de ma vie. Je n'ai jamais vu de steppes de ma vie, pour moi, le paysage s'est toujours limité au pic de Canterlot, aux grandes chaînes de montagnes Equestriennes, aux plaines verdoyantes et les grandes forêts de l'ouest du pays. En dehors du smog de la capitale et du centre-ville de Ponyville, j'ai toujours été entourée de verdure, seulement interrompue par le gris des immeubles et des tours.

Voir le nuage dévorer la planète depuis la lune était déjà une vision horrifique. Voir cette plaine verdoyante transformée en un paysage noir et malade... Oui, je ressens de la douleur, mais aussi du dégoût, et de la haine.

"Ce sont les changelins les responsables ?" je demande la voix tremblante de colère.

Nightmare Moon se retourne vers moi, un léger sourire sur les lèvres et laisse échapper un petit rire. "Les changelins ?" A l'entendre, je viens de dire une sottise. "Nous savons toutes les deux qui sont les responsables, et les changelins sont bien les derniers qui seraient capables d'une telle abomination." Elle marque une pause et regarde autour d'elle, sa crinière flottant dans le vent froid et fétide.

"Est-ce que les princesses t'ont raconté la fameuse légende pour laquelle elles t'ont envoyé à l'autre bout du pays ?"

Je plisse le museau en essayant de me souvenir, mais rien ne me vient à l'esprit. "Pas que je me souvienne."

"Je suppose que la changeline n'a pas eu l'occasion de t'en parler non plus..."

Ce n'est pas la seule chose dont elle n'a pas eu le temps de me parler. D'ailleurs... "Où est passée Night Stalker ?" je demande en regardant sur la terrasse. Il n'y aucune trace ni ombre de sa présence.

Sa voix prend un ton plus sérieux et elle fronce légèrement les sourcils. "J'ai jugé plus prudent de l'éloigner pour le moment. Elle a déjà accompli une partie de sa tâche, mais s'est avérée incapable de te protéger comme il était attendu d'elle. J'ai beau ne pas être matérielle j'ai déjà fait un meilleur travail qu'elle il me semble."

Je ne peux pas nier que sans son aide, Green Pasturges aurait été un plus grand fiasco qu'il ne l'a été. Ça me demande un certain effort, mais le mot finit par quitter ma bouche. "Merci ?"

Le regard de l'alicorne redevient dur et froid. "Remercie-moi en honorant ta part du marché." Un frisson me parcourt le corps, puis sa voix s'adoucit à nouveau, presque maternelle. "Permet moi d'exister."

Un long silence s'installe, ses yeux fendus plongés dans les miens. "Quoi qu'il en soit, revenons-en à nos changelins. Sais-tu depuis combien de temps ils sont ici ?"

Quoi, ici où ? Dans l'Empire ? "Un peu moins de trois cents ans."

"Non, pas dans l'empire, dans notre monde. Sur cette planète."

Je prends le temps de réfléchir un instant, mais c'est une question que je ne me suis jamais posée. Il y a encore quelques jours, si l'on m'avait dit que je croiserai un changelin dans ma vie, je ne l'aurais pas cru. Et ici, le grand réseau ne semble pas fonctionner. Je ne sais même pas si je suis encore en vie ou ce qu'il reste de mon corps, la présence des changelins est bien le cadet de mes soucis. "Je n'en ai pas la moindre idée." Je finis par admettre.

"Et moi non plus, pas plus qu'aucun griffon, minotaure ou autre créature qui foule cette Terre. Même le plus vieux des dragons aura entendu un de ses ancêtres parler de changelins. Et à en croire leur propre culture, les changelins existent depuis la nuit des temps. Le problème avec les changelins, c'est qu'ils n'ont ni musées, ni grandes bibliothèques. Leur patrimoine est inscrit dans la collectivité. Et seuls les membres de la noblesse changeline ont un accès conscient à la collectivité.

"C'est là que Night Stalker est entrée en jeu. Un membre de la noblesse changeline au service de la couronne Equestrienne, une opportunité pour le pays comme l'histoire n'en avait jamais connue. Enfin, une opportunité pour la couronne, peut-être pas pour toi-"

"Attendez !" je l'interromps au même moment qu'elle termine sa phrase. "Vous voulez dire que Night Stalker était une noble ?"

"Pas au sens propre du terme... elle a une situation... compliquée, il vaudrait mieux qu'elle te l'explique lorsque tu la reverras. Pour le moment, tout ce que je peux te dire, c'est qu'elle a été mise au service de la couronne pour assurer la bonne entente entre Equestria et l'Empire changelin qui était en constante extension. Inutile de dire quels bénéfices peuvent apporter un changelin dans certaines sphères de la... 'Diplomatie'. Après tout, en vingt ans, tu ne t'es jamais rendue compte de sa présence à tes côtés."

Elle me dit ça avec autant de simplicité, et pourtant sa voix trahit une certaine malice, je sens mon sang commencer à bouillonner dans mes veines. "Est-ce que quelqu'un va se décider un jour à me raconter ce qu'il s'est passé ou est-ce qu'il va falloir attendre l'apocalypse et faire continuer de planer le mystère ?!"

Le sourire de Nightmare Moon s'élargit et elle me donne un petit coup de museau. "J'y viens, chaque chose en son temps.

"Toujours est-il qu'un changelin pouvait servir à autre chose que du simple espionnage, comme par exemple nous en apprendre plus sur leur histoire, sur leur culture, sur leur patrimoine. Et Night Stalker a pu, pendant un court temps évoluer parmi les plus hautes sphères de l'Empire, elle s'est révélée être une excellente source d'informations au cours des siècles. Pendant ce temps, la révolution industrielle et le MAI faisaient leurs ravages dans le pays, l'endoctrinement était développé, et la suite, tu la connais.

"Luna a commencé à faire son rêve, une Lune grande et puissante, capable de rivaliser avec la Terre. Alors que les corporations montaient en puissance et que les uppers s'affirmaient de plus en plus dans la société, le rêve s'est mis à changer, pour devenir ce que tu as vu. Ce que nous voyons. Mais elle a préféré fermer les yeux et se voiler la face, tout comme Celestia, elle s'est enfermée dans l'illusion que tout allait bien, ou qu'éventuellement les choses finiraient par s'arranger d'elles mêmes.

"L'ombre de la nuit a été remplacée par la lumière des villes, l'air frais des campagnes par la pollution des grands axes de circulation et des usines. Les poneys s'entassent dans les espaces urbains pour délaisser les grandes plaines. Petit à petit, Equestria se meurt, ses ressources disparaissent, et demain, voici à quoi ressemblera le monde entier." Elle montre la plaine couverte par le nuage marron, les yeux plissés et une légère tension dans la voix.

"Et un jour, Night Stalker parle de cette légende ancestrale. Sur l'origine des changelins, ces créatures qui seraient nées avec le monde. Bien entendu, je prends cette histoire avec un certain recul.

"Selon elle, les changelins ont toujours été, ils ont vu des espèces évoluer comme la nôtre, atteindre leur apogée, pour ensuite sombrer dans le néant, emportant une partie du monde avec elles, semant mort et désolation dans leur sillage. Pendant des millénaires et des millénaires, les changelins ont vu ce cycle se produire, ils ont vu le monde renaître, les espèces se hisser au sommet pour ensuite détruire le monde."

Elle marque une pause et se tourne vers moi, son regard me jaugeant. J'ignore si elle essaye de voir si j'arrive à suivre son histoire ou si elle cherche quelque chose d'autre. Mais avant que je n'aie le temps d'approfondir la question, elle reprend.

"C'est maintenant que son histoire entre plus dans le domaine de la légende, mais c'est ce qui semble avoir séduit les princesses. Selon Night Stalker, le monde vit que les changelins étaient toujours témoins de ce cycle de vie et de destruction. Alors ils furent élus pour prévenir les espèces de leur destruction imminente, mais ils ne furent pas écoutés et le cycle continua. Fatigué et épuisé, le monde décida alors qu'il n'était plus question qu'il meure avec ces espèces destructrices, et qu'avant qu'elles n'amènent le néant et la mort autour d'elles, il sèmerait le fléau pour les faire disparaître. Le feu devait détruire toutes leurs installations et les ramener à l'âge de pierre. Malheureusement, le feu se fit vite maîtriser et devint la fondation des civilisations des cycles suivants.

"Vint alors le vent, qui souffla si fort qu'il rasa tout sur son passage, l'air se fit si froid que les rares survivants ne pouvaient que succomber. Pendant plusieurs cycles, le vent fit son effet, et le monde put survivre. Jusqu'aux poneys."

Je regarde le ciel, la substance laiteuse est toujours là, l'herbe noire continue d'onduler dans le vent glacial et putride. "Je suppose que le vent est ce qui nous attend ?"

"C'est ce qu'on pourrait croire, mais nous avons déjà survécu au vent."

"Pardon ?"

"Oui, peu de temps avant la fondation d'Equestria, nous avons survécu aux Windigos. Nous ne les avons pas vaincu, nous leur avons simplement prouvé notre valeur, nous leur avons montré que nous pouvions changer, que nous pouvions vivre en harmonie et se débarrasser de notre instinct destructeur. Nous ne le savions pas encore, mais les changelins étaient là, comme à leur habitude, ils étaient témoins. Ils nous ont vus évoluer d'une société tribaliste et féodale en une utopie qui s'est lentement développée en harmonie avec nous même, et avec le monde.

"Nous sommes capables de contrôler le temps et de rendre vert le plus sec des déserts, les poneys terrestres ont une forte connexion avec la terre qui permet aux plantes de pousser dans les meilleures conditions. Les fermes de pierres précieuses permettent un renouvellement régulier du potentiel magique de la planète. Et cela a duré des millénaires. Millénaires qui ont vu naître Discord, Tirek, Sombra, d'autres entités maléfiques..." Elle prend une grande respiration, qu'elle relâche dans un grand soupir. "Ainsi que moi-même.

"Le monde a recommencé à nous percevoir comme une menace, mais jamais les changelins n'avaient côtoyés de créatures aussi, 'nourrissantes' que nous. A quelques exceptions, nous étions bons, dans tous les sens du terme. Il fut alors décidé que le monde, avant de nous détruire, nous lancerait un ultimatum. Le feu était inutile, et nous savions survivre au vent. Le suivant serait la Terre, elle ne viendrait pas pour nous détruire, mais pour nous donner l'occasion de nous racheter. Elle vivrait parmi nous, elle serait nous, elle nous comprendrait, elle nous ressemblerait, avec nos qualités et nos défauts. Et elle nous jugerait, elle déciderait si nous valons la peine d'être sauvés ou si nous devions être détruits. Cet esprit, bien qu'inconscient de son rôle, serait libre..." Nightmare Moon me lance un long regard. Je sais parfaitement où elle veut en venir, 'Free Will'.

"Je n'ai pas choisi mon nom."

Elle continue de me regarder pendant un moment, puis, sans même commenter, elle reprend. "Parmi les changelins, il y aurait aussi un esprit libre, un changelin capable de briser ses propres chaînes, capable de devenir un individu. Car ce changelin aurait besoin de son libre arbitre pour guider et protéger l'esprit de la Terre." De nouveau ce long regard.

Je ne dis rien pendant un moment, mais ce regard insistant me pousse à bout, et aussi hors de mes nerfs, accessoirement. "C'est complètement débile ! Ça veut dire que je suis dans cette merde à cause d'une prophétie à deux bits racontée par un changelin sociopathe qu'ont gobé les princesses ?!"

Je reprends mon souffle, geste que je regrette aussitôt lorsque l'air empoisonné m'arrache une quinte de toux. "Donc je suis quoi ?! Le poney de l'apocalypse ? Tout ça," je montre le paysage désolé qui nous entoure,"c'est de ma faute c'est ça ? C'est moi qui décide de ça ?! Par pitié, je ne suis qu-" je m'interromps avant de finir cette phrase, j'ai l'impression de me répéter, et je commence à en avoir marre.

"Je vois difficilement comment un poney seul peut entraîner autant de destruction. Et soyons honnête, ça," je secoue de nouveau le sabot vers la steppe, "ça ressemble pas vraiment à la destruction causée par la terre, je verrais plus des tremblements de terre, des glissements de terrain, des failles géantes ou encore des volcans. Ça, c'est indéniablement le vent !"

En parlant de vent, je sens son souffle sur tout mon corps et me met à frissonner. Sans même m'en rendre compte, je me suis levée et ait échappé à son étreinte. Nightmare Moon est restée allongée sur le sol, me dépassant toujours d'une tête. Elle me dévisage, le regard impassible, attendant simplement que j'ai fini de vider mon sac.

Voyant que je n'ai plus rien à dire, elle déploie son aile, sans qu'elle ne dise rien, je me faufile immédiatement contre elle où il fait bien plus chaud.

"Tu as fini ?" me demande-t-elle après m'avoir recouverte de son aile. Je me contente de hocher la tête, ce qui me fait grincer de douleur.

"Il est indéniable que Night Stalker a... quelques 'problèmes', pour ainsi dire. Elle a disparu il y a vingt-deux ans, sans laisser de traces, sans prévenir personne. Et l'an dernier, elle réapparaît comme par magie, annonçant aux princesses qu'elle t'a trouvée, et que, je cite, tu seras bientôt prête. La suite, tu la connais, elles se sont rendues à Apple Tech pour te rencontrer, et tu sais mieux que quiconque comment ça s'est terminé."

"Je ne vois toujours pas le rapport entre ce qui nous entoure et cette soi-disant prophétie."

"Tu ne vois pas ?" me demande-t-elle en haussant un sourcil. "Quand as-tu commencé à faire ces rêves ?" Elle me laisse un moment pour réfléchir, mais pas assez pour répondre. "Était-ce avant ou après être entrée en contact avec Night Stalker ?"

Maintenant que j'y pense, après, tout juste après, seulement quelques minutes après notre rencontre 'officielle', sur le chemin de Canterlot.

"Cette Terre qui se meurt, tu ressens sa souffrance ?" Elle tend un sabot vers ma poitrine. "Tu l'as vu mourir comme moi depuis la Lune, tout comme je t'ai vu mourir dans le même temps. Cette souffrance, c'est ce que ressent la planète qui se meurt, c'est celle que je ressens lorsque je vois l'avenir de la Lune.

Tu es libre de croire aux prophéties ou non. Après tout, ce ne sont que de vieux contes rongés par les temps. Mais il était prédit que je reviendrai mille an après mon bannissement, et c'est ce qui s'est produit-"

"Stop !" je l'interromps agacée et me relève à nouveau, peu importe le froid glacial qui m'entoure. "Je ne veux plus entendre de prophétie, de conte ou de légende. Rien de tout ça n'est réel, pour ce que je sais vous êtes la gardienne des songes, des illusions, vous m'avez déjà montré que vous pouviez m'infliger de la douleur via mon implant. Une autre chose qui est apparue en même temps que mes rêves, c'est vous. Depuis que Night Stalker est entrée dans ma vie, elle est devenue un cauchemar, et vous êtes un cauchemar, dans tous les sens du terme."

Je reprends mon souffle à contrecœur, retenant un haut le ventre. "Et Night Stalker n'est plus là, si elle est la changeline de cette foutaise, alors l'histoire tombe à l'eau, n'est-ce pas ? Plus de prophétie, plus que moi et ma vie de merde ! J'ai pas besoin qu'on me raconte une histoire et qu'on me balance des images choc pour comprendre que les choses ne vont pas. Les princesses, les Me, vous ? Vous voulez que je sois là, vous voulez que je change les choses ? Si c'est ce qu'il faut faire pour que je sois débarrassée de vous toutes, bien ! Je serai là, pas dit que je changerai grand chose moi-même, mais puisque ça vous fait plaisir !"

Je regarde vers le ciel, à la recherche, probablement inutile, d'une porte de sortie, celle du balcon étant toujours inaccessible, j'en ai marre de cet endroit, et je connais la fin du rêve, peut-être pas sous cet angle, mais j'ai perdu assez temps ici à écouter ces conneries. Je me retourne pour faire face à Nightmare Moon, qui elle aussi s'est relevée et me fixe d'un regard sévère. Si j'étais plus calme je me sentirai probablement inquiète, de crainte de subir un quelconque châtiment, mais le paysage cauchemardesque dans lequel nous nous trouvons est déjà en lui même ce que j'imagine comme étant le dernier cercle du tartare. Pour le moment je ne veux qu'une seule chose. "Faite-moi sortir d'ici, j'ai perdu assez de temps, au plus vite je m'y remets au plus vite ce sera terminé."

"Tu n'es pas encore prête, ton esprit est encore fragile et ton corps a besoin de plus de repos," répond-elle d'un ton grave. "Tu dois rester ici et comprendre l'importance de tes responsabilités."

"Mes responsabilité, j'estime être responsable de reconnaître les conséquences de mes choix. Jusqu'à maintenant je n'ai pas vraiment eu de choix, si ? Je n'ai pas souvenir d'être venue jusqu'ici de mon plein grès."

"Peu importe, tu comprendras avec le temps, et tu as réellement besoin de repos après ce qu'il vient de se passer."

"De repos ?" je m'entends rire d'exaspération. "Oh oui, quel repos, quel cadre idéal, je suis sûre que mon esprit si fragile n'a besoin que de ce froid et de cette atmosphère nauséabonde pour se remettre !"

"Je suis là pour t'accompagner et te protéger, tu m'aides dans le monde réel, je t'aide dans le monde des songes, c'est notre marché, accepte au moins que je fasse ma part." Sa voix se fait plus tendue et puissante. De l'intimidation ? Au point où j'en suis...

"Je m'en fous !!" J'essaie de soutenir son regard, mais malgré ma colère, je ne peux m'empêcher de ressentir un frisson de peur me parcourir. Ses yeux sont durs et froids, ses dents apparaissent derrière un rictus mauvais qui tire son visage, pour une raison que j'ignore, une rage bien plus puissante que la mienne semble bouillir en elle. Tout à coup, il me vient en tête que parler de la sorte à l'une des juments les plus puissantes d'Equestria n'est peut-être pas une bonne idée, mais comme je viens de le dire, pour le moment je m'en fous, je subirai son courroux quoiqu'il arrive à son premier mécontentement. Oui, pour le moment je veux juste sortir d'ici.

"Puisque tu insistes," dit-elle avec un grognement.

Puis... rien ne se passe.

* * *

C'est étrange, mon corps est parcouru de spasmes, comme si je ne le contrôlais pas. Au début, il n'y a que les ténèbres et mes tressautements, mais je ne ressens rien. Probablement la première fois depuis des semaines. Mais c'est un instant qui ne dure pas assez. Certainement pas assez. La raison pour laquelle mon corps ne cesse de se débattre se fait rapidement ressentir. Mon système nerveux, surchargé par tous les messages qu'il reçoit de chacun de mes membres retrouve rapidement tous ses sens.

J'ai envie de crier, mais mes cordes vocales tout juste recomposées s'enflamment et relâchent une explosion dans toute ma gorge. Mes pattes arrière, mes sabots, mon crâne, je me noie dans un océan de feu.

Je ne sens même pas les paires de sabots qui tentent de me retenir, seule une voix me parvient, indistincte, réussissant tout juste à passer le mur bourdonnant et sifflant de mes oreilles.

Me débattre devient plus difficile, mais peu à peu, le feu finit par se dissiper, pour faire place à... du lait pétillant, je n'ai pas d'autres mots pour le décrire. Mon sang devient laiteux, mes muscles s'engourdissent et mon cerveau explose sous une pluie de feux d'artifice semblant infinie. Tous mes sens recommencent à s'endormir, pour ne plus finalement laisser qu'une sensation de flottement.

Je me laisse bercer par les remous, mon corps cesse de gesticuler, ma respiration, même si toujours saccadée commence à se calmer, je me sens sereine, fatiguée mais reposée. Je n'arrive plus à me souvenir à quand remonte la dernière fois où je me suis sentie aussi bien. Si les muscles de mon visage pouvaient bouger, j'aurais probablement un sourire béat. Mais pour le moment, je vais juste profiter et me laisser porter. Et quand j'aurai le temps, j'essaierai d'ouvrir les yeux.

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Note de l'auteur

Merci à Kawete pour la relecture.

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herdac
herdac : #47383
bonne chance à ton pied alors ^^

dans l’espoir de vous contactée de nouveau
cordialement
Il y a 8 mois · Répondre
lnomsim
lnomsim : #47371
'
herdac24 avril 2017 - #47370
Pas de commentaire bon, je me lance ^^


À quand la suite T-T
Bah... au rythme actuel des choses... dans un an ou deux....
J'ai réussi à traduire un chap complet de Pink yes dans la jornée, donc je pense que si je me donne un bon coup de pied au cul, je peux faire un chap assez vite. Faut juste que je me donne le coup de pied au cul...
Il y a 8 mois · Répondre
herdac
herdac : #47370
Pas de commentaire bon, je me lance ^^


À quand la suite T-T
Il y a 8 mois · Répondre

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