Chapitre 14 - L'origine du mal

Un lieu sombre et mystérieux, baigné par les ténèbres, nageant dans la poussière et respirant le même air depuis des centaines et des centaines d'années. Ce lieu ancestral n'avait pas vu le moindre rayon de soleil et sentit la moindre brise d'air. Mais pour cet endroit délaissé, l'heure était enfin venue d’être à nouveau visité. Et de pouvoir enfin révéler tous ses secrets.

Et c'est dans un craquement sourd qu'à nouveau, il reprit vie.

Tout doucement, la porte découverte par les deux frère et sœur s'ouvrit, non sans difficulté. Des racines avaient recouvert l'huis comme des tentacules, la clouant au sol comme des barreaux. Mais avec suffisamment de force, elle céda.

Quand la lumière magique de la brave Marie éclaira les lieux, ce ne fut que pour découvrir le spectacle d'une grande pièce vide et démeublée. Comme si l'on avait déménagé l'endroit puis laissé à l’abandon il y a plusieurs années.

La poussière ne manqua pas de venir accueillir les invités, attirés soudainement par cet appel d'air venant de la porte.

« KEUF ! KEUF ! C'est délabré comme endroit », fit remarquer Marie, « Tu as une idée de qui c'est ce Starswirl ? »

« Juste le plus grand magicien de tous les temps », répondit Kilian, son écharpe devant sa bouche et le nez. « Et le père de notre ami. »

« Ah oui c'est vrai », se souvint-elle, « Donc, on a intérêt à visiter cet endroit », en convint, Marie qui cherchait une solide raison de se trouver dans un endroit délabré en pleine nuit.

Marchant avec douceur, et gardant un étrange silence respectueux, Kilian et Marie avancèrent dans les lieux. Chacun de leurs pas étaient une onde de choc sur le sol, envoyant tourbillonner poussière comme particules. La bâtisse respirait l'Histoire malgré son manque de contenu.

« Il n'y a rien ici ! On devrait peut-être monter à l'étage », indiqua Marie en apercevant un escalier. « L'on devrait aussi sortir Nova. »

« Ouais, bonne idée », entendit Kilian. Le jeune homme était surpris, dans le bon sens du terme, de voir que ce lieu était la bibliothèque Golden Oak. Il correspondait en tout point : sur l'emplacement de l'escalier, les étagères vides, la cuisine, et même le porte de la cave ! Une seconde !?

« Marie ! Cet endroit, c'est la future bibliothèque de Ponyville ! »

« Ah ouais ? » ne s'étonna pas la jeune femme.

« Ouais ! Mais là ! Sur ce mur. Il devrait y avoir une porte ! » prévint Kilian.

« Hein ? » s'en étonna cette fois-ci Marie.

« Une porte qui devait mener à une cave. »

La jeune aventurière amena sa main près du mur en question. Il n'y avait pas le moindre contour d'une quelconque porte sur la surface en écorce. Rien de rien.

« Cherchez dans les étagères », dit d'un coup la voix fluette de Nova. Kilian s'empressa d’enfin sortir l'orbe, s'illuminant d'un violet brillant.

« Pourquoi ? Tu veux dire qu'il y a un mécanisme ? » questionna le garçon.

« Mon père aimait bien s'amuser à créer des énigmes, des cachettes, des secrets. C'était son passe-temps quand il n'avait pas de sorts à concevoir ou d'étude à terminer. C'est pour ça que je passais mon temps dehors. »

« Il y a des pièges ici ? » s'alarma Marie.

« Pas que je sache », répondit-elle platoniquement. « Mais je sais qu'il y a une cave avec une porte cachée. L'interrupteur est dans les étagères. »

« Bon bah, il n'y a plus qu'à chercher », s’encouragea Kilian.

Ainsi, avec l'aide de Nova, ils cherchèrent. Escaladant les quelques étagères en hauteur, tout en faisant attention de ne pas déraper ou de ne pas s'appuyer sur quoi que ce soit de pourri.

C'était l'obscurité absolue. Seule la lumière de Marie et de Nova permettait d’apercevoir ou mettre les pieds dans ce lieu abandonné par les vivants. Il n'y avait que les souvenirs et l'histoire d'une grande licorne qui continuait d'habiter cette maison. Une histoire qui continuait de persister par les mécanismes délaissés par le vieux mage.

« Là ! » interpella soudainement Marie près d'une étagère. Elle s'était abaissé quelque peu pour atteindre dans un angle une drôle d'écorce aux rainures dessinant une bougie.

« Tout pour le tout », espéra Marie. La jeune femme appuya sur le mécanisme. Kilian s'était rapproché de sa sœur Nova en main, il regardait avec inquiétude l'endroit censé s'ouvrir.

D'abord, il y eut un clic, puis un roulement de rouage se fit entendre dans les murs, des grincements de cordes et enfin tout l'arbre géant sembla prendre vie comme un vieil homme qui venait de reprendre son souffle. Le Golden Oak trembla sous l'effort après des millénaires passés en léthargie.

Le son des mécanismes remplit l'air et l'espace pour à nouveau s'éteindre très lentement. Les deux aventuriers s'étaient crispés de peur de voir sortir un piège magique ou un monstre maléfique, mais non.

Là sur le mur, une lumière de couleur verte brilla sur la surface de bois. Des dessins apparurent, traçant des lignes se rejoignant entre elles, pour à la fin ne faire qu'une. Enfin terminé, le dessin montra une porte qui brilla d'une douce lumière comme des centaines de lucioles, puis peu à peu faibli pour le résultat final.

C'était décidément le bon bouton. Les deux aventuriers en furent soulagés. La porte de la cave était ouverte.

« C'est son lieu de travail personnel », fit remarquait Nova. « Il ne permettait à personne d'y rentrer. Même pas moi. »

« Et bien maintenant qu'il n'est plus là pour nous en empêcher, autant en profiter », en conclut Marie.

D'un léger mouvement de main, la porte s'ouvrit, laissant Marie, Kilian et Nova pénétrer en l’enceinte secrète de Golden Oak.

Directement après la porte, un escalier partait dans les profondeurs de l'arbre. Des racines noueuses descendaient le long des murs comme une cascade vers les ténèbres. Marie et Kilian faisaient extrêmement attention de voir ou ils marchaient. Les marches étaient faites de bois tordu par le temps, le tout pouvait être instable.

Au fur et à mesure de leur descente, ils commencèrent à voir le fond de la salle, et cette fois-ci, quand ils atteignirent la dernière marche, devant eux ce ne fut pas une salle vide qui se présenta mais bien tout un laboratoire.

« C'est rempli de bocaux et d'engins bizarres », fit remarquer Kilian devant l’apparition de quelques tables et meubles remplis de mixtures pourrissantes, de livres grignotés et d'équipements fêlés.

« Mouais, c'est à peu près ce à quoi je m'attendais », confia Marie « Des objets pourris et poussiéreux. »

« Moi pas ! Il y a forcément quelque chose d'intéressant. Fouillons ! » se motiva Kilian, pas près de laisser une occasion pareille lui échapper.

« Ok d'ac ! Mais ne perdons pas de temps. On nous attend dehors », rappela Marie.

Dans ce bazar millénaires, Kilian regarda tout ce qui pourrait être d'un quelconque intérêt.

Des bocaux de formol, non. Kilian ouvrit un grimoire au hasard pour recevoir une volée de poussière en pleine figure, il toussa, ça lui piquer les yeux et il en versa quelques larmes. Apparemment, aucun livre n'avait peut-être survécu malgré la pièce pourtant sans contact avec aucun air extérieur ou lumière.

Marie, de son côté, regardait curieusement de drôles de symboles sur un mur. Ils s'étendaient sur toute la surface et présentaient d'étranges auras magiques à l'approche. Marie pensa qu'il devait s'agir de sorts expérimentaux. Ils étaient dessinés n'importe comment et en pagaille, en tout cas ils semblaient peu organisés.

Kilian continuait de fouiller les tables et certaines étagères, mais rien n'apparut comme intéressant ou en bon état. Le temps s'était occupé de tout effacer minutieusement et avec patience.

« Pffffff… Pas un seul objet, pas une note, pas même un dessin de Starswirl Le Barbu. Il n’a quand même pas tout emporté avec lui », désespéra Kilian. Il s'approcha d'une autre table, prêt à faire chou blanc. Mais miraculeusement, sous quelques parchemins, un couvercle de verre recouvert de poussière apparut.

« Ça alors ! Marie, viens voir », appela doucement Kilian étonné par sa découverte.

Sa sœur le rejoignit, cette dernière vit son frère nettoyer un socle de verre de la main, laissant montrer un très vieux grimoire au couvercle rouge sur lequel des étoiles et des petits dessins étaient dessinés.

« Incroyable ! » s'exclama la petite voix de Nova.

« Quoi !? Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda Marie.

« C'est le journal de mon père ! Il est ici ! J'aurais pourtant juré... »

« Quoi ? C'est le journal intime de Starswirl Le Barbu ? » s'étonna une nouvelle fois Kilian.

« Lui-même », confirma Nova. « Ça ne peut-être que lui. Je reconnaîtrais ces dessins entre mille. C'est moi qui les avaient fais lorsque je n'étais qu'une petite pouliche. » Le petit orbe brilla d'un bleu pâle, « Je m'étais fait gronder par mon père ce jour-là. Pourtant il ne les a jamais effacés... »

Après ces paroles, Kilian très respectueusement retira le couvercle de verre, ce livre avait une grande importance pour Nova.

Quand il prit le grimoire, il eut peur de le voir se désagréger comme les autres, mais non, l'ouvrage resta compact et bien solide.

Très soigneusement, il ouvrit le grimoire, au côté de Marie et sous la lumière de Nova il lut les premières lignes.

Ceci est le journal de Starswirl Le Barbu. Mon journal.

J'y noterai chacune de mes remarques, pensées, notes d’expériences, ainsi qu'un léger récapitulatif de mes journées les plus marquantes. Si jamais je m'en souviens.

PS : Se souvenir de tenir quotidiennement un rapport de mes activités marqué d'une note de relecture.

En tant que premier chapitre de mon journal, et de ma vie. Je me dois de me présenter.

Je suis Starswirl Le Barbu. Premier chercheur en magie d'Equestria.

Notre monde n'en est qu'a ses balbutiements au moment où j'écris ces lignes. Il y a tant de nouvelles découvertes à faire dans la magie. Mes premiers sorts sont devenus de mon vivant des classiques d’utilisation parmi mes congénères, et pourtant j'ai le pressentiment de n'avoir vu qu'une brève partie de ce que cette énergie antique a à nous offrir. J'en ai eu la preuve dans mes recherches faites dans d'anciennes grottes datant du grand chaos, et de la période qui se nommerait 'L’embrasement'.

Il me reste beaucoup à écrire, mais je dois m’arrêter ici.

PS : Demander des livraisons régulières de matériel pour nouveau logis.

Nouveau jour, nouvelle aventure.

Je suis si souvent dans la lune que j'en oublie de tenir mon journal. Hier j'en ai oublié de rendre visite à la princesse pour son cours de magie. Je suis si absorbé par mes recherches, et avec ce déménagement dans la plaine du Pic solitaire. Heureusement j'ai le soutiens des princesses. Elles sont si jeunes, et si confiantes. Elles sont l'avenir d'Equestria, cela ne fait aucun doute. Je dois moi aussi leur montrer tout mon soutient. Par mon travail !

PS : Demander un libre accès permanent à la bibliothèque du château royal.

C'est une découverte formidable !

Après moult papillonnages de ma part dans mon dernier sort, le 'Pressepas', j'ai ensuite recommencé mes recherches sur l'origine de la magie. J'ai appris par d'anciens ouvrages qu'il aurait existé un être infiniment supérieur en tout point sur la magie. Un être si puissant qu'il pourrait vaincre les princesses, les esprits et les démons d'un revers de la 'main'. C'était bien le terme utilisé. La 'main'.

Les créatures en possédant sont les minotaures. Mais il n'était pas question d'un être à corne doté de sabots et de bras. Mais d'une toute nouvelle espèce. Plus encore, elle aurait été la seule en son genre. Un être unique.

PS : Faire installer les instruments de recherche à la cave. Donner le code aux serviteurs.

Kilian recula de la page après avoir lu les dernières lignes. Ce pourrait-il que Starswirl Le Barbu parle d'un humain ? LE Humain ?!

« C'est quoi cette histoire ? Un autre humain est venu dans Equestria auparavant ? » s'étonna Marie, « Moi qui pensais que l'on était les premiers. »

« Il doit s'agir de Meghan », supposa Kilian.

« Quoi ?! Vous connaissez Meghan ?! » s’excita soudainement Nova.

« De nom seulement. Mais perso' je suis étonné de voir qu'elle a vraiment existé dans ce monde. »

« On n'en sait rien ! Lis la suite ! » pressa Marie, impatiente de comprendre ce charabia.

Kilian se replongea dans la lecture. Il reprit la suite.

Nouvelle partie de mon journal. Je pense que ce livre me servira plus de pense-bête qu'autre chose. Mais il m’est relaxant d'écrire toutes mes pensées en son sein. Je suis si souvent absorbé par mes idées que j'en perds ma barbe le nord. Mais dernièrement, je pense qu'il est surtout dû à une certaine jument.

Mes sentiments ne me mèneront jamais aux réponses sur la magie et son origine, ni même sur cette incroyable créature au pouvoir surprenant. Que dis-je ! Au pouvoir incroyable !

Je dois faire preuve de pragmatisme. Je dois revenir au dogme du mage. Il n'y a pas plus raisonnable et logique. Je vais rester dans mon labo encore quelques semaines. Le temps d'oublier.

PS : Ne plus prendre rendez-vous avec la greffière royale. Noter chacune de mes confidences par un nombre.

5

Je ne peux pas y croire ! Elle aime autant que moi la période de 'l'Embrasement' et celle du 'Grand Chaos'. Elle m’a sorti des références que moi seule pensait connaître.

Comme exemple sur la créature, elle dit avoir déjà vu une fresque représentative de cet être. Et d'un document, des stèles découvertes dans un tombeau du désert de la toux sèche.

Sur les stèles des gravures datant du temps de 'l'Embrasement', elles n'expliquaient pas de quelle espèce était la créature. Mais bien souvent dans les louanges, un nom revenait. La Meghan.

Il aurait été dit que cette Meghan aurait combattu des êtres obscurs. Les louanges la représentait comme une sauveuse, une étoile venue du ciel pour brandir le flambeau de la magie du bien. Dans un combat final, elle aurait vaincu ses adversaires. Emprisonnant pour l'éternité les utilisateurs de la magie des ténèbres.

La magie des ténèbres ? La magie peut-elle être mauvaise ?

PS : Chercher de nouveaux documents sur le sujet.

PPS : Demander un rendez-vous avec Feather.

« Comment ça, la magie peut-être mauvaise ? Il ne le savait pas ? » s'étonna Marie. Ne comprenant pas que l'on pouvait être si crédule. Où était-ce elle qui était pessimiste ?

« De mon temps, la magie était vue comme un outil unique au résultat toujours harmonieux et sans problème. Il n'existait pas de sorcières ou de sorciers. Du moins pas encore... »

« Et pourquoi ça a changé ? » se demanda Kilian.

« Tout a changé parce que mon père s'est replongé dans l'histoire. Et qu'il y a trouvé ce qui ne devait pas être trouvé. »

Très vite entre les mains de Kilian, les pages se tournèrent à une vitesse affolante comme si une bourrasque venait d'entrer dans la pièce. Puis d'un coup, s’arrêta, pour laisser place à un nouveau chapitre.

« Voilà. C'était au passage 622. Mon père était depuis longtemps à la recherche de nouveaux indices sur cette 'autre' magie. Son âge commençait à se faire avancé. Il avait peur de laisser des mystères irrésolus avant de partir. Il en est venu à des mesures drastiques pour découvrir le passé. »

622

C'est le jour.

Depuis quelques années je rassemblais de nombreuses gemmes magique dite 'corrompues'.

La demande de telles pierres a éveillé les soupçons à la cour des princesses. Celestia est même venue me rendre visite alors que, dernièrement, les problèmes à la cour sont de plus en plus préoccupants. Surtout sur la question de la régence entre elle et Luna. Mais je ne m'occupe plus de tout cela depuis un certain temps.

Nova a découvert un dernier lot de ces pierres. Elle est aussi investie que moi dans cette affaire. Elle pourrait être ma digne successeure, et reprendre à ma suite tout le travail de ma vie. Je lui confirai sûrement la plume après cette expérience. Si elle réussit.

623

L’expérience est un succès !

Très brièvement, nous avons le contact avec un être séculaire, du moins c'est ce qu'il a dit.

Son ton était grave et résonnait comme un écho. J'étais conscient que nous rentrions dans un domaine qui nous dépassait complètement. Nova était à mes côtés, elle semblait absorbée par tout ce que racontait l’être.

Il disait s'appeler Grogar. C'était un bouc au pouvoir surprenant qui aurait rencontré La Meghan de son vivant. Il aurait combattu La Meghan pour l’empêcher d'asservir tous les poneys.

À mes oreilles, ces mots sonnaient faux. La Meghan était adorée de tous les poneys. Les fresques, les stèles, les gravures, les sites magiques. Aucun ne contait La Meghan comme une guerrière tyrannique.

Je mis fin à l'expérience rapidement. J'avais senti dans la pièce comme une aura malsaine. Les murs de mon chêne s'étaient flétris. L'air devenu lourd comme du plomb. Ou que ce Grogar puisse se trouver, il devait y rester.

624

Nova a disparu.

J'ai recherché partout dans la maison, au sous-sol, dans mes cachettes secrètes. J'ai demandé l'intervention de la garde auprès de la princesse. Après plusieurs jours de recherche, rien n'y fait.

Et plus inquiétant encore, les gemmes 'corrompues' ont disparu. Je ne retrouve pas la trace de leur signal magique, et encore moins celui de Nova.

Je n'aurais pas dû être aussi curieux. Être aussi tête en l'air. Têtu et stupide. Maintenant, ma petite pouliche a disparu. Et même si je ne le désire pas, je soupçonne le pire à venir pour les prochains jours.

Fin.

Oui, juste après ces dernières lignes, la page suivante était déchirée. Et l'autre aussi, et toutes les autres. Pour venir à la dernière page du livre ou se trouvait une dernière note aux lignes tremblotantes.

Mon tout dernier chapitre.

Juste avant d'écrire ces dernières phrases, je me suis relu. Du début jusqu'à la fin. Du jour où je ne portais qu'une brosse à crinière sur mon visage, jusqu'au moment où elle devint une immense cascade de poils blancs et raides.

Il m’est bien triste de le dire, mais ce ne sont pas les poids légers de la sagesse et de l'expérience de l'âge que représente cette barbe. Mais celui de la culpabilité et de l'avidité du savoir.

J'ai fauté. De si nombreuses fois. Je ne l’ai pas dit comme si c'était une vulgaire banalité, un vase que j'aurais brisée, une jument que j'aurais trompée, une tribu que j'aurais soudoyée. Non.

J'ai fauté comme un père qui aurait manqué à son devoir, j'ai fait la pire des choses à mon enfant. Aujourd'hui, je suis vieux et sénile. Mon incorrigible absence ne me permet même pas d'oublier et d'envoyer dans les abîmes mes horribles mémoires.

J'ai réveillé le malin. Tout Equestria est en danger par ma faute, et ce ne sont pas mes sorts ou mes grimoires qui nous sauvera de ce monstre assoiffé de vengeance. Il a déjà déversé son courroux en me prenant ma fille. Nova.

Après mûre réflexion, je déchirais toutes les pages à la suite de mon expérience. Elle contenait bien trop de savoir maléfique et d'indices pouvant mener des personnes mal intentionnées à leur fin.

Je laisse mon journal ici, en ces lieux maudits de souvenirs devenus trop lourds à porter. Toutes mes affaires seront données à la princesse Celestia. Ils seront amenés au nouveau palais sur le pic solitaire.

Maintenant que mon temps est terminé, je ne souhaite aux poneys que de l'espoir, du courage, et de la solidarité dont ils ont si souvent fait preuve. Et que tout mon savoir leur soit profitable à l'avenir.

Nova. Sache que si un jour ces mots parviennent jusqu'à toi, je voulais que tu saches que je t'aime. Peu importe le temps qui passera. Tu es ma fille.

Pardonne-moi.

Ainsi fut les derniers mots de Starswirl Le Barbu. Grand et illustre magicien de son temps. Une licorne rongée par le chagrin et la culpabilité, que même le savoir et l'esprit de la découverte n'aurait su consoler.

Kilian referma le livre dans un 'pouf' faisant voleter toute la poussière environnante.

Nova, qui était devenu bleu comme un ciel de nuit, ne disait plus un mot. Tout comme Marie et Kilian qui comprenaient la gravité de ce qu'ils venaient de lire.

« Nova ? C'est bien ce Grogar qui t'a enfermé dans cet orbe ? Et qui t'a séparé de ton corps ? » posa Kilian tout doucement.

L'orbe ne réagit pas directement. Puis elle laissa une légère étincelle d'éclair cligner au sein de sa prison. Comme si une minuscule tempête avait eu lieu en l’intérieur de l'orbe.

« J'ai été emprisonnée il y a longtemps par des mages qui m'avaient attrapé dans ma fuite. Je possédais les gemmes 'corrompues' de mon père sur moi. Ils m’ont alors emprisonnée. »

« Quoi ? Alors c'est toi qui a volé les gemmes !? Pourquoi avoir fait ça ? » demanda Marie, très méfiante.

« Pourquoi ?! Parce que mon père avait trouvé la porte d'un savoir illimité sur la magie. Et que par peur, il s'en éloigna et préféra garder tout ça secret et interdit. Mais j'étais plus curieuse que lui, et bien plus déterminée. Je ne pouvais pas laisser une telle occasion m'échapper ! Mon père savait qu'une telle découverte éclipserait toutes ses autres inventions. Qu'il serait connu pour avoir découvert la magie des ténèbres. Parce que c'est tout ce qui intéressait mon père. TOUT CE QUI L'INTÉRESSAIT C'ÉTAIT SA POPULARITÉ !! ÇA ET RIEN D'AUTRE !! » Nova éclata dans une lumière aveuglante ! Des éclairs vinrent faire vrombir la paroi de l’orbe. Kilian couvrit de sa main gauche ses yeux, ainsi que Marie.

Mais très vite, l'orbe se calma. Il n'y avait aucun dégât. Nova s'était emportée, et désormais s'était calmée dans une douce mais perçante lumière rouge.

Kilian retira doucement sa main de ses yeux et Marie fit de même. Jamais auparavant Nova ne s'était montrée si émotive.

« Donc... » commença Marie. « Tu es jalouse de ton père. »

Kilian grinça des dents aux mots de Marie. Voilà qu'ils risquaient de recommencer un nouvel emportement de Nova. Mais non. L'orbe devint peu à peu vert, puis bleu.

« Je n'ai jamais eu une chance de me détacher de mon père. Et ce Grogar était une occasion inespérée. »

« Mais c'était un sale type ce Grogar ! Il n'est pas un démon enfermé je ne sais où !? » s'emporta Kilian.

« Il était bien plus que ça. Il m’a montré la différence qui n'existait pas aux yeux des autres dans la magie. Il m’a raconté l'histoire des poneys. Et il m’a aussi donné le savoir pour traverser les mondes. Alors ne perdons plus de temps et partons d'ici. Ça doit respirer la saleté dans cette cave », hâta Nova.

« Une seconde ! » haussa Marie qui attrapa l'orbe de la main de Kilian. Elle regarda bien droitement Nova, la fixant de son regard le plus ténébreux.

« Nous avons toujours besoin de toi pour quitter ce monde de timbrés. Mais sache que maintenant, je t'aurais plus à l’œil que jamais. Si tu as fait équipe un jour avec un démon sorti des entrailles de la terre alors crois-moi… Orbe ou pas, si tu fais un seul faux bon, je te briserai en mille morceaux. »

« Euh, Marie... » s'inquiéta Kilian. Mais sa sœur leva un doigt, imposant son silence.

Nova s'était mis à rougir de nouveau dans un mélange de petits éclairs. Mais son ton retomba tout de suite sous l’œil dévastateur de Marie.

« J'ai autant besoin de vous que vous avez besoin de moi. Ne l'oubliez pas. Vous retournez chez vous, et moi, je retrouve mon corps. Le marché est toujours d'actualité. »

« Il l'est. » Marie jeta Nova à Kilian qui rattrapa in extremis l'orbe dans ses mains. Ce coup de frayeur avait tourné au jaune Nova qui vrombissait de colère.

« Bien ! Tout est clair ! Allez Kilian, on remonte », partit Marie, l'air satisfaite.

La jeune femme partit devant pendant que Kilian regardait Nova dans l’inquiétude et peut-être, un peu de culpabilité. Il n'aurait pas dû laisser sa sœur agir ainsi envers Nova, il n'approuvait pas. Kilian lança un regard triste vers sa sœur, puis rangea Nova et emboîta le pas.

En dehors, une fois l'arbre quitté, Marie et Kilian s'en allèrent vers le village endormi de Ponyville. Voilà bien deux heures que les dernières bougies, lanternes ou autres veilleuses s'étaient éteintes.

Ils laissaient deux aventuriers quelque peu fatigués traverser dans l'obscurité le village. Étrangement, la lumière magique de Marie qui veillait toujours donnait un aspect fantomatique aux deux humains. Ils revenaient d'un voyage dans le passé qui avait laissé songeur les deux frère et sœur.

Arrivé devant la gare, leur loyale escorte était restée de garde. Malgré le froid de la nuit, peut-être même la faim et sûrement la fatigue les avaient tiraillés.

Les lampes de la cabane servant de gare temporaire étaient toutes éteintes. Mais il restait toujours une jument aux habits de contrôleuse ferroviaire qui continuait d'accompagner les gardes dans leur veillée.

Elle était si aimable et attentionnée qu'elle avait offert au redoutable 'sabot de feu' des biscuits et un café. Que ces derniers semblaient avoir accepté. C'était la première fois que Kilian et Marie découvrirent les visages de leur escorte. Des étalons et juments aux coupes courtes et tressées, maquillés d'un tatouage dans le cou représentant un soleil enveloppant une épée et un sceptre présentant une main.

Quand le chef d'escouade aperçut les deux humains, il remit très rapidement son casque dans un glapissement de surprise alors qu'il mâchait encore un biscuit, sûrement à la noix de coco.

« Mes seigneurs ! Vous êtes ici ! Nous nous inquiétions de ne plus vous voir revenir ! » s'emporta-t-il.

Le reste de l'escorte avait aussi remis leurs heaumes. L'un deux avait placé son casque alors qu'il buvait. Du café brûlant coulait de travers de ses bouches d'aération.

« Oui ! Nous voilà ! On peut partir ? » demanda Marie les mains sur les hanches.

« Certainement ! Mais il nous faudra passer au tailleur une fois arrivé à Canterlot. Sa majesté veut faire de votre accueil un événement majeur pour la soirée du Grand Gala. »

« C'est vrai que ça fait trois jours que je n’ai pas changé de caleçon », pensa à voix haute Kilian.

« Mouais... » grimaça Marie envers son frère. « De toute façon, nous avons besoin de changer notre garde-robe. Ces derniers jours furent assez rudes. »

Cela dit. Ils partirent dans la nuit pour la ville du sommet, de la mode et du bon goût. En arrivant ils entreraient dans un superbe hôtel, iraient au meilleur tailleur, feraient les magasins, ça, Kilian y comptait bien ! Visiteraient la capitale qui aurait été construite avec la roche de la montagne ! Mais surtout, ils feraient la rencontre d'une des personnalités les plus importantes de ce monde. La princesse Celestia.

Au sein du carrosse, un étrange silence régnait. Marie et Kilian se donnaient des regards de compréhension et se firent comprendre qu'ils devraient être patients.

Ils ne comptaient pas parler en présence de Nova. Ces révélations sur sa vie antérieure avaient mis place à un doute dans l'esprit des deux aventuriers.

Nova leur avait menti.